Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Ne pas juger
les gens sur la mine...
Et ta soeur ?
Malheureusement, l'esprit décroche joyeusement la morale. Ce faisant, l'amitié s'amenuise, se précipitant vers l'extase du post-modernisme
Cornille ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

26 Mai 2010 ::

« Cornin Bouchon vs Grosbill Rambomaniak »

:: Professorat

Exprimer une idée est une activité difficile à laquelle il faut s'exercer ; la télé supprime cet exercice ; nous risquons de devenir un peuple de muets, frustrés de leur parole, et qui se défouleront par la violence.

Albert Jacquard ("Petite philosophie à l'usage des non-philosophes")


Parlons un peu de l’avenir laborieux de nos chères têtes blondes. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi cette préoccupation devient chaque jour plus prégnante. Car enfin ce n’est pas la bravitude de notre Ségolène nationale qui devrait faire son entrée dans le dictionnaire (et le wiktionnaire), mais un autre néologisme dont la ressemblance phonologique avec le premier n’a d’égale que leur différence sémantique : la gravitude.

Pour brosser un peu le contexte, je n’exerce pas en ZEP, et ma classe de cette année est plutôt très bonne dans l’ensemble, cela fait même des années que je n’en ai pas eu d’aussi bonne.
En début d’année, nous avons lu un court roman policier, grand classique de la littérature de jeunesse, réédité à plusieurs reprises : « Le Crime de Cornin Bouchon ».



En voici le résumé :
Le narrateur et Foufouille sont deux enfants de l’assistance de 10 et 8 ans. Adoptés par Monsieur Magnat, ils vivent à la campagne dans la ferme de ce dernier. Les enfants ont vu leur voisin, un fermier assez acariâtre du nom de Cornin Bouchon, transporter une petite fille dans une couverture. Depuis, ils n’ont pas revu la gamine et sont persuadés que Cornin l’a assassinée. Punis par leur père adoptif pour avoir lancé des « œufs couis » (des œufs pourris) sur le mur de Cornin, ils sont décidés à prouver que c’est un assassin. Un mercredi, pour éloigner Cornin de chez lui, ils libèrent de son enclos son taureau Aldébaran. Pendant qu’il court après le taureau, les enfants en profitent pour pénétrer chez Cornin. Ils tombent nez à nez avec une petite fille couleur caramel qui hurle de peur en les voyant. A ce moment-là, Cornin revient avec Mr Magnat qui l’a aidé à rattraper le taureau. Explication : c’est sa petite fille à lui, il la cache parce qu’il a honte qu’elle soit noire (sa fille chérie lui a fait l’affront d’épouser un africain). Il reconnaît que c’est idiot, la punition est levée, ils vont pouvoir jouer tous les trois ensemble, tout est bien qui finit bien et personne n’a été assassiné.

Une fois que nous avons fini de le lire, je propose aux élèves une « production d’écrit » (ce qu’on appelait dans le temps une « rédac’ ») Le sujet : écrire une fin alternative tenant compte de cette phrase qui introduit une modification dans le récit :
« Foufouille et moi, on est cachés derrière un arbre. Au moment où Cornin sort avec sa trique pour aller rattraper Aldébaran, il parle avec la petite fille sur le seuil de la porte, lui donne des consignes, puis ferme la porte à clef derrière lui. »

Les productions d’un bon tiers de la classe m’ont totalement consterné, et c’est un faible mot. Je dois dire que ça m’a pourri toute ma soirée et une bonne partie de mon week-end. Il m’a fallu quinze bons jours pour préparer ma « riposte », tellement ça me laissait sans voix. En fait, c’est difficile d’en parler, ça se passe assez de commentaires, et pour que vous en soyez tout à fait convaincus, voici les pires en exclusivité.
Les productions faites par des spécimens mâles sont en bleu, celles faites par des spécimens femelles sont en rose, ce qui prouve que le bellicisme n’est plus la chasse gardée du sexe masculin.


