Selon certains éminents intellectuels au look post-BHLien, il apparaît que notre époque vit chaque jour la mort des grands récits. Plus de grande cause dans laquelle croire, plus de grands mouvements, plus d'idéaux, plus d'unité, juste un immense règne de l'
individualisme forcené et hystérique. En pleine élection présidentielle, tout le monde pourrait se persuader cependant qu'il demeure quelques personnes en ce bas monde pour croire encore aux grands desseins qui dépassent les individus et emmènent les sociétés dans leurs sillages... Ainsi, on nous rebat sans cesse les oreilles avec les concepts de "partage", de "solidarité", d' "humanité", et autres vocables ronflants et propres à lever les foules dans de grands transports idéologiques.
Quand on parle ainsi de "partage", tout le monde est d'accord : oui, il faut partager les richesses entre les plus riches et les plus pauvres. Oui, il faut aider les pays pauvres et sous-développés à améliorer leur niveau de vie, leurs conditions sociales, sanitaires, politiques. Oui, il faut ouvrir les bras à ceux qui n'ont pas la chance de vivre dans un pays pacifié. Et oui, il faut plus de solidarité, plus de fraternité entre les hommes, il faut abolir les discriminations, et contribuer à un monde plus juste, pour le bien des générations futures.
Mais tandis que cette idée du travail pour le bien des générations futures s'est muée en une idée de travail pour une jouissance immédiate, la réalité nous rattrape bien vite. Ainsi, je me souviens d'une mesure symbolique qui devait voir le jour il y a quelques années, sous le gouvernement Raffarin si ma mémoire est bonne : il s'agissait de supprimer un jour férié de l'année pour permettre à nos vieux de continuer à bénéficier de leurs retraites. Nos vieux qui nous ont nourris, logés, choyés, protégés, bercés, torchés. Ils ont passé des années entières à penser à nous plutôt qu'à eux, à se faire des cheveux blancs pendant que nous faisions les imbéciles dans quelque réunion de nos pairs vers laquelle notre instinct grégaire nous poussait inéluctablement.
Et puis voilà, un jour nos chers aïeux vieillissent, les équations des thermodynamiciens les rattrapent, ils se ratatinent, se flétrissent, et finissent par avoir besoin des générations qu'ils ont enfantées. Il fallait un jour. Un seul et unique jour dans l'année. Une journée de 8 heures d'activité sur 365,25 jours, soit 8766 heures. Ce qui représente 0.09% de son existence ô combien précieuse.
Ce temps-là devait aider nos vieux à avoir leurs retraites. Ce temps-là devait être une journée de solidarité pour ceux qui nous ont torchés et supportés, quand notre seule marque de gratitude à leur égard était de leur jeter à la face un stupide « mes parents c'est des cons ». Ce temps-là devait peut-être marquer, juste pour 0.09% de nos vies, un sentiment global d'entraide désintéressée, sans nous préoccuper de nos kilos en trop, de notre taux de cholestérol, de l'augmentation du prix des forfaits téléphoniques, ni surtout de quel bord politique on était. Et nous, français, plutôt que de consacrer ce temps-ci à aider nos vieux, nous avons séché l'école, nous avons déserté nos lieux de travail, pour vaquer à nos occupations habituelles. Et tous avions d'excellentes raisons, bien entendu.
Bref, tout le monde est d'accord pour partager, du moment que ça ne dérange pas. Elle est belle la solidarité.
:: COMMENTAIRES
draleuq , le 28/04/2007 à 00h25
Foutaise que cette raffarinade de jour férié travaillé et pas payé. J'attends la prochaine canicule de 2003 pour en voir les effets fracassants.
Eh oui, j'ai tendance à être assez incrédule devant les lumineuses idées de certains pour rattraper leur nullité au moment des faits.
Quant à la "solidarité pour sa gueule", sur le fond et dans l'ensemble, je suis ô combien d'accord avec toi !
finipe , le 28/04/2007 à 00h39
Même si on n'y croit pas, ça coûte quoi d'essayer, ne serait-ce que pour voir si ça marche, et pour le simple geste, le symbole ?
Ça coûte 0.09% de l'existence, et tout le monde s'en est foutu royalement. Voilà une véritable foutaise.
Yannou , le 28/04/2007 à 02h22
La solidarité envers ses parents et plus largement ses aînés, c'est au-delà d'un jour dans l'année. C'est un état d'esprit tout au long de sa vie et dès son plus jeune âge.
Aussi je rejoins assez draleuq pour dire que le lundi de Pentecôté travaillé est de la foutaise. Un peu comme la fête des Mères où on fait la cuisine à Maman qui se crève les 364 autres jours.
Au moins ce genre de jour a-t-il valeur d'incitation, de "rappel". Aussi, je ne crois pas qu'il faille en attendre les résultats sous la forme d'un lundi de Pentecôte hyper-solidiare, mais plutôt arriver à discerner une humanité un peu plus importante dans les petits gestes du quotidien.
finipe , le 28/04/2007 à 02h43
Hélas, ceci reste de l'utopie je le crains : si l'on en juge par ce simple jour qui doit avoir valeur de symbole, la solidarité ne joue pas. Doit-on attendre un sursaut d'Humanité pour les 364,25 jours restant ? Pour tout dire, d'un point de vue strictement économique, cette histoire de Pentecôte travaillée me paraît foireuse également... Mais le symbole est là, et il faut se rendre à l'évidence : une immense majorité n'en a que faire.
C'est ptêt bien moi qui suis trop bisounours finalement...
Yannou , le 28/04/2007 à 10h35
Comment ça, bisounours, tu as voté Bayrou ? ^_^
[http]
Mouais, je t'avoue que j'ai aussi cette tendance à désespérer de l'espèce humaine, alors j'ai trouvé mieux. J'essaie de faire de mon mieux (la plupart du temps, c'est pas terrible), à mon niveau (je ne suis pas au gouvernement), et de manière à ce que mes connaissances puissent s'en inspirer s'ils le souhaitent (en toute humilité, d'ailleurs ça marche dans les deux sens).
Et à chaque fois que je constate une chtite étincelle d'amélioration bah j'suis content, voilà.
draleuq , le 28/04/2007 à 12h28
Putain, une sacrée ribambelle de misanthropes qu'on fait :)