C'est
à nouveau par ce liminaire pléonasme que j'introduis céans le sujet qui me hante depuis 23 jours : le mois de novembre. A-t-on déjà vu mois plus laid que celui-ci ? Est-il possible d'imaginer pires décades que ces trois-là ? Le mois de novembre — honni soit-il — cumule toutes les tares d'une année statistiquement bien calibrée : il y fait froid, humide, gris, sombre, morose... Le brouillard règne sur les chemins et les routes, le jour baisse à une vitesse affligeante, et le passage à l'heure d'hiver détruit le moral du plus joyeux des Turlurons, Séraphin Lampion compris. Mais regardons-y de plus près : d'où vient-il ? Etymologiquement, il est le neuvième mois du calendrier romain (
novem), ce qui, chers amis, est tout à fait significatif de... eeuh de... de rien du tout, mais quand même, merde, c'est le mois de novembre !
Ce fourbe commence par la Toussaint, puis la fête des morts le lendemain : avouons tout de même qu'il y a plus guilleret que ce genre de célébration, sans compter les sempiternelles visites au cimetière de notre jeunesse, pour aller voir de vieilles grandes tantes que l'on n'avait jamais connu, et s'ennuyer quelques instants devant un rectangle de marbre arborant une photo sinistre. Le 3, on s'emmerde. Le 4, on célèbre l'invention de la caisse enregistreuse, et on déplore l'incident de
Fachoda avec ces cuistres d'anglois, cette perfide albion qui se complaît (cela ne peut être une coïncidence !) dans la brume qui tapisse Novembre. Du 5 au 10, on s'emmerde : c'est tout juste si l'on célèbre la mort de Paul Ricard, inventeur du breuvage éponyme.
Le 11, il est de coutume d'exhiber quelques Poilus tout décrépis par l'âge aux informations télévisées, afin de célébrer l'armistice de la "der des der" : ne pourrait-on pas leur foutre la paix à ces pauvres vieillards, et leur laisser vivre paisiblement leurs dernières années de vie ? Enfin bon. Il n'en restera bientôt plus, la poignée des derniers rescapés sont largement centenaires. Après cela, l'on sombre dans la morosité la plus inextricable, la plus indécrottable de toute l'année : novembre nous enveloppe de sa sinistre écharpe, et nous file une grande piqûre symbolique de thiopental sodique.
D'ailleurs, je me suis emmerdé à écrire ce billet. Et les lecteurs se sont emmerdés à le lire. Je hais novembre.