Sources d’inspiration possibles : James Bond, Massacre à la Tronçonneuse.
Il coupe la porte avec une tronçonneuse et cherche le cadavre, il trouve la fille juste blessée. Cornin revient mais il voit que quelqu’un a coupé la porte, il trouve 007 et 009 et les attache à une chaise et met une bombe. Cornin part et à la 10ème seconde ils se libèrent et sauvent la petite fille et boum la maison explose. Cornin revient avec un bazooka, « tic » il appuie sur la gâchette, mais il n’y a plus de balle, mais il y a une balle dans sa poche et il dit :
- Je vais vous exterminer.
Et ils répondent :
- Nous on va t’exterminer et tu vas aller en taule. 009 dit : « et si il est mort comment il va aller en taule ». Je réponds : « Ah j’avais pas pensé ». Cornin dit : « Bon vous arrêtez vous (mot illisible). » « Tic » je prends la fille et je me jette par terre et boum ça explose. Cornin dit : « Ah je n’ai plus de balle » et je lui mets une bonne (deux mots illisibles) dans le ventre (le mot « zizi » est raturé avant « ventre ») et il dit : « Ah ! Mon ventre (le mot « zizi » est raturé avant « ventre ») ! » et la police passe à côté mais Cornin devait avoir prévu ça et il sort un pistolet et tire sur le policier mais il y avait des balles et le policier meurt et Cornin va en prison.



Sources d’inspiration possibles : Call of Duty Modern Warfare, 24 heures chrono, Blanche Neige (pour la dernière phrase).
Les enfants prennent le pistolet de Monsieur Magnat, ils montent dans l’arbre et ils tirent à côté du taureau pour qu’il aille plus vite, on est descendus de l’arbre et on est allés dans la maison et on a vu la petite fille presque morte et elle disait : « tuez-moi s’il vous plaît. » On a dit : « Dommage mais d’accord ». On est remontés dans l’arbre pour tirer, on a tiré à côté d’Aldébaran, une, deux, trois fois sauf à la quatrième on a tiré dans la jambe de Cornin Bouchon pour le ralentir, on est allés à la base militaire et on a enclenché le missile XXV280 et on a entendu « Boooom » et c’est tombé sur la maison à Cornin, on est rentrés, la maison était bousillée, et on a donné un coup de pied dans la porte et on a vu un tiroir à l’entrée qui s’est ouvert et on a vu le squelette de la petite fille tomber et s’exploser par terre. En rentrant Cornin Bouchon avec la jambe en sang tombe sur le palier et dit : « qu’est ce que vous lui avez fait ? » J’ai dit : « on l’a tuée Aaaaaah » en rigolant. Foufouille et moi on a dit : « On va te tuer parce que si papa apprend ça on retournera à l’Assistance ! Bye ! » et on a tiré « Boumm ». On est rentrés chez nous et on a dit que Cornin est allé raccompagner et allé habiter en Afrique. Papa a dit : « Tout est bien qui finit bien ».


Sources d’inspiration possibles : difficilement identifiables tellement c’est débile. Une parodie coréenne de Matrix, peut-être ?
Nous avec Foufouille on a vu la petite fille somnambule donc on l’a réveillée. Du coup, elle s’est suicidée. Nous on trouvait ça marrant qu’elle s’était suicidée avec des poules. Tout d’un coup Cornin Bouchon arriva et on lui a jeté des œufs couis et des veaux et du haut du toit on l’a balancé sur Aldébaran et il est mort ! Ensuite, Foufouille et moi on a fait la fête et on a bu du Champagne. Notre papa arriva, nous prit dans ses bras et nous dit :
- C’est bien mes garçons, on s’est enfin débarrassés de lui !



