Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je ronge mon
frein, ça fait
mal
Dans tes
rêves
De plus en plus, l'envie répand inévitablement la démocratie. Ainsi, l'Histoire s'amenuise en évitant les cieux de l'imagination
La Rochefaucud ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

4 Janvier 2007 ::

« Concini & la sanglante ascension de Louis XIII - 2ème partie »

:: Histoire moderne, 1617

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. La sanglante ascension de Louis XIII - 1ère partie
2. La sanglante ascension de Louis XIII - 2ème partie




Après l'accord silencieux du roi à l'hypothèse du meurtre de Concino Concini, l'on convient d'arrêter l'intrigant italien le 23 avril, une semaine après que Louis XIII eût reçu la lettre anonyme. Une première tentative échoue, l'on manque le passage de Concini, et le roi a bien spécifié que rien ne devait être entrepris près des appartements de la reine mère. Le lendemain, Concini doit être reçu au Louvre par Louis XIII, et les conjurés décident d'agir dès l'entrée du palais, avant le pont-levis, entre la grande porte de Bourbon et la porte de la vieille enceinte datant de Philippe Auguste.


Nicolas de l'Hospital
Baron de Vitry (1581-1644)

Concini est entouré par une escorte conséquente, il lit une lettre : le baron de Vitry et ses alliés laissent le groupe passer sans apercevoir Concini, tant il est densément protégé... Il s'exclame : « Où est monsieur le maréchal ? ». Et on lui répond : « Le voilà qui lit une lettre... ». Vitry rattrape Concini, lui prend fermement le bras et déclare : « Monsieur, le roi m'a commandé de me saisir de vous ! ».

Le maréchal d'Ancre fait un pas en arrière, porte la main à la garde de son épée, et crie en italien « A me ! » : aussitôt, cinq conjurés lèvent leurs pistolets, et cinq coups de feu claquent dans la cour du palais. Concini s'écroule, défiguré par les projectiles qu'il a reçu à la joue, la gorge, entre les yeux... « Tue ! Tue ! », s'écrie-t-on tandis que la grande porte de Bourbon est refermée. Les gardes restent médusés, pendant que les tueurs lardent de coups d'épée le corps méconnaissable du maréchal d'Ancre. Vitry dit aux gardes que ce meurtre est de l'autorité du roi, et ces derniers rentrent leurs armes aux fourreaux, puis assurent le roi de leur fidélité.


Assassinat de Concini, dans la cour du Louvre.
En haut à droite de la gravure, on peut voir le jeune Louis XIII
au balcon de son cabinet, félicitant les meurtriers

Louis XIII exulte, il ouvre la fenêtre de son cabinet et s'écrie « Grand merci à vous, à cette heure, je suis roi ! Aux armes ! Aux armes, compagnons ! ». La reine mère quant à elle, a entendu les coups de feu, et a rapidement appris la mort de son protégé. Elle se résigne immédiatement, et quand on lui demande si elle veut apprendre elle-même la mort de Concini à Leonora Galigaï, elle répond : « J'ai bien d'autres choses à penser. Si on ne veut pas lui dire la nouvelle, qu'on la lui chante ! ». Lorsque Leonora eut appris la mort de son époux, elle demande audience auprès de Marie de Médicis, sa confidente, sa soeur de lait ; mais cette dernière rétorque « J'ai assez à faire moi-même, qu'on ne me parle plus de ces gens-là. Je leur avais bien dit qu'il y avait longtemps qu'ils dussent être en Italie. ». Belles preuves d'amitié en vérité !

Après tout cela, un vent de folie souffle sur Paris, la rumeur de la mort du détesté maréchal se répand comme une traînée de poudre. Le corps encore chaud de Concini avait été inhumé sous une dalle dans l'église de Saint Germain l'Auxerrois, enveloppé dans une toile grossière : aux cris de « Vive le roi ! », des parisiens en liesse entrent dans l'église, exhument le cadavre, et le traînent dans les rues boueuses de la cité. La frénésie s'empare du peuple, qui s'acharne sur le corps : lapidé, roué de coups, suspendu par les pieds à une potence, puis enfin dépecé, et ses restes dispersés et brûlés !


