19 Mai 2007 ::
« Le mode oui-oui »
:: Nombril
Contrairement à ce que laisse présager le titre de ce billet, il ne sera ici nullement question du héros anglo-saxon débilisant Oui-Oui, le gentil petit garçon qui aime aider le gentil policier à retrouver la trace des méchants voleurs. Notons au passage l'étrange différence de conception de l'autorité qui nous sépare, nous autres français, du peuple de la perfide Albion : tandis que les enfants anglais adulent Oui-Oui, l'ami des policiers, les enfants français sont élevés à l'essence de Guignol, qui lui a pour passe-temps de battre un gendarme à coups de bâton. On ne s'étonnera dès lors plus trop qu'une partie conséquente des français soit si réfractaire à l'ordre, élevée qu'elle est au sein de la bastonnade chronique des képis.
Mais qu'on ne s'y méprenne pas : je croyais autrefois être un garçon assez peu réfractaire à l'autorité, malgré une indiscipline notoire dans ma jeunesse (ceux qui me connaissent bien savent que c'est un euphémisme). Mais j'ai pu découvrir que j'avais bel et bien ce gène français de l'indiscipline lors de mon misérable passage dans l'armée : le premier jour, tandis que mes camarades et moi-même nous rendions au réfectoire pour aller avaler quelque tambouille infâme, le "juteux" (adjudant-chef pour les lèche-culs) nous hurla dessus telle une poissonnière de Ménilmontant : « Mais alignez-vous bordel ! C'est quoi ce tas ?! On dirait un putain de troupeau ! ».
Je sentis à cet instant précis, jusqu'au fond des mes entrailles, un profond, viscéral et irrépressible dégoût, et ne pus me résoudre à m'aligner comme les autres. Impossible. Et je sais que j'aurais préféré endurer mille supplices plutôt que d'obtempérer, tant cet ordre m'apparaissait vain, inutile et stupide. Heureusement, nous arrivâmes au réfectoire avant que le juteux pût s'apercevoir de mon indiscipline : je ne sus ainsi jamais si oui ou non mon sentiment était réellement inébranlable.
Mais, trêve de digression, il s'agit ici d'évoquer ce que j'ai coutume d'appeler le "mode oui-oui" (notons en préliminaire qu'il me semble probable que cela concerne essentiellement les individus de sexe mâle). Nous avons tous un jour eu affaire à quelque radoteur impénitent, qui rabâche des propos insipides, ou nous saoûle tant l'intérêt de sa conversation est inexistant. Vous savez ! La vieille folle qui yoyotte, qui raconte ses vacances au Touquet en 1954 avec ses cousins du Jura. Le beauf incurable qui étale toute son insignifiance en récitant par coeur le dernier catalogue de chez Porsche ou en faisant un commentaire circonstancié de la dernière journée du championnat de football. La poufiasse écervelée qui vous assomme de vacuités mondaines et d'imbécillités glanées dans les magazines fouille-merde...
Oh, certes, il serait très simple de couper court à toute conversation dès lors que l'on s'aperçoit qu'elle s'engage dans des rails malheureux, ou de tout simplement éviter les fâcheux, et ce au mépris de toute élémentaire politesse. Mais malheureusement, il arrive qu'il faille parfois, pour diverses raisons, faire preuve de diplomatie ou de patience contre son gré : pour le travail, en raison d'une position hiérarchique ou sociale, pour mettre une fille dans son lit, et mille autres raisons toutes aussi valables.
Eh bien c'est précisément dans ces cas-là que le mode oui-oui intervient : face aux radoteurs remplissant les critères sus-décrits, il s'agit d'acquiescer à fréquence irrégulière, en prenant un air pénétré, vivement intéressé, et de répondre par de laconiques « oui, oui ». Vous pouvez améliorer l'ordinaire par des « non », ou même ajouter des onomatopées pour varier les plaisirs : « Ah, oui », ou encore le célèbre mais néanmoins très efficace « Mmmh oui ». Et pendant ce temps, vous avez tout loisir de penser à autre chose : préparez mentalement votre prochaine liste de course, pensez à votre menu du soir, récapitulez les coups de fil que vous devez passer, etc. Pour ma part, je suis passé maître dans cet art !
Je le confesse, il m'arrive même d'employer cette méthode avec ma propre femme, et c'est précisément sur ce point que je soupçonne la gente masculine d'user bien volontiers de cet expédient... Ainsi, dès lors que je suis occupé à quelque chose et que ma femme me pose une question ou me parle d'un sujet qui ne m'intéresse pas, je passe en mode oui-oui. Au début c'était agaçant, maintenant nous en rions. Après tout, et ce même s'il y a de l'aspirine disponible dans un tiroir, les femmes ne passent-elles pas souvent en mode non-non ?
finipe, 22h30 :: :: :: [12 obscénités]
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