Il y a deux jours, on "fêtait" le troisième anniversaire de l'élection de Sarko à la présidence de la République. Plus de 70% des français étant mécontents de lui, ce qui correspond apparemment à un record à ce niveau d'un mandat présidentiel, je doute même qu'il ait été arroser ça au Fouquet's.
Ce que j'en disais à l'époque n'étant plus disponible depuis le suicide de mon blog, je me suis dit que c'était là une occasion de me permettre cette petite ratrospective.
Comme vous pourrez le constater, ça n'a globalement pas perdu grand chose de son actualité, bien au contraire.
Bilans bidon
J-9, J-8, J-7, nous répète-t-on à l’envi, et près de la moitié des électeurs sont encore très indécis sur le bulletin qu’ils vont glisser dans l’urne. Et on le serait à moins ! Tous les analystes politiques un tant soit peu sérieux répètent inlassablement que toutes les évolutions – bonnes ou mauvaises - de ces 20 à 30 dernières années, sont totalement indépendantes des gouvernements successifs.
Les « bons » chiffres de Sarkozy sur la baisse de l’insécurité ? Les violences aux personnes sont en augmentation,
comme dans tous les pays occidentaux. Les cambriolages et vols sont en baisse, particulièrement les vols de voitures, mais c’est dû à
l’amélioration des systèmes de sécurité et de surveillance.
Le chômage ?
Il a suivi la courbe de la croissance – ou de la décroissance – économique, tout simplement. Et dans un contexte de mondialisation à outrance, les politiques n’ont presque plus aucune prise sur celle-ci.
Bilans des "trente foireuses", années ayant succédé
aux "trente glorieuses", selon l'historien Draleuq ;o)
Le théorème de l’alternance
Depuis 30 ans, de présidentielle en législative, on « sanctionne » le pouvoir en place et on met l’opposition sur le trône. Ce phénomène, constat d’échec répété, porte un nom :
l’alternance. Il est à ce point rentré dans les mœurs que l’opposition n’hésite pas à l’employer en public, sans que nul ne s’en émeuve : « notre objectif est d’assurer l’alternance dans les meilleures conditions possibles ».
Dire cela, c'est reconnaître implicitement qu'après avoir pris le pouvoir aux mains de ces incapables, on devra le céder à nouveau. Par là-même, c'est reconnaître implicitement, avant même d'avoir été élu, sa propre incompétence.
Pourtant, l’opposition s’emploie de toutes ses forces à cette alternance, tandis que le pouvoir en place se débat comme un diable, sans trop y croire, pour tenter de faire cesser la malédiction. Il n’y a qu’à regarder, pour s’en convaincre, le pitoyable spectacle offert par les séances télévisées de l’Assemblée Nationale diffusées sur France 3.
Invariablement, c’est la même scène qui se répète.
Un ministre du pouvoir en place présente son projet ou répond vertement à une question posée par un député. Il se fait huer et siffler par les députés de l’opposition, au point qu’on ne l’entend plus et que le président doit donner de grands coups de marteau dans l’indifférence la plus totale. Si le dit ministre se voit reprocher son bilan, ou la dureté de sa mesure, il explique que si on en est là, c’est à cause du bilan déplorable qui lui a été légué par l’ancien pouvoir en place (donc l’actuelle opposition). Nouvelles huées et quolibets. C’est le chien qui se mord la queue. Le « c’est pas moi c’est l’autre » mille fois entendu dans la cour de récré.
En parlant de cour de récré, on nous précise que la dite émission télévisée est librement enregistrable pour être diffusée dans les établissements scolaires. Ai-je vraiment envie de montrer à mes élèves le pitoyable exemple donné par « l’élite » de mon pays ? Ai-je envie de montrer ce spectacle consternant à des êtres humains en devenir à qui j’explique chaque jour qu’il faut se parler, débattre, communiquer calmement, défendre ses idées tout en tolérant celles des autres, assumer ses responsabilités ?
Non, merci.
La continuance de l’alternité
Je ne peux donc que partager le désarroi des millions d’électeurs qui, encore aujourd’hui à J-7, désespèrent de sentir en leur for intérieur un nom émerger sur leur bulletin blanc immaculé. Si l’on excepte les doux rêveurs utopistes qui vont voter la clique à Arlette-Olivier-José-MarieGeorge, les fachos, inconscients et autres simples d’esprit qui vont voter Jean-Marie, la plupart des « sensés » vont « voter utile », c’est-à-dire pour Nicolène Sarkoyal, le seul bon et vrai parti démocratique unifié de l’alternance et de la continuité.
Si c’est la continuité qui tombe, ce ne sera que partie remise pour l’alternance. Et globalement, ce sera de toute façon la continuité.
Le premier vote utile vraiment utile
Il y a eu un espoir pourtant, oh, de courte durée.
Il m’est apparu, et pas qu’à moi semble-t-il, sous la menace de Nicolas Hulot. Quand j’ai vu que s’il se présentait, il était crédité de près de 12% des intentions de vote, je me suis dit : peut-être que pour la première fois depuis trente ans, le terme si souvent usité de « vote utile » ne sera pas usurpé.
