Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je suis
fait comme
un rat !
Ça c'est
balot...
Paradoxalement, l'on embrasse parfaitement le respect. C'est pourquoi la vie s'oublie en courant vers les cieux de l'existence
Caporal de Bol ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

23 Juillet 2010 ::

« Charles-Henri Sanson, la Terreur à travers les yeux du bourreau - 9 »

:: Histoire contemporaine, 1794

Ce billet fait partie d’un sujet qui en comporte neuf :
1ère partie2ème partie3ème partie4ème partie5ème partie
6ème partie7ème partie8ème partie – 9ème partie




24/06/1794 : le soldat Notter et son chien

Ce jour-là, on en exécute encore plusieurs pleines charrettes. Parmi les condamnés, un déserteur du nom de Victor Notter, dont le chien, auquel il est très attaché, l’a bien involontairement trahi en le faisant reconnaître, et a ainsi provoqué son arrestation.
Le chien avait suivi son maître jusqu’à la prison. Ne pouvant y entrer, il s’était installé à l’entrée, vivant de la charité des passants.
Le jour de l’exécution, il reconnaît son maître dans la charrette et se met à gambader et à japper autour du convoi.
Arrivé à la Place du Trône Renversé[1], le chien saute gaiement sur son maître lorsqu’il descend de sa charrette. Notter le caresse autant qu’il peut et demande à plusieurs personnes de l’adopter, en vain.
Vient l’heure de monter sur l’échafaud. Malgré les menaces et les coups de pied, le chien réussit à suivre son maître sur la plateforme. L’un des aides parvient à le jeter en bas, mais il recommence de plus belle à monter les marches.
Entre temps, Notter a été guillotiné, et on pousse déjà son corps dans le panier. Le chien se met à hurler à la mort. Un gendarme le perce d’un coup de couteau de pointe.
Sanson s’étonne que la foule, ordinairement si impassible, voire enthousiaste devant la mort d’êtres humains, s’indigne du sort que l’on fait à un chien ! Le gendarme se fait invectiver, des pierres commencent à pleuvoir sur la guillotine… Finalement, un ouvrier ramasse le chien et l’emporte dans son tablier.

26/06/1794 : Osselin, un cadavre !

Député de Paris à la Convention puis membre du Comité de Sûreté Générale, Charles-Nicolas Osselin cacha, fin 1793, une femme émigrée, Madame Charry. Il commit ensuite l’erreur de mettre dans la confidence quelqu’un qu’il croyait être son ami et qui fit bientôt chanter la clandestine. Révoltée, cette dernière refusa de céder, elle fut arrêtée avec son protecteur et rapidement guillotinée. Osselin, lui, fut « seulement » condamné à dix ans de prison, car la Loi condamnant à mort ceux qui cachent des émigrés n’était pas encore passée. Emprisonné à Bicêtre, ses sympathies pour Danton firent de lui une cible idéale pour une « conspiration des prisons », dont il fut même propulsé au rang de « meneur » par l’instigateur de ce faux-complot, Voulland, un de ses anciens collègues du Comité de Sûreté Générale. Osselin en savait probablement beaucoup trop sur la corruption de Voulland, Amar ou Vadier, et ces trois-là avaient sans doute tout intérêt à le voir disparaître.
Mais Osselin entendait se soustraire à la guillotine. C’est ainsi qu’il réussit à récupérer un vieux clou dans une solive de son cachot et se l’enfonça par trois fois dans le ventre.
Lorsqu’on vint le chercher pour le mener au Tribunal Révolutionnaire, l’officier de santé dit que c’était inutile, que les trois blessures qu’il avait au ventre le condamnaient à coup sûr. Mais les suppôts du Tribunal Révolutionnaire ne voulaient pas renoncer à l’un des seuls noms un peu connus de leur « conspiration de Bicêtre », et ils ne tinrent pas compte des avis du médecin. Le président du tribunal, Dumas, dut se contenter de râles comme seules réponses à ses questions.


Quand on l’amène dans la salle où le bourreau l’attend, Osselin s’évanouit. On lui fait respirer du vinaigre. Quand ses yeux s’ouvrent sur les aides qui l’entourent, il dit faiblement : « Quoi, cette mort, elle ne viendra donc pas ? »
Quand les aides veulent lui lier les mains, il essaie en vain de les dégager pour arracher ses pansements. L’officier de santé lui administre des soins tant bien que mal : « Soyez tranquille, dit-il, il y a loin d’ici à la guillotine, et à moins d’un miracle, vous n’aurez pas de désagréments avec elle ! »
Lorsque la charrette, où on avait placé Osselin sur un matelas, arrive au lieu de l’exécution, Sanson constate qu’il a l’œil vitreux, les lèvres livides, la bouche béante. Il demande à son aide de jeter sur le cadavre une couverture et de le laisser dans la charrette.
- Non, non, dit l’officier de santé, il vit encore ! Il faut exécuter le jugement !
Et comme Sanson ne veut pas, il ajoute :
- Imbécile, s’il est vraiment mort, peu importe qu’il arrive dans l’autre monde avec sa tête sous le bras ; tandis que si nous la lui laissions et que par hasard il ressuscitât, cela nous incommoderait à coup sûr toi et moi, aussi dans le doute ne t’abstiens pas !
Et c’est ainsi que Sanson décapite un cadavre.