Sources d’inspiration possibles : Commando, Rambo, Delta Force, Fast and Furious, Catch Attack.
Moi je trouve un bazooka et j’appuie sur n’importe quel bouton et j’explose la moitié de la maison. Il reste la chambre, la cuisine et la salle. Et d’un coup il y a une pluie de pièces, Foufouille et moi on récupère les pièces. Foufouille dit : « Je crois que j’ai compris, on a eu le coffre fort de Cornin Bouchon. » Après je prends l’ordinateur de Cornin Bouchon et je commande une ferrari. Foufouille prend le bazooka et explose la grange de Cornin. J’ai une idée, Foufouille met des œufs couis dans le bazooka… et Cornin arrive, je lui dis : « Eh Crotin Pochon attrape ça ! » et je lui envoie 5 œufs cuis dans la tronche. Il tombe dans les pommes, sauf que… Aldébaran charge et je dis : « Vite ! Munitions ! » et Foufouille fouille dans sa poche, trouve un hologramme, il scanne Aldébaran et Aldébaran a peur. Cornin Bouchon croit au démon. Il se relève et tue Aldébaran. Et Foufouille avec excès de colère (il adore les animaux) prend une tronçonneuse et tue tout le monde sauf moi et Monsieur Magnat. Je dis : « faut cacher le cadavre ! » Foufouille dit : « Ouais ! On va dire que c’est Cornin Bouchon ! » Je dis : « Ouais ! Mais… C’est lui Cornin Bouchon ! » Et ma Ferrari arrive, 111 500 € la Ferrari c’est pas donné mais une de course ça va. Le livreur voit les cadavres et dit : « Vous… Vous les… a… avez… tu… tués ! » Foufouille prend un calibre 12 et « Pan ! » dans l’estomac. « Bien visé frérot ! » Et comment on fait pour transporter Aldébaran ? Mmmm… La Ferrari dit Foufouille, eh oh c’est ma Ferrari, allez bon d’accord c’est parce que c’est toi. Eh mais on n’a pas oublié quelque chose, la fille !
Je dis : « J’arrive avec un bourrin ! » Boom ! Foufouille applaudit l’artiste. J’appelle (ici énumération logorrhéique de plus de 20 noms propres anglo saxons écrits en franglais, se référant probablement aux stars du catch américain), etc… Et je dis : « On va les exploser ! » « La fille ! » dit Foufouille. Je prends la fille et je la conduis jusqu’à l’Assistance. Les catcheurs arrivent, tout le monde est là ! Les gars de l’Assistance arrivent et… Pif ! Paf ! Boom ! (Batista Boom) Pof ! Pig ! Pag ! Aaaaah ! Yaayah !!!!! Après la guerre (sans armes), tous se sentent bien sauf trois, Edge, Umaga et Lena Yada. Je dis : « On a gagné ! » Chez Monsieur Magnat, ils jouent à la guerre aux œufs couis. Foufouille dit : « allez on récupère les cadavres ! » On emmène les blessés à l’hôpital. Ils me disent tous : « on s’est bien marrés ! » On retourne chez Monsieur Magnat. On n’entendit plus parler de Cornin Bouchon et d’autres voisins plus gentils, une mère, un père, un fils qui s’appelle Kévin et on s’amuse bien avec lui.



Sources d’inspiration possibles : Thriller de Michael Jackson, Twilight, Frankenstein.
Il grimpe sur l’arbre pour sauter sur la maison. Il casse le toit et il entre, il voit une hache pleine de sang, à côté il y avait une poule sans tête. Ils descendent, ils voient un fantôme qui est en fait la petite fille. Ils courent pour aller se réfugier. Ils voient un chat noir, ils marchent sur la queue du chat, ils tombent, ils cassent le miroir et après ils passent sous l’échelle. Ils voient le fantôme ils la jettent par la fenêtre. Ils s’en vont, ils prennent la hache, ils sortent, ils attendent que Cornin Bouchon arrive. Le narrateur prend la hache il se retourne et il tue Foufouille. Il cache le cadavre dans le poulailler. La nuit tombée il se transforme en loup-garou. Cornin Bouchon arrive, il le mord pour le tuer, Cornin Bouchon meurt. Le narrateur rentre chez lui et là il se transforme en zombie. Monsieur Magnat le voit en zombie, du coup il prend un couteau pour le tuer. Mais le zombie est invincible alors après Monsieur Magnat fuit. Il se cache chez Cornin Bouchon. Le zombie fouille toute la ville et il ne trouve rien. Alors il va chez Cornin Bouchon et là le combat commence Monsieur Magnat voit un vrai fantôme qui lui dit viens par ici. Monsieur Magnat réussit à s’échapper par malchance le zombie le voit et Monsieur va chez lui pour partir loin d’ici il va en Espagne. Le zombie le suit il demande aux gens où habite Monsieur Magnat. Ils disent 11, avenue des grottes de chien. Il va dans la rue il voit plein de merde partout. Il est chez Monsieur Magnat, il rentre, il reconnaît son meilleur copain. Il prend la hache et il lui découpe tous les membres. Après il se cache mais Monsieur Magnat ne revient pas au bout de un mois. Un an plus tard Monsieur Magnat habite en Amérique, il est le garde du corps de Michael Jackson, le zombie va chez Michael pour voir son père et il tombe sur Michael, du coup il lui donne beaucoup de (mot illisible), après son père vient, il voit Michael mort, du coup il crie il va en prison donc il peut pas tuer son père pendant 6 ans. 6 ans plus tard Monsieur Magnat est libéré de prison, il habite en Suisse, le zombie se transforme en vampire, vole en suisse, va chez son père, il entre, il voit son père mort, du coup il prend un couteau et se tue.


