Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Patience et longueur de temps
C'est ce qu'on dit
Parfois, l'envie décroche joyeusement l'art. Ce faisant, la mort s'enrichit en rampant depuis l'au-delà de l'individualisme
Ploton ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

7 Janvier 2008 ::

« Montcharvaux, sauveur de Louis XV »

:: Histoire moderne, 1744

La guerre de succession d'Autriche

En ce mois d'août 1744, les tensions sont vives en Europe. Depuis 4 ans, la guerre de succession d'Autriche provoque bien des conflits : la reine de Hongrie Marie-Thérèse de Habsbourg[1], jeune et dont l'autorité est contestée par sa propre famille, doit faire face à des disputes pour la succession du Saint Empire. Dans la tourmente, par un jeu d'alliances et de diplomaties, sont entraînées la France, l'Espagne, l'Angleterre, la Sardaigne, la Hongrie, la Saxe... L'année précédente, la France a subi une lourde défaite contre l'Autriche et l'Angleterre à la bataille de Dettingen[2], au cours de laquelle la prestigieuse compagnie des Chevau-légers de la garde a été totalement anéantie.

Une « fièvre maligne »

Malgré le piteux état des finances du royaume, Louis XV déclare officiellement la guerre à l'Angleterre et l'Autriche, le 15 mars 1744. C'est ainsi que, le 4 août, Louis XV entre dans Metz avec un détachement de l'armée des Flandres, pour ensuite se diriger vers l'Alsace où les armées ennemies se trouvent déjà. Mais le 8 août, le roi tombe gravement malade, pris d'une fièvre subite et inexpliquée, une « fièvre maligne » comme la qualifient commodément les médecins de l'époque. En hâte, les médecins parisiens sont amenés auprès de Louis XV, dont l'état est préoccupant : le chirurgien royal, François de La Peyronie[3], pratique des saignées, mais ne fait qu'affaiblir un peu plus le royal patient, dont l'état empire d'heure en heure.


Louis XV, dit le Bien Aimé

La ville est en émoi, c'est une véritable catastrophe : les armées impériales ennemies sont proches, et Charles-Louis-Auguste de Belle-Isle, maréchal de France, est au désespoir. Le clergé local fait réciter des prières publiques, et la nouvelle se répand à travers le royaume comme une traînée de poudre : le roi est au plus mal, le roi va mourir. La Cour se transporte entièrement à Metz, et le cardinal de Soissons vient en personne pour assister Louis XV dans ses derniers instants. Pendant ce temps, François Chicoyneau, médecin à la Cour, multiplie les médications débilitantes, qui ne font qu'aggraver encore et toujours la santé précaire de son patient. Le 15 août, à peine une semaine après le début de la fièvre, Louis XV reçoit l'extrême-onction, devant la Cour, les princes et princesses, et le dauphin de France Louis-Ferdinand[4].

Le mystérieux sauveur du roi

C'est alors que le duc de Richelieu[5] a une idée : il a entendu parler d'un certain Montcharvaux, un chirurgien-major du régiment d'Alsace, capable paraît-il de faire des miracles. On va donc chercher ce Montcharvaux de toute urgence, et Lebel, le premier valet de chambre du roi, l'introduit clandestinement auprès de Louis XV. « Le roi se meurt d'une inflammation des entrailles », dit Lebel à Montcharvaux. Ce dernier prend le pouls du roi, et affirme qu'au contraire, il n'y a aucune inflammation, et que le roi peut être sauvé. Puis, il fait avaler au patient un remède fortifiant de sa composition, et déclare, laconique : « le roi est sauvé ». La nouvelle fait le tour de Metz en un clin d'oeil !

Montcharvaux, haï par les médecins de la Cour, fait cependant une seconde visite à Louis XV quelques jours plus tard. Il dit au roi : « Sire, Votre Majesté est incomparablement mieux. Mais si vous désirez régner encore longtemps, il faut me laisser régner seul aujourd'hui. ». Le roi obtempère de bonne grâce : les médecins et courtisans sont chassés, les portes de la chambre sont closes, et on laisse Montcharvaux à ses soins. Il prépare un mystérieux élixir de sa composition, fait de 24 substances stimulantes : deux heures après, le roi sort de son abattement, c'est un vrai miracle.

Une fois Louis XV tiré d'affaire, Montcharvaux sort du palais. A l'extérieur, les Messins l'attendent en grand nombre, inquiets : « Mes amis, votre bon roi va mieux, nous espérons le sauver », déclare-t-il avec simplicité. La foule explose de joie, Montcharvaux est coiffé d'une couronne de chêne, porté en triomphe, et manque même de périr étouffé sous les ovations et les félicitations. Devenu l'idole de Metz, il est également l'homme le plus détesté des médecins parisiens : détesté tant et si bien qu'après cet exploit, il sombre dans l'anonymat...


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1. Parmi les 16 enfants de Marie-Thérèse de Habsbourg (!), figure notamment Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI et reine de France, qui finira — comme chacun sait — à la guillotine.

2. 27 juin 1743

3. Il a laissé son nom à la postérité, avec la « maladie de La Peyronie », une affection rare provoquant une déviation du pénis en érection. Fascinant, non ?

4. Il ne règna jamais, mais fut le père de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.

5. Cet excellent ami de Voltaire était l'arrière-petit-neveu du redoutable et célèbre ministre de Louis XIII, le cardinal de Richelieu.

finipe, 01h17 :: :: :: [3 cris de désespoirs]

:: COMMENTAIRES

 Viou , le 08/01/2008 à 11h25

Mince, il avait trouvé la recette du doliprane, et voilà qu'il sombre dans l'oubli et qu'on lui pique son invention !

 Viou , le 08/01/2008 à 11h26

hooo quel beau thème "fête des rois" dis donc !

 Sam, le 27/12/2014 à 22h20

DISCOURS DE M.TRIBOUT DE MOREMBERT
Président de l'Académie Nationale de Metz à la séance solennelle du 7 novembre 1974

Le célèbre médecin Esaias Cervus Ulman qui, selon la tradition, eut l'honneur de remettre sur pied Louis XV lors de sa grave maladie.
Comme il était impensable que le roi Très Chrétien ait été guéri par un juif, on découvrit un vieux médecin pensionné du régiment d'Alsace, Alexandre de Montcharvaux, à qui on fit endosser la guérison.
[http]

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