Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Ne pas juger
les gens sur la mine...
Ça c'est
balot...
Etrangement, la Femme décroche parfaitement la démocratie. Par là même, le temps s'oublie en courant vers le silence du post-modernisme
Cornille ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

20 Février 2008 ::

« L'incroyable périple en ballon de Gambetta »

:: Histoire contemporaine, 1870

Guerre franco-prussienne & fin du Second Empire

Juillet 1870 : le belliqueux premier ministre prussien Bismarck, grâce à la dépêche d'Ems, a provoqué la France, qui se laisse entraîner dans une guerre malgré la démoralisation de l'armée[1] et la vétusté de son équipement dépassé techniquement. Napoléon III, pacifiste, règne depuis 18 ans, mais est malade et fatigué ; il se laisse entraîner par les partisans de cette guerre et ne réagit pas. Les parisiens sont enthousiastes, on entame des travaux de défense, on bâtit des forts, on se presse avidement au combat, inconscient du terrible manque de préparation de l'armée.

C'est ainsi que tout le mois d'août n'est qu'une longue série de défaites des troupes des maréchaux Mac-Mahon et Bazaine, jusqu'à la terrible défaite de Sedan, le 1er septembre. Napoléon III y est capturé par l'armée prussienne, tandis que l'armée française a dû supporter 15000 tués, autant de blessés, et près de 90000 prisonniers. Ces infortunés soldats vont pourrir dans les conditions épouvantables du « camp de la misère », mourant de maladie pour beaucoup d'entre eux. Enfin, une dizaine de milliers de survivants a pu s'enfuir et rejoindre Paris, qui s'apprête à subir un siège.

Dans la nuit du 3 au 4 septembre, on proclame officiellement la déchéance de l'Empire, et le début de la IIIème république : parmi les membres du Gouvernement provisoire de Défense nationale qui est formé à cette occasion, se trouvent notamment Jules Trochu[2], Jules Favre, Jules Ferry, ou encore Léon Gambetta. Le 18 septembre, les uhlans (cavaliers) prussiens encerclent Paris après avoir traversé le pays sans rencontrer grande résistance, et le siège de la capitale débute.


Gambetta proclamant la IIIème République, le 4 septembre 1870

Quitter la capitale assiégée ?

Dès le début du siège, on pense à utiliser le ballon, popularisé par Nadar depuis peu, pour faire passer notamment du courrier et des messagers au nez et à la barbe des prussiens. C'est ainsi que, sans relâche, 120 couturières travaillent à la gare de l'Est pour fabriquer des ballons sphériques de 16 mètres de diamètre : pour les gonfler, un utilise le combustible des becs de gaz de Paris. Le gaz est rationné, on n'allume qu'un bec sur deux ; chaque ballon nécessite 1200 m3 de gaz pour être gonflé. Léon Gambetta envisage rapidement d'utiliser ce moyen pour rejoindre Tours et organiser les armées de province : on prépare son aérostat, on leste la nacelle en osier avec des sacs de sable, on installe la longue corde de 100 mètres qui permet des atterrissages difficiles, grâce aux gens au sol qui s'en emparent pour tirer le ballon à eux.

Enfin, le 7 octobre, l'Armand Barbès et le George Sand sont tous les deux prêts au décollage. A 10h30, Gambetta monte dans l'Armand Barbès avec deux autres personnes, et les ballons décollent dans la ferveur populaire, atteignant rapidement une altitude de 100 mètres. Pour gagner Tours, il faudrait profiter du vent du Nord, mais le sort est contraire, et le vent aussi : c'est un vent de Sud-Est qui se lève et qui pousse les ballons dans le mauvais sens, vers les lignes prussiennes ! Gambetta observe le sol, et constate amèrement que l'ennemi est partout ; à Epinay, à Chantilly, à Creil, les casques prussiens luisent. Acharné et jusqu'au-boutiste, Gambetta jette sur des tracts par dessus bord : ils ont été rédigés par Victor Hugo en personne. Aussitôt, les prussiens tirent sur l'aérostat, et l'on jette du lest pour prendre de l'altitude et se mettre à l'abri, à 800 mètres du sol.


Le départ de l'Armand Barbès et du George Sand

Le ballon se traîne à 10 km/h, Gambetta meurt de chaud et jette sa veste par dessus bord. Après un court moment d'accalmie, la pluie s'abat sur les aérostiers à la dérive, qui recommencent à perdre de l'altitude et à être exposés aux balles prussiennes. Le pilote commence à paniquer, il boit une rasade de rhum, et profite que Gambetta soit en train d'examiner la carte d'état-major pour ouvrir une valvule, espérant atterrir et mettre fin à ce cauchemar : Gambetta, le républicain acharné, le prend sur le fait et l'insulte copieusement ! Peu de temps après, l'Armand Barbès et le George Sand survolent Beauvais, elle aussi envahie par les soldats ennemis : les fusils crépitent de nouveau, Gambetta manque de peu de recevoir un projectile dans la main, et les ballons descendent toujours et encore, inexorablement alourdis par la pluie...

A bon port, malgré tout

A 15h40, l'Armand Barbès rase la cîme d'un bois envahi de prussiens, dans l'Oise, à 68 kilomètres de Paris, puis s'écrase dans un chêne ; la nacelle reste coincée en hauteur, et Gambetta avec. « Vive la République ! » hurle-t-il. Et plus bas, on lui répond : « Vive la France ! ». Inespéré ! Des paysans ont suivi la chute du ballon et se sont portés à son secours : ils aident Gambetta à descendre, après un trajet de plus de cinq heures[3]. Les uhlans sont à ses trousses, aussi sort-il précipitemment du bois, prend une voiture rapide que l'on met à sa disposition, et gagne en hâte Montdidier, d'où il prend le train pour Amiens. Il prend ensuite un autre train d'Amiens jusqu'à Rouen, puis un troisième de Rouen à Tours. Il lui aura finalement fallu deux jours et demi pour faire le voyage de Paris à Tours.


Léon Gambetta, et sa célèbre barbe


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1. Suite notamment à l'échec cuisant de l'expédition au Mexique.

2. Victor Hugo le qualifiera plus tard de « participe passé du verbe trop choir ».

3. Léon Gambetta s'en est plutôt bien tiré : on rapporte que certains ballons se sont abîmés au large des côtes de Belle-île-en-Mer, ou sont même allés s'écraser jusqu'en Norvège !

finipe, 01h34 :: :: :: [2 contestations]

:: COMMENTAIRES

 Viou , le 20/02/2008 à 19h00

Incroyable !

 Aimer Vivre à Saint-Cloud, le 04/03/2013 à 22h34

Bonjour, Savez-vous de quel endroit ces 2 ballons ont décollé ?
Merci.
Cordiales salutations,
Association "Aimer Vivre à Saint-Cloud"

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