Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Ne pas juger
les gens sur la mine...
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Burp...
Ces temps-ci, l'Humanité dévore amoureusement le règne animal. Par là même, l'amitié s'enfuit en rampant depuis l'extase des sens
Caporal de Bol ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

6 Juillet 2007 ::

« De l'incommunicabilité entre l'Homme et la machine »

:: Misanthropie

Récemment, mon confrère (j'eusse pu l'écrire en deux mots) draleuq a livré sur son blog une intéressante étude sur la machine à café comme outil de mesure de l'intelligence. Et, tandis que je hantais un supermarché quelconque en quête de biens utiles à ma vie ordinaire, j'ai aujourd'hui pu assister à un épisode à la fois cocasse et grotesque, qui n'a pas manqué de me rappeler cette intéressante réflexion précédemment citée.

Aussi ne résisté-je pas au plaisir de vous faire profiter de mon expérience en la matière, afin de démontrer — si besoin en était encore — que, décidément, l'homo sapiens vulgaris n'est pas fait pour communiquer avec une machine.




Description du dispositif expérimental

Une caisse de paiement automatisée dans un supermarché standard. Les diverses manipulations consistent en plusieurs étapes distinctes : prendre un produit que l'on souhaite payer, trouver le code barre qui s'y trouve imprimé, passer ledit code devant l'oeil optique de la machine, puis poser l'article ainsi scanné sur le tapis roulant afin de passer à l'article suivant. Une fois tous les articles scannés, appuyer sur le bouton correspondant au mode de paiement (monnaie, carte bancaire ou carte de fidélité), puis, le cas échéant, taper son code secret et valider.

On notera qu'une voix enregistrée explique très précisément chaque étape de l'opération, point par point, avec une clarté que l'observateur juge plutôt bonne. Si toutefois un problème doit survenir, une hôtesse intervient dans la seconde pour secourir le client en perdition, à l'aide de sa carte spéciale : un témoin lumineux clignote dès lors que le client est confronté à un problème, ce qui exclut toute attente superflue.

Description du sujet

Le sujet est un individu femelle de petite taille (environ 1m30 au garrot, 1m55 taille totale, coiffure et talons compris), d'âge estimé à environ 45 ans. Sa voix est fluette, son corps relativement disgrâcieux, ramassé et trapu, impression augmentée par la petitesse de sa taille. Les cheveux du sujet sont d'un curieux roux cendré, tirant sur le orange, et sa peau claire est couverte d'éphélides diverses. Une paire de lunettes rondes, plutôt grandes, achève de confirmer l'ovalité de ce visage.

Habillé d'un pantalon blanc crème orné de fines rayures verticales beiges, et d'un chemisier rose que d'aucuns qualifieraient de ringard, il émane du sujet une évidente timidité. Enfin, notons que le sujet se présente devant la machine avec 5 baguettes de pain ordinaire, un soutien-gorge, et un paquet contenant 3 paires de chaussettes.

Description de l'observateur

L'observateur est un individu d'une trentaine d'années, beau, grand, et fort. Son front dégagé et son regard franc signent une intelligence fine, et son port altier ne manque pas d'une certaine noblesse. En outre, il émane de lui une humilité, une modestie et une simplicité remarquables. L'observateur attend derrière le sujet, en portant innocemment deux ampoules électriques et une bouteille de soda.

Déroulement de l'observation

Le client précédant le sujet termine ses achats, l'expérience démarre. Dès le départ, le sujet fait montre d'une grande maladresse : embarrassé par ses 5 baguettes, il tente tout d'abord de les déposer dans un panier situé à côté de la caisse, afin d'avoir les mains libres. Les baguettes glissent de ses bras, le sujet les rattrape avec difficulté, et finit par les coincer assez sottement entre son buste et son aisselle, puis par les déposer lourdement dans ledit panier. Une des baguettes est tombée à terre malgré tout, et l'observateur se permet d'intervenir en la ramassant et en la tendant au sujet, avec un sourire poli.

