Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Ne pas juger
les gens sur la mine...
On s'en
fout
Ces temps-ci, Dieu escalade affreusement le respect, tant et si bien que l'amour s'échappe en courant vers les cieux de l'imagination
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

14 Novembre 2007 ::

« De l'art de faire une bonne grève »

:: Métroboulododo

Dans la lignée de « l'art de faire un bon film », voici un petit mode d'emploi à l'usage des grévistes inconditionnels qui emmerdent tout le monde en ce moment :)



Tout d'abord, lorsque l'on aspire à être responsable d'un mouvement de grève, il est très important de choisir avec soin les termes que l'on emploie. Car, malheureusement, les temps sont durs : la population mécréante ne croit plus guère aux idéaux d'antan, les bonnes vieilles ritournelles de lutte des classes, où l'on savait facilement dans quels camps et qui étaient les gentils et les méchants. Les temps sont durs car désormais, les comportements moutonniers et la médiocrité endémique, véritable catastrophe collective qui fournissait le gros des troupes contestataires, sont investis par la population dans d'autres passe-temps certes aussi stupides, mais beaucoup moins utiles à la cause de la grève (nous laisserons ici le soin à chacun de jauger lesdits passe-temps, et leurs stupidités relatives).

Ainsi, la population française s'avère beaucoup plus réfractaire à toutes ces joyeuses manifestations, ces beuglements collectifs et ces drapeaux bigarrés qui ornent habituellement la remuante cohue des cortèges. Ils se lassent très rapidement des désagréments que la grève leur cause, et même, parfois, se rebiffent ! Voilà qui est extravagant, j'en conviens, mais hélas vrai. Nous pourrions pérorer fort longtemps sur le désintérêt et le manque d'investissement du salarié moyen vis-à-vis des syndicats, ces « fers de lance de la contestation » qui ont toujours tenu à bout de bras les grèves de tout genre... Aussi, puisque l'on est minorité risible, il faut faire contre bonne fortune mauvais coeur, et protester plus fort que tout le monde pour se faire entendre.

Il convient donc de trier ses mots avec soin. Prenons, par exemple, le cortège : il faut bien dire que le terme de cortège est particulièrement adapté à la grève. Il peut à l'envi exprimer la componction inhérente à tout défilé, l'aspect sinistre de l'enterrement, ou la gaieté d'un carnaval. Il FAUT parler de cortège pour souligner le caractère sérieux mais non rebutant de la manifestation. Les étudiants pourront éventuellement user du terme manif, subtile apocope de la manifestation, mais avec précaution : celui-ci est en effet très connoté "Mai 68", et, nous l'avons vu précédemment, le français moyen est assez réticent à ces effusions de la chienlit.

Le terme grève étant mal vu, il faut lui trouver un remplaçant plus politiquement correct, qui choquera moins les sensibles oreilles du peuple. Le délicat euphémisme de mouvement social est à cet effet très indiqué : on est pour le social (social, c'est bien, c'est bénéfique pour les pauvres), et on est en mouvement (on n'est donc pas forcément contre tout). Etre "contre tout", c'est un peu ce qui agace le peuple (alors que lui-même est souvent contre beaucoup de choses, paradoxalement), il sera donc plus avantageux d'être "pour quelque chose".

Prenons un exemple très actuel : un cheminot part à la retraite après 37,5 ans de travail, alors que la plupart des autres salariés doivent travailler 40 ans. Le nerf de la grève concerne donc un privilège, et nous savons que la France, dernier des grands pays communistes, coupeuse de tête chevronnée, hait profondément les privilèges, qu'elle assimile à l'aristocratie avec un atavisme national toujours surprenant[1]. Aussi pour maintenir une ligne de lutte solide, il faut retourner l'argument : plutôt que de ramener la toute petite minorité de privilégiés au même régime que l'immense majorité des autres, et ainsi respecter le sacrosaint égalitarisme, il est nettement plus profitable de demander que tout le monde passe à 37,5 années de travail ! La motivation initiale est bien entendu la même — conserver son privilège — mais le gréviste passe pour un philanthrope.

Et puis, finalement, on oublie trop souvent que 100% des gens travaillent pour gagner de l'argent : il en va de même pour les grévistes, qui finissent la plupart du temps par obtenir quelques compensations financières pour rentrer dans le rang. C'est ainsi que les gouvernements, pour faire passer la pilule en attendant la prochaine grève, fabrique des cons primés.

_________________________________
1. N'oublions pas que le terme "grève" vient de la place de Grève à Paris, sur laquelle les travailleurs désoeuvrés venaient chercher une activité, mais aussi sur laquelle on a décapité à tour de bras tout au long de l'Histoire de France.

finipe, 20h16 :: :: :: [3 vilénies]

:: COMMENTAIRES

 draleuq , le 14/11/2007 à 21h19

Pérorer, componction, apocope, surpenant...
Diable, tu deviens de plus en plus hermétique.
...
Surpenant, je le retire... Ça doit être une faute de frappe ;)

 finipe , le 14/11/2007 à 21h45

Wooo l'autre eh !

 finipe , le 15/11/2007 à 01h54

Lu sur un autre blog ([http]) :

« [...] le conducteur explique que passé 50 ans, les gens sont un peu moins frais, ont un peu moins de réflexe, que s'il s'agit d'un boulanger, une erreur, ça peut cramer une fournée, mais que quand il s'agit d'un conducteur de train, une erreur, ça peut se traduire par un monceau de victimes.
Des gens.
Des personnes.
Des êtres humains.
Des otages en colère qui, au moment où leur chair fusionnera avec le métal hurlant de leur wagon, regretteront peut-être de ne pas avoir soutenu le mouvement de ceux qui voulaient un service public de qualité pour tous, qui voulaient des conducteurs en bonne santé dans des trains en bon état sur des rails régulièrement entretenus. »


J'en ai encore mal aux côtes de rire :)

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