25/07/1794 : André Chénier

A partir de là, Charles-Henri Sanson, dont la maladie de nerfs s’empire probablement, cesse de tenir son journal. Nous nous baserons donc, pour finir cette saga, sur ce qu’a écrit son petit-fils Henri-Clément à partir de ce que lui ont raconté son grand-père et son père. Forcément, cela devient un peu plus sujet à caution, mais ça n’en est pas dénué de valeur pour autant.

C’est le tour de la Prison de St Lazare d’être « déblayée »[2] ce jour-là. Parmi les dizaines de condamnés, il y a le poète André Chénier, dont les vers commençaient sérieusement à déranger les terroristes du Comité. En sortant du tribunal révolutionnaire[3], il se frappe le front en s’écriant : « Et pourtant, j’avais quelque chose, là ! »

Exécutée avec lui, la vieille abbesse de Montmartre, Madame de Montmorency-Laval. Comme elle ne répond pas aux questions de Coffinhal, vice-président du tribunal révolutionnaire, un de ses co-accusés lui fait observer que la pauvre vieille est sourde comme un pot.
- C’est bon, c’est bon, nous mettrons sur la sentence qu’elle a conspiré sourdement[4], murmure Fouquier-Tinville, toujours aussi facétieux.


André Chénier (portrait fait en prison par Joseph-Benoît Suvée)


28/07/1794 : Les Robespierristes

Depuis juin 1794, Robespierre ne paraît plus au Comité de Salut Public où il est mis en minorité avec Couthon face à Barère, Carnot, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois. De même, la majorité des membres du Comité de Sûreté Générale (Amar, Vadier, Voulland, Jagot), inventeurs des conspirations des prisons, sont contre lui. Enfin, d’anciens chargés de mission en province coupables de grands excès, tels que Fouché, Tallien, Fréron, Carrier, Barras, ont été accablés de reproches par « l’Incorruptible » et ont toutes les raisons de le haïr.
26/07 dans la journée : à la Convention, Robespierre fait un discours qui met en cause ses ennemis sans les nommer, réclamant à mots à peine couverts leur mise en accusation. Les intéressés demandent que Robespierre fournisse des noms, il s’y refuse. Les autres obtiennent par décret que le discours ne soit pas diffusé dans les comités.
26/07 au soir : au Club des Jacobins, Robespierre relit son discours et est acclamé. Il demande alors l’insurrection contre la Convention. Tous ses ennemis sont violemment conspués et physiquement expulsés du Club : Tallien, Fréron, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et une trentaine d’autres, dont beaucoup d’anciens dantonistes, aux cris de « à la guillotine ! » Dumas, président du tribunal révolutionnaire, éternel soutien de Robespierre, les apostrophe en leur disant qu’il les attend le lendemain dans son tribunal !
Nuit du 26/07 au 27/07 : craignant à juste titre pour leur vie, les ennemis de Robespierre conspirent sa chute. Ils prennent contact avec les membres les plus influents de la Plaine, et leur promettent la fin de la Terreur en échange de leur soutien à la Convention. N’aimant pas plus les montagnards de Robespierre que les terroristes qui leur tendent la main, les députés de la Plaine hésitent longuement, mais la présence parmi les conjurés de Barère et de Carnot, eux-aussi issus de la Plaine, les décide à accepter.
27/07 dans la journée : à la Convention, le plan des conjurés se révèle très vite. Robespierre est violemment attaqué par Billaud-Varenne, puis Vadier, puis Fréron. A chaque fois qu’il veut prendre la parole pour répondre, des « A bas le tyran ! » couvrent sa voix. Incapable d’en placer une, « L’Incorruptible » finit par abandonner et se réfugier dans le mutisme. A la fin de la séance, il est mis en état d’arrestation avec Couthon, Saint-Just et Dumas. Indignés, Augustin Robespierre et Lebas demandent à être arrêtés avec eux. Il est 16 heures.
27/07, 17 heures : dès que l’arrestation de Robespierre est connue, les membres de la Commune de Paris, qui lui sont favorables, se rassemblent et votent une insurrection contre la Convention. Hanriot, commandant de la Garde Nationale, est chargé de libérer les prisonniers, mais se fait lui-même arrêter à 17 h 30 et jeter en prison avec ceux qu’il venait délivrer. Les ennemis de Robespierre réalisent le danger et décident de dispatcher leurs prisonniers dans toutes les prisons de Paris.
27/07, 19 heures. Le concierge du Luxembourg refuse d’écrouer Robespierre qui est libéré le premier. Pendant ce temps, Coffinhal, vice-président du tribunal révolutionnaire, a pris la tête d’une colonne pour libérer Hanriot. La Convention, rentrée en séance à 19 h 00, est juste à côté et presque sans défense, Collot d’Herbois ne s’y trompe pas d’ailleurs en disant : « Messieurs, voici le moment de mourir à nos postes ! »…Mais les autres ratent le coche et s’en retournent à la Commune !
A la Convention, on profite de cette aubaine pour faire quérir des troupes dans les quartiers qui lui sont favorables, et on nomme Barras au commandement miltaire. On décrète aussi les Robespierristes hors-la-loi, ce qui veut dire qu’ils seraient exécutés sans jugement, et donc sans pouvoir se défendre.
A l’Hôtel de Ville, que viennent rejoindre les prisonniers libérés un à un, tout au long de la soirée, on atermoie. Même Robespierre hésite, il préférerait sans doute gagner légalement. Saint-Just, pourtant expérimenté en la matière, refuse de prendre la tête de la force armée. Le jugement d’Hanriot, disent certaines sources, serait obscurci par son état d’ébriété. Ces hésitations seront fatales, car certaines troupes favorables à Robespierre apprennent sa mise hors-la-loi, prennent peur et changent de camp. On finit tant bien que mal par établir une liste d’ennemis à arrêter à la Convention, mais beaucoup trop tard.
28/07, 2 h 00 du matin. Une colonne envoyée par la Convention et commandée par Léonard Bourdon fait irruption dans l’Hôtel de Ville : la messe est dite. Lebas se suicide d’un coup de pistolet. Augustin Robespierre se jette par la fenêtre et se casse une jambe. Maximilien Robespierre essaie de se suicider et se rate (ou le gendarme Merda lui tire un coup de pistolet au visage, selon une thèse concurrente). Couthon, déjà paralytique, tombe dans l’escalier et se blesse à la tête. Hanriot saute par la fenêtre[5], se blesse sur du verre brisé, se traîne jusqu’à un égout où il est découvert par la troupe quelque temps plus tard. Au moment de son arrestation, un coup de baïonnette lui arrache un œil. Saint-Just, Dumas, le maire Fleuriot-Lescot[6], se laissent eux arrêter sans résister.



