Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je ronge mon
frein, ça fait
mal
Dans tes
rêves
Etrangement, l'on répand affreusement le règne animal. C'est ainsi que le temps s'enrichit en évitant la fin de l'imagination
Lao Meuh ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

5 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 2 : de l'art du déménagement (suite) »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


L’enfer et le paradis sont terrestres : nous les emmenons avec nous partout où nous allons

Christophe Colomb


Mnémotechnique

Il faut d’abord accepter l’idée que ça ne va pas. Puis accepter l’idée que quel que ce soit ce que tu tentes, ça ne va pas mieux. Puis admettre que tu n’as plus la force de chercher autre chose à tenter. Et enfin, il faut accepter l’idée que ça n’ira jamais mieux et que tu n’as pas d’autre choix que de foutre le camp si tu ne veux pas te retrouver à l’état de carpette.

Je me souviens, au début, quand on aspirait qu’à être l’un à côté de l’autre et que les gosses, sentant bien quelque chose, faisaient tout pour se mettre entre nous.

Il faut chercher des annonces, appeler des agences. Il faut visiter des appartements. Il faut en choisir un. Il faut déposer un « dossier de candidature ». Tout juste s’ils te demandent pas une analyse de sang et un certificat de bonne moralité. Moi encore, j’ai de la chance, j’suis un enfoiré de fonctionnaire.

Je me souviens, quand tu m’appelais à 11 h 00 pour qu’on bouffe ensemble le midi. Un kebab sur le pouce ou une pierrade dans le p’tit machin d’en face. Moments furtifs, au timing serré, mais moments privilégiés.

Il faut payer le dépôt de garantie et les honoraires, vite. Prouver que tu es solvable, tout de suite. Il faut faire réexpédier le courrier, faire changer l’assurance d’adresse, et quand ils te demandent pourquoi, leur dire d’une voix enrouée que c’est pour une séparation, Madame.

Je me souviens de la chaleur moite des nuits martiniquaises sous la moustiquaire, au chant des grenouilles.

Il faut faire rétablir l’eau courante et l’électricité. Y’en a pour cinq minutes, mais ils peuvent venir que le vendredi après-midi n’importe quand entre 12 heures et 16 heures. Comment ? Avoir une idée plus précise de l’heure ? Non M’sieur, c’est impossible. Paraît qu’EDF a été privatisée. C’était vraiment pas la peine, ça change strictement rien.

Je me souviens, quand on ne s’est pas rendu compte que l’eau coulait plus vite que ma douche pourrie ne pouvait le supporter, et que la flotte avait déjà débordé et inondé tout l’appart’ avant qu’on ne le réalise. Je nous revois à quatre pattes, à poil, morts de rire, en train d’éponger nos conneries.

Il faut faire rétablir le téléphone, la connexion internet et tous les privilèges de nanti. Il faut faire le « partage ». Il faut solliciter les bonnes volontés pour se faire aider.

Je me souviens d’une séance de pauses photographiques décapantes avec des statues Grecques. Je me souviens quand tu trottais sur un coursier arabe à l’orée du désert dans le soleil déclinant.

Il faut louer un camion, le remplir, le conduire, ne pas l’emboutir, le vider, charrier les meubles dans les escaliers, s’écorcher les mains, se niquer le dos, se faire des bleus à l’âme.

Je me souviens de tes mots dans un bar nommé l’El Dorado. Des mots que je n’attendais plus, ce qui les rendit d’autant plus inoubliables. Je me souviens de mon cœur battant la chamade à ces mots. Je me souviens que cette nuit-là, ce bar porta bien son nom.

Il faut déménager les meubles, les abonnements, les charges, les contrats, faire toutes ces démarches si pénibles et si rébarbatives, d’autant plus quand t’as pas l’esprit à ça, d’autant plus quand le moment t’est plus ou moins imposé, que t’es même pas en vacances et que tu dois continuer à assurer le boulot en parallèle.

Je me souviens de mille autres choses, souvenirs riants hier, plaies profondes aujourd’hui.

Il faut enfin déménager dans sa tête, et ça c’est encore beaucoup plus difficile que tout le reste.

Faut pas trop pousser les déménageurs dans les orties

Juin 2001, février 2002, octobre 2002, août 2005 (presque trois ans, waouuuuh ! la performance !), juillet 2006, mai 2007…
Ooops, les points de suspension j’aurais pas dû, ça porte malheur.
Voilà, on peut dire qu’à ce stade-là, je ne campe pas que pendant les vacances d’été.
Que mon goût pour le voyage a tendance à transformer ma vie entière en une éternelle virée (je n’ose dire une errance.)
Qu’au moins, je ne sombre pas dans une funeste sédentarité, c’est même le moins qu’on puisse dire.

Mes amis déménageurs, que je ne remercierai jamais assez car c’est à eux que je dois d’avoir encore quelques lombaires en état de fonctionnement (« état d’usage », selon le dernier état des lieux :), commencent à me faire comprendre que ça devient relou, certes gentiment, mais par des phrases blagueuses du type :
- Oh ben c’meuble-là, t’as qu’à le jeter. Il est pas beau t’façon.
- J’en ai ras le cul de la voir cette machine à laver !
- Tes cartons t’es ptet pas obligé de les défaire. T’as qu’à les laisser dans un coin jusqu’au prochain déménagement, l’année prochaine.
Je les comprends ô combien. Pour moi-même c’est déjà la corvée, alors pour les autres…


Cadavres de cartons pour lesquels ça a été le déménagement de trop.
Cette photo est un hommage à leur mémoire. Puissent-ils être recyclés en paix.