Sources d’inspiration possibles : The Butcher, American Psycho, La Momie.
Cachés dans un arbre, le narrateur et Foufouille attendent que Cornin parte, ils cassent une vitre, ils entrent dans la maison, ils cassent la porte du salon, ils voient un revolver, ils tirent et tuent la fille, après ils voient une hache, ils coupent la tête de la fille morte, le narrateur tue Foufouille avec la hache.
Le narrateur remarque que Cornin Bouchon arrive avec Monsieur Magnat. Je me suis sauvé par la fenêtre cassée, je vais prendre des œufs couis et je les jette sur Monsieur Magnat et Cornin Bouchon, et Cornin Bouchon fond et Monsieur Magnat évite les œufs couis. Le narrateur se transforme en momie, il pousse Monsieur Magnat dans une tombe avec des lames tranchantes. Il va voir Aldébaran qui est le taureau de Cornin Bouchon. Le narrateur remarque que Cornin Bouchon n’était pas mort, c’était son voisin qui était avec Monsieur Magnat. Donc j’ai décidé de les tuer tous les deux d’un coup de hache.



Sources d’inspiration possibles : j’ai pas de mots, là...
Le narrateur et Foufouille vont chercher un lance-roquette puis le narrateur et Foufouille se dirigent vers la porte et « Boom ! » la porte a volé, puis les deux enfants rentrent dans la maison de Cornin Bouchon et cherchent la petite fillette. Ils cherchent dans la cheminée, rien, dans la chambre, rien, dans la salle à manger, rien, dans les toilettes, rien, sur le toit, oui. Ils sont allés chez le cordonnier prendre une échelle puis retournèrent sur le toit de Cornin Bouchon le narrateur et Foufouille et la petite fillette dit : « Tuez-moi s’il vous plaît ». Le narrateur dit « Ok ». Le narrateur redescend de l’échelle pour reprendre la hache et remonte sur le toit et coupe la fille en deux, on voyait tout ce qu’il y avait dedans, pour moi c’était trop cool. Comme maintenant je suis un expert en catégorie tuer je peux m’engager à l’armée.
Le sergent m’a dit « ok, voyons ce que tu peux faire, tue quelqu’un. » D’accord dit le narrateur, il tire sur le sergent et mince dit le narrateur, de toute façon c’est pas de ma faute, il m’avait dit de tuer quelqu’un. Puis le narrateur rentre chez lui.



Voilà l’étendue des dégâts.
Je précise que tous les auteurs de ces joyaux de littérature moderne (postmoderne ?) ont un niveau scolaire qui va de convenable à excellent, des parents d’une catégorie socioprofessionnelle moyenne à élevée, avec un taux de divorce et/ou de famille recomposée tout à fait conforme à la moyenne nationale (je dis ça pour les bien pensants).
Bref, il est grand temps d’arrêter de les laisser regarder n’importe quoi à la télé, et aussi plus que grand temps d’arrêter les jeux video rambomaniacs dès qu’ils sortent de la maternelle (voire du berceau).

