Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je suis
fait comme
un rat !
Ah
bon ?
Etrangement, l'esprit dévore joyeusement le respect. C'est ainsi que la mort s'enfuit en rampant depuis l'enfer de l'existence
Lao Meuh ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

28 Janvier 2008 ::

« La conspiration de Cinq-Mars - 2ème partie »

:: Histoire moderne, 1642

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. La conspiration de Cinq-Mars - 1ère partie
2. La conspiration de Cinq-Mars - 2ème partie



Aleas de la guerre et des complots

C'est, Louis d'Astarac, vicomte de Fontrailles[1], qui propose au marquis de Cinq-Mars d'éliminer le cardinal de Richelieu. Cinq-Mars est immédiatement séduit par cette idée, mais résout tout d'abord d'assurer ses arrières. Il se rapproche de Monsieur, l'ineffable Gaston d'Orléans, et cherche également à se rapprocher du duc de Bouillon, grâce à un ami commun nommé François-Auguste de Thou. Ce dernier est plus qu'un ami pour Cinq-Mars, c'est un confident : constant en amitié, homme d'esprit, Thou est pourtant devenu irrémédiablement suspect aux yeux de Richelieu depuis qu'il a entretenu des intrigues dans les cours étrangères avec la redoutable duchesse de Chevreuse[2]. Il accueille avec indignation l'idée de l'assassinat du cardinal, mais accepte cependant de mettre en relation Cinq-Mars et le duc de Bouillon.

Le duc de Bouillon rencontre donc à Paris successivement Richelieu et Louis XIII qui lui remettent le commandement de l'armée d'Italie, puis Cinq-Mars qui lui fait part de ses projets d'assassinat du cardinal. Jouant sur les deux tableaux, le duc de Bouillon se rend ensuite à Sedan, où il accueille Cinq-Mars et Fontrailles : à l'insu de François-Auguste de Thou, ils mettent sur pied un projet de traité avec l'Espagne.

En janvier de l'année 1642, le roi et la cardinal[3] partent vers le Roussillon (où l'armée doit se battre) mais par des routes différentes. Avec Louis XIII se trouve Cinq-Mars, tandis que Fontrailles est déjà à Madrid en train de négocier avec Gaspar de Guzmàn, comte d'Olivares et premier ministre du roi d'Espagne Philippe IV. Le traité prévoit de fournir à Gaston d'Orléans une armée de 12000 fantassins et 5000 cavaliers, de l'artillerie, des munitions, une somme ferme et immédiate de 400.000 écus, ainsi qu'une pension de 12000 écus par mois, en échange de la restitution de tous les territoires conquis par la France, et la rupture des alliances contractées, notamment auprès de la Suède. Le duc de Bouillon et le marquis de Cinq-Mars doivent eux aussi recevoir une pension avantageuse, en échange de leur plein et entier service.

Pendant le voyage, Cinq-Mars ne quitte pas le roi une seule journée, et se vante tant et si bien qu'il finit par manquer de la plus élémentaire des prudences : c'est tout juste s'il n'avoue pas ouvertement au roi qu'il trempe dans un projet d'assassinat contre Richelieu... Louis XIII, irrité par la maladie, et ayant toujours eu des relations compliquées avec son premier ministre, ne semble pas relever ces imprudences, et rit même parfois des sarcasmes que répand Cinq-Mars sur le compte du cardinal.

Après une brève rencontre avec le roi à Lyon, Richelieu s'inquiète de l'ascendant qu'a pris Cinq-Mars sur la volonté du monarque, mais la fièvre et les aléas du voyage l'empêchent d'agir. Tandis que le roi entame le siège de Perpignan, Richelieu doit s'arrêter plusieurs semaines à Narbonne, dévoré par la fièvre : c'est peu de temps après que la morgue de Cinq-Mars commence à lasser Louis XIII. Ecoeuré par le siège de Perpignan[4], fatigué par l'outrecuidance de son favori, le roi — toujours plus lucide qu'il veut bien le laisser paraître — envoie un message à son premier ministre :

Quelque faux bruit qu'on fasse courir, je vous aime plus que jamais ; il y a trop long-ce temps que nous sommes ensemble pour être jamais séparés, ce que je veux bien que tout le monde sache.

Richelieu victorieux avant la mort

Le 5 juin, le roi reçoit en réponse de son message une copie du traité félon établi par les conspirateurs, que Richelieu s'est procuré par un de ses espions à la cour espagnole. Louis XIII se rend immédiatement à Narbonne auprès de son ministre, et la réaction au complot est sans appel : Cinq-Mars est arrêté, Thou est arrêté, le duc de Bouillon est arrêté, seul Fontrailles parvient à fuir en Angleterre[5]. Le roi et le cardinal se réconcilient très officiellement, et chacun peut constater l'amitié dont l'un et l'autre se témoignent mutuellement.

Gaston d'Orléans, apprenant la nouvelle, fait à nouveau preuve de sa veulerie sans borne[6] : il fait immédiatement acte de contrition devant son royal frère, et signe des aveux complets, dénonçant tous ses complices en un clin d'oeil. Avili, humilié, dépouillé de la plupart de ses terres et de tout pouvoir de régence en cas de mort de Louis XIII avant la majorité du jeune Louis-Dieudonné, Gaston d'Orléans doit se retirer dans son château de Blois. Le duc de Bouillon fait quant à lui l'objet de la clémence, sur la demande particulière de son oncle Frédéric-Henri, prince d'Orange et grand allié de la France : en échange, la principauté de Sedan est rattachée au royaume de France.

Restent Thou et Cinq-Mars : le 12 septembre, ils sont traduits devant une assemblée au parlement de Grenoble, et doivent faire face aux dépositions accablantes de Gaston d'Orléans et du duc de Bouillon. Cinq-Mars fait des aveux complets, et entraîne irrémédiablement son ami dans sa chute : le jour même, tous deux sont condamnés pour crime de lèse-majesté, conduits[7] au pied de l'échafaud, et décapités. C'est le dernier des grands complots du règne de Louis XIII et de son ministre Richelieu, tant détesté. Ironie du sort, Richelieu meurt à peine trois mois après, le 4 décembre 1642 : à l'annonce de sa mort, son impopularité est telle que dans tout le royaume, on allume des feux de joie !



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1. Fontrailles vouait également une haine farouche au cardinal, car ce dernier l'avait un jour raillé sur sa laideur (Fontrailles était bossu).

2. Elle fut contrainte à l'exil après le complot de Chalais, et était une des pires ennemies du cardinal.

3. L'un et l'autre souffrent déjà de maladie à cet instant précis : le cardinal est faible, fiévreux et doit souvent rester alité, et le roi est sujet à de fréquentes coliques, à des maux de ventres très intenses. Les innombrables saignées, lavements et diètes imposées par son médecin ont probablement hâté la maladie de Louis XIII.

4. La ville tombera aux mains des français le 9 septembre 1642.

5. Il continuera par la suite à intriguer dès qu'il le pourra, notamment pendant la Fronde pour éloigner Anne d'Autriche et Mazarin de la régence, avant de retourner sa veste sans vergogne. Il mourra en 1677, âgé de plus de 70 ans.

6. Note toute personnelle : décidément, ce type était vraiment un minable !

7. Les chroniques rapportent que contrairement à l'usage habituel, ils furent conduits à l'échafaud non pas dans un chariot, mais dans un carrosse — noblesse oblige —.

finipe, 13h51 :: :: :: [0 remarque spirituelle]

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