Hanriot - Couthon - le fauteuil roulant de Couthon (Musée Carnavalet)


Le matin du 28 juillet, Sanson est informé qu’il doit à nouveau déplacer les bois de justice de la Place du Trône Renversé à la Place de la Révolution. La foule, immense, accompagne le convoi tout du long. Arrivé à bon port, on doit faire donner la troupe pour dégager la place nécessaire au montage de l’échafaud.
Le bourreau se rend à la Conciergerie. Robespierre, ironie du sort, a été écroué dans un cachot où Danton avait été détenu. Malgré sa blessure, pas une plainte ne sort de sa bouche. Le peu de paroles qu’il sort sont inintelligibles car il a la mâchoire fracassée. Il demande de quoi écrire, on lui refuse.
On fait transporter les condamnés au tribunal révolutionnaire pour que leur identité soit reconnue, puis on les renvoie illico à la Conciergerie.
A deux heures de l’après-midi, Sanson fait son entrée dans le cachot de « l’Incorruptible ». Voyant qu’il veut lui couper les cheveux, il se retourne en offrant sa nuque, mais le bourreau lui dit que dans cette position, il sera impossible de ne pas toucher au pansement. Des aides le portent alors jusqu’à une chaise. Charles-Henri maintient le pansement en place pendant que son frère coupe les cheveux. Quand c’est fini, Robespierre retourne à son lit non sans avoir fait un signe de tête signifiant probablement « merci ».
Saint-Just fait les cent pas dans sa cellule quand les bourreaux entrent. Il s’assied sans rien dire et se laisse faire, puis tend ses mains pour les liens.
- Pas encore ! dit le bourreau
- Tant pis ! répond Saint-Just.

Les 21 condamnés[7] prennent place dans les charrettes à la sortie de la Conciergerie.
Ironie du sort, le triste cortège n'est pas sans en rappeler un autre : le cadavre de Lebas suit dans la dernière charrette, comme suivait le cadavre de Valazé dans la dernière charrette des Girondins.
Robespierre est assis sur de la paille, les yeux fermés, impavide. Les imprécations de la foule, excitées par les gendarmes de l’escorte, atteignent des records. Couthon paraît abasourdi par cette hostilité. Fidèle à lui-même, Dumas s’écrie :
- Je n’ai qu’un regret, celui de ne point avoir fait guillotiner tous les scélérats qui nous injurient !
Saint-Just affronte la colère du peuple debout, impassible. Lorsqu’une femme s’avance pour reprocher à Robespierre la mort de sa fille, le jeune fanatique murmure simplement :
- Sa fille ! Peut-être l’eût-elle vendue pour 20 livres !
On arrête le cortège devant la fameuse maison Duplay[8] qui avait abrité Robespierre ces dernières années. Des rondes dansantes se forment, avec la complicité des gendarmes. On barbouille les murs de la maison avec un seau de sang de cochon. Une bourgeoise s’accroche à la charrette et hurle : « Va aux enfers, scélérat, avec les malédictions de toutes les épouses et de toutes les mères ! » Elle s’accroche tellement qu’on doit la déloger par la force.

Avant de monter à l’échafaud, Saint-Just embrasse Couthon, puis, passant devant Robespierre, il dit simplement : « Adieu ! » L’autre répond par un signe de tête et le regarde monter à la mort.
Robespierre monte le dixième, son regard est froid et calme. Comme il en a reçu l’ordre, un aide lui arrache ses pansements. La douleur est horrible, Robespierre ne peut retenir un hurlement. La mâchoire désarticulée pend, la bouche est affreusement béante et du sang abondant s’en écoule. On se dépêche alors d’en finir avec les souffrances de « l’Incorruptible. »
L’historien Louis Blanc reprochera au bourreau « l’inutile barbarie et la lâche cruauté » consistant à arracher le pansement. Le petit-fils de Sanson défendra alors son grand-père en précisant que la blessure du condamné était maintenue par une large compresse tenue par une serviette croisée sur la tête, et qu’une double bande de toile enveloppait son front et sa nuque, et qu’exécuter Robespierre ainsi aurait été l’exposer à des souffrances bien pires encore, et il pense évidemment à celles d’une décollation incomplète[9]
Après avoir étudié dans ses moindres détails le personnage de Charles-Henri Sanson, on ne peut que défendre la thèse de son petit-fils. On peut sans doute reprocher bien des choses à ce bourreau, mais sûrement pas la « barbarie inutile », ni la « lâche cruauté ».


