Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Pour votre santé, évitez de grignoter
C'est ce qu'on dit
Somme toute, Dieu escalade horizontalement son destin, tant et si bien que la piété filiale s'oublie en courant vers les cieux de l'indifférence
Lao Meuh ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

21 Mai 2010 ::

« Les malfaisants - 1ère partie »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Les malfaisants - 1ère partie
2. Les malfaisants - 2ème partie
3. Les malfaisants - 3ème partie


Si j’essaie de faire honnêtement mon examen de conscience, je dirais franchement que je ne suis pas rancunier, et il me vient spontanément de nombreux exemples pour appuyer cette affirmation. Pourtant, il demeure toujours quelques fumiers qu’il est difficile d’oublier, de ces malfaisants qui pourraient donner de furieux accès de manichéisme, voire donner envie de partir en Croisade contre l’Axe du Mal, tel un George Bush moyen.

Présumé coupable

Il était une fois une « institutrice ». Pour tout le monde, c’était la terreur. A l’idée d’aller dans sa classe, on passait de très mauvaises vacances d’été. Je n’ai pas échappé à cette appréhension, mais j’étais loin de penser qu’en plus de son inclination naturelle à pourrir la vie de tous ses élèves, elle me prendrait en grippe… De toute évidence, la morue avait une aversion très prononcée envers les enfants, mais lorsqu’ils étaient un peu grands, un peu rêveurs et un peu mal dans leur peau, là c’était l’hallali.
Et j’étais tout ça à la fois.

J’avais une voisine de devant qui n’arrêtait pas de se retourner pour me parler. Vu que je n’en menais pas large dans la classe de cette folle, je n’avais de toute façon que très moyennement envie de solliciter mes voisines ou d’être sollicité par elles, donc je me contentais de lui souffler « chut », ou « arrête », ou « laisse-moi tranquille », ou toute autre chose dans le genre.

Vu que l’autre ordure avait l’œil aussi perçant que l’aigle, et l’oreille aussi affûtée qu’une chauve-souris (je préfère la comparer à la chauve-souris qu’à l’aigle, en fait), cela finissait immanquablement par attirer son attention et la sentence ne mettait pas longtemps à tomber :
« Draleuq ! Encore en train de déranger sa voisine de devant ! Mais quel cas celui-là ! Je te colle une punition ! »

C’est arrivé de nombreuses fois. Toujours elle retournée, toujours moi dans le bon sens, mais jamais je n’ai eu la joie d’entendre « Machine ! Encore retournée ! Mais quel cas celle-là ! Je te colle une punition ! »

Inutile de discuter bien entendu. La punition aurait été doublée, comme à l’armée. A la maison, inutile également d’essayer de s’expliquer, car oui, ma famille faisait partie de celles (de plus en plus rares) qui sont toujours du côté de l’instit, par défaut, par définition et par principe. Punition doublée donc, et bienheureux si c’était pas avec trois claques et au lit.

En public, c’est tellement plus chic !

Le péché mignon de cette si merveilleuse « institutrice », c’était de jeter publiquement l’opprobre et la honte sur un de ses élèves tant chéris. Plus grande était l’assemblée pour assister au lynchage verbal, plus elle se lâchait avec une délectation non feinte.

Ainsi donc, un jour, nous en revenant du cours d’éducation physique, ce qui était en soit exceptionnel puisque quatre cours sur cinq étaient annulés par punition ou pour cause de maths pas finies, nous venions de terminer la séance par un jeu que mon équipe avait brillamment gagné, et j’avais constaté (à juste titre) que mon rôle avait été déterminant dans cette victoire. Donc j’avais dû dire à un ou deux de mes camarades, sans pour autant le claironner avec un mégaphone : « c’est grâce à moi ». Cela peut sembler bouffi d’orgueil, mais pour resituer dans le contexte, il faut tout de même préciser que la confiance et l’estime de moi-même n’étaient pas mes principaux traits de tempérament, et que j’étais donc loin, très loin d’être coutumier de ce genre d’affirmation.

Aujourd’hui que je suis à la place de la morue, je me dis que si je rencontrais une telle situation venant d’un de ces élèves qui sont les miroirs de ce que j’étais à leur âge, Kévin par exemple (vous ne le connaissez pas mais c’est pas grave, c’est un clin d’œil… Après tout, vous ne connaissez pas la morue non plus ;o), eh bien je me contenterais d’en rajouter une petite couche, genre : « C’est vrai que t’as bien assuré Kévin ! »

Mais la psychologie était à Mme Morue ce que la feuille de salade est au clébard. Par contre, pour tout entendre elle était douée, et la petite phrase ne lui avait pas échappé. Je préfère jeter un voile pudique sur ce qu’elle m’a dit, d’autant que je ne me souviens pas de tout, mais toujours est-il que l’objectif était de me dégonfler le melon, et qu’elle y a réussi au-delà de toute espérance, du haut de ses escarpins et de son tailleur (oui oui, même en éducation physique, tout à fait ;o).

