Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

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Paradoxalement, Dieu dévore irrémédiablement l'intelligence. Ce faisant, l'Histoire s'évade en atteignant le silence du post-modernisme
Sacrote ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

3 Octobre 2006 ::

« Le fort de Douaumont »

:: Histoire contemporaine, 1916

Le fort de Douaumont, construit en pierres cimentées sur une colline dominant Verdun au cours du XIXème siècle, sera renforcé au début du XXème siècle d'une carapace de béton armé en conséquence de l'apparition des obus explosifs. Durant la bataille de Verdun, en 1916, ce mastodonte aux murailles de 2m50 d'épaisseur était le seul à pouvoir résister durablement aux obus de 400 mm, dits de "rupture".

Or, en 1915, Douaumont, comme les autres forts de Verdun, avait été privé de ses canons, et sa garnison avait été réduite à une vingtaine de territoriaux (dont la compétence première était le terrassement, et non le combat) commandés par un sous-officier pré-sénile. En effet, les généraux, ayant remarqué que les forts Belges de Liège et de Namur, réputés imprenables, avaient rapidement capitulé avec toute leur garnison en 1914 devant l'artillerie lourde allemande, avaient décidé que ces forts n'étaient que des pièges à rats et qu'il valait mieux les désaffecter. De plus, la France avait beaucoup trop misé sur l'infanterie et manquait cruellement de canons. Il sembla donc logique aux généraux de retirer les canons des forts (où ils ne servaient à rien) pour les envoyer aux "points chauds" du front.


L'ossuaire de Douaumont, qui contient les restes de 300.000 soldats allemands et français portés disparus lors de la bataille de Verdun

Le 21 février 1916, les Allemands déclenchent leur terrible offensive de Verdun, sans pouvoir nullement revendiquer l'effet de surprise. L'affaire ne surprend en fait les français que par son intensité. Le 25 février 1916, une douzaine de soldats Allemands d'un régiment brandebourgeois se pointent l'arme à la bretelle au fort de Douaumont et demandent aux territoriaux qui en assurent la garde de se rendre. Les français acceptent, puis leur "chef", constatant qu'ils ne sont que douze, dit au lieutenant allemand : "si j'avais su que vous n'étiez que douze, c'est moi qui vous aurais fait prisonniers". Et le teuton de lui répondre : "trop tard". Cette scène d'échanges courtois et pacifiques, dont l'authenticité est pourtant avérée, peut sembler totalement surréaliste au milieu de la tourmente sauvage et impitoyable de la Bataille de Verdun.


Le fort de Douaumont aujourd'hui. Le terrain, toujours lunaire et dévasté après quasiment un siècle, donne une idée de la violence des bombardements : on estime à 26 millions le nombre d'obus tirés par les artilleries, soit 6 obus au m²

Le lendemain, par l'intermédiaire du communiqué d'état-major, les gros titres des journaux sont à mourir de rire (c'est le cas de le dire, comme vous le verrez plus loin).

En France :
Les Allemands ont réussi à prendre provisoirement le contrôle du fort de Douaumont après avoir subi de très lourdes pertes provoquées par une défense acharnée de la garnison française.

En Allemagne :
A la suite d'une offensive héroïque, l'Armée Allemande a conquis de haute-lutte le fort de Douaumont. Les français ont dû évacuer le fort dans le désordre, laissant sur place de nombreux morts.

Jusqu'ici, tout ressemble à une farce ridicule. Mais là où la farce ne fait plus rire, c'est quand elle devient sanglante. En effet, allez savoir pourquoi, les Allemands n'ont pas jugé, eux, que le fort était inutile. A tel point qu'ils se sont empressés de réarmer les casemates de Bourges et les tourelles de canons et de mitrailleuses dès qu'ils en ont été maîtres. Le 22 mai, la 5ème division coloniale, composée de marocains et de sénégalais, en fait la triste expérience dans sa tentative de reconquête : les pauvres africains sont massacrés par centaines dans les fossés du fort qu'ils ne parviennent pas à dépasser. Ce n'est que le 24 octobre 1916 que les français (encore des coloniaux, d'ailleurs) parviennent enfin à le reprendre.


Photo du fort dévasté, prise juste
après l'offensive de 1916

Les spécialistes estiment que directement ou indirectement, la reprise du fort de Douaumont aura coûté à la France la vie de 100.000 soldats. Quand on sait qu'il a été pris sans combat par une poignée d'hommes portant le Mauser à la bretelle, on perçoit alors toute l'inique incompétence de nos généraux de l'époque.

draleuq, 00h22 :: :: :: [10 déclarations infondées]