Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Bigre, je me
ronge
les sangs !
C'est ce qu'on dit
En vérité je vous le dis, Dieu embrasse horizontalement son destin. Par là même, la mort se délite en courant vers le bonheur de l'individualisme
Phosocle ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

16 Mai 2012 ::

« Brigade Spéciale de Répression de l'Ecole Buissonnière - 1 »

:: Professorat

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte quatre :
1. Brigade Spéciale de Répression de l'Ecole Buissonnière - 1
2. Brigade Spéciale de Répression de l'Ecole Buissonnière - 2
3. Brigade Spéciale de Répression de l'Ecole Buissonnière - 3
4. Brigade Spéciale de Répression de l'Ecole Buissonnière - 4


13 h 30, premier indice

- DrrRrrrRrrring
- Ecole Machin, draleuq j’écoute ?
- Oui, bonjour, Mme Blondas, maman du petit Matteo qui est en CM1. En passant devant l’école en rentrant du travail ce midi, j’ai eu la surprise d’y trouver mon fils en train d’attendre l’ouverture des portes alors qu’il était sensé être à la cantine. J’aimerais avoir des explications.
- Eh bien c’est très simple madame, il n’a pas dû s’inscrire pour la cantine ce matin.
- Mais mon fils mange tous les jours à la cantine !
- Vous l’avez spécifié par écrit à l’enseignant ? Car si tel n’est pas le cas, le système habituel, en vigueur dans toutes les écoles de la ville, s’applique : l’enfant signale lors de l’appel du matin s’il mange ou ne mange pas à la cantine, et nous lui faisons confiance. Le midi, les enfants de plus de six ans qui ne mangent pas à la cantine peuvent rentrer chez eux seuls.
- Ah bon ? Mais nous sommes nouveaux de cette année, et je ne savais pas que ça marchait comme ça.
- Il n’est tout de même pas resté devant l’école depuis 11 h 50 ?
- Non. Il est rentré à la maison, il a sa clef qu’il utilise le soir. Et puis il est retourné à l’école assez vite, et c’est là que je l’ai vu. Du coup je l’ai ramené chez moi pour m’assurer qu’il mange correctement, et je l’ai renvoyé à l’école ensuite…
- Bon. Voulez-vous que je dise à l’enseignant de bien s’assurer tous les midis que Matteo reste bien avec les enfants de la cantine ?
- Oui, je vous en remercie.
- Ce sera fait dès cet après-midi. Au revoir madame.

13 h 45, l’intuition qui mène au crime

Je me dis que je pourrais attendre la récréation de l’après-midi pour aller dire ça à l’instit’ concerné, histoire de ne pas le déranger en pleine classe. Pourtant, une petite voix venue de l’intérieur me dicte d’y aller quand même.
J’y vais donc, je le fais sortir dans le couloir pour lui expliquer à l’abri des oreilles indiscrètes. Il me laisse finir puis me dit :
- Mais il n’est pas là cet après-midi.
- Ah ? (gloups) Bon, eh bien je vais me mettre à sa recherche et je te tiens au courant.

Je téléphone donc au domicile de Mme Blondas. Pas de réponse évidemment. Je téléphone ensuite sur son portable, sans plus de succès. Je laisse un message lui annonçant la « bonne nouvelle » et lui laissant mon numéro de portable (personnel bien entendu, car je pense qu’il faudra attendre le prochain déluge avant que l’on ait un portable professionnel) en lui indiquant que je me lance à sa recherche. Je téléphone à son travail, pas davantage de réponse. Je ne me démonte pas et j’appelle la grand-mère, indiquée sur la fiche comme « personne à joindre en cas d’urgence ». Elle décroche, je lui explique.
- Qu’est ce que vous voulez que je fasse ? conclut-elle.
Je lui dis alors d’essayer de joindre sa fille de son côté, que moi pendant ce temps je fais le chemin inverse entre l’école et le domicile.

