Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je vais te
ratiboiser
la colline !
Ah
bon ?
Somme toute, l'envie écrase joyeusement l'art. Par là même, l'amitié s'enrichit, se précipitant vers le néant de l'existence
Cornille ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

2 Février 2009 ::

« Mao & le Grand Bond en Avant - 2ème partie »

:: Histoire contemporaine, 1960

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. Mao & le Grand Bond en Avant - 1ère partie
2. Mao & le Grand Bond en Avant - 2ème partie



Le socialisme à son paroxysme

Après la campagne des cent fleurs, qui se solde par une répression intense et un raidissement du pouvoir chinois, Mao lance son projet : le Grand Bond en avant (Dà yuè jìn). Il a pour but de parvenir à une accélération économique et technique de la Chine — agriculture comme industrie —, en un laps de temps très court, et en mobilisant notamment de façon très importante les campagnes. Tout est bon pour y parvenir : endoctrinement, propagande et coercition font merveilles, et dès la fin de l'année 1958, le mouvement se met en marche. La collectivisation est poussée à son comble : la coopérativisation des foyers ruraux que Mao avait enclenchée en 1955 est revue à une échelle encore plus importante, avec la création de dizaines de milliers de Communes, regroupant chacune une trentaine de coopératives agricoles, soit plus de 20000 personnes par Commune.

Ce modèle voulu par Mao se doit d'être auto-suffisant, autant pour la nourriture que pour les matières premières. On manque d'acier ? Mao incite chaque Commune à construire une fonderie d'acier : sitôt dit, sitôt fait, le moindre gramme de métal est jeté dans ces fourneaux, tôles, outils, casseroles, couverts, ustensiles, tout y passe, créant de l'acier de si mauvaise qualité qu'il en est totalement inutilisable. En pendant ce temps, les champs sont privés de leur main d'oeuvre, trop occupée à fabriquer de l'acier qui sera finalement jeté... Le bois vient à manquer pour faire brûler tous ces hauts fourneaux ? Qu'importe : on fait brûler les tables, les encadrements de portes, les lits... Chaque oiseau mangeant un grain de riz prive le peuple de sa nourriture, affirme Mao : aussitôt, les chinois se ruent sur leurs fusils, et ce sont des dizaines de milliers de moineaux qui sont abattus !


A gauche, les hauts fourneaux ayant englouti tout le métal de la Chine
A droite, un camion emportant des milliers d'oiseaux, tués pour soi-disant protéger les récoltes

Mais cette politique grotesque tourne rapidement au désastre : des famines éclatent çà et là en raison de l'irréalisme de ce Grand Bond[1], et très rapidement, la folie du système crée de graves mécontentements parmi la population comme parmi les élites : le ministre de la guerre notamment, Peng Dehuai, fait des déclarations très critiques à l'égard de Mao, critiques que de nombreux cadres du Parti pensent sans oser les exprimer de vives voix. Mao le destitue, et l'armée est purgée de ses éléments contestataires : le Grand Bond en avant continue, et est même encore accentué. Dans le même temps, les relations entre la Chine et l'URSS (qui désapprouve la politique de Mao) s'enveniment gravement.


Image de propagande sur l'objectif de production d'acier.
Le texte indique : « Considérez l'acier comme un élément clef,
pour un bond en avant dans tous les domaines »

L'année 1960 est un cauchemar : la récolte est très mauvaise, le nord du pays subit une sécheresse importante, et les famines s'étendent à tout le pays. Dans toute la Chine, on assiste à des scènes affligeantes : de pauvres hères aux formes squelettiques rampent dans les champs pour grapiller quelques graines, on ne trouve plus un rat, plus un chat, plus une souris, plus un chien, tous ayant été mangés. On cuit des galettes de terre et de mauvaise herbe, les enfants sont abandonnés, l'on fait état de scènes de cannibalisme... Et cette situation dure près de trois années !

Retour à la raison ?

Dès l'automne 1960, Mao Zedong est lui-même obligé de reconnaître l'échec cuisant de sa politique. Le Grand Bond en avant est stoppé net, la collectivisation drastiquement réduite, certains lopins de terre redeviennent privés, et la Chine échappe de justesse à un effondrement total de son économie. Liu Shaoqi est élu à la place de Mao, qui se retire à Shanghaï pour se faire oublier ; mais le Grand Timonier, ainsi qu'on le surnomme, reste intimement persuadé que la Révolution doit en permanence être nourrie de forces vives, et ce même dans la douleur. C'est ainsi qu'il fera son retour en 1966, armé de son « Petit livre rouge », et lancera la Révolution culturelle.

Les conséquences apocalyptiques du Grand Bond en avant resteront quant à elle cachées aux yeux du monde jusqu'au début des années 80, alors que Deng Xiaoping a entamé une ouverture économique du pays. On estime aujourd'hui que 20 à 50 millions de chinois (!!) seraient morts dans les années 1958 à 1963.


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1. En plus de la désertion des paysans de leurs champs pour aller faire de l'acier, l'abattage massif des passereaux n'y fut pas étranger : sans prédateurs, les insectes se multiplièrent !

finipe, 02h23 :: :: :: [5 pleurnicheries]

:: COMMENTAIRES

 Faust, le 04/02/2009 à 21h21

Billet encore une fois très intéressant, merci !

(Parce que oui des fois, j'ai juste envie de dire merci ^^)

 finipe , le 04/02/2009 à 23h01

Ben... de rien :)

 draleuq , le 06/02/2009 à 13h59

Ah ce Mao, quel philanthrope ! :o)

 Marcoroz , le 20/02/2009 à 13h26

Au cours du XXe siècle, le communisme a fait plus de morts (sans compter les dégâts écologiques) que les deux guerres mondiales, même en incluant la Shoah.

 finipe , le 20/02/2009 à 14h17

Oui, moi qui aime tant l'Histoire de la Chine, j'avoue que je reste sans voix quand j'essaye d'appréhender les proportions des massacres qu'a connu ce pays tout au long de son histoire : entre des empereurs "fils du ciel" aux ambitions démesurées, les épidémies de peste, les famines... Ça dépasse l'entendement !

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