Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

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Ta
gueule
De plus en plus, l'envie ignore inévitablement l'art. C'est pourquoi la justice s'échappe en atteignant le secret de l'indifférence
Confunius ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

6 Avril 2010 ::

« Le palmarès des morts des rois de France - 2ème partie »

:: Histoire - Inclassable

Ce billet fait partie d'un sujet composé de trois parties :

1. Le palmarès des morts des rois de France - 1ère partie
2. Le palmarès des morts des rois de France - 2ème partie
3. Le palmarès des morts des rois de France - 3ème partie



8ème position : les morts sportives

Deux de nos rois peuvent prétendre à une place dans cette catégorie. Le premier est Louis X, dit le hutin à cause de sa tendance à chercher des noises. Fils aîné de Philippe IV le bel, il est souvent connu en tant que cornard de première, puisque sa première femme, Marguerite de Bourgogne, faisait des galipettes avec un chevalier normand du nom de Philippe d'Aulnay. Bien mal lui en prit, car la joyeuse Marguerite finit engeôlée et étranglée, sur ordre de son royal mari dirent certains[1]. Roi plutôt habile dans les négociations, Louis X n'a cessé de subir les complots de son ambitieux oncle Charles de Valois (le frère de Philippe IV). Son règne fut cependant bien court : le 5 juin 1316, après 6 mois passés au pouvoir, et tandis qu'il fait une partie de jeu de paume endiablée, il se dépense sans doute un peu trop. Accablé par la chaleur, il boit une coupe de vin glacé pour se rafraîchir[2] ; bien mal lui en prend, car il est saisi par un malaise qui le conduit droit au tombeau !

L'autre gagnant de cette catégorie est Henri II, au cours d'un épisode savoureusement pittoresque qui fut déjà narré ici même par mon confrère draleuq : « L'oeil d'un roi en vaut cinq ». Le 30 juin 1559, Henri II est blessé gravement au cours d'une joute contre le comte de Montgomery : il meurt 12 jours plus tard des suites de ses blessures.


Louis X & Henri II

Un grand bravo à ces deux rois pour leurs exploits sportifs !

7ème position : les morts cradingues

Eh oui, tout n'est pas rose en ce monde. Si les morts par dysenterie ont certes une place de choix dans notre palmarès, et pourraient sans doute figurer au rang des « morts cradingues » (gageons que mourir de la dysenterie ne doit guère être des plus ragoûtants), deux rois en particulier ont eu une fin tout spécialement immonde. Le premier est Louis XIII : ce roi, pour lequel j'ai une affection particulière, était non seulement une personnalité taciturne, ambiguë et complexe, mais il avait également une santé plutôt fragile. L'on pense aujourd'hui qu'il souffrait de la maladie de Crohn, une maladie chronique rare qui provoque une inflammation du tube digestif : le 14 mai 1643, alors qu'il est âgé de 42 ans, et après plus d'un mois de coliques et de vomissements, Louis XIII s'éteint, suivant de près son ministre Richelieu mort l'année précédente... Mais outre cette fin piteuse, il faut souligner que le médecin de la Cour avait prescrit au roi des dizaines de saignées, des centaines de purges, et des milliers de lavements ![3]

Si la fin de Louis XIII n'est certes pas enviable, alors que dire de celle de Louis XVIII ? Souffrant de la goutte depuis fort longtemps, et voyant son état empirer, Louis XVIII est sur les dernières années de sa vie souvent obligé de se déplacer en fauteuil roulant, handicapé qu'il est par les terribles douleurs de la maladie, un embonpoint conséquent, des oedèmes en pagaille[4], et finalement une artériosclérose généralisée... Ce monsieur mange trop gras, à n'en pas douter ! A partir de 1824, son état empire terriblement, et des plaies infectées apparaissent sur son corps. Les souffrances sont telles qu'il ne peut même plus quitter son lit : son corps se décompose sur place, une odeur infecte s'en dégage, un de ses yeux « fond » littéralement, plus personne ne peut tenir son chevet tant son aspect et son odeur sont repoussants ! Finalement, le 16 septembre 1824, Louis XVIII succombe. Lorsque l'on veut déplacer son corps, un pied reste entre les mains d'un valet de chambre : les os sont rongés par la gangrène, le visage du défunt est noirci... Beurk !


Louis XIII & Louis XVIII

Bravo à eux deux, et bon appétit !

6ème position : les accidents de chasse

Nous avons dans cette catégorie deux vainqueurs. Le premier est Théodebert Ier : né vers 504, roi d'Austrasie à partir de 534, il s'agit d'un petit fils de Clovis. Ce monarque ambitieux et habile, porté dit-on sur la bonne chère, pratique avec astuce la guerre, les alliances et les mariages pour agrandir son royaume et sa puissance. Mais en 548, il est tué au cours d'une partie de chasse par une branche d'arbre, alors qu'il galope frénétiquement. D'autres sources indiquent qu'il se serait fait tuer par un bison ; dans les deux cas, c'est une mort stupide pour un garçon aussi pugnace...