Enfin un écolo qui se serait présenté en ne prétendant pas faire autre chose que de l’écologie.
Enfin un écolo qui n’aurait pas perdu toute crédibilité en restant les bras ballants au ministère de l’environnement, sous prétexte qu’il fait partie du « gouvernement de la gauche plurielle » et qu’il a les mains liées.
Enfin un écolo, surtout, qui arrête de nous prendre pour des cons et qui dit simplement, mais froidement, la terrible réalité, à savoir que le monde va bientôt crever de la folie des hommes.
Pas dans 1 000 ans.
Dans 50, peut-être 100 ans.
A une échéance que certains d’entre nous connaîtront, et que notre descendance immédiate connaîtra de toute façon.
Raison supérieure
Il y avait donc une raison supérieure, je dirais même une raison impérieuse, à voter Nicolas Hulot s’il se présentait.
Certes, ce n’est pas un politicien, et il n’a pas l’ambition de l’être.
Certes, il n’aurait de toute façon pas été élu.
Certes, un président de la république ne doit pas prendre en compte qu’un seul aspect de la vie de ses concitoyens, même s’il est extrêmement important.
Certes, le chômage et l’insécurité sont des problèmes préoccupants.
Les soucis qui préoccupent les candidats seront de toute façon très difficiles à régler, et quel que soit le gagnant, ce sera une gageure pour lui. Je ne prétends pas dire comment il doit s’y prendre, sinon j’aurais fait une carrière politique. A vrai dire, beaucoup de ces problèmes me paraissent dans l’immédiat insolubles.
Mais ces problèmes, malgré les drames humains qu’ils engendrent, devraient voir leur importance relativisée à l’aune d’une raison supérieure.
Car si rien n’est fait, bientôt, plus personne n’aura l’opportunité de se soucier ni du chômage, ni de l’insécurité, ni de l’immigration, ni de la délocalisation.
Si rien n'est fait, ce ne sera même plus la peine de faire de la politique.
Si rien n’est fait, le seul souci de chacun d’entre nous sera de survivre le plus longtemps possible dans un monde foutu par notre faute.
Si rien n’est fait, nous n’aurons plus qu’une seule alternative : mourir ou crever.
Pacte écologique mon c…
J’y ai cru jusqu’au bout, même si tous les spécialistes prévoyaient son retrait. Quand il a annoncé qu’il ne se présentait pas, ce fut un jour de deuil.
Nicolas, comment t’as pu me faire ça à moi ? Comment t’as pu nous faire ça à nous ?
Je ne dis pas que je ne te comprends pas, de ne pas vouloir te mêler à ce panier de crabes aux pinces longues, mais faut me comprendre, moi qui avais pour la première fois espoir d’utiliser ma carte d’électeur de bon cœur !
C’est vrai, tu as brandi ton pacte écologique. C’est vrai, ils l’ont tous signé. Pour s’empresser ensuite de te le carrer bien profond, excuse moi d’être vulgaire, mais c’est bien de ça qu’il s’agit.
Tu croyais quoi ? Tu croyais vraiment que la sauvegarde de la planète allait devenir leur souci n°1 ?
Je ne te croyais pas si naïf.
Résultat des courses, ils se chamaillent sur le patriotisme, le drapeau tricolore, la marseillaise, l’immigration clandestine, le ministère de l’identité française, la propension innée à être un criminel multi récidiviste, l’insécurité dans les banlieues, et blablabla, blablabla…
Et si un sujet, un seul, est absent des débats, c’est bien le péril de mort qui guette le monde entier.
Alors tu te révoltes, Nicolas, tu dis à la presse que tu es très déçu. On le serait à moins. Tu te sens trahi, sûrement, et un peu sans doute comme un taulard qui aurait ramassé la savonnette dans la douche.
Tu comprends sans doute, mais un peu tard, que la seule façon de faire entendre raison aux sourds-aveugles qui s’apprêtent à nous gouverner, c’était de te présenter et de les obliger à prendre des engagements non pas avant le premier tour, mais entre les deux tours, en échange d’une consigne de vote ou d’une neutralité de ta part.
T'es un lâcheur, Nicolas !
Mais on t'aime bien quand même, va...
Alors, maintenant que Nico nous a lâchés et que tous les autres, y compris la candidate « écologiste », sont brutalement frappés d’amnésie, que faire dimanche prochain ?
Bulletin blanc ?
C’est pas une mauvaise idée après tout.
Le blanc, c’est la couleur de la neige qui va se raréfier de plus en plus, à part bien sûr celle des canons. Faudrait pas non plus qu’on se prive de sports d’hiver, non mais…
C’est la couleur de la banquise qui recule, condamnant inexorablement certains animaux parmi lesquels l’ours polaire.
C’est aussi la couleur des calottes glaciaires qui fondent, ce qui, combiné avec l’effet précédent, va faire monter le niveau de la mer et la désaliniser, perturbant son équilibre fragile et facilitant les catastrophes telles que les inondations, les cyclones et les ouragans.