Copyrat draleuq 2009

draleuq, 14h52 :: :: :: [13 cris de désespoirs]

:: COMMENTAIRES

 skogkatt, le 26/05/2010 à 15h42

J'aime bien les textes, on dirait un résumé de certains films B ou Z des années 80, mais comme ce n'est plus leur culture, on a pas le droit à "Je vais t'arracher les couilles ! Mais faudrait encore que je les trouve espèce de sale coco".
Je me souviens dans les années 80 au collège, on avait ce type d'exercice et la plupart écrivaient de la merde (moi par exemple, c'est à dire aucun talents, aucun styles), d'autres écrivaient correctement mais c'était tellement conscensuel et puant que bien entendu ces gens là prennait un 15/20 et étaient accessoirement les chouchous des profs; et reste ceux qui avaient un certain style bien tourné mais une idée conductrice assez glauque : je me souviens encore de cette copie d'un ami, la pétasse de prof lui avait mis je crois 7/20, je trouve que ca méritait 19/20 sans problème rien que pour le style, l'histoire du mec qui fantasme sur la fille de ses rêves (qui était sa voisine de classe dans la réalité !!!) et qui part dans un monologue dramatique digne des pires crottes de Eric Romer et l'idée du suicide à la fin (on est au collège je rappelle...) :-)

Suicidée avec des poules... ah ah ah c'est très fort. QUelle note avez-vous mis à celle là ?

 Lohen, le 28/05/2010 à 19h05

En dehors du côté bazooka / sang qui gicle / meurtre, qui est vraiment consternant et inquiétant, j'adore le terme "production d'écrit" à la place de "rédaction":)

Même si, à ce que je connais de la novlang' de l'éducation nationale, les "géniteurs d'apprenants" pour "parents d'élèves" restent le nec plus ultra.

 draleuq , le 31/05/2010 à 14h39

skogkatt > Je me reconnais pas mal dans ta troisième description. A partir du collège, mes rédac' étaient très loin de faire l'unanimité auprès des profs de français. Celui de 5ème en particulier écrivait souvent : "de la facilité de style, mais il faut parfois s'en méfier". Au moins lui avait le mérite d'écrire ce que les autres se contentaient probablement de penser, à savoir qu'il trouvait vraiment très arrogant qu'un sale gamin (surtout que c'était à l'âge bête, hein, tu vois ce que je veux dire) puisse déjà avoir autant de mots et autant de facilité à les écrire.
Quant à l'auteur du suicide à coups de poule, elle a pris un carton comme tous les autres textes ici rapportés. Ce n'est même pas la violence en elle-même qui m'a poussé à les saquer, mais le fait qu'elle soit totalement gratuite, puisque massivement incohérente avec le reste du livre.

Lohen > eh oui, le jargonnage est la preuve vivante de cette volonté d'imprimer sans arrêt des changements qui n'en sont en fait absolument pas. La production d'écrit est un terme maintenant assez vieux (en tant que prof je n'ai connu que lui, c'est dire !) et qui semble tenir la route. Il n'en est pas de même pour orthographe, grammaire, conjugaison et vocabulaire, qui sont devenus "étude de la langue", puis "observation réfléchie de la langue française", puis à nouveau orthographe, grammaire, conjugaison et vocabulaire, puis enfin "maîtrise de la langue"... Tout ça en 15 ans. A chaque fois, c'est sensé s'accompagner d'un "changement de philosophie pédagogique". Foutaises bien entendu, et le niveau en orthographe qui ne fait que s'empirer montre s'il en était besoin que ces changements ont été vains. J'ai prévu d'ailleurs, si Dieu me prête vie jusque là, d'en toucher quelques mots ici pour montrer que ce problème dépasse de bien loin la pédagogie scolaire.
Quant au "géniteur d'apprenant", je ne connaissais pas, mais j'ose espérer que c'est une blague, à l'instar du "référentiel bondissant" désignant le ballon.

