Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
On s'en
fout
De plus en plus, l'on répand doucement la morale. Ainsi, la piété filiale se distingue en rampant depuis le bonheur de l'imagination
Lao Meuh ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

20 Août 2011 ::

« France profonde - 3 : périple dans nos vertes campagnes »

:: Baratin



Moi je vous parle de la vraie campagne, celle qui donne envie de se pendre

Franck Dubosc ("Pour toi public")


Après ce modeste carnet de voyage, abordons toute la série d’observations que j'ai faites durant ce séjour, et que je ne peux pas m’empêcher de vous faire partager, chers lecteurs, merci à vous deux (oui je sais, la dernière fois c’était trois, mais j’ai été tellement longtemps absent que j’ai au moins dû en perdre un dans la bagarre).

Pour mémoire, j’avais menacé d’aller dans la Corrèze ou le Cantal pour me soustraire au rush des estivants balnéaires, rush qui n’a finalement duré que quelques jours, avant que la côte atlantique ne sombre dans un mois de mars estival.

J’avais menacé d’aller dans la Corrèze ou le Cantal, et comme je ne fais pas les choses à moitié et que personne n’a cherché à me retenir, j’ai fait les deux.
Or, il faut savoir que ces départements, situés respectivement dans le Haut-Limousin et la Haute-Auvergne, appellation bouffie d’orgueil puisque précisément ils sont tout en bas du Limousin et de l’Auvergne (respectivement, toujours), ont pour particularité commune d’avoir une densité, en habitants/km², proche de leur numéro minéralogique, soit 19 et 15 (respectivement, encore une fois).

Braves paysans rustiques et durs au mal et au froid, les Corréziens et les Cantalous ont été envoyés en masse se faire buter dans les tranchées, du coup les Corréziennes et les Cantalouses (chais pas si ça se dit), pauvres veuves éplorées, sont descendues « à la ville » pour se remarier quand elles en ont eu marre de se taper la charrue toutes seules (non non, pas comme ça, quand même). S’en sont suivis la mécanisation de l’agriculture, devenue intensive, le marasme économique, l’enclavement, l’exode rural, la désertification… On connaît la suite, c’est dans tous les manuels de géographie.
Cinquante ans après, restent les vaches à viande, les vaches à lait, et les touristes. Oui je sais, c’est un pléonasme.

Or, même pour les touristes, c’est pas gagné. Car ces régions n’ont pas la mer l’été, et même pas vraiment la montagne l’hiver, pas assez en tous cas pour attirer skieurs et surfeurs des neiges. Ben oui, rappelez-vous, c’est pour ça que j’y suis allé, à l’origine.
Pour couronner le tout, dans le Cantal tout particulièrement, en plus il caille. Regardez la météo à toutes époques de l’année, il y a deux endroits de la carte où c’est mauve - bleu ciel, deux endroits qui rivalisent à qui aura la température la plus basse : le plateau de Langres et… Aurillac, dans le Cantal.

Dans ce contexte, inutile de vous dire que les Corréziens et Cantalous doivent déployer des trésors d’inventivité pour attirer les touristes vaches à lait. Petit guide des stratégies marketing de la France profonde…

Villages pittoresques

Pour commencer, il faut savoir que tous les villages de la France profonde sont « pittoresques ». Entendez par là authentiques, faits de pierre taillée, avec un toit de lauze volcanique ou d’ardoise venue tout droit des carrières corréziennes. Autrement dit, ils n’ont pas changé ou presque depuis des siècles, et pour cause, il ne s’y est rien passé, enfin je veux dire, rien de grave quoi. Ils n’ont pas été bombardés, incendiés volontairement, ou pris d’assaut par les agences immobilières, par les gentils messieurs portant une fleur de béton au revers de leur veston. Car déjà au moyen-âge, ces villages n’intéressaient personne, et ça n’a pas changé depuis. Pas d’intérêt stratégique, ni pour les généraux, ni pour les promoteurs.
Les villages de la France profonde sont tous pittoresques donc, sauf quand ils ont été brûlés par les nazis avec tous leurs habitants…
Hum, je retire ce que j’ai dit. Même là, ils deviennent pittoresques, d’une autre manière.

