Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je ronge mon
frein, ça fait
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C'est ce qu'on dit
Paradoxalement, l'ignorance ignore amoureusement la démocratie. Par là même, la vie s'amenuise en rampant depuis le secret de l'indifférence
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

4 Juillet 2012 ::

« L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 4 »

:: Histoire contemporaine, 1944

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte 4 :
1. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 1
2. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 2
3. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 3
4. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 4


Troisième mission

Ce n'est que le 8 septembre 1943 que le cuirassé Tirpitz partira pour sa troisième et ultime mission, en compagnie du fameux cuirassé de poche Scharnhorst, et d'une escorte de dix destroyers. Il s'agit de bombarder une station météo au Spitzberg. Dès que c'est fait, ils rentrent à Altenfjord.
Au même moment, l'une des opérations britanniques les plus audacieuses de la guerre quitte le nord de l'Ecosse. Six sous-marins de poche "X", de 16 m. de long et comprenant un équipage de 4 hommes, sont remorqués par deux sous-marins normaux de la Royal Navy. Ils doivent être largués à l'entrée de l'Altenfjord et aller déposer leurs charges sous la coque du Tirpitz, du Scharnhorst et du Lützow. Celles-ci sont à retardement, ce qui doit leur laisser le temps de s'échapper.

Mais deux "X" sont déjà perdus durant le voyage aller, qui dure plus d'une semaine. Le 20 septembre au soir, les quatre autres sont largués et pénètrent dans l'Altenfjord. Seuls deux parviennent finalement à traverser les champs de mines sous-marines, le X-6 du lieutenant Cameron et le X-7 du lieutenant Place. Ils décident donc de concentrer leurs efforts sur... le Tirpitz !
A l'aube du 22 septembre, l'objectif est enfin en vue.
Le X-7 se prend dans les filets de protection du cuirassé. Le X-6, lui, parvient tout près du Tirpitz, mais, aperçu par les vigies, il est grenadé et mitraillé. Il parvient tout juste à larguer ses charges à proximité de la coque avant de se saborder.
Après une heure d'efforts, le X-7 se libère du filet. Il émerge à moins de 30 m. du cuirassé, puis replonge et va heurter sa coque. Il largue alors sa première charge explosive, à l'avant, puis se déplace de 60 mètres vers l'arrière avant d'en larguer une seconde.
Sa mission accomplie, le X-7 tente de s'enfuir, mais les charges à retardement sautent alors qu'il n'a pas pu s'éloigner suffisamment. Lourdement endommagé, le sous-marin coule. Deux heures et demi plus tard, un seul survivant refait surface, le sous-lieutenant Aitken. Pendant tout ce temps, équipé d'un appareil de plongée, il avait essayé en vain de sauver ses camarades.

Mais le jeu en valait la chandelle : sous le coup de l'explosion, le Tirpitz a été soulevé de près de deux mètres. L'éclairage est hors service, des portes et des tourelles sont coincées, la coque est tordue, le gouvernail est faussé et deux machines sont lourdement avariées. Le cuirassé gîte de 5 °. Le voilà immobilisé pour six nouveaux mois.


X-class midget submarine


Acharnement aérien

Pendant la durée des travaux de réparation, effectués sur place jusqu'en avril 1944 par des bateaux usines venus d'Allemagne, la situation de la flotte de la Kriegsmarine a bien évolué.
Le Scharnhost a été coulé en décembre 43, le Lützow a dû rentrer en Allemagne pour échapper à un sort analogue. Désormais, le géant se sent bien seul au nord de la Norvège.
Et les Britanniques n'entendent pas laisser leur proie leur échapper.
L'Altenfjord est hors de portée du rayon d'action des bases de bombardiers de la R.A.F.. Qu'à cela ne tienne : on envoie les porte-avions Victorious et Furious, et quatre autres porte-avions d'escorte, croiser au dessus de la Norvège.


Le porte-avions Victorious (en 1945)


Le 3 avril 1944, à 4 h 15, alors que les marins du Tirpitz s'apprêtent à appareiller pour des essais en mer, 21 bombardiers Barracudas et une escorte de 40 chasseurs décollent des porte-avions pour fondre sur le géant. Les Allemands, totalement surpris, n'ont pas le temps d'actionner les machines à fumigène, et la D.C.A. n'est pas prête. Les Barracudas arrosent le pont de bombes perforantes et explosives, cependant que les chasseurs mitraillent les superstructures. Un chasseur et un bombardier ont été abattus, mais de nombreux incendies font rage à bord du cuirassé.
Une heure plus tard, une seconde vague identique attaque à son tour. Un bombardier est à nouveau abattu, mais les avions font à nouveau mouche.
Au total, il y a 122 morts et 316 blessés à bord, sur un équipage de 2 200 hommes. Les dégâts sont importants, mais pas décisifs. En effet, les Barracudas sont trop petits pour emporter des bombes de très gros calibre, seules susceptibles d'éventrer le pont du navire. Le Tirpitz est toutefois immobilisé pour trois nouveaux mois.
Mais cela ne satisfait pas les britanniques, qui lancent des opérations analogues le 28 avril, le 15 mai et le 28 mai. En raison du mauvais temps, celles-ci se soldent par des échecs. Le 17 juillet, les écrans de fumée du Tirpitz font échouer une nouvelle tentative. Le 24 août, les bombardiers ne touchent le Tirpitz que deux fois, et le 29 août, ils ne le touchent pas du tout.