Les mains désormais libres, le sujet prend l'une des 5 baguettes et entreprend de chercher l'emplacement du code barre qui est censé s'y trouver. L'observateur l'a repéré en quelques instants, mais le sujet semble embarrassé, tournant et retournant la baguette dans tous les sens sans rien y voir. L'hôtesse, attentive, arrive et indique au sujet l'emplacement du code barre. Le sujet essaye alors de scanner l'article devant l'oeil optique de la machine, qui a pris soin d'annoncer clairement le début des opérations : cependant, il faut bien cinq ou six tentatives au sujet pour parvenir à effectuer correctement la manoeuvre requise. Aussitôt, un bip caractéristique retentit, suivi d'une voix automatique annonçant le prix de l'article scanné.

Pour un motif que l'observateur n'a pas su discerner, la baguette scannée semble tout à coup refusée par la machine : le tapis roulant se met immédiatement en marche en sens inverse, et la baguette revient vers le sujet désemparé. La machine annonce la nature du problème (dans le brouhaha ambiant, l'observateur n'a pu saisir le message exact), puis soustrait du total le prix de la baguette précédemment scannée. Qu'importe, le sujet ne se décourage pas, et recommence l'opération avec une autre baguette. Même motif, même punition, la baguette revient, et le sujet semble marquer quelques signes d'impatience, d'autant qu'il recommence à s'emmêler avec ses 5 baguettes. L'hôtesse intervient une seconde fois : elle scanne une baguette, puis appuie sur la touche 5 de la machine pour multiplier les occurrences d'achat. La machine annonce l'opération au fur et à mesure de son déroulement, et tout se passe bien. Le sujet reprend donc la tête des opérations.

Le sujet saisit le soutien-gorge, avec une certaine gêne semble-t-il : l'observateur feint d'ignorer le déroulement des choses en regardant ailleurs, l'air absent. Le sujet passe le soutien-gorge devant l'oeil optique, mais sans succès : pas de bip, pas de voix. Le sujet essaye encore et encore, une bonne vingtaine de fois, sans plus de succès. Puis, saisi d'un doute, le sujet observe avec plus d'attention l'article : celui-ci, soldé, est affublé d'une étiquette mentionnant le montant de la réduction (-20%), qui semble-t-il obstrue légèrement le code barre, du moins pourrait-on le croire. Que nenni, le code barre est en fait de l'autre côté, bien en vue, mais le sujet s'évertue de nouveau à scanner l'article sur le côté de l'étiquette. L'hôtesse intervient une troisième fois, scanne avec adresse le soutien-gorge en le tournant du bon côté, et le sujet poursuit ses achats.

Viennent enfin les trois paires de chaussettes. A l'instar du soutien-gorge, la mention SOLDES y figure, mais le sujet n'a visiblement pas tiré d'enseignement de sa précédente expérience : il recommence à scanner rageusement l'article du côté de l'étiquette, et non du code barre. Après quelques instants de flottement, l'hôtesse intervient pour la quatrième fois, et procède de la même façon : l'article est scanné en un clin d'oeil.

Sur l'écran coloré de la machine, un bouton rouge prenant la moitié de la place disponible indique la mention "TERMINER ET PAYER". Le sujet, perturbé, regarde partout autour de lui : sur le tapis, sur l'oeil optique, sur la caisse, et même par terre (!!), mais ne trouve rien. L'observateur, passablement excédé, masque toutefois son trouble et se permet d'intervenir à nouveau[1] : il indique poliment au sujet l'emplacement du bouton adéquat, et le paiement passe à la seconde étape.