Villages étapes

Les plus pittoresques parmi les villages pittoresques, soit quand même une bonne moitié d’entre eux, soit plusieurs centaines je pense, deviennent aussi des « villages étapes ». On observe que les villages pittoresques situés près de l’autoroute ont une forte propension à devenir des « villages étapes ».
Qu’entendre par là ? Le message est clair : « on sait très bien que vous n’allez pas rester ici toutes vos vacances parce qu’au bout de trois jours vous vous ferez chier comme des rats morts, mais arrêtez-vous prendre une petite chambre d’hôtel pour deux nuits, un repas dans une taverne, une p’tite entrée de musée, allez siouplé… Non, vous voulez pas ? Une seule nuit alors ? Allez, on vous fait un prix d’ami… Toujours pas ? Même pas au camping ? C’est moins cher… Non, vraiment rien ? Allez par pitié, soyez sympa, faites un geste ! »

Appellations d’Origine Non Contrôlée

Une autre stratégie très répandue consiste à s’octroyer des titres honorifiques et/ou superlatifs, pouvant même aller jusqu’à « capitale de… » Comme il faut vivre avec son temps, l’adjectif « européen » est très en vogue. Bah ouais, « capitale française de… », c’est has been. « Capitale européenne de… », ça pète trop plus.

C’est ainsi qu’un village de quelques centaines d’habitants peut devenir « capitale européenne de la confiture », rien que ça, ou que vous pouvez vous rendre, dans les ruines d’un château isolé, à la « nuit européenne de la chauve-souris ».
Vous vous attendiez à quoi ? Il faut que ça reste crédible quand même : « capitale européenne de l’automobile », par exemple, ça l’aurait pas fait. « Nuit européenne de la musique techno » non plus.

On peut voir aussi, sur le fronton d’un village qui trouve que « pittoresque » ou « étape » ça fait un peu p’tit joueur, l’inscription suivante : « l’un des plus beaux villages de France ». « L’un des », un ensemble de trois articles indéfinis qui respire tout de même une certaine prudence, et qui attire du même coup une certaine suspicion.


Il y a quand même des labels qui font réfléchir.


La revanche de la France profonde

Il suffit d’aller dans un camping pour comprendre comment la France profonde a déjà commencé à prendre sa revanche, et la prendra de plus en plus dans les années à venir.
En arrivant dans ce lieu de perdition, mes filles de 6 et 9 ans sont devenues des attractions, car elles étaient les seules pensionnaires du lieu à avoir moins de 34 ans (j’étais le plus jeune après elles).
« Oh qu’elles sont mignonnes ces p’tites filles là » m’a dit la propriétaire du lieu.
« Oh qu’ça fait du bien de voir un peu des enfants » m’a dit une autre pensionnaire qui s’en allait vider son WC chimique dans le local prévu à cet effet.

Car ça saute aux yeux, dans ces « stations vertes de vacances », « villages étapes », « villages pittoresques » et autres, la moyenne d’âge dépasse allègrement les 60 ans.
Normal, c’est équipé pour les vieux : sentiers de randonnée et de cyclotourisme. Et pour les très vieux : calme et églises romanes du XIème siècle rehaussées d’un clocher gothique flamboyant et de stalles finement ciselées dans un style baroque polychrome.
Or, vous n’êtes pas sans savoir que la population française vieillit sensiblement, que le troisième âge, pardon, les « seniors », déjà un lobby avec lequel il faut compter, deviendra bientôt tout puissant dans l’hexagone.
Ce jour-là, mes amis, je vous le prédis, ce sera la désertification des plages, la fermeture des stations de ski, la disparition des locations de kite surf, de motoneiges, l’extinction des vendeurs de chouchous et des auberges à vin chaud. Ce jour-là, vous verrez, la France profonde aura sa revanche, AH AH AH !!!

En attendant, j’ai vu beaucoup trop d’homo sapiens encore. Je suis déçu. La Corrèze et le Cantal, c’est pas encore assez profond. L’année prochaine, je tente la Lozère. Ou le désert du Tadjikistan.


Le Cantal est aussi l'un des seuls lieux de France où vous trouverez encore des numéros de téléphone à deux chiffres, comme ici à Murat, chez ce rarissime vendeur de bières, limonades et eaux minérales au charbon.
N'est-ce pas fantastique ?


Copyrat draleuq 2007

draleuq, 17h29 :: :: :: [2 jubilations]

:: COMMENTAIRES

 Brath-z , le 21/08/2011 à 12h48

Je te conseille la Creuse.

 draleuq , le 21/08/2011 à 12h58

Tu dois avoir des dons de voyance...
Tu verras pourquoi demain ;)

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