Louis-Antoine de Saint-Just - Augustin Robespierre - Maximilien Robespierre, "l'Incorruptible"


En bonus, les « géniaux inventeurs »

Le parcours du bourreau fut jalonné de rencontres avec des exaltés, jamais en mal d’idées pour améliorer cette merveilleuse machine qu’était la guillotine.
Tout ceci en dit long sur le délire meurtrier qui affecta plus ou moins toutes les franges de la population durant cette triste période. Laissons une dernière fois la parole au vieil exécuteur pour nous narrer ces improbables rencontres :

28/02/1794 :
« Depuis que la guillotine est à l’ordre du jour, les inventeurs se torturent la cervelle pour la modifier. Plus de 20 projets ont été soumis au Comité, mais ils étaient tellement saugrenus qu’il n’en a fait expérimenter qu’un seul. Dans celui-là, une trappe s’ouvrirait à gauche de la bascule et le corps du supplicié glisserait […] sous la guillotine, ce qui éviterait l’encombrement sur la plateforme. Le citoyen Vouland[10] […] a voulu assister à l’essai. Les ressorts ont mal fonctionné et les sacs de sable qu’on avait placés sur la bascule sont restés deux fois engagés dans la trappe. Le citoyen Vouland m’a demandé mon avis. Je lui ai fait observer que cette modification était pleine de dangers ; que si la trappe venait à ne pas se refermer […], les exécuteurs ou les condamnés pourraient tomber avec les cadavres, ce qui serait un triste spectacle. Il m’a dit :
- Tu as raison : d’ailleurs on n’y gagnerait pas une tête à l’heure, c’est le moyen d’aller plus vite qu’il faudrait chercher. »

18/05/1794 :
« Il est venu ce matin un fou enragé de mécanique et de patriotisme pour me prier d’examiner le modèle d’une guillotine à trois couperets qu’il a fabriquée ; si je savais encore rire, ses propos m’eussent considérablement diverti […] Il ne voyait rien moins que le Panthéon pour récompenser sa découverte, qui, disait-il, consommant l’extermination des aristocrates, devait consolider à jamais la République. »

Selon une source, un certain Guillot (au nom prédestiné), proposa l’été 1794 le plan d’une guillotine à neuf couperets. Il fut lui-même guillotiné en septembre 1794 pour trafic de faux-assignats !

Finalement, la guillotine ne changea jamais et resta telle qu’elle était jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 1981, à l'exception d'une légère modification en 1872 avec la suppression de l'échafaud.

_________________________________
1. Aujourd’hui Place de la Nation. On avait, à cette époque, déplacé la guillotine de la Place de la Révolution pour la mettre Place du Trône Renversé, car on avait remarqué que les riverains sur le trajet entre la Conciergerie et la Place de la Révolution commençaient à devenir franchement hostiles à ces marches funèbres. C’est déjà Place du Trône Renversé qu’avait eu lieu l’exécution des 54 chemises rouges, et c’est là aussi qu’aura lieu celle des 45 condamnés du 9 Thermidor (27 juillet 1794).

2. Le terme serait de Barère.

3. Et non pas sur l’échafaud, comme on le lit souvent.

4. Dans certaines sources, très minoritaires, on trouve qu’elle était sourde et aveugle, et que Fouquier-Tinville aurait dit « conspiré sourdement et aveuglément ». Pour être honnête, ça sent l’invention à plein nez, d’autant plus que « conspirer aveuglément », ça semble quand même très difficile à faire.

5. Ou se fait défenestrer par Coffinhal qui lui reprochait son incompétence, selon une thèse concurrente. Cet imbécile de Coffinhal réussit à se cacher quelques jours chez quelqu’un qui lui devait de l’argent (!) et qui s’empressa bien sûr de le dénoncer. Il fut guillotiné seul, quelques jours après ses amis Robespierristes.

6. Etre maire de Paris était décidément un métier bien risqué en ce temps-là. On a vu que le premier, Bailly, avait été honteusement lynché avant d’être guillotiné, que le second, Pétion, avait dû se suicider en Gironde pour échapper à ses poursuivants. Le troisième, Pache, pourtant un hébertiste notoire, en réchappa miraculeusement grâce à des amis bien placés. Fleuriot Lescot était le quatrième.

7. A noter que parmi eux se trouvaient, en tant que membre de la commune ayant soutenu Robespierre, l’infâme cordonnier Simon à qui on avait confié « l’éducation républicaine » du jeune dauphin Louis XVII après qu’on l’eût retiré à sa mère Marie-Antoinette.

8. Toute la famille Duplay sera jetée en prison pour son amitié avec « l’Incorruptible ».

9. Ce type d’incident avait déjà eu lieu et devait ensuite se reproduire bien des fois. Cela alimenta d’ailleurs les réquisitoires de Victor Hugo contre la peine de mort.