 skogkatt, le 31/05/2010 à 22h01

Existe t-il des excercices de rédaction libre de nos jours ? Laisse t-on les élèves s'exprimer de temps en temps sur un sujet pour voir jusqu'où ils peuvent aller ?

 draleuq , le 01/06/2010 à 09h04

Totalement libres, non. En tous cas moi, je ne le fais pas, et c'est moins par tyrannie ou par peur des débordements que par réalisme : s'ils étaient totalement libres de ce qu'ils avaient à écrire, beaucoup d'élèves n'auraient tout simplement pas d'idées. Or, les sujets doivent, autant que faire se peut, permettre à tous les élèves de s'exprimer.
Maintenant, au sein d'un sujet, la marge de manoeuvre peut être plus ou moins grande, dans la forme et/ou dans le contenu.

 Brath-z , le 05/06/2010 à 13h07

Ah que cette note m'a rappelé des souvenirs.
Il y a quelques années (mais pas trop, je n'ai pas quitté le collège depuis dix ans), je n'étais pas trop mauvais dans les travaux de rédaction (c'était le terme employé par mes professeurs). Cependant, auparavant, et jusqu'à la mi-sixième, j'avais cet exercice en horreur : en effet, je n'avais qu'une maîtrise assez approximative de la langue française, que les méthodes de mes maîtresses d'école (on dit "professeurs des écoles" aujourd'hui, paraît-il) n'avaient guère arrangée.

Heureusement, j'avais (et, du reste, j'ai toujours) chez moi profusion de livres dans lesquels j'aimais à me plonger, ce qui, bon an mal an et moyennant quelques séances quotidiennes d'exercices de grammaire et conjugaison avec mes parents, m'a permit d'en saisir de plus en plus de subtilités et, par contrecoup, d'en faire un outil que je parviens aujourd'hui à manier sans trop de difficultés, ce qui m'a permit de passer outre mes appréhensions et détestations premières.
Tout cela pour dire que j'ai tiré de cet épisode de ma vie la certitude que sans maîtrise (pas maîtrise absolue, mais au moins suffisante pour en comprendre les ressorts et logiques) de la langue, il n'est guère possible non seulement d'exprimer ses idées propres mais aussi et surtout de les concevoir, et l'on se retrouve à cracher pèle-mêle ce qu'on a vu dans tel ou tel film.

Personnellement, ce qui m'a fait découvrir la langue et sa beauté, c'est, vous l'aurez compris, la lecture.

Vos élèves lisent-ils ?

 Angoumoisine, le 12/06/2010 à 11h23

Eh ben voilà l'explication ! S'ils écrivent si mal au collège et s'ils ne pensent qu'à des références de films d'horreur, c'est à cause de l'école primaire ! ;-)

Ah, où sont les bons vieux coups de bâton des valets de Molière ?

Sinon, ce qui me frappe dans ces "productions d'écrit", comme dans les "rédactions" qu'on leur fait faire en collège, c'est l'emploi assez répété du langage familier... En plus, pour des "bons" élèves comme tu le dis. Plus ça va, plus ils écrivent comme ils parlent...

Et pour finir, tout cela est encore très lisible puisque tu as corrigé l'orthographe !

