Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je vais te
ratiboiser
la colline !
Pauvre
tocard...
Etrangement, l'Homme répand inévitablement la religion, de sorte que le temps se délite en courant vers le secret du post-modernisme
Confunius ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

28 Février 2012 ::

« Encore un génocide... Ça devient lassant ! - 2 »

:: Paparatzi

Ce billet fait partie d'unj sujet qui en comporte trois :
1. Encore un génocide ? Ça devient lassant ! - 1
2. Encore un génocide ? Ça devient lassant ! - 2
3. Encore un génocide ? Ça devient lassant ! - 3


Qui d’entre nous n’a pas sa drogue ? Le monde dans lequel nous vivons n’en fabrique-t-il pas tous les jours de nouvelles ? La drogue suprême, celle qui ne se mesure ni en grammes ni en litres, celle qui est gratuite, toujours disponible, n’est-elle pas en chacun de nous ? Elle se nomme indifférence, elle tue plus sûrement que toute autre. Grâce à elle nous supportons l’intolérable, nous pardonnons l’inexcusable, nous oublions ce qui devrait rester à jamais dans nos mémoires.

G. Lautner (« Un inconnu dans la maison »)


Indifférence

Je me souviens, ça devait être en 1994, j’avais donc 22 ans. C’était un dimanche chez mes parents, on fêtait je ne sais plus quoi, et il y a eu les informations télévisées. On en entendait parler depuis un moment, du conflit au Rwanda entre les Hutus et les Tutsi, et il se disait régulièrement qu’il y avait des massacres de commis.
Mais ce jour-là, on a vu, très brièvement, l’interview d’un pauvre diable. Il pleurait, il disait qu’on avait tué toute sa famille et que lui avait reçu un coup de machette : il montrait du doigt sa plaie, bien visible. Son crâne était fendu sur au moins 30 cm, et ce qui choquait, bien plus que le sang qui lui coulait sur la joue, c’était qu’on voyait le blanc de l’os du crâne, et même, le blanc crème de sa matière cérébrale, en dessous, à l’air. Et lui il était là, et il parlait devant cette caméra, devant ce micro. Et ce qui choquait davantage encore, c’est qu’il était encore debout, avec ce trou béant dans le crâne, comme défiant l’apesanteur.
Avec mon père, on s’est regardé. On n’a pas su quoi dire. On n’a pas pu réprimer un hoquet d’horreur, et on a rigolé, un peu jaune, mais rigolé quand même, comme pour exorciser.
Et après, je ne sais plus très bien ce qu’on a fait. Peut-être bien repris du gâteau et un verre de mousseux.

Le phénomène est bien connu : si on lit un truc dans le journal, on s’en fout.
Si on le voit à la télé, on en parle pendant quelques jours avant de l’oublier.
Pour qu’un truc pareil commence réellement à nous émouvoir durablement, il n’y a pas trente six solutions : il faut qu’« ils » viennent crever sur notre paillasson. La gueule ouverte. Et encore, si on ne les connaît pas, c'est même pas sûr que ça suffise.

Le samedi suivant, il est probable qu’à l’émission du médiateur de France Télévision, des téléspectateurs parleront de ces images, mais ce sera pour s’offusquer qu’on puisse les montrer à une heure de grande audience, au risque de traumatiser nos petits chérubins, nos esprits tranquilles et notre bonne conscience. Ce ne sera sûrement pas pour s’offusquer que quelque part sur terre, des êtres humains font ça à d’autres êtres humains. Et qu’on laisse faire.


1991-94 : la guerre en Yougoslavie occasionne des exactions en tous genres sur les civils que l’on taxe poliment de « nettoyages ethniques ». Les principales victimes en sont les Musulmans Bosniaques, même si les civils Serbes et Croates subissent également de sanglantes représailles. Parmi les charniers découverts, voici celui de Srebrenica, tristement célèbre.

Tiens ! Bonjour voisin ! Comment ça... **SCHLAK**

Une des choses qui m’ont marqué, dans les génocides de Yougoslavie et du Rwanda, c’est la manière dont le quidam moyen peut devenir une brute sanguinaire, du jour au lendemain, dès lors que la conjoncture politique lui en donne le droit, voire l’y encourage. Y compris en choisissant pour victimes expiatoires des gens avec qui il a des liens de sang, de parenté, de voisinage.
Les témoignages faisant état de ce genre de chose se sont très rapidement multipliés, et plus encore des années après lorsqu’il y a eu la Loi d’Amnistie au Rwanda pour ceux qui passaient aux aveux, et les procès des Tribunaux Pénaux Internationaux créés spécialement pour ces deux génocides.
C’était, en Bosnie par exemple, un Serbe marié depuis des années avec une Musulmane, ayant eu des enfants avec elle, et qui oubliait subitement ses liens familiaux pour embrasser la cause suprématiste Serbe, allant jusqu’à laisser zigouiller toute sa belle-famille, voire la zigouiller lui-même.
C’était, au Rwanda par exemple, une famille Hutu qui habitait depuis toujours une maison à côté de celle d’une famille Tutsi. Leurs parents respectifs étaient déjà voisins, ainsi que leurs grands-parents respectifs. Ils cohabitaient depuis toujours en bonne intelligence, se disaient bonjour le matin quand ils se voyaient, s’invitaient de temps à autre, une fois chez l’un, une fois chez l’autre, et leurs gosses jouaient ensemble dans la rue. Jusqu’au jour où le monsieur de la famille Hutu débarque avec quelques comparses chez son voisin. A coups de machette, ils massacrent le père de famille, puis tous les enfants sous les cris d’horreur de leur mère, enceinte, qu’ils violent collectivement avant de l’éventrer.


1994 : au Rwanda, l’assassinat du président de la république, Hutu de son ethnie, devient prétexte à une vaste opération de carnage systématique envers toutes les personnes de l’ethnie Tutsi. Un million de morts en trois mois, pour la plupart à coups de machette ou de gourdin clouté. Le génocide le plus rapide de l’histoire.

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draleuq, 18h35 :: :: :: [0 constatation éclairée]