Il y a eu une autre fois, c’était à la sortie de l’école, j’étais sorti depuis deux minutes et ma mère attendait mon frère en discutant avec quelqu’un. Je m’amusais à grimper quelques marches du réverbère en béton qu’il y avait sur le trottoir, oh pas bien haut… à 75 cm au dessus du sol, tout au plus. Cette activité était pratiquée par des centaines d’enfants, tous les jours depuis des temps immémoriaux, car c’est tentant pour un gamin, des marches pour grimper ! Mais un midi, ce fut mon tour, et cela n’échappa pas à l’œil inquisiteur de Madame Morue. Elle me réprimanda donc de sa voix criarde, comme à son habitude, par-dessus l’attroupement de parents venus chercher leurs enfants qui s’arrêtèrent tous de discuter pour regarder dans ma direction.

Ce fut la seule fois où ma mère ne me punit pas de surcroît. Elle ne me dit rien. J’ai su plus tard – beaucoup plus tard - qu’elle n’avait pas du tout apprécié que cette folle se substitue à elle, et qui plus est devant cent personnes.

Vole, vole petit tampon buvard…

Bien entendu, les accès de hurlements n’étaient pas le seul hobby de cette hystérique. Généralement, dans ce genre de cas, on dispose de tout le « package »… Elle appréciait donc sans modération les châtiments corporels, tout en prenant bien soin qu’ils ne laissent pas de marques. Une tape sur la tête en passant derrière quand c’est faux, un élève attrapé par le bras et secoué comme un prunier dans la cour. Et puis, il y avait le tampon buvard !



Mais oui, souvenez-vous de cet objet désuet, tout de bois, sur lequel on mettait une feuille buvard pour éponger le surplus d’encre. Madame Morue, elle, ne l’utilisait que comme projectile, essentiellement pour faire peur d’ailleurs, car l’objet était plutôt lourd. Il passait donc plutôt à côté, ou on le recevait dans les jambes.

Mais un jour, alors qu’elle visait un enfant pas sage au premier rang, elle rata carrément son coup et ce fut sa voisine qui le prit en pleine tête. C’était une fille calme et inodore, qui avait pour nom Fatima, c’était la seule arabe de la classe… Quel manque de chance !

Après le bruit sourd du tampon buvard ayant rebondi dans le crâne de Fatima, sur sa table et par terre, une sourde exclamation s’éleva dans la classe. Fatima saignait de la tête. Pis que ça, Fatima pissait le sang. La folle lui avait entaillé la tempe, et ça saigne ces p’tites conneries là ! Vraiment, quel manque de chance !
- "Oooooh Fatima ! Ma p’tite Fatima ! Excuse moi, excuse moi, je suis désolée c’est pas toi que je visais. Oh, je t’ai fait mal. Viens, je vais te soigner, tu n’en parleras pas à tes parents, hein ?"

Quand elles sont sorties toutes les deux, je me souviens avoir jubilé avec plusieurs copains. C’est pas bien de jubiler parce qu’une copine a le crâne ouvert, surtout quand elle s’appelle Fatima. Mais c’est pas pour ça qu’on était jouasse : on buvait du petit lait parce qu’on avait vu cette peau de vache minable, blanche d’inquiétude, bredouillant des excuses incohérentes pour sauver sa peau à une gamine qu’elle n’avait de cesse de harceler d’habitude, parce qu’elle n’était pas bonne à l’école, et sans doute aussi parce qu’elle était arabe.

Fatima est revenue l’après-midi, avec deux points de suture. Je n’ai jamais su comment l'autre crevure s’était tirée de ce mauvais pas. A-t-elle dit à ses parents qu’elle était tombée dans la cour, tout en la tenant par la terreur ? Fatima était d’une famille nombreuse, ses parents trimaient au boulot, ils voulaient s’intégrer et sans doute surtout ne pas faire de vagues.

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 19h03 :: :: :: [2 élucubrations]

:: COMMENTAIRES

 Brath-z , le 01/02/2011 à 11h14

Sans avoir jamais eu à subir une instit aussi gratinée, j'ai eu droit aussi (l'année CM1) à une folle acariâtre qui m'avait prit en grippe. Ce n'était pas très gai, aussi je compatis sincèrement.

Étant d'un naturel introverti mais plein d'esbroufe (curieux mélange qui me donne encore des problèmes aujourd'hui), j'avais prit l'habitude de déguiser des insultes en m'adressant à elle (j'ai eu la chance d'avoir une enfance entourée de livres et de dictionnaires, dans lesquels je piochait allègrement des mots bien sentis... j'en utilise encore aujourd'hui, d'ailleurs), mais elle s'en est rendu compte, s'est vexée (ce que je peux comprendre) et s'est vengée en m'humiliant de nombreuses fois devant le reste de la classe (ce que je comprend plus difficilement), au point qu'un jour, de rage, j'ai déchiré mon cahier de poésie (couverture plastique comprise) pendant l'une de ses diatribes.
Résultat : convocation chez la directrice, femme charmante qui a en gros expliqué à mes parents que bien que mon attitude soit inexcusable, passer ses nerfs sur un objet au lieu de taper un camarade ou ma professeure - ça lui était arrivé en plein cours une fois, je n'étais pas sa seule victime - était signe d'une certaine maturité.

Bizarrement, je garde de cet épisode un mélange de honte et de fierté.

...

Il est pratique, ce blog : on peut y faire des séances gratuites de psychanalyse.

 draleuq , le 02/02/2011 à 17h11

On est là pour ça, Brath-z...
Allonge-toi sur le divan, parle nous de ton enfance... :)

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