Le second vainqueur de cette catégorie est Carloman II : ce carolingien règne tout d'abord de concert avec son frère Louis III[5] (dont nous reparlerons dans ce classement un peu plus loin), qui meurt en 880, laissant Carloman II régner seul. Il doit notamment faire face à de nombreuses invasions vikings, qui se sentent pousser des ailes un peu partout en Europe. Hélas pour lui, Carloman ne profite pas longtemps de son règne seul, car le 6 décembre 884, alors qu'il faisait une partie de chasse, un de ses vassaux le blesse involontairement, et le roi en meurt. Une magnifique performance !


Louis III & Carloman II

5ème position : les chutes de cheval

Trois prétendants arrivent ex aequo dans cette catégorie : les deux premiers sont Louis IV et son petit-fils Louis V. Le premier, Louis IV, est surnommé d'outremer pour avoir grandi en Angleterre, mis à l'abri par sa mère pour échapper au duc de Bourgogne, Raoul, qui avait également conquis le titre de roi des francs au détriment du père de Louis IV, Charles III le simple. Nous reparlerons de Raoul un peu plus loin, il figure en très bonne place au palmarès ! Quoiqu'il en soit, Louis IV revient de son exil au début de l'année 936 après la mort de Raoul, et finit par être sacré roi en juin de la même année, à l'âge de 16 ans. Mais il doit faire face à des luttes de pouvoirs avec des seigneurs puissants et ambitieux, au rang desquels on trouve notamment Hugues le Grand, lointain descendant de Charlemagne lui aussi, et père d'un certain Hugues Capet qui fera beaucoup parler de lui. Après bien des déboires, Louis IV meurt bêtement en 954 en chutant de son cheval, alors qu'il poursuivait un loup, animal qu'il avait pris pour le signe d'une prophétie le concernant.

Le petit-fils de Louis IV, Louis V, meurt lui aussi le 22 mai 987 à l'âge de 20 ans, d'une chute de cheval lors d'une partie de chasse. Encore la chasse ! Et dire que ce garçon a été surnommé le fainéant... La mort de Louis V met un terme à la dynastie des Carolingiens, dont la flamme vacillait déjà depuis de nombreuses années face aux Robertiens, branche familiale qui accède au trône de France grâce à Hugues Capet, dont les descendants règneront presque 1000 ans, et règnent encore aujourd'hui dans certains pays (en Espagne par exemple).

Il faut enfin citer, parmi les élus de cette catégorie, Philippe IV le bel, qui est généralement connu pour sa grande beauté, mais aussi et surtout pour avoir éradiqué l'ordre des Templiers en 1314. Il a également fait preuve de tact en faisant dépecer vivant, émasculer puis décapiter les frères d'Aulnay coupables d'avoir fricoté avec les femmes de ses enfants, les futurs Louis X et Charles IV (le « scandale de la tour de Nesle », précédemment mentionné). Hélas pour lui, tout grand roi qu'il est, Philippe IV fait une chute de cheval lors d'une chasse au sanglier (encore un chasse, bon sang !) : il meurt quelques jours plus tard des suites de ses blessures, le 29 novembre 1314.


Louis IV, Louis V et Philippe IV

La chasse et le cheval sont décidément à éviter : bravo à ces trois gagnants !


_________________________________
1. Maurice Druon raconte cet épisode du « Scandale de la tour de Nesle » dans les Rois maudits.

2. D'autres sources indiquent qu'il serait entré dans une grotte fraîche, mais le résultat demeure le même...

3. C'est aussi grâce à des dizaines de litres de saignées que les médecins ont précipité la mort de Mozart en 1791.

4. On appelait alors cela l'hydropisie : Pépin le bref en souffrit également.

5. Ce duo de choc a déjà été évoqué précédemment dans le billet suivant : « Rollon & Charles le simple, cul par-dessus tête ».

finipe, 02h17 :: :: :: [9 confessions honteuses]

:: COMMENTAIRES

 draleuq , le 06/04/2010 à 13h48

Iiiiiiiirk pour Louis XVIII !!!

Pour Philippe Le Bel, on peut ajouter que l'histoire/la mythologie chrétienne (choisissez votre camp) nous dit que Jacques de Molay, le grand maître des Templiers brûlé vif l'année précédente sur le parvis de Notre-Dame, aurait, avant de mourir, "assigné ses bourreaux à comparaître devant le tribunal de Dieu dans l'année qui vient"...
Ce qui fut fait, Philippe Le Bel en tombant de cheval, et le Pape Clément V son allié qui serait mort subitement.
Ajoutons que les fils de Philippe Le Bel moururent peu après lui sans descendance mâle, ce qui mit fin à la dynastie des Capétiens directs.
C'est bien entendu le sujet de la saga "Les Rois maudits" de Maurice Druon.

 draleuq , le 10/04/2010 à 12h10

Puisque tu remets un lien vers la mort sportive de ce brave Henri II, j'en profite pour compléter cet article, puisque j'avais découvert par la suite que cet accident avait eu des développements assez rocambolesques : [http]

 Brath-z , le 20/06/2011 à 17h02

La mort si "ragoûtante" de Louis XVIII me rappelle un peu celle d'Hérode Ier (dit le grand) : d'après les récits antiques, le grand roi de Judée aurait pour ainsi dire pourri sur place après des mois à souffrir mille tourments (éruptions cutanées, plaies, etc.). D'après certains, ses organes génitaux auraient pourri et se seraient peuplés de vers avant qu'une nécrose ne les emporte en même temps qu'une grande partie de ses intestins.