10. Même si Sanson oublie un l, il s’agit très probablement du même Voulland qui était à l’origine de la pseudo-conspiration de Bicêtre.

draleuq, 14h18 :: :: :: [8 gentillesses]

:: COMMENTAIRES

 draleuq , le 23/07/2010 à 15h49

Et voilà, fin de la saga, pfiouh !
Ça m'aura permis, à travers ce "brave" bourreau, d'approfondir mes connaissances sur la Révolution, sujet décidément bien compliqué, sur lequel elles étaient (mes connaissances) pour le moins approximatives.
Ça m'aura amené aussi à réviser mes préjugés sur Robespierre, que je pensais jusqu'à maintenant être le véritable et entier responsable de cette folie que fut la Terreur. Or, il apparaît qu'il ne fut certes pas tout blanc (à part durant ses dernières heures, hu hu hu), mais que sa responsabilité fut sans doute bien moindre que la bande de psychopathes qui fut à l'origine de sa chute, sur le destin desquels je me fendrai également de quelques petits billets, mais pas tout de suite, on va se reposer un peu !
Même si ça peut sembler très facile de dire ça plus de 200 ans plus tard, bien à l'abri derrière mon bureau, je risquerai tout de même cette analyse :
1) La liquidation des Girondins fut une belle connerie
2) Celle des Exagérés n'aurait en revanche pas dû s'arrêter aux seuls hébertistes et aurait sans doute gagné à être prolongée par l'élimination (je ne dis pas l'exécution, mais apparemment ils ne savaient pas faire autrement !) des grands malades qui avaient commis les atrocités qu'on connaît en province, ainsi que leurs maîtres à penser (Barère, Billaud-Varenne, Collot, Vadier, Amar, Voulland and co.)
3) Pour ce faire, il eut été heureux que Robespierre, qui au fond ne semblait pas être un si mauvais bougre, féru de bons principes et s'étant refusé plusieurs fois à la tyrannie qu'on lui prêtait, se fût allié à Danton, qui lui a tendu la main plusieurs fois. Ensemble, ils pouvaient encore faire cesser la Terreur et empêcher les tragiques "conjurations des prisons".

 skogkatt, le 24/07/2010 à 21h35

Quelles est la prochaine saga historique ? " Equipe de France : la grève du bus partie 1 à 15" tirée des Commentaires & Picotteries de l'Equipe ? :-)

 draleuq , le 25/07/2010 à 10h46

Ça, ça ne risque pas, non :)
Tiens, puisque t'en parles, avant-hier je suis allé faire un tour dans une enseigne de "supermarché de la braderie", et j'ai remarqué qu'il y avait, au rayon DVD, non loin des films de boules, au tarif de 1,99 €, une bonne trentaine de DVD identiques intitulés : "Anelka, l'inclassable". Ils auraient mieux fait de titrer : "Anelka, l'invendable".

 skogkatt, le 14/12/2010 à 17h43

Je me suis payé le livre (édition Cherche-Midi) et il y a une petite anecdote qui, je trouve resume sobrement ce que devait être le jeu de « Qui allons raccourcir aujourd'hui? ». Comme tu as livré les plus belles et les plus pathétiques, je me permet de coller ces modestes lignes :

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20 pluviôse

Hier à la séance du matin, on jugeait cinq particuliers.
Les débâts s'étant prolongés, Vilate, juré au tribunal, a dit à Dumas, président: « Les accusés sont doublement convaincus, car c'est l'heure de mon dîner et en ce moment ils conspirent contre mon ventre. »
C'est Dumas qui a répété le propos à la buvette.
D'aucuns en ont ri et d'autres, notamment Naulin et Sellier, collègues de Villate , ne se sont pas génés pour dire ce qu'ils pensaient de cette infamie : lesdits particuliers ont été condamnés et exécutés ce jour.

 Brath-z , le 25/12/2010 à 12h58

Je "profite" de la crève qui me cloue au lit depuis hier soir (joyeux noël !) pour réagir à ce billet qui m'avait échappé.

Avant toute chose, je précise que je suis un robespieriste, aussi mon jugement est-il probablement faussé par cette opinion préconçue (quoiqu'appuyée sur des éléments concrets).

Sur le billet en lui-même, je n'ai qu'un commentaire à faire : l'expression "le délire meurtrier qui affecta plus ou moins toutes les franges de la population durant cette triste période" peut certes s'appliquer aux massacres des "journées insurrectionnelles" et des agissements sanglants des "cannibales" (c'était le surnom, paraît-il, que Couthon avait donné à certains représentants en mission, notamment Fouché et Collot, qui lui avaient succédé à Lyon). En revanche, parler ainsi de la guillotine et de l'empressement de certains à l'améliorer est infondé. En effet, je rappelle qu'à peine dix ans auparavant les condamnations à mort (ou pas, d'ailleurs) étaient précédés de séances de torture dont certaines étaient publiques. Le récit donné par Foucault dans Surveiller et punir du supplice du régicide Damien est à ce titre particulièrement parlant (ne le lisez pas en mangeant, c'est un coup à vous couper l'appétit). Dans ce contexte, l'invention de Guillotin était vue comme un grand progrès, ce que lui-même souligna à de nombreuses reprises (tout le monde, connait, je crois, sa phrase célèbre sur le coup de vent frais sur la nuque pour toute souffrance). Le désir d'améliorer l'efficacité de ce procédé doit être vu plutôt soit comme le désir de pouvoir mieux châtier les ennemis de la liberté (notamment en accélérant les exécutions) soit de moins faire souffrir les condamnés. Aujourd'hui cela nous semble être des pratiques barbares, mais il convient de se replacer dans l'état d'esprit de l'époque. Pour beaucoup de spectateurs, la guillotine faisait bien trop souffrir les condamnés.