 draleuq , le 12/06/2010 à 16h09

Brath-z > vaste question que voilà, et difficile d'y répondre en quelques lignes. Disons qu'à quelques exceptions près, ils lisent les livres que je leur demande de lire (sous la torture pour certains, mais ça c'est pas un phénomène nouveau je pense). Quant à parler de lecture spontanée, en dehors des BD, elle ne concerne qu'une minorité d'élèves. Le phénomène manga devient aussi assez visible, de nombreux élèves les lisant sur leurs temps libres, en périscolaire, se les passant, et souvent cherchant à en dessiner les personnages. Je ne m'oppose ni aux BD ni aux mangas, je préfère un élève qui ne lit que ça qu'un élève qui ne lit rien du tout. Le seul moment où je m'énerve, c'est quand ils font leurs dessins de mangas en plein cours de maths ou d'histoire-géo.
Si je suis bienveillant pour les lecteurs de BD exclusivement, c'est peut-être aussi parce que moi-même, à leur âge et un petit peu après, je ne lisais que ça (à part les livres d'école sous la torture). J'avais une mère qui avait tendance à me culpabliser parfois en me disant que "c'était bien beau, mais que c'était pas de la vraie lecture", me poussant avec énergie vers les bibliothèques rose et verte que j'abhorrais. Ça ne m'empêche pas de me considérer aujourd'hui comme un lecteur assidu (et de plus en plus avec le temps et le dégoût de la télé).
Il arrive encore que des parents s'inquiètent que leur enfant ne lise que des BD, parce qu'ils considèrent, tout comme ma mère le faisait il y a 30 ans, que ce n'est pas vraiment de la lecture. Je les rassure systématiquement, en tous cas j'essaye.
Celui qui dit que la BD n'est pas de la lecture n'a sans doute jamais lu Tintin !
Pour se faire une idée, j'ai calculé que les BD représentent 80 % des emprunts de mes élèves à la bibliothèque de l'école, alors que la catégorie BD équivaut à moins de 10 % des livres disponibles dans la même bibliothèque.

Angoumoisine > Oui, et s'ils ne savent pas se tenir à l'école primaire, c'est à cause de l'école maternelle ! ;-)

 Brath-z , le 14/06/2010 à 13h21

Tout à fait d'accord en ce qui concerne les BDs !

Ah, làlà ! Les bandes dessinées ont rythmé une grande partie de ma jeunesse... outre le "Journal de Mickey" que ma mère m'achetait régulièrement, je dévorais les Astérix (dont elle a toute la collection), Tintin et - surtout - Achille Talon. Dans la cour de récréation, le phénomène Dragon Ball ne m'a guère épargné non plus. Je piquais aussi à mon père ses Marvel Comics (en français et pas toujours très recommandables, au passage), Mortadelo y Filemòn (en espagnol) et - surtout - les inoubliables Amar Chitra Katha qu'il se procurait à chaque voyage en Inde !

D'ailleurs, ce sont les BDs qui m'ont conduit à des lectures plus "sérieuses" : j'avais lu la version "picsou" des Misérables, et j'ai eu envie de découvrir le roman original, pour savoir si vraiment à la fin la fille de Jean Valjean devenait une suffragette (oui, les versions "picsou" des romans classiques sont très imaginatifs).

 Brath-z , le 25/10/2011 à 03h26

Tiens, allez, je profite de cette note pour signaler à ton intention un article très intéressant : [http]

Les commentaires, spécialement le n°11, apportent également nombre d'éclairages pour le moins intéressants.

 draleuq , le 02/11/2011 à 11h42

Intéressant article en effet, sur lequel je ne suis que partiellement d'accord. D'ailleurs, je préfère de loin le commentaire numéro 15.

 el calaisino, le 16/04/2015 à 15h14

Bonjour,
Je prépare Cornin pour mon ce1, je tombe sur ton site par hasard : je ne trouve ça pas si mal, moi!
bien sûr, l'inspiration laisse à désirer (mais comme tu le dis, ils n'en sont pas responsables...°, mais l'imagination est au rendez-vous, et même l'humour. Il y a pas mal de recul, de second degré, c'est sympa.
C'est peut-être parce que je suis en Afrique depuis trop longtemps, mais je suis certain que je n'obtiendrais pas facilement un résultat pareil! Les élèves de l'AEFE manquent cruellement d'originalité et d'humour dans leur travail!

 el calaisino, le 16/04/2015 à 15h14

Bonjour,
Je prépare Cornin pour mon ce1, je tombe sur ton site par hasard : je ne trouve ça pas si mal, moi!
bien sûr, l'inspiration laisse à désirer (mais comme tu le dis, ils n'en sont pas responsables...°, mais l'imagination est au rendez-vous, et même l'humour. Il y a pas mal de recul, de second degré, c'est sympa.
C'est peut-être parce que je suis en Afrique depuis trop longtemps, mais je suis certain que je n'obtiendrais pas facilement un résultat pareil! Les élèves de l'AEFE manquent cruellement d'originalité et d'humour dans leur travail!

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