Le cadavre de Concini, inhumé au pied des grandes orgues de Saint-Germain l'Auxerrois, est exhumé par des fanatiques, puis traîné dans les rues de Paris. On distingue les parisiens criant "Coyon", le surnom qu'ils avaient de longue date attribué à Concini, à savoir Coglione, "couillon" en italien...


Le corps mutilé est ensuite pendu par les pieds à l'une des potences que Concini[1] avait lui-même fait ériger, puis à nouveau battu, outragé... Ses restes sont finalement brûlés, et jetés aux quatre vents.

Tandis que le roi reçoit un défilé ininterrompu de courtisans venus le féliciter, Leonora Galigaï est arrêtée, ses bijoux et argent sont saisis, et elle est embastillée le jour même. Cette femme capricieuse et cupide est atteinte d'épilepsie, un mal qu'on ne sait circonvenir : elle pratique l'exorcisme, le désenvoûtement, et c'est à ce titre qu'un procès pour sorcellerie lui est intenté. En outre, ce chef d'accusation présente l'avantage de ne pas risquer d'impliquer la reine mère. Pendant le procès, Leonora se défend intelligemment, mais les dés sont jetés : une sentence de mort est proclamée.

On lui lie les mains, on la juche sur une charrette qui traverse Paris jusqu'au lieu de supplice, sous les huées, les injures et les crachats de la foule. Tous les témoins s'accordent à dire cependant qu'elle fait preuve de piété, de courage et d'une grande dignité. On la dispose sur l'échafaud, elle déclare qu'elle pardonne à tous, puis l'épée du bourreau lui tranche la tête d'un seul coup. Enfin, l'on jette son corps décapité dans le feu...


Leonora Galigaï, conduite au supplice sous les huées de la foule

Ainsi débute le véritable règne de Louis XIII, et la valse hésitation de ses premières années de pouvoir, aux prises avec la vindicte de sa propre mère, qui tentera jusqu'à la Journée des Dupes en 1630 de ravir le pouvoir aux mains de son fils.


_________________________________
1. Note à l'attention des picards : la ville d'Encre, dont Concini avait acheté le marquisat, a été débaptisée suite à sa mort. C'est à son favori Charles d'Albert, duc de Luynes, que Louis XIII a confié la seigneurie des lieux, et la ville d'Encre s'appelle depuis Albert...

finipe, 23h33 :: :: :: [8 soupirs de satisfaction]

:: COMMENTAIRES

 finipe , le 04/01/2007 à 23h48

Aaaah les braves gens : ils étaient civilisés en c'temps-là !

 Faust, le 05/01/2007 à 15h57

Merci pour l'Histoire finipe.
Effectivement, quand on detestait quelqu'un, une sorte de chaine de solidarité se créait toute seule. C'est beau ^^

Et puis ce qu'ils étaient joueurs à cette époque :P

 finipe , le 06/01/2007 à 05h01

Oh oui, très, très joueurs. D'ailleurs, si on leur en donnait l'occasion de nos jours, ils seraient sans doute largement aussi joueurs qu'en 1617.

 draleuq , le 07/01/2007 à 02h48

Notons d'ailleurs que la rivière qui passe à Albert après avoir pris sa source 15 km plus au nord, et qui doit être un affluent de la Somme je pense, s'appelle l'Ancre...

 finipe , le 07/01/2007 à 05h17

Aaaah bah voilà, je savais bien que "Ancre" me rappelait quelque chose...

Par contre je n'ai pas trouvé pourquoi Concini avait délibérément modifié "Encre" en "Ancre". Il semblerait qu'il ait été puni pour cette vilaine faute en tout cas.

 Viou , le 07/01/2007 à 11h57

Haaaa qu'il est doux de te lire tout en prenant son petit déjeuner...

 Ben, le 12/04/2007 à 13h27

Bonjour et merci pour cet article. Pourriez vous me dire d'où sont tirée les gravures de la mort de Concini ? Merci d'avance.

 finipe , le 12/04/2007 à 19h37

Ces gravures proviennent d'une série de bouquins intitulée « Histoire de la France et des Français au jour le jour », écrite par Alain Decaux et feu André Castelot. Plus précisément, il s'agit du tome allant de 1574 à 1643.

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