Maintenant, j'ai envie de commenter votre commentaire.
D'abord, je suis heureux que votre recherche documentaire sur le sujet vous ai fait réaliser que, loin d'être l'organisateur ni le soutien de la Terreur, Robespierre comptait plutôt parmi les "modérés" en la matière. La thèse des historiens robespierristes (en tête desquels Mathiez) est que, tout comme Saint-Just, il considérait la politique de terreur comme une "horreur nécessaire". D'ailleurs, il n'était même pas présent au Comité de Salut Public lorsque la terreur fut mise à l'ordre du jour. Pour l'anecdote, Barrère a dénoncé Danton comme le principal instigateur de la mise en place de la Terreur, ce qui tranche avec l'image de "l'indulgent" qu'on a aujourd'hui du bonhomme. Ceci-dit, à sa décharge, il faut préciser qu'il était, pour Barrère, de bon rapport d'accabler Danton, car il était unanimement conspué par ses contemporains.

On arrive ici au deuxième commentaire que j'ai à faire sur le votre : Danton.
Convaincu de corruptions multiples, il ne fut pas réhabilité avant la deuxième moitié du XIXème siècle. Cette réhabilitation, d'ailleurs, ne s'est pas appuyée sur une étude historique mais sur des ouvrages du docteur Robinet qui avait été convaincu de l'innocence de Danton par ses deux fils. Si les procès d'intention intentés contre Danton par ses contemporains ne se justifiaient pas, celles de corruptions multiples sont indéniables. C'est la raison pour laquelle Robespierre n'aurait jamais pu rester "allié" de Danton une fois ces faits démontrés.
Pourtant, Robespierre a défendu bec et ongles Danton au Comité de Salut Public (ce fut d'ailleurs l'une des choses à lui reprochées par Collot d'Herbois), retardant de plusieurs mois sa condamnation, s'offusquant des accusations portées contre "un grand patriote". Même ses amis Couthon et Saint Just ne suivaient pas Robespierre lorsqu'il prenait la défense de Danton. Mais son caractère entier (manichéen, diraient certains) l'a porté à flétrir celui qu'il avait défendu, probablement parce qu'il était furieux d'avoir été à de nombreuses reprises trompé par lui.

Concernant les Girondins, là encore le caractère modéré (pusillanime, diraient certains) de Robespierre s'affiche : bien que sa position fut minoritaire et aux Comités (particulièrement celui de Sûreté Générale, qui entre Vadier et Amar abritait de véritables sanguinaires) et à la Convention, il a réussi à sauver la vie aux "73" (qui étaient 75) girondins emprisonnés pour leur soutien à Brissot et Roland.

Sur la Terreur, enfin, je pense que Robespierre s'en est tenu à la ligne qu'il avait exprimée lors du débat sur la guerre : "épurer" la France de ses ennemis intérieurs - ou, plus exactement, des meneurs de la réaction et de la contre-révolution - de manière légale (ses remontrances à Fouché qui exécutait sans procès les royalistes de Lyon à coups de mitrailles) par une politique intransigeante mais mesurée. Suivant cette thèse (éminemment robespierriste), la "grande Terreur" d'après la loi du 22 prairial an II n'avait pour but que d'achever le plus rapidement possible la Terreur une fois la victoire militaire assurée en liquidant physiquement les derniers meneurs (thèse appuyée sur la centralisation des exécutions à Paris et l'opposition affirmée de Robespierre aux accusations groupées qui étaient la spécialité du roublard Fouquier-Tinville, que je qualifierais volontiers "d'inventeur de complots").

Voilà. J'espère que mon état de santé n'a pas rendu mon propos trop incohérent.
Joyeux Noël.

 draleuq , le 25/12/2010 à 17h00

Salut Brath-z !
Merci encore pour ces Lumières fort intéressantes sur le XVIIIème siècle !
Et tout d'abord, excuse-moi de te tutoyer, mais je n'arrive décidément pas à te vouvoyer, j'espère que tu ne m'en voudras pas.
La précision selon laquelle tu es un Robespierriste est à tout à ton honneur, et effectivement cela apparaît clairement dans ton propos.
Néanmoins, je ne suis pas loin désormais de te rejoindre, et mon anti-robespierrisme passé était plutôt le fruit de mon ignorance (ou du fait que je sois victime des idées reçues) qu'autre chose.
De plus, je pense comme toi que si Danton n'a pas démérité en tout, sa corruption apparaît comme quasiment indéniable.
J'irai jusqu'à dire que le fait que tu sois favorable à Robespierre ne fait que me confirmer les mérites de ce dernier, car tu es de toute évidence beaucoup plus érudit que moi sur la Révolution.
A propos de ce que tu dis sur la guillotine, cela rejoint quasiment trait pour trait ce que j'ai développé dans l'article suivant : [http] ... que tu n'as pas du lire, mais je ne t'en veux pas du tout !
Je te souhaite de bien te rétablir pour la deuxième partie des festivités !

 Brath-z , le 25/12/2010 à 18h10

Bonjour Draleuq !

A vrai dire je n'avais pas remarqué que tu tutoyais tes interlocuteurs dans les commentaires. Les convenances sociales étant ce qu'elles sont, j'en ai supposé que le vouvoiement était de rigueur, mais ça ne me dérange absolument pas que nous nous tutoyons.

