Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
C'est ce qu'on dit
De plus en plus, la Femme dévore joyeusement l'art. C'est pourquoi l'Histoire se délite en courant vers le bonheur de l'indifférence
La Piscine ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

15 Novembre 2006 ::

« De l'art de parler sans rien dire »

:: Métroboulododo

Ce matin, je me levai aux aurores, l'oeil encore poisseux de sommeil, la chevelure hirsute et l'humeur inégale : le travail réclame parfois de tels sacrifice paraît-il. Je me préparai ainsi du mieux possible, puis pris le volant de ma quelconque automobile pour m'en aller vers une mairie perdue au fin fond d'un bocage agricole, afin d'y assister à ce qu'il est convenu d'appeler, dans les milieux laborieux, une réunion. Et, tandis que je roulais vers cet hypothétique futur fait de plans topographiques, d'hydraulique et de joyeux cours d'eau sillonnant de vertes prairies, je fondis dans une agréable et poétique insouciance, bercé par le ronron des kilomètres et la plénitude matinale d'un soleil levant apaisant.

C'est ainsi que, environ quatre-vingt-dix minutes plus tard, j'arrivai à destination, avec une nonchalance des plus singulières. Plongé dans cette douce torpeur, je passai le cap des fastidieuses et pénibles civilités que chacun des participants se doit de faire : vingt personnes inconnues jusqu'à ce jour, vingt noms qui se suivent, accolés des provenances de chacun.

- Bonjour : Robert Dupont, de la société Machin.
(poignée de main)

- Bonjour. Je suis Gisèle Durand, du bureau d'études Bidule.
(poignée de main)

- Bonjour : Hector Martin, du syndicat intercommunal de Méroubi-les-quiquettes.
(poignée de main)

[...]

En vérité, ce furent autant d'informations aussitôt oubliées, car par la suite, chacun s'apostropha joyeusement de lapidaires "madame" ou "monsieur".

Nous entrâmes alors dans le vif du sujet : rétroprojecteur, plans et schémas divers, rose des vents, statistiques pluviométriques... Le bougre qui dirigeait cette comédie était plus bavard que deux adolescentes au téléphone ! Mais, fort heureusement, sa soliloquie ne m'empêcha pas de rester dans ma bulle : bercé par la même plénitude qui m'accompagnait depuis le lever, je demeurai totalement imperméable à cette logorrhée inepte, perdu dans mes pensées, voguant au gré de songes agréables et intimes.

Hélas, trois fois hélas ! Bientôt parvint devant moi, par le truchement d'une discrète translation depuis le fond de la salle, l'ignoble "feuille d'émargement", sur laquelle je devais apposer mon patronyme et ma signature, afin de prouver ma présence physique. Cette ignominie eut tôt fait de se transformer en feuille d'émergement : sorti brusquement de mon nébuleux coma, je fus parfaitement incapable de m'y replonger après avoir signé. Et ainsi commença une longue agonie : pendant d'interminables instants, les divers acteurs de cette farce grotesque se succédèrent, et, l'un après l'autre, parlèrent encore et encore, avec toujours un peu moins de pertinence que le précédent.

C'est inouï de constater cette aberrante faculté qu'ont ces gens de parler des heures pour dire si peu de choses. Un flux de paroles inutiles, stériles et incohérentes. Une collection de banalités et d'analyses infondées. Une incoercible verbigération...

Lorsqu'enfin fut venue la libération de cet enfer, le bilan personnel que j'en tirai fut rapide : j'eusse pu régler les problèmes me concernant directement par téléphone ou par email, en cinq minutes environ. Mais comme l'enfer est pavé de bonnes intentions, et qu'il m'est malheureusement impossible de déterrer quelques uns de ces pavés pour les balancer en travers de la gueule de ces sombres thuriféraires architecto-administratifs, j'eus droit pour clore cette séance de torture au coup de grâce : en effet, j'appris qu'une précédente réunion avait eue lieu un mois auparavant, à laquelle diable merci je n'avais point été convié. Je rangeai donc mon stylo et mon petit carnet (resté aussi virginal qu'une abbesse), et m'apprêtai à quitter ce lieu maudit pour rejoindre mon doux quotidien.

Tandis que je passai le pas de la porte, le coeur léger et l'humeur joyeuse, la voix aigrelette d'une secrétaire de mairie me vrilla les tympans : « La prochaine réunion est prévue pour le 19 décembre. Au revoir messieurs dames ! »

finipe, 23h15 :: :: :: [1 jubilation]

:: COMMENTAIRES

 Lohen, le 22/11/2006 à 23h53

Plus il y a de réunions, moins le boulot avance, c'est bien connu, non ?

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