J’appelle le chef ensuite, comme il se doit lorsqu’un élève est « dans la nature », et pour le prévenir que je me lance à sa recherche vu que je ne suis pas sensé sortir de l’école et que si jamais il m’arrive quoi que ce soit dehors et que personne n’était prévenu, j’en prendrai pour mon grade.
Le chef me fait tout raconter depuis le début, me questionnant dans les moindres détails, me faisant me demander par moments si c’est moi qui cause pas clair ou quoi, pour finir par conclure :
- Donc l’élève a quitté son domicile et n’est jamais arrivé à l’école ? Donc il n’a pas fugué de l’école ?
- Bien sûr que non, il n’a pas fugué. Notre responsabilité n’est pas engagée.
- Aaaaaaaaaaaaaaah ! (soulagement nettement audible, limite si on attendrait pas en substance un petit : « donc c’est pas notre problème, il peut crever, on n’ira pas en taule… »)
- Je peux quitter l’école pour partir à sa recherche, donc ?
- Euh, oui, bien sûr, faites donc ! Et tenez moi au courant sur mon portable. Je suis en réunion là, mais laissez-moi un message (notez l’habile manœuvre pour faire semblant de s’intéresser à son sort).

14 h 00, la traque commence

Je fais donc le chemin en sens inverse, à pied. Mme Blondas me téléphone en chemin, morte d’inquiétude comme on s’y attend. Elle vient d’avoir le message en arrivant au travail, du coup elle s’apprête à repartir chez elle. Je lui dis que je l’y rejoins.

Pas de trace du môme en route, ni vivant, ni blessé, ni agonisant, ni mort. J’arrive à l’adresse, c’est un petit immeuble de deux étages encadré par deux boutiques, dans une rue commerçante, une de fringues et une de décoration intérieure.
Je me dirige vers l’interphone : pas le moindre nom sur les étiquettes des 6 appartements. Je sonne à tous les appartements, les uns après les autres. Pas la moindre réponse.

Je commence l’enquête de voisinage. La boutique de déco d’abord. Le genre de boutique qui pue l’encens et la lavande, bourrée d’objets dont la laideur n’a rien à envier à l’inutilité, presque toujours déserte et dont tu te demandes comment elle n’a pas encore fait banqueroute. La vendeuse, une blonde peinturlurée et manucurée de frais, visiblement tout étonnée de me voir, vient à ma rencontre. Je lui explique la situation et lui demande si elle n’a pas vu un gamin traîner dans le coin ce midi. Elle est désolée, mais elle ne savait même pas qu’un enfant vivait là.

Je me retourne donc vers la boutique de vêtements pour femmes, dont on devine aisément le style rien qu’à voir l’âge moyen des quelques clientes qui hantent les rayons. Faut dire qu’on est en début d’après-midi et en semaine, et il n’y a guère que les retraités qui peuvent faire du shopping dans ces horaires.
Je répète donc mon histoire, mais évidemment la boutique est exiguë et ma voix porte, donc tout le monde entend et accourt pour apporter non pas son témoignage déterminant, mais ses impressions et sa compassion sincères :
- Oh la la, ben dites donc, c’est inquiétant ça, avec les choses qui s’passent de nos jours, hein…
- Ah, m’en parlez pas ! Et quel âge il a ce p’tit gars ? 9 ans ? Eh beh, c’est quand même un monde ce qu’ils peuvent oser maintenant les enfants. Vous vous seriez imaginée faire ça, vous, quand vous étiez gamine ?
- Cré non !
- Ah pour sûr, vous avez un métier de moins en moins facile, mon brave monsieur. On vous souhaite bien du courage !

Je m’éclipse après les avoir saluées et remerciées pour leur collaboration certes peu productive, puisque naturellement aucune des vendeuses ni des clientes n’avait vu quoi que ce fût. Préoccupé et pensif, je fais les cent pas sur le trottoir tel un gigolo le commissaire Maigret. Mme Blondas n’arrive toujours pas, et j’ai beau être dans une avenue, l’enquête est dans l’impasse…

Copyrat draleuq 2008

draleuq, 18h28 :: :: :: [1 haineuse invective]

:: COMMENTAIRES

 Brath-z , le 18/05/2012 à 12h39

Mazette, quel suspens ! Jack Bauer peut aller se rhabiller !

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