Concernant la querelle robespierristes/antirobespierristes, elle est présente dès le début du XIXème siècle (certains n'hésitent pas à la faire remonter au "coup d'état" du 18 fructidor an V, mais je serais plus prudent à ce sujet) et a faussé la recherche historique depuis lors. Il a fallut que ce soit un historien médiéviste (Marc Bloch) qui dénonce cet état de fait ("Robespierristes, antirobespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites-nous, simplement, quel fut Robespierre"), et encore la leçon n'a pas été tirée. Ainsi existe-t-il depuis longtemps une "société des études robespierristes" à la Sorbonne. Néanmoins, depuis la Libération, ce sont des historiens antirobespierristes (et même dantonnistes) qui ont imposé leurs vues sur les programmes scolaires, ce qui explique que nous avons tous apprit enfants que Robespierre fut un ignoble tyran (alors que, de tous les membres du Comité de Salut Public sauf peut-être Couthon il a été le plus souvent contesté par la Convention) qui tenta de se déifier en imposant "le culte de l'Être Suprême" (alors que c'était là une idée populaire depuis le début du siècle et pas du tout du fait de Robespierre... à ce sujet, une anecdote : lorsqu'en sixième ma professeure d'histoire, par ailleurs fort sympathique, nous apprenait que Robespierre avait voulu imposer ce "culte" en 1793, je lui ai fait remarquer que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 avait été faite "en présence et sous les auspices de l'Être Suprême" alors même que Robespierre n'était pas encore connu... déjà robespierriste à 11 ans !) et toutes ces sortes de balivernes. Cette situation a engendré en réaction la création d'un corps universitaire d'historiens robespierristes (alors même que la plupart d'entre eux ne sont pas modernistes !) qui tentent de corriger un peu les dégâts.

Tout ça pour dire que je respecte qu'on soit ou non robespierriste (je n'ai en revanche pas eu l'heur de voir un jour quelqu'un qui n'ai pas eu d'opinion tranchée sur la question), mais je me désole de l'état d'ignorance qui est volontairement entretenu sur la question (je rappelle qu'officiellement la Révolution est le moment fondateur de notre Régime au même titre que la Libération). Je trouve que c'est un bon signe que tu ais évolué sur ta vision de Robespierre (et si, en plus, tu trouves le Robespierre réel plus honorable que la caricature qui en est enseignée, je ne peux que m'en réjouir !).

Pour ce qui est de Danton, je dois dire que j'entretiens à son égard une haine qui n'est surpassée que par celle que j'éprouve envers Boissy d'Anglas (lui, je le considère comme le principal artisan de l'échec de la Révolution, quoiqu'il ne soit pas seul dans le coup) ou Bernard-Henry Lévy (dans un autre registre, certes). Mais j'ai conscience que mon jugement est faussé par mes a priori robespierristes. Ce que je lui reproche est d'avoir "bouffé à tous les rateliers" : payé par Mirabeau pour mettre fin à la Révolution dès 1789 (chose que ses contemporains ignoraient), il a ensuite reçu l'argent de la cour pour sauver les prérogatives du roi, puis celui de la maison d'Orléans (ou, plus surement, des Anglais qui voulaient mettre sur le trône de France le duc d'York, gendre du fumeux Philippe-Égalité) avant de se faire entretenir par les Autrichiens pour arranger la défection des armées du nord (tentative qui a échoué, le général Dumouriez n'ayant été suivi que par une poignée d'hommes, dont le futur roi des Français Louis-Philippe d'Orléans). Bref, un corrompu de la pire espèce, mais qui n'a réalisé aucun des objectifs de ses commanditaires, soit par incapacité soit par médiocrité soit par duplicité (après tout, c'était un sacré cynique).


Concernant l'influence que je pourrais avoir sur ton opinion de Robespierre, je ne peux que te conseiller de t'en défier : je ne suis pas aussi érudit que cela sur la Révolution, en tous cas pas autant qu'un spécialiste de la question. Je te conseille, si le sujet t'intéresse, de consulter des ouvrages robespierristes (typiquement ceux de Mathiez ou de Soboul) et antirobespierristes (là, tu as le choix... évite juste ceux qui sont antérieurs aux années 1890, ce sont plus des romans historiques qu'autre chose) histoire d'avoir une approche contrastée de la chose.

 Brath-z, le 24/03/2011 à 17h01

Un petit repassage sur cette note entre deux tracasseries administratives. Je m'aperçois que je n'ai pas commenté ceci :

"1) La liquidation des Girondins fut une belle connerie"

