Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je suis
fait comme
un rat !
Dans ton cul
Malheureusement, l'ignorance assassine parfaitement la démocratie. Ce faisant, la perfidie s'amenuise, immobile depuis le néant de l'existence
Lao Meuh ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

9 Décembre 2007 ::

« Louis XVII, roi deux fois mort - 2ème partie »

:: Histoire contemporaine, 1833

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. Louis XVII, roi deux fois mort - 1ère partie
2. Louis XVII, roi deux fois mort - 2ème partie



Le cachot

Après les exécutions de Louis XVI et Marie-Antoinette, le jeune Louis-Charles n'a plus grand monde sur qui compter dans sa famille : son oncle, le comte de Provence et futur Louis XVIII, s'est exhilé en Westphalie, et sa soeur aînée Marie-Thérèse (surnommée Madame Royale), âgée de 15 ans[1], est elle aussi retenue captive à la prison du Temple. Le 5 janvier 1794, alors que débute la Grande Terreur, pendant laquelle Robespierre tente de réduire au silence les députés montagnards de tout bord, le cordonnier Simon abandonne son rôle de précepteur, et Louis-Charles est enfermé quelques jours plus tard dans une pièce sordide et sans lumière de la prison du Temple. Le temps d'en faire un bon citoyen est fini : son cachot est infect, il ne reçoit aucune visite et ne parle pas même à ses geôliers. Son état de santé devient vite préoccupant : amaigri, amoindri, il est en particulier très atteint par la gale.

Le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), Robespierre est arrêté sur ordre de la Convention, qui le fait guillotiner le lendemain et proclame la fin de la Terreur. Les députés Girondins, plus modérés, sont rappelés au pouvoir. Dès lors, les conditions de détentions de Louis XVII s'améliorent un peu. Plusieurs personnes se succèdent auprès de lui, des médecins viennent le voir, mais son état de santé est médiocre : dès le début de l'année 1795, il apparaît que l'enfant souffre de tuberculose. Il vit prostré, ne pouvant plus déplier l'un de ses genoux rongé par la gale, et plusieurs des geôliers signalent au « Comité de Sûreté Générale » l'état de santé du jeune garçon. On envoie des chirurgiens auprès de l'enfant, mais il est trop tard : le 22 prairial an III (10 juin 1795), Louis-Charles de France meurt, dans les bras de son geôlier. Le jour même, son corps est inhumé dans une fosse commune du cimetière Sainte-Marguerite.

Naundorff, troublant imposteur

En 1833, 38 ans après la mort officielle de Louis XVII, des événements historiques majeurs ont marqué la France et l'Europe. Napoléon Bonaparte a tenu l'Empire et fait trembler l'Europe jusqu'en 1814, date à laquelle Louis XVIII est monté sur le trône lors de la Restauration. En 1824, Charles X a succédé à son frère, avant d'abdiquer après la « Révolution de juillet », les journées des 27, 28 et 29 juillet 1830, dites les Trois Glorieuses. Depuis, le roi est Louis-Philippe Ier, duc d'Orléans, soutenu par les orléanistes, au grand dam d'Henri d'Artois, petit-fils de Charles X qui réclame le trône, soutenu par les légitimistes.

Le 28 mars, un homme arrive à Paris, après avoir fait courir le message qu'il était en réalité Louis-Charles de France. Il s'appelle Karl-Wilhelm Naundorff, et n'est pas le premier a prétendre pareille chose : des dizaines de prétendants s'étaient déjà fait connaître, mais aucun n'avait pu réellement convaincre. Naundorff semble plus habile : il fait croire qu'une substitution a été opérée à la prison du temple, près de 40 ans plus tôt. Il faut bien dire que tant de braves gens, le légitimisme chevillé à l'âme, rêvent d'un providentiel retour du descendant de Louis XVI, que Naundorff n'a pas même besoin de dire quoique ce soit : ses admirateurs bâtissent son succès à sa place. On souligne son étonnante ressemblance (la couleur de ses yeux en particulier) avec le jeune Louis-Charles, on s'étonne de la précision de ses connaissances sur la jeunesse du prince, sur le château de Versailles et sur le palais des Tuileries. C'est bientôt toute une petite Cour qui se forme autour de lui, des satellites qui pourvoient à ses besoins, financiers en particuliers, bien entendu !


Karl-Wilhelm Naundorff en 1845

Naundorff est un individu excentrique, qui se prend pour un mystique : il fait des prédictions, prétend qu'il communique avec les anges... Mais le masque ne tient guère, et ses motivations réelles apparaissent finalement : il intente un procès contre la duchesse d'Angoulême pour récupérer l'héritage paternel, demandant la restitution des 300 millions de francs qui lui auraient été confisqués. Le régime ne peut en supporter davantage, et exhile Naundorff, qui se retrouve en Angleterre. Là-bas, son délire mystique devient des plus farfelus : il converse directement avec le Christ, devient prophétique, et finit par créer une secte qu'il baptise Eglise catholique évangélique. Mais après bien des années de bouffonneries, ses plus fervents admirateurs se lassent, et les ennuis financiers commencent pour Naundorff : il passe quelques mois en prison, poursuivi par des créanciers, puis prend la poudre d'escampette vers la Hollande.

Il réussit à obtenir un passeport au nom de Monsieur de Bourbon, et tente de prendre un nouveau départ. Mais il meurt finalement du typhus, le 10 août 1845, dans la ville de Delft. Aujourd'hui encore, sa tombe se trouve là-bas, et l'on peut y lire :

Ici repose Louis XVII
Charles Louis Duc de Normandie
Roi de France & de Navarre
Né à Versailles le 27 mars 1785
Décédé à Delft le 10 août 1845

La fin du mystère

En 2000, après 150 années de controverse sur l'identité réelle de Naundorff, au cours desquelles les descendants de ce dernier (il avait eu 8 enfants) n'ont cessé de clamer leur légitimité à prétendre au trône de France, le mystère s'est enfin éclairci : une enquête historique menée par l'historien et écrivain Philippe Delorme, alliée à des analyses ADN comparant les restes du coeur embaumé du jeune garçon mort au temple avec un cheveu de Marie-Antoinette, a prouvé que ce jeune garçon mort le 10 juin 1795 avait bien un lien de parenté avec Marie-Antoinette. Dès lors, l'usurpation de Naundorff n'a plus fait de doute. Ses descendants ont fait effectuer de nouvelles analyses en 2004, mais refusent depuis d'en publier les résultats. Etonnant, non ?


Le coeur de Louis XVII, relique placée dans la chapelle
des Bourbons de la basilique Saint-Denis, le 8 juin 2004


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1. Louis XVI et Marie Antoinette avaient également eu un autre fils (Louis), né en 1781 : il mourut à l'âge de 8 ans des suites d'une tuberculose, après une très pénible agonie. Le royal couple, qui aimait vraiment cet enfant intelligent et rieur malgré sa santé fragile, en fut totalement anéanti. Le peuple, quant à lui, n'en eut cure, alors qu'il s'était pourtant réjoui à la naissance du dauphin.

finipe, 01h08 :: :: :: [2 lettres de suicide]