Bombardier torpilleur Barracuda


Les Anglais changent alors leur fusil d'épaule face à l'impuissance de leurs porte-avions. Ils envoient 28 bombardiers quadri-moteurs lourds Lancaster, par bateau, au nord de la Russie. En effet, s'ils n'ont pas un rayon d'action suffisant à partir de l'Ecosse, l'aérodrome de Yagognik, lui, les met à portée du Tirpitz.
Le 15 septembre 1944, à l'aube, les Lancaster décollent. Ils portent chacun une bombe "tall boy" de 5,5 tonnes. Malgré les écrans de fumée, une seule bombe touche le cuirassé, à l'avant. Mais cela suffit : cette fois, le pont est crevé.


Bombardier lourd Lancaster




Batterie flottante

Le Tirpitz ne pourra plus désormais sortir en haute mer, et en est réduit à servir de batterie de D.C.A., ou de batterie d'artillerie flottante en cas de débarquement allié en Norvège. Mais quelle batterie ! Avec ses 8 canons de 380 mm, ses 12 canons de 150 mm, ses 16 canons flak de 102 mm, ses 16 canons flak de 37 mm et ses 70 canons flak de 20 mm, le géant, même immobilisé, reste redoutable.

Pour qu'il remplisse au mieux son nouveau rôle, les Allemands décident d'envoyer le Tirpitz plus au sud pour l'immobiliser. C'est donc au fjord de Tromsö qu'il s'arrête définitivement. Les Allemands aménagent même un fond plat sous sa coque pour empêcher qu'il ne chavire au cas où il serait coulé.
Mais en le ramenant plus au sud, ils n'ont pas songé que le cuirassé sera désormais presque dans le rayon d'action direct des bombardiers lourds de la R.A.F. basés en Ecosse.
Les Anglais, jamais à court d'idées pour en finir avec ce maudit cuirassé qui leur tient tête depuis plus de deux ans, aménagent leurs Lancaster en conséquence, en supprimant du blindage et des tourelles de mitrailleuse, et en leur ajoutant des réservoirs de carburant supplémentaires, que les avions pourront larguer une fois utilisés.
Ainsi allégés, les bombardiers lourds peuvent enfin transporter leurs terribles bombes "tall boy" jusqu'à Tromsö.


Chargement des bombes tallboy pour une mission sur le Tirpitz


Le 29 octobre 1944, une première tentative a lieu, à l'aide de 32 Lancaster. Mais la visibilité est mauvaise, et c'est un échec. Un avion est abattu.
Le 12 novembre, une seconde tentative, à l'aide de 28 Lancaster sous le commandement du wing commander Tait, décolle à 3 h du matin. Une fois arrivés sur la côte Norvégienne, ils décrivent un large cercle au dessus de la terre pour attaquer le Tirpitz par le côté où il s'y attend le moins. La matinée est claire et ensoleillée. Fragilisés par leur "allègement", ils craignent l'intervention d'une escadrille de chasse que la Luftwaffe a amené en hâte après le raid du 29 octobre précédent. Mais pour une raison inconnue, cette escadrille ne décollera pas. Les machines à fumigènes ne fonctionneront pas non plus, ouvrant la voie au coup de grâce.


Bombardier lourd Lancaster transportant une bombe tallboy


Une première bombe touche le Tirpitz au milieu, côté babord, ouvrant une énorme brèche dans la coque où la mer s'engouffre, penchant le navire de 30°. deux autres bombes s'écrasent sur l'avant, et une quatrième sur la soute à munitions à l'arrière qui explose dans un fracas de fin du monde.
Le Tirpitz va alors connaître un calvaire proche de celui de son sister ship trois ans plus tôt, et malgré le fond aménagé, il chavire aussitôt, enfermant son équipage, réduit à 1 000 hommes, dans un cercueil de métal. Seuls 85 seront sauvés en découpant la coque au chalumeau.

Les Anglais auront perdu la bagatelle de 32 avions et 6 sous-marins de poche pour se débarrasser d'un navire qui, somme toute, n'aura jamais vraiment quitté la côte Norvégienne.


Le DKM Tirpitz après son chavirage


draleuq, 23h34 :: :: :: [0 déclaration d'amour]

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