A mon humble avis, la "liquidation" des Girondins non seulement fut nécessaire mais en sus ne fut pas effective. En effet, à l'époque et depuis plusieurs mois, la minorité girondine prompte à rallier à elle la majorité de la Plaine s'acheminait vers un "coup d'état légal" (pratique qui fut le moyen classique de l'alternance sous le Directoire, au passage) en demandant régulièrement la dissolution de la Convention Nationale au profit d'une Assemblée Législative, c'est-à-dire l'application du projet de Constitution de Condorcet (pourtant rejeté quelques temps auparavant) ou à celui d'une "Assemblée des suppléants" où dominaient très largement les Girondins (le système électoral d'alors étant calqué sur celui des députés aux États Généraux, les suppléants n'étaient pas directement liés à leur député) qui fut en grande partie réunie (illégalement) à Troies. D'après les témoignages de certains personnages de l'époque (Carnot, notamment), dans les salons de Manon Roland, on envisageait explicitement de faire intervenir l'armée pas encore agglomérée, donc encore très soumise à la hiérarchie (sachant qu'à l'époque les officiers étaient pour la plupart monarchistes ou girondins...) pour purement et simplement évincer la Convention Nationale.
En fait, il semble même que si la Commune de Paris, en accord avec les principaux "chefs" de la Montagne (Robespierre, Couthon, Billaud-Varenne, notamment) précipita l'affrontement en organisant une "journée" contre la Convention pour se débarrasser de 22 Girondins - en fait 32 car la Commission des Douze toute entière, dont deux membres figuraient sur la liste des accusés, a aussi été arrêtée - (Robespierre, d'après Billaud, ne voulait en accuser que 6 ou 7), c'était qu'elle avait eu vent par des espions de l'organisation d'un complot initié depuis le gouvernement (complot qui visait notamment à retirer à Danton - allié d'un jour des Girondins - sa position dominante au sein du nouveau Comité de Salut Public, probablement à l'aide du "rasoir national", ce qui explique peut-être qu'il prit une aussi large part à la chute des Girondins) et impliquant de nombreux cadres de l'armée.

On peut se dire qu'user après concertation de l'intimidation pour arracher à la représentation nationale la décision d'arrêter certains de ses membres s'apparente aussi à un complot. Certes.
Cependant, force est de constater que la Convention et les autorités publiques furent pour le moins pusillanimes envers les arrêtés : non seulement ils furent détenus à leurs domiciles (sur insistance, paraît-il, de Robespierre, après qu'eut été refusée sa proposition de les loger dans une "commune" spécialement construite à leur usage, une sorte de camp d'internement de luxe où ils auraient disposé d'un bon train de vie), mais en sus leurs gardiens (agents de la Commune, du Département ou de la Convention) avaient interdiction de surveiller l'intérieur de leurs maisons, si bien qu'une quinzaine d'entre eux avaient quitté Paris dès le lendemain de leur arrestation (la plupart des fuyards, dont Brissot, fut rapidement rattrapée).
Notons tout de même que ceux qui se conformèrent au décret (dont Pétion) firent preuve d'un légalisme qui force l'admiration, tant était certain leur destin.

Sans ce laxisme dans l'exécution des décrets, il est fort probable que l'insurrection fédéraliste se serait limitée à quelques départements et villes (Lyon, Nantes, etc.), car ce sont précisément ces échappés d'un temps qui demandèrent aux sections de "marcher sur la Convention" et les Communes.

Autre élément qui rendait impensable, à mon avis, la "coexistence pacifique" entre Girondins et Montagnards : le fédéralisme, précisément. Comment mener une politique de salut public cohérente quand une partie défendait la "République une et indivisible" tandis que d'autres estimaient qu'"une bonne république de devrait pas excéder les limites d'un village" (Vergniaud) ? Quand certains défendaient l'unité nationale (notamment dans le domaine judiciaire) tandis que d'autres voulaient fragmenter "à l'américaine" le territoire en ensembles régaliens ?
D'après moi, pareille cohabitation était (et reste aujourd'hui encore) impossible. Certes, les moyens d'éliminer les Girondins (finalement emprisonnés après l'assassinat de Marat) peuvent aujourd'hui sembler excessifs. Mais il ne faut pas oublier que :
1) c'étaient des temps violents où la mort faisait partie du paysage : les deux famines de 1693-1694 et de 1709 avaient fait périr plus de 2 millions de personnes, c'est-à-dire plus de 10% de la population du Royaume de France - au passage, la Terreur légale provoqua 17 000 morts, les "abus" (mitraillades de Fouché et Collot à Lyon, noyades de Carrier à Nantes, massacre de Javogues à Montbrissont, etc.) de 13 000 à 15 000 morts et la guerre de Vendée (dont les massacres des Colonnes Infernales de Thurrot) entre 150 000 et 200 000 morts : à part en Vendée, la Terreur fut bien plus mesurée que ne l'expliquent les livres d'histoire, et d'ailleurs la fin de la Terreur au lendemain du 10 thermidor an II provoqua des révoltes un peu partout.
2) en dehors de Paris et de quelques grandes villes où les sociétés affiliées aux Jacobins étaient dominantes, les Girondins dominaient largement par le biais de leurs innombrables journaux et des clubs "de bonne société" réunissant les notables locaux, domination qui ne fut renversée que grâce à l'envoi de représentants montagnards en mission dans les départements (système très imparfait qui faisait de ces représentants en mission des "proconsuls" et fut la principale cause des "abus de la Terreur" précédemment cités).
3) en période de guerre généralisée, laisser en vie des traîtres (je n'en démordrai pas) d'une telle influence, surtout lorsque l'autorité nouvelle est si précaire, eût été totalement inconsidéré.

A noter que j'estime qu'il eût été préférable de limiter aux seuls accusés par la Commune (et même là, j'ai quelques doutes : en quoi un Gensonné, un Salle ou un Birotteau étaient-il menaçants ? on aurait pu réduire l'accusation à Brissot, Pétion, Vergniaud, Lajuinais, Isnard, Barbaroux, Louvet et Clavière sans laisser échapper de traître avéré) et de s'abstenir d'arrêter les 73 (qui étaient 75) qui avaient protesté contre leur emprisonnement (ils avaient voté leur suspension indéfinie de la Convention, voire leur remplacement par leurs suppléants).

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