Et dire que je dois me supporter à longueur de journée.
Tony Scott (Le dernier samaritain)
Une semaine sans post. Normal, diront ceux qui me connaissent un peu. C’était la rentrée, il a dû être débordé de taf.
Eh ben non.
Enfin si, j’étais effectivement débordé… Mais j’ai laissé la casserole sur le feu sans même prendre la peine de lever mon derche pour éteindre.
Oisiveté ?
Aussi loin que je m’en souvienne, du moins dans ma vie adulte (QUI a dit qu’elle n’était pas encore commencée ?), ça m’arrive, de temps à autre, pas trop souvent heureusement, à intervalles irréguliers, pour une durée irrégulière, et pour des causes qu’il est très difficile d’identifier, voire sans raisons apparentes.
Il y a des années de cela, j’appelais cela « l’oisiveté », finipe s’en souviendra aisément. Mais ce n’est pas cela.
L’oisiveté, cette tare honteuse tant décriée par la bourgeoisie de la troisième république, qui la considérait comme un fléau, presque de santé publique (« le travail, c’est la santé »), à une époque où la « classe laborieuse » se tapait 12 à 14 heures de boulot tous les jours, sauf les dimanches et jours fériés, sans congés payés, et où ceux qui clamaient haut et fort les vertus du travail étaient généralement… rentiers.
Non, ce n’est pas cela. L’oisiveté a un aspect volontaire, assumé. « Je glande et j’en suis fier ».
Alors que là, c’est tout l’inverse : je voudrais désespérément faire quelque chose de mes dix doigts, fussent-ils dix pouces sur deux mains gauches, mais je n’y arrive pas. Pas la force. Rien à faire.
Pas envie
Pas envie de bosser. Surtout pas. Pas envie d’écrire, pas envie de bloguer. Pas envie de lire non plus. Pas envie de faire du sport, t’es fou toi. Même pas envie de m’amuser.
Il fut un temps où la seule chose que j’arrivais à faire était de me vautrer comme une bouse dans le canapé et regarder la téloche, quitte, s’il n’y avait vraiment rien, à louer des DVD ou, pire, à zapper de chaîne en chaîne, jusqu’à ce que je ne trouve rien à regarder. Et je pouvais mettre longtemps à ne rien trouver. Suffisamment longtemps pour être assez fatigué pour aller me coucher, point final de cette pitoyable journée.
A cette époque, je pouvais encore me trouver normal, surtout lorsque j’ai pris connaissance des statistiques sur le temps journalier moyen passé par les français à regarder cet instrument de lobotomie médiatique : 3 h 54 mn. Là, je dois dire que ça m’a scotché. Nous y reviendrons une autre fois.
Mais je dois dire que maintenant, le fossé s’est creusé entre la normalité et moi : lors de mes traversées du désert (vous l’aurez compris, c’est ainsi que j’ai rebaptisé ces étranges crises), non seulement je ne supporte plus de regarder la télé, mais je ne supporte généralement même plus de l’allumer. Ce serait du temps gaspillé sur mon temps perdu.
Pourtant, j'y mets de la bonne volonté, et j'anticipe le problème jusqu'à effectuer, par prévention, comme ce cliché l'atteste, des stages de traversée du désert avec toute la panoplie qui sied aux circonstances (dromadaire, chèche, etc...)
Désert de la gamberge
A quoi ressemblé-je alors dans ces funestes circonstances ? A une statue, une bien triste statue sans doute, en apparence. Mais ce serait ignorer l’intense activité cérébrale qui se joue au fond de cette figure de marbre. Sous le calme apparent du désert, il y a une tempête sous mon crâne, où chaque pensée est un grain de sable qui se mêle aux autres dans un tourbillon de confusion. A ce jeu-là, mon désert de la gamberge n’a rien à envier au Sahara.
Il faudrait que je fasse ça, et ça, et ça, et ça. Pffff pas envie. Pfffff, je sais même pas par où commencer tellement y’en a à faire. Je n’y arriverai jamais. Attends, faut que je note la liste sur un papier pour rien oublier. Oh pis non, ça va me décourager encore plus, et c’est pas peu dire.
Pourquoi ça a foiré ce truc-là, hein, pourquoi ? J’avais pourtant tout fait pour que ça marche, alors, hein, vous pouvez me dire, vous, pourquoi ça a foiré ?
Je doute. Je doute de lui, d’elle, d’eux, de toi, de vous, de moi en particulier. Rien n’est sûr, rien n’est acquis, tout s’barre en couille ma pôv’dame, on peut plus compter sur rien ni personne. Même pas sur soi.
Et c’est pas en restant là à se lamenter que ça va bouger, ça c’est sûr. Ni en se posant des questions à n’en plus finir. Pourtant, les questions se posent d’elles-mêmes, et si j’ai pas les réponses, ça sert à rien de bouger parce que je risquerai de bouger pour rien et de tout devoir refaire en suite. Et je les ai pas les réponses, tu penses bien. Sinon, ça se saurait.
Ah ce que je peux me haïr, m’abhorrer, me faire horreur, me sortir par les trous de nez dans ces cas-là. De quoi éviter consciencieusement tout passage impromptu devant un miroir. Plutôt que de m’y noyer comme Narcisse, je le briserais comme Dracula. Et la promesse de sept ans de malheur serait peut-être bien celle de trop.
Passer ces heures, ces jours prostré avec les méninges qui tricotent des napperons, alors que la vie est si courte, si c’est t’y pas honteux !
Abrégé d’existentialisme à un euro
En fait, tout se passe comme si j’apprenais que je vivais mes derniers jours, que ce soit par le biais d’un cataclysme individuel ou collectif. A quoi bon ? Pourquoi se faire chier ? Ca rime à quoi ? Oùsuisjeoùvaisjedansquelétatj’erre ? Pourquoi existé-je à me être-là en me soi de ma conscience à moi ? Hein ? Pourquoi moi ? Pourquoi moi chuis moi et pourquoi toi t’es toi ? Et pourquoi que chuis pas quelqu’un d’autre, toi par exemple ? Et toi ça te ferait quoi si t’étais moi ? Ah ah, chuis sûr que tu t’en sortirais pas mieux que moi !
Je me souviens que je me posais souvent ce genre de question existentielle quand j’étais gamin.
Mais alors, me direz-vous, quand il faut que je fasse des trucs, par la porte ou par la fenêtre, par exemple assurer une rentrée, moi qui ai des responsabiltéssSSS, comment que je fais ? Eh bien, j’attends d’avoir le dos au mur. Et même là, je ne bouge qu’à reculons. Essayez donc, vous, de bouger à reculons quand vous êtes le dos au mur ! Ah ah ! Vous m’en direz des nouvelles !
Après le désert, le beau temps
Dans ce désert, ce paysage lunairtique, il n’y a même pas de mirage, même pas d’espoir, même pas d’illusion. Rien. Les dunes succèdent aux dunes, monotones et sempiternelles.
Et puis, au détour d’une nouvelle et énième dune, zou, une oasis.
Rien ne la préfigurait, rien ne l’annonçait. Et cette oasis est tellement grande qu’à perte de vue, je ne vois plus aucun désert.
Sauf que je sais qu’il est là, quelque part. Et qu’il reviendra comme il est reparti. Sans prévenir.
Alors profitons en pour écrire des conneries sur mon blog, avant qu’il ne m’assèche.
Copyrat draleuq 2007