Bon appétit !

 draleuq , le 20/06/2011 à 19h33

Heureusement, j'ai lu ça avant de manger.
Par contre, j'ai plus faim :)

 Brath-z , le 20/06/2011 à 21h01

Ravi d'avoir contribué à ton déséquilibre alimentaire ! ;)

 Brath-z , le 12/09/2011 à 00h07

Toujours dans la même veine de la "mort cradingue", l'affection qui a eu raison de l'empereur Galère (le bien nommé) au IVème siècle est décrite avec un style tout à fait ragoûtant :

"Quand Galère atteignit la dix-huitième année de son règne, Dieu le frappa d'une maladie incurable. Un ulcère malin se forma en dessous de ses parties honteuses, et de là, s'étendit progressivement. Les médecins tentèrent l'ablation pensant ainsi curer l'endroit infecté. Mais la plaie, après avoir été bridée, se rouvrit. Une veine éclata et Galère perdit tant de sang que sa vie fut en danger. Néanmoins, non sans difficulté, les médecins parvinrent à endiguer le flux de sang. Ils reprirent alors leurs pénibles curations en cautérisant minutieusement la blessure. Mais, suite à un mouvement involontaire de Galère, la plaie se réouvrit et le sang se répandit encore plus abondamment qu'auparavant. Galère devint squelettique, pâle et faible et l'hémorragie s'arrêta enfin. L'ulcère finit alors par ne plus réagir aux remèdes et la gangrène s'empara de toutes les parties voisines. (…) La maladie approchant de sa crise mortelle, cette gangrène gagna les régions inférieures du corps de Galère. Ses intestins sortirent de son ventre, et son abdomen se putréfia. Bien qu'ayant perdu tout espoir de vaincre la maladie, les médecins ne cessèrent de lui prodiguer leurs soins et administrer leurs médications. (…)
La maladie attaqua alors ses intestins et des vers se répandirent partout dans son corps. La puanteur était si épouvantable qu'elle empestait non seulement le palais, mais s'étendait à toute la ville ; et ce n'était guère étonnant car, à ce moment les orifices naturels de Galère, celui de sa vessie et celui de ses intestins, étant entièrement dévorés par les vers, s'étaient obstrués et son corps, dans une douleur intolérable, était dissous dans un flot de déjections. Les médecins appliquèrent alors de la chair d'animaux fraîchement tués sur les principaux endroits infectés, pensant que leur chaleur pourrait attirer les petits vers ; et, de fait, quand on ôta les morceaux de viande, il en vint une quantité incroyable. Cependant, la maladie en avait tant suscité qu'il en restait encore au moins autant pour tourmenter Galère et consumer ses intestins. Par une complication de sa maladie, certaines parties de son corps avaient perdu leur forme naturelle : le haut était devenu sec, maigre et décati, avec une peau horrible d'aspect, comme enfoncée profondément dans ses os, tandis que la partie inférieure du corps de Galère était gonflée comme une outre. (…) Enfin, vaincu par ses douleurs, Galère fut obligé de reconnaître Dieu, et, dans les rares rémissions que lui laissait la douleur atroce qu'il subissait, il se lamentait à haute voix, disant qu'il réédifierait l'Église qu'il avait détruite et expierait pour ses méfaits. C'est ainsi que proche de sa fin, il publia un décret…" Lactance, De la Mort des Persécuteurs, chap. XXXIII

Allez, avec ça, je pense que je t'ai encore gâché un bon repas !

 draleuq , le 12/09/2011 à 11h08

Mmmmmh... Galère galère !
Comme quoi, l'euthanasie ça a du bon, quand même. Nos chiens et nos chats sont des grands privilégiés.

 draleuq , le 29/11/2013 à 16h33

J'ai vu à la télé qu'il y a de fortes suspicions pour que la chute de cheval de Philippe IV Le Bel ait été la conséquence d'un malaise, peut-être lié à un AVC. C'est ce que semble indiquer l'agonie ignoble, et semble-t-il, particulièrement spectaculaire, qui fut la sienne. Mais la chute de cheval n'a sans doute rien arrangé...

 finipe , le 02/12/2013 à 13h26

Meuh non, tout le monde sait pertinemment qu'il est mort à cause de la malédiction
jetée sur lui par Jacques de Molay, voyons !

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