Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Ne pas juger
les gens sur la mine...
C'est pas faux
De plus en plus, l'Humanité escalade horizontalement la religion, tant et si bien que la piété filiale s'échappe en évitant l'au-delà de l'indifférence
Saint Tobustin ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

27 Octobre 2007 ::

« Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 1ère partie »

:: Histoire contemporaine, 1932

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 1ère partie
2. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 2ème partie
3. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 3ème partie
4. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 4ème partie




Après le destin de Mustapha Kemal et l'ascension d'Hitler au pouvoir, je poursuis ma série sur l'entre-deux-guerres des vaincus de la première guerre mondiale avec Engelbert Dollfuss, chancelier d'Autriche à partir de 1932. Savourez ces billets, j'en ai chié bavé :)



La ruine de l'Autriche-Hongrie

Engelbert Dollfuss naît en Autriche, à Kirnberg-sur-Mank, en 1892, dans une famille de paysans. Dès son plus jeune âge, une foi ardente le pousse vers la prêtrise, et il entre au séminaire, jusqu'à 18 ans, âge auquel il finit par douter de sa vocation. Dollfuss poursuit alors ses études à l'université de droit de Vienne, sans aide de ses parents, trop pauvres pour cela. C'est ainsi qu'il découvre la resplendissante capitale autrichienne, qu'il ne se lasse pas d'admirer avec un émerveillement sans cesse renouvelé. A la même époque, un jeune autrichien qui vient d'échouer à l'école des Beaux Arts sillonne lui aussi les rues de la capitale, mais ce ne sont que haine et nausée qu'il ressent, fréquentant assidument les soupes populaires : il s'appelle Adolf Hitler.

Lorsque 1914 arrive, Dollfuss se présente devant la commission militaire après avoir été une première fois réformé : mesurant 1 mètre 50, il avait été déclaré trop petit. Cette fois-ci, profondément vexé, il se met sur la pointe de pieds : les militaires l'acceptent, au milieu d'un fou rire général... Pendant les quatre années qui suivent, il se bat courageusement, gagne ses galons de lieutenant, ainsi que plusieurs citations ; mais une fois la guerre terminée, l'Autriche figure au rang des vaincus, et Dollfuss rentre dans une Vienne exsangue d'où ont fui les Habsbourgs.

Le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919, consacre le démantèlement de la monarchie austro-hongroise : tout son territoire vole en éclat, et avec la chute de l'empire russe de 1917, on voit ainsi apparaître une toute nouvelle carte géopolitique de l'Europe centrale. Avec les frontières, ce sont également l'administration, l'armée, les cadres et les traditions qui chancèlent : l'Autriche n'est plus un pays viable, ses chemins de fer ne mènent nulle part, ses usines n'ont plus de débouchés, l'inflation, le chômage et le déficit budgétaire conduisent à la ruine complète.

Catholiques & marxistes

C'est le docteur Karl Renner et son gouvernement social-démocrate qui dirigent cet état fantomatique, avec pour farouche volonté l'Anschluss, la réunification de l'Autriche et de l'Allemagne[1], pourtant formellement interdite par le traité de Saint-Germain-en-Laye. Dollfuss, quant à lui, se forge rapidement une excellente réputation en commençant comme secrétaire à l'union des paysans de basse Autriche. En 1921, il obtient sont doctorat en droit, et se marie à Alwine Glienke, une jeune fille rencontrée en Allemagne : il est pauvre, petit et catholique, elle est riche, grande, et protestante.


Engelbert Dollfuss

Dollfuss milite activement pour un état corporatif et chrétien, refusant la lutte des classes. Son ascension est fulgurante ! En 1922, il obtient une loi révolutionnaire sur les assurances agricoles ; en 1926, il crée un institut d'assurances dont bénéficient un demi million d'ouvriers agricoles ; en 1927, il est élu président de la chambre agricole de basse Autriche, et acquiert la stature d'un expert international. Dès lors, il est invité dans toute l'Europe, et en tout premier lieu en Italie, où le régime fasciste de Mussolini — au pouvoir depuis 1922 — prône lui aussi le corporatisme. En 1931, Engelbert Dollfuss devient ministre de l'agriculture et des forêts.

Pendant ces années où Dollfuss se mue de simple citoyen en expert renommé et estimé, l'Autriche connaît cependant bien des déboires : dès 1920, les sociaux-démocrates doivent céder le pouvoir au parti chrétien-social (auquel appartient Dollfuss), avec pour chancelier un homme d'église, Monseigneur Ignaz Seipel. La haine entre marxistes et catholiques devient rapidement terrible : en 1927, des grèves éclatent sous l'impulsion du parti socialiste, et, le 15 juillet, une bataille rangée avec la police laisse vingt victimes sur le pavé... Les deux camps ne cessent dès lors de s'armer, tandis qu'en Allemagne, Hitler utilise ses SA pour conquérir le pouvoir.

L'accès à la chancellerie

Voyant le parlement se dérober sous ses pieds, Mgr Seipel choisit de s'appuyer sur la Heimwehr, un parti de droite animé par un personnage haut en couleurs, le prince Ernst Rüdiger Starhemberg[2]. Dès lors, l'Autriche voit ses villes, villages et campagnes parcourus par des groupes armés, et c'est la course aux postures martiales et au patriotisme traditionnaliste et chrétien le plus rude. En 1928, Mgr Seipel doit démissionner en raison de son état de santé[3] : il avait pourtant réussi à redresser l'économie, mais la situation financière redevient rapidement catastrophique. Pour faire face à la crise, le nouveau chancelier Johannes Schober essaye de relancer le vieux rêve de l'Anschluss au travers d'une proposition d'union douanière avec l'Allemagne : peine perdue, les Alliés opposent un refus catégorique, et Schober doit démissionner.


Dollfuss à la tribune. Derrière lui, Starhemberg, le chef des milices patriotiques et soutien de Dollfuss.

Après avoir consulté Mgr Seigel, le président de la république autrichienne Wilhelm Miklas demande à Dollfuss s'il souhaite assumer la chancellerie. Ce dernier, après une nuit passée en prières, y consent. Ainsi, le 8 mai 1932, Engelbert Dollfuss devient chancelier d'Autriche : ceux qui l'apprécient le surnomment déjà Millimetternich, en référence à son illustre prédécesseur Klemens Wenzel von Metternich, le tout puissant ministre qui, plus d'un siècle auparavant, s'était opposé si fermement à Napoléon. Ceux qui ne l'aiment pas le surnomment en revanche Millimettermensch, ce qui signifie peu ou prou "minus".


Au premier plan à gauche, le chancelier Dollfuss. A ses côtés, le président Miklas.



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1. Allemagne qui à ce moment était elle aussi dirigée par un gouvernement socialiste.

2. Starhemberg appartient à la plus ancienne (et richissime) famille autrichienne. Après s'être courageusement battu pendant la guerre, il se retrouve en Allemagne, à lutter âprement contre le marxisme-socialisme : séduit par Hitler, il participe au fiasco du putsch de la Brasserie en 1923, et aide notamment Göring — gravement blessé à la jambe — à se réfugier en Italie. Déçu par le national-socialisme, il revient en Autriche et se fait le chantre d'un retour aux traditions chrétiennes patriotiques. Après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938, Starhemberg s'enfuit de son pays, et sert la France Libre et les forces aériennes britanniques pendant quelques temps.

3. Il souffrait de la tuberculose.

finipe, 18h27 :: :: :: [0 commentaire désobligeant]

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