Mais c’est aussi un peu fade comme couleur, le blanc.
Alors pour changer, pour égayer, je vais vous proposer quelques alternatives.
Que diriez-vous d’un bulletin bleu, par exemple ?
C’est une couleur que tout le monde adore, le bleu. Le bleu des lagons polynésiens, le bleu d’un ciel d’azur.
C’est pourtant une couleur qu’on ne va pas tarder à maudire, lorsque la mer va monter, monter, submerger les côtes sur lesquelles 60% de la population mondiale est agglutinée.
L'europe après la fonte de toute la banquise
du pôle nord et des glaciers du Groënland
On va le maudire aussi, ce ciel bleu d’été, lorsqu’il va devenir un ciel bleu de printemps – été - automne, et qu’il ne laissera plus la place au moindre nuage susceptible de faire tomber une goutte de pluie pendant plusieurs mois. Et bienheureux s’il pleut l’hiver !
Vous prendrez bien un petit bulletin jaune ?
Dans les nuances que vous voudrez.
Jaune solaire comme cet astre merveilleux qui nous fait bronzer à la plage, et qui accompagne immanquablement ce si joli ciel azur dont nous parlions. Mais avec le trou dans la couche d’ozone, gare aux UVB si on ne veut pas cramer sur place, avec tout ce que ça peut supposer d’ennuis de santé derrière. Et puis à 40 degrés à l’ombre pendant plusieurs semaines, sans une goutte d’eau, sans un souffle d’air, lui aussi on va vite le fuir et le haïr.
Jaune ocre comme la terre qui va se transformer en croûte sous l’effet de la sécheresse, faisant crever la végétation, puis le bétail. Notre tour viendra ensuite.
Sécheresse en Afrique
Jaune sable comme le désert qui avance inexorablement. De plusieurs kilomètres par an, en certains endroits de la planète.
Ou alors vous pourriez opter pour un bulletin vert
Vert comme l’eau croupie qu’on regardera avec envie sans pouvoir la boire, jusqu’au jour où on devra la boire malgré tout, au risque d’en mourir.
Vert comme la végétation, vert comme les arbres des grandes forêts équatoriales, poumons de notre planète, essentielles à la survie de tous les animaux, nous compris. Pourtant, des milliers d’hectares disparaissent chaque année sous les haches et les tronçonneuses, et c’est autant de coups portés à notre capital d’oxygène.
Déforestation en Amazonie
Vert, c’est aussi la couleur de l’espoir paraît-il. Il disparaîtra lui aussi, avec le reste.
A moins que vous ne préfériez un bulletin rouge ?
Rouge comme les pompiers, dont on va voir passer les camions de plus en plus souvent, dans les rues.
Rouge comme le sang de centaines d’espèces d’animaux qui vont disparaître par notre faute.
Rouge comme notre sang qui va couler à flots dans les calamités naturelles déclenchées par la montée des eaux, le réchauffement de l’atmosphère, l’effet de serre, l’arrêt du Gulf Stream : cyclones, tempêtes, ouragans, typhons, tornades. Malgré son génie technique, l’homme est un fétu de paille face à la nature déchaînée.
Victime du cyclone Katrina, La Nouvelle-Orléans (USA)
Rouge comme toujours plus de sang qui coulera dans les caniveaux quand nous n’aurons plus assez de produits de première nécessité pour tout le monde et que de gigantesques et incontrôlables émeutes éclateront pour permettre aux plus forts de se les approprier.
Rouge comme le sang qui va se figer dans nos veines. Chaque canicule tuera des dizaines, des centaines de milliers de vieillards, de bébés, de personnes fragiles. Des maladies inconnues aujourd’hui dans nos contrées nous décimeront sans pitié. Le paludisme, avec l’arrivée des moustiques tropicaux. Le choléra pourquoi pas, avec l’eau potable qui viendra à manquer, ironie du sort, alors qu’on aura les pieds dans l’eau de mer !
Rouge comme l’alerte rouge, car le monde entier devrait décréter le plan ORSEC.
Enfin, vous pouvez aller au-delà de tout ça et choisir directement le bulletin noir
Une sinistre couleur, le noir. C’est même pas une couleur, d’ailleurs.
Symboliquement, ça représente le deuil, l’obscurité, le néant, le « plus rien du tout ». C’est ce qui arrivera à la fin, pour nous tous, l’espèce humaine.
Si c’est arrivé aux mammouths, aux aurochs et à des millions d’autres espèces, ça peut nous arriver à nous.
Je suis sûr que les dinosaures, s'ils avaient été capables de penser, ils auraient pensé qu'ils étaient indestructibles. Comme les hommes aujourd'hui.
Et même, on peut faire encore plus fort que les dinosaures et tous les autres : on peut provoquer notre propre extermination. C’est pas beau ça ? Des vrais lemmings !
Et dire qu’on se croit vachement fins.
Copyrat draleuq 2007