Camper à la maison

Ce type de comportement de manouche amène à un certain nombre de biais. Certes, après un premier départ brutal en laissant tout derrière soi, on commence par une vulgaire paillasse par terre, puis on récupère des trucs à droite à gauche. Mais surtout pas d’achats « définitifs », genre meubles trop grands, trop lourds, trop difficiles à monter/démonter. On sait jamais. Quant au massif, même pas dans les songes d’une nuit d’été.

Et puis les meubles en kit c’est vachement bien, mais généralement au bout de trois montages/démontages, ils commencent furieusement à ressembler à une pile de bois de chauffage.

A force d’être déménagés, tous ces trucs récupérés finissent par être rayés, saftés, usés jusqu’à la corde. Ils sont même pas vraiment à nous, alors on n’en a d’autant plus marre de les voir. Ils finissent par symboliser notre errance. On finit par les lourder dans le fourgon sans trop de délicatesse, en se disant que si ça passe tant mieux, et que si ça casse, euh… tant mieux aussi.

Et puis un jour on se réveille. Ou alors, c’est une femme qui nous réveille. Et on se rend compte qu’au bout de 4 ans d’allées et venues, on en est encore à se faire à bouffer sur une unique plaque électrique. Et que comme c’est pas bien pratique, ben en fait on se fait jamais vraiment à bouffer.
On se rend compte que chez soi, on se sent tellement pas chez soi qu’on y passe le moins de temps possible. Un dortoir, quoi.
Alors qu’être vraiment chez soi quelque part, même si c’est entre deux voyages, c’est primordial.


Quand je vous disais que mon nouvel appartement est extraordinaire !
Les taches de café y sont patriotiques. Encore un coup de Sarkozy ça !


Voyageur impénitent… quoi que…

J’ai ça dans le sang aussi, quelque part, sûrement. J’ai une inextinguible frénésie de parcourir le monde en long, en large et en travers, et à peine rentré, je pense déjà à où je vais partir la prochaine fois.

J’ai aussi choisi ce boulot pour ça. Beaucoup de temps libre pour tailler la route. Alors à force de bourlinguer, j’ai fini par connaître des gens à droite à gauche. Même si ce n’est pas la motivation première, comme je ne suis pas Crésus, cela me permet de ne pas me ruiner en hôtel. Et d’ailleurs ils/elles savent que je leur rends la pareille avec largesse s’ils se décident à venir par chez moi.

Ça en a énervé plus d’une, un mec qui a plein de vacances et qui tient pas en place, et qui parfois se fait héberger à droite à gauche. Ça en a énervé plus d’une, oui. Deux, à vrai dire.

Plus jamais ça !

Ça suffa comme ci, maintenant. Halte au sketch.
Sauf incendie, raz-de-marée ou inondation, je ne bouge plus d’ici. Finis les déménagements. Non non, je n’ai pas dit ça les fois précédentes. De tous ces déménagements en pagaille, celui-ci fut sans doute le pire, celui de trop. Le meilleur donc, celui qui vous donne la conviction qu’il est grand temps d’arrêter. Même si on ne sait jamais de quoi demain sera fait, il est possible de s’en faire une idée assez solide et fiable.

Maintenant, comme l’a fort bien analysé quelqu’un récemment, ça va sans doute vouloir dire un refus de prendre le moindre risque de s’engager dans quoi que ce soit qui pourrait rompre cette stabilité. Et c’est encore l’humain qui pourrait bien en pâtir.

Autrement dit, je m’apprête à sombrer, de guerre lasse, dans tout ce que j’ai toujours refusé jusqu’à présent, cet espèce de mal typiquement moderne qui pousse des millions de gens comme moi à se tenir compagnie à eux-mêmes pour n’embêter personne, et pour n’être embêtés par personne.

Je m’apprête à devenir un sale con d’individualiste pleinement assumé. Misère.[1]


Quand je vous disais que mon nouvel appartement est incroyable !
Sur la porte d'entrée, il y a ce qu'il convient d'appeler un porte-clef belge. Le principe en est simple : finies les clefs lourdes et encombrantes que vous cherchez partout dans vos poches et qui sont toujours dans la poche visitée en dernier, grâce au porte-clefs belge, vous pouvez laisser vos clefs sur votre porte après l'avoir bien fermée, et ainsi vous êtes sûr de les retrouver en rentrant, et surtout de ne pas les perdre !
Autre avantage, quand vlà les flics, ils peuvent entrer chez vous sans défoncer la porte, ce qui est bien car les portes défoncées par les flics sont rarement remboursées par les assurances.


Copyrat draleuq 2007


_________________________________
1. En fait, j'ai finalement déménagé deux fois depuis, et je compte bien redéménager bientôt :-) Que voulez-vous, chassez le naturel...

draleuq, 11h46 :: :: :: [1 injure]

:: COMMENTAIRES

 draleuq , le 07/11/2011 à 22h06

Le 300 000ème mot a été prononcé ! Lequel était-il exactement ?

"Il"

Fascinant, non ?

:: QUELQUE CHOSE À DIRE ?

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