Sur l'écran bigarré, trois boutons sont maintenant disponibles, chacun représentant un dessin explicite de l'action qui y est associée : paiement en liquide, paiement en carte bleue, ou paiement avec la carte de fidélité. Le sujet sort une carte Mastercard, appuie sur le bouton Carte de fidélité et introduit sa carte bancaire dans l'appareil prévu à cet effet. Bien sûr, rien ne se passe. Après quelques instants de flottements, le sujet retire sa carte, et appuie un peu partout, visiblement agacée : elle fulmine quelque imprécation inaudible entre ses lèvres serrées par la colère, mais rien n'y fait.

L'hôtesse intervient alors pour la cinquième fois, en ayant semble-t-il une certaine difficulté à masquer son impatience devant la nullité crasse du sujet : elle débloque la machine avec sa propre clé, enfonce d'autorité la carte bancaire du sujet dans la machine idoine, et appuie sur le bouton Carte bancaire. La machine annonce à haute voix qu'il faut saisir le code secret, puis ne pas ommettre de prendre son ticket de caisse et son reçu de carte bancaire. Le sujet s'en sort cette fois-ci avec brio, en ne commettant aucune erreur de manipulation.

Enfin, le sujet emballe maladroitement ses baguettes de pain après en avoir fait tomber une par terre, puis s'en va vers son médiocre destin de petit contribuable étriqué. L'observateur, enfin, peut procéder au paiement de ses articles. Le temps que le sujet passe ses 5 baguettes, son soutien-gorge et ses chaussettes, les caisses jouxtant celle de l'expérience sus-décrite ont vu passer au moins 4 clients chacune.

Conclusions de l'observation

  • Cette bonne femme était vraiment stupide.

  • Les supermarchés sont décidément des ressources inépuisables en observations du quotidien.
    Cf. notamment « la mécanique des caddies »

  • La prochaine fois, j'éviterai la caisse automatique.


_________________________________
1. Il faut avouer que l'observateur n'avait pas que ça à foutre non plus.

finipe, 20h18 :: :: :: [7 cris de désespoirs]

:: COMMENTAIRES

 Yannou , le 07/07/2007 à 13h39

La catégorie du billet est mauvaise. Il s'agit bel et bien de misanthropie. ^_^

 finipe , le 07/07/2007 à 14h09

Ma foi, j'ai bien peur que tu aies raison... Mais je jure que je n'ai rien romancé : ça s'est vraiment passé comme ça, en tout point !

 draleuq , le 07/07/2007 à 14h56

Enorme...
Le dispositif expérimental me parait irréprochable.
Et l'échantillon, tout à fait représentatif :o)

 Lohen, le 07/07/2007 à 16h41

Quant à la représentativité de l'échantillon, je plussoies (du verbe plussoyer, n'est-ce pas ? ^^) Draleuq. Encore que la conclusion (avant "Conclusions de l'observation") puisse susciter des questions à ce sujet. Ceci dit, l'objectif n'est pas d'avoir un échantillon représentatif, si ? (représentatif de quoi d'ailleurs ?)

En revanche, les multiples interventions de l'observateur ont à mon avis fortement perturbé le cours de l'expérience, et l'on pourrait même se demander si le sujet n'en serait pas encore à tenter vainement de scanner le code barre de sa baguette. :)

Pour la catégorie, définitivement d'accord avec Yannou, c'est de la misanthropie : c'est définitivement et absolument un déni de cerveau caractérisé envers le sujet, qui t'a poussé à écrire ce billet, sans accorder le moindre crédit à la force de l'habitude.

 sthéouriz, le 09/07/2007 à 11h21

J'arrive une fois de plus après la bagarre...
Est-il possible que tu aies pu classer ce billet ailleurs que dans la catégorie "misanthropie" ?
Je n'y crois pas !!!
Quelle était donc la catégorie originelle ? ...Nombril ...?

 finipe , le 09/07/2007 à 13h26

Oui, parce qu'après tout je racontais ma (ô combien trépidante) vie. Mais j'avoue qu'il y a comme un arrière goût de détestation du genre humain dans cet épisode :)

 Castelroussine, le 02/08/2007 à 19h35

Je n'ai qu'une chose à dire... PTDR !!!

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