Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

J'en ai
vraiment
rat le cul...
Eh
ouais
Ces temps-ci, l'esprit répand silencieusement la démocratie. Par là même, l'amour s'évade, immobile depuis le futur de l'individualisme
Caporal de Bol ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

22 Mai 2007 ::

« Louis Mandrin, capitaine des contrebandiers - 1ère partie »

:: Histoire moderne, 1754

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. Louis Mandrin, capitaine des contrebandiers - 1ère partie
2. Louis Mandrin, capitaine des contrebandiers - 2ème partie





La Ferme Générale, une institution abhorrée

Sous l'Ancien Régime, la Ferme Générale est un groupement d'une centaines d'établissements à travers la France, chargés de collecter les impôts sur certains produits, en particulier le sel, avec la célèbre gabelle. Les Fermiers achètent leur charge par l'intermédiaire d'un appel d'offre, puis s'engagent à verser une somme forfaitaire au roi, résultat des collectes. Ils reçoivent ainsi le droit de collecter eux-mêmes ces taxes, mais également le droit de poursuivre les mauvais payeurs comme bon leur semble. Cette institution créée par Colbert en 1681 est par conséquent honnie entre toutes par la population : les Fermiers Généraux possédent des fortunes dépassant l'entendement, pouvant parfois collecter une somme trois à quatre fois supérieure au forfait qu'ils doivent reverser au roi...

Une longue descente aux enfers

C'est le 11 février 1725 à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs (actuel département de l'Isère) que naît Louis Mandrin, fils aîné d'un marchand et propriétaire foncier important. En 1742, son père meurt, et Louis Mandrin doit prendre la responsabilité de ses 8 frères et soeurs plus jeunes que lui. Malheureusement, le fils se révèle moins doué en matière de commerce que le père, et une succession de revers et de mauvaises affaires l'entraînent peu à peu dans la misère, avec toute sa famille. En 1748, alors que la guerre de succession d'Autriche[1] va sur sa fin, Louis Mandrin passe un contrat avec la Ferme Générale pour le ravitaillement de l'armée, qui se trouve engagée dans une campagne en Italie. Malheureusement, il perd la quasi totalité de ses mulets en traversant les Alpes, et à son retour, la Ferme Générale refuse catégoriquement de le payer : rien ne va plus, et la rancoeur augmente...

Poussés par une misère croissante, les frères Mandrin commencent à commettre quelques larcins, pratiquent la contrebande de tabac (un produit particulièrement taxé), le vol des troncs d'église, le faux monnayage... Découverts, arrêtés puis condamnés aux galères à vie et à la flétrissure[2], les frères Mandrin parviennent à s'enfuir et éviter leur peine. Le 29 mars 1753, alors qu'une milice doit être levée dans son village, Louis Mandrin, pourtant exempté en raison de ses responsabilités familiales, aide un de ses amis, Pierre Brissaud, à échapper à cet enrôlement forcé. Une course poursuite s'engage pour rattraper les fuyards, et après un combat violent, deux des poursuivants trouvent la mort.

Cette fois-ci, c'est un meurtre ! Le 21 juillet 1753, Brissaud est condamné à servir pendant 10 ans dans les milices ; Pierre Mandrin est dénoncé par un certain Sigismond Moret et est pendu pour faux monnayage ; Louis, quant à lui, parvient encore une fois à s'échapper, et est condamné à mort par contumace. Il s'engage aux côtés d'une troupe de brigands et de contrebandiers, dans la plus complète illégalité : de jeune homme de bonne famille, éduqué et plein d'avenir, il est devenu un véritable bandit, meurtrier en fuite.

Les six campagnes de Louis Mandrin

Malgré sa situation, Mandrin affiche assez ouvertement son attachement au royaume, et surtout son goût et son don inné pour la hiérarchie militaire et la tactique : il organise ses hommes comme une armée, avec des grades et des soldes. Il planifie ce qu'il nomme lui-même des « campagnes », au nombre de six en un an, et fait preuve de remarquables talents de commandement. Ainsi, durant toute l'année 1754, Mandrin et son armée (dont l'effectif est de plusieurs milliers !) voyage à travers le Dauphiné, l'Auvergne, la Bourgogne, la Franche-Comté, et jusqu'au Languedoc, en faisant de fréquents réapprovisionnements de marchandises en Suisse et en Savoie, alors souveraine. Partout où il passe, il propose ses marchandises en vente libre aux habitants, sans taxes : tabac, tissus, épices, livres protestants, le succès est total, et Mandrin se forge une solide réputation de bandit au grand coeur.


Louis Mandrin

Le 28 juin 1754, au cours de sa deuxième campagne, Louis Mandrin achève d'assurer son mythe à Rodez : accompagné d'une poignée d'hommes et déguisé en marchand, il prend en otage un soldat de la maréchaussée, et exige la restitution d'une cargaison d'armes prise auparavant. Puis, après avoir investi une auberge les armes à la main, il oblige un représentant de la Ferme Générale à acheter la totalité de son stock de tabac de contrebande pour près de 2500 livres ! Toutefois, après ce coup d'éclat, Mandrin revient à son village natal de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, le 9 juillet 1754. Il est fermement décidé à assouvir sa vengeance sur Sigismond Moret, celui qui une année auparavant avait dénoncé son frère : Moret, acculé, prend sa fille d'un an et demi contre lui pour se protéger, mais Mandrin tire et les abat froidement, tous les deux...

Les semaines passent, et Mandrin rançonne systématiquement la Ferme Générale : en octobre, sa renommée est devenue nationale, et on le surnomme le « capitaine général des contrebandiers » ; Voltaire est fasciné par le personnage, et aimerait bien le rencontrer : Mandrin incarne à lui seul la résistance face à l'iniquité chronique des fermiers généraux, que la population déteste au-delà de tout. Mais la Ferme Générale a de la ressource, et fait appel à l'armée royale : tuer des soldats de la Ferme Générale est une chose, mais combattre l'armée du royaume en est une autre, et Louis Mandrin, si habile pour commander les hommes, si respectueux de la rigueur militaire, craint cet affrontement et le crime de lèse-Majesté...

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1. Voir le billet suivant : « Montcharvaux, sauveur de Louis XV »

2. La flétrissure est une marque infâmante apposée au fer rouge sur l'épaule du condamné. Dans les « Trois Mousquetaires » de Dumas, la terrible Milady de Winter, alias Anne de Breuil, alias la comtesse de la Fère, alias beaucoup d'autres noms dont je ne me souviens plus, est flétrie...

finipe, 02h37 :: :: :: [3 haineuses invectives]

:: COMMENTAIRES

 finipe , le 25/01/2009 à 18h42

Pour plus de détails, un site entièrement consacré à Louis Mandrin : [http]

 Thierry Tubetti, le 12/09/2009 à 18h45

Quand les frères Mandrin se vengent sur le verger de leur curé l'Abbé Biessy, c'est parce qu'il les a accusé d'avoir encouragé le pillage d'un tronc par un certain Ennemond Dyot. A ce moment-là, ils ne sont pas poursuivis, condamnés etc. Toute la phrase peut être supprimée. Mais le frère Pierre Mandrin est accusé de faux-monnayage et enfermé à Grenoble. Louis est toujours libre, et c'est là qu'il prend la protection d'un déserteur du village Pierre Brissaud et qu'il commet un crime en tendant une embuscade à l'entrée du village.

 finipe , le 12/09/2009 à 19h16

Merci pour la précision, je corrige de ce pas.

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