Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je vais te
ratiboiser
la colline !
Non mais
quel con !
Somme toute, l'esprit assassine amoureusement le respect. C'est ainsi que le temps s'évade, immobile depuis les cieux de l'imagination
Jean-Sol Partre ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

5 Avril 2010 ::

« Le palmarès des morts des rois de France - 1ère partie »

:: Histoire - Inclassable

Ce billet fait partie d'un sujet composé de trois parties :

1. Le palmarès des morts des rois de France - 1ère partie
2. Le palmarès des morts des rois de France - 2ème partie
3. Le palmarès des morts des rois de France - 3ème partie



Voici un billet historique un peu inhabituel, mais cela faisait longtemps que la chose me trottait dans la tête. Ayant souvent constaté combien nos rois furent victimes de bien des déboires, il me vint à l'idée de faire un classement des morts les plus inattendues, étonnantes, ou tout bonnement stupides. Pour ne rien vous cacher, il eût été en fait plus rapide de classer les rois morts paisiblement dans leurs lits !


10ème position : les assassinats

On connaît généralement les rois assassinés les plus célèbres, en particulier Henri IV, qui fut poignardé à mort par Ravaillac dans la rue de la ferronnerie le 14 mai 1610 (après avoir déjà échappé de justesse à une tentative quelques années auparavant). On connaît également Henri III, le dernier des Valois et prédécesseur d'Henri IV, qui fut quant à lui poignardé le 1er août 1589 par le moine Jacques Clément, un farouche partisan de la Ligue Catholique. Mais ce brave Henri III mérite également que l'on souligne que lorsqu'il fut poignardé, il était occupé à quelque besoin naturel sur sa chaise percée. « Méchant moine, tu m'as tué ! » s'est-il écrié... Méchant, certes : Jacques Clément aurait pu avoir la décence d'attendre qu'Henri III ait fini ce qu'il avait commencé !

On connaît cependant moins la longue enfilade des rois mérovingiens, dont les coutumes franques étaient quelque peu viriles, voire expéditives... Le premier d'entre eux à périr assassiné est Sigebert Ier, roi d'Austrasie (décembre 575), poignardé à coups de scramasaxe[1] sur ordre de Frédégonde, la sanguinaire femme de Chilpéric Ier[2] (roi de Neustrie), le demi-frère de Sigebert Ier. Heureusement, Brunehilde, femme du défunt Sigebert Ier, remet les compteurs à zéro en faisant assassiner Chilpéric Ier en septembre 584, poignardé par un homme qu'on ne retrouve jamais. C'est ainsi que le fils de Sigebert Ier devient à son tour roi d'Austrasie, sous le nom de Childebert II. Frédégonde, probablement vexée que sa belle soeur Brunehilde ait rattrapé son retard en matière d'assassinat d'époux, commandite d'ailleurs l'assassinat de Childebert II, qui est empoisonné avec sa femme le 28 mars 596.

Mais la famille ne s'arrête pas là : après la mort de Childebert II, ses deux fils se partagent la succession, et finissent par se faire la guerre. C'est finalement le cadet Théodoric II qui fait exécuter son frère aîné Théodebert II en juillet 612, après une victoire martiale. Bien mal lui en prend, il meurt l'année suivante, empoisonné. Le spectacle familial continue de plus belle, car à la mort de Théodoric II, son fils Sigebert II devient roi de Neustrie à son tour à l'âge de 12 ans, et sous la tutelle de son indéboulonnable arrière-grand-mère Brunehilde. Après un imbrigolio de complots, c'est finalement Clotaire II, fils de Chilpéric Ier et Frédégonde (morte en 597), qui fait exécuter Sigebert II, ainsi que Brunehilde, qui termine sa carrière atrocement suppliciée en place publique. La famille, il n'y a que ça de vrai !


Généalogie (très) simplifiée de la descendance de Clovis

Il faut également citer d'autres mérovingiens assassinés :

  • Sigebert III : fils du célèbre roi Dagobert Ier, victime d'un complot le 1er février 656.

  • Childéric II : assassiné en 675 avec sa femme (alors enceinte), par un seigneur vexé d'avoir été battu contre un poteau

  • Dagobert II : fils de Sigebert III, assassiné le 23 décembre 679 à la suite d'un complot ourdi par Pépin de Herstal, maire du palais et père d'un certain Charles Martel...

9ème position : les « flux de ventre »

C'est souvent sous cette délicate expression que se cache un mal communément appelé dysenterie. La dysenterie, donc, infection plus ou moins grave du côlon, provoquant notamment des crampes abdominales, des vomissements et des diarrhées hémorragiques parfois ; s'il est difficile d'apprécier l'exactitude du diagnostic à chaque fois qu'un de nos monarques est mort de ce mal (de nombreuses affections auraient pu passer pour être de la dysenterie), il faut cependant souligner le nombre important de décès dûs à ces « flux de ventre ». De nombreuses épidémies de « dysenterie » ont ainsi frappé le pays au cours de l'Histoire, emportant non seulement quelques rois, mais également de nombreux prétendants au trône, et de très nombreuses personnes qui ne demandaient rien d'autre que de manger au moins deux fois par jour.

Citons donc nos gagnants pour cette catégorie :

  • Dagobert Ier († 19 janvier 639) : et voilà donc pourquoi le « bon roi Dagobert » de la célèbre chanson éponyme mettait sa culotte à l'envers...

  • Louis VI († 1er août 1137) : roi obèse, il était surnommé le gros en raison de son amour immodéré de la bonne chère. Notons que son fils aîné Philippe, héritier du trône, est mort de façon assez stupide lui aussi, en tombant de cheval après que sa monture ait été effrayée par un cochon[3]

  • Louis VIII († 8 novembre 1226) : dit le lion, il meurt de la dysenterie en pleine croisade contre les Albigeois[4]

  • Louis IX († 25 août 1270) : mort sur le chemin de la 8ème Croisade, sous les remparts de Tunis, l'on croit souvent que Louis IX a succombé à la peste, mais il s'agissait bel et bien de la dysenterie.

  • Philippe III († 5 octobre 1285) : surnommé le hardi, il meurt du même mal que son père et son grand-père précédemment cités.

  • Philippe V († 3 janvier 1322) : dit le long, il meurt des suites de la dysenterie après cinq mois d'agonie.

La dysenterie reste donc un des grands pourvoyeurs de la Faucheuse !

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1. Le scramasaxe est une sorte de gros coutelas franc.

2. Sanguinaire, c'est peu de le dire... la liste des meurtres dont elle fut la commanditaire est longue comme un jour sans pain !

3. Plus de détails dans le billet suivant : « Le cochon régicide qui changea l'Histoire »

4. Voir à ce propos : « L'armée de Dieu dans le Languedoc », de mon estimé confrère draleuq

finipe, 01h19 :: :: :: [4 haineuses invectives]