Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je suis
fait comme
un rat !
Eh
ouais
Tant bien que mal, l'esprit dévore atrocement la morale. Ainsi, le temps s'amenuise en courant vers le néant de l'existence
Cornille ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

13 Janvier 2008 ::

« La Sainte Lance d'Antioche »

:: Histoire médiévale, 1098

Spéciale dédicace, en souvenir d'une antique partie de jeu de rôle ;)

Le premier siège d'Antioche

En 1096, suite à l'appel du pape Urbain II, des dizaines de milliers d'hommes à travers toute l'Europe chrétienne s'engagent sur les routes de la première croisade, vers la reconquête des terres saintes aux mains des « infidèles » turcs. Parmi ces hommes se trouve un prêtre marseillais, du nom de Pierre Barthélémy : il se croise dès le début de l'aventure, et traverse l'Europe à pied à la suite de Raymond de Toulouse. Après bien des avatars, les croisés mettent le siège devant Antioche au mois d'octobre 1097, mais leur situation devient rapidement difficile : les turcs tiennent fermement la ville, les provisions manquent (de nombreux hommes et chevaux meurent de faim[1]), tandis que les principaux commandants, Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente et Raymond de Toulouse, se disputent sur la tactique à adopter.

Finalement, après quelques providentiels renforts anglais au mois de mars 1098, un rétablissement des voies d'approvisionnements, et l'aide de Byzance (malgré les tensions entre l'empire chrétien d'orient et les croisés), la situation se débloque : dans la nuit du 2 au 3 juin, après avoir feint de se retirer, et avec l'aide des chrétiens se trouvant encore dans l'enceinte d'Antioche, les croisés pénètrent dans la ville en escaladant les murailles, ouvrent les portes, et massacrent purement et simplement tous les turcs qui leur tombent sous la main.


Les croisés passant les murailles

Le second siège d'Antioche

La victoire est cependant de courte durée, car dès le 7 juin, une armée menée par Kerbogha, un chef de guerre turc renommé, met le siège devant Antioche à son tour, et les rôles sont inversés. La situation est désespérée : de nombreux croisés ont déserté avant la prise de la ville, pensant la situation intenable[2], les provisions sont presque inexistantes, et tous les hommes sont épuisés par le premier siège. C'est alors que Pierre Barthélémy, sale et vêtu de loques, prétend avoir reçu une visite miraculeuse : Saint-André lui aurait ordonné de se rendre à l'église Saint-Pierre, où il devrait retrouver sous le maître autel la Sainte Lance, celle qui jadis perça le flanc du Christ sur la croix.

Beaucoup d'hommes prennent au sérieux le prêtre marseillais, ils n'ont pas dormi depuis plusieurs nuits et sont épuisés : la Sainte Lance est un objet mystique, magique, une relique inestimable qui donnerait la victoire aux croisés. Un vent de mysticisme gagne la ville ! On entame un jeûne de trois jours, et l'on désigne douze des plus valeureux croisés pour aller à la quête de la Sainte Lance, comme on partirait à la quête du Saint Graal et entament les fouilles en creusant une large fosse sous le maître autel. La nuit arrive, Pierre Barthélémy continue les fouilles seul, et c'est alors que le miracle intervient : il découvre la Sainte Lance ! Les chevaliers tombent à genou en hurlant de joie, ce ne peut être que Dieu qui a placé la Lance entre les mains de l'innocent prêtre... La précieuse relique est remise à Raymond de Toulouse, qui en tire une gloire immense. Dès lors, les croisés sont galvanisés par cette découverte : les forces franques se réorganisent, et après une âpre lutte, parviennent à mettre l'armée turque en déroute et à lever le siège[3].


Découverte de la Sainte Lance (miniature du XVème siècle)

L'Ordalie

Cette opportune découverte ne fait pas vraiment l'unanimité : il existe une grande compétition entre les croisés du Nord et ceux du Midi. Les normands prétendent rapidement que la lance est fausse, et, après de nombreuses disputes, on décide de soumettre son authenticité à l'Ordalie, le jugement de Dieu. Pour déterminer s'il a réellement entendu Saint-André et si la lance est réellement la Sainte Lance, Pierre Barthélémy doit subir l'épreuve du feu.

C'est ainsi qu'un vendredi saint, le 8 avril 1099, on construit un énorme bûcher, flanqué de deux escaliers permettant d'y monter et d'en redescendre. On allume alors l'immense brasier, et devant l'armée réunie, Pierre Barthélémy s'y engage avec en main la Sainte Lance enveloppée dans un tissu : il monte les marches, traverse les flammes, et ressort de l'autre côté, vif. Les croisés explosent de joie, se ruent sur le prêtre à moitié calciné, le bousculent de toute part en tentant d'arracher un lambeau saint de sa robe, de le toucher, le féliciter. La folie est telle que Pierre Barthélémy manque de périr étouffé et piétiné...

Quelques jours plus tard, il meurt des suites de ses brûlures et de la bousculade : la Sainte Lance, quant à elle, a disparu. Et plus personne n'ose en parler.

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1. Les chroniques rapportent même des cas de cannibalisme.

2. Parmi les déserteurs, il y avait notamment Etienne II de Blois, l'un des principaux commandants, et mari d'Adèle d'Angleterre, l'une des filles de Guillaume le conquérant. Lorsqu'Etienne revint en son domaine, Adèle lui reprocha durement sa couardise : il finit par repartir en terre sainte quelques années plus tard, et mourut en Palestine.

3. Notons que les croisés profitèrent également des grandes dissensions qui divisaient l'armée de Kerbogha.

finipe, 17h45 :: :: :: [7 lettres de suicide]

:: COMMENTAIRES

 draleuq , le 14/01/2008 à 00h17

J'ignorais le détail de l'ordalie...
Beau souvenir en effet ;)

 louisemiches , le 14/01/2008 à 12h24

Mais la Sainte Lance, elle n'était pas sensée saigner ?
(souvenirs non de jeux de rôles, mais de lectures de Chrétien de Troyes ou autres...)

 finipe , le 14/01/2008 à 14h17

En fait, elle n'est sanglante que selon Chrétien de Troyes, donc postérieurement à cet épisode. Elle est également sanglante dans le "Parsifal" de Wagner, mais je ne sais plus d'où le livret de l'opéra est adapté.

Il faut également préciser qu'il y avait déjà eu des saintes lances qui étaient apparues à plusieurs endroits du monde depuis quelques siècles lorsque Pierre Barthélémy fit cette découverte. C'est pour cela notamment que les Normands étaient plus que sceptiques sur l'authenticité de celle-ci (il est probable que ce soit en fait une vulgaire manipulation de la part de Raymond de Toulouse).

 draleuq , le 17/01/2008 à 09h47

Bien fait pour leurs gueules. A mort les collabos ;)

 draleuq , le 17/01/2008 à 09h49

Ooops, j'm'a gouré eud'billet.
mais comment qu'c'est y qu'j'a bien pu faire an'bourde pareille, créfiou !

 Thomas, le 22/03/2009 à 11h37

Qui a declenchez la croisade ?

 finipe , le 22/03/2009 à 15h54

Comme il est dit dans ce billet, au tout début, c'est le pape Urbain II qui a lancé l'appel à la croisade. En effet, quelques années auparavant, les turcs avaient conquis les territoires saints (dont notamment Jérusalem) et contrairement aux arabes qui y résidaient avant, ils refusaient le passage aux chrétiens.

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