Fin du XVIIème siècle : Olivier Misson, mousquetaire du roi Louis XIV, renonce à sa casaque militaire et s'engage dans la marine, à bord de la
Victoire, un navire de guerre pirate des plus redoutables. Il y fait ses armes pendant quelques temps, avant de rencontrer un prêtre dominicain défroqué, le père Caraccioli, au cours d'une escale non loin de Rome. Les deux hommes s'entendent comme larrons en foire, et une solide amitié les lie rapidement : ils participent ensemble à tous les combats de la
Victoire, et Misson finit par devenir capitaine du navire, après qu'un abordage plus rude que les autres eut décimé tous les officiers du bord.
Toujours accompagné de Caraccioli, le navire pratique une piraterie des plus singulières le long des côtes de Guinée et d'Afrique orientale : tout en amassant d'immenses richesses, ils libèrent les esclaves, grâcient les prisonniers, traitent les vaincus avec égards, et vont même jusqu'à arborer un drapeau blanc brodé de la devise suivante : « Pour Dieu et la Liberté ». Après plusieurs mois de rapines et d'abordages, après avoir convaincu d'innombrables marins de se rallier à eux, la prise d'un navire portugais particulièrement riche encourage les deux compères à mettre leurs idées libertaires en pratique.
Libertalia, située au nord de Madagascar, dans la baie de Diego-Suarez
Ils s'établissent ainsi dans la baie de Diego-Suarez, au nord de Madagascar, accompagnés par quelques centaines de travailleurs Comoriens "prêtés" par une reine locale qu'ils avaient aidée, soutenus par leur équipage cosmopolite, et fondent la « République internationale de Libertalia ». Cette société utopique se construit graduellement : des bâtiments émergent du sol, les champs sont cultivés, un parlement est élu démocratiquement, la rade du port est hérissée de canons. Pour autant, tout ne se passe pas pacifiquement : Libertalia est passablement expansionniste, et la flotte de la cité continue d'écumer les mers, de piller et de rançonner. Un fameux pirate, le capitaine Thomas Tew, est séduit par cette folle idée, et décide de rejoindre les rangs des "libertaliens". On lui confie le commandement de la flotte, et le désormais amiral en chef Tew prend la mer et oeuvre de plus belle à la piraterie qu'il servait déjà auparavant, mais en épargnant les prisonniers et en libérant les esclaves.
Au fil de ces attaques, Libertalia acquiert une très estimable puissance : le summum est atteint lors de la prise d'un navire ralliant la Mecque, qui grossit les rangs de la cité de plus de 1600 passagers et 120 canons. Mais l'affaire agace singulièrement les portugais, ulcérés par les prises à répétitions de leurs navires. Des raids de représailles sont lancés sur Libertalia, sans succès : sous-estimant la puissance de la jeune cité, les portugais sont plusieurs fois défaits, poursuivis et réduits à demander quartier : encore une fois, on les traite humainement.
Cette aventure prend fin subitement et tragiquement : tandis que l'amiral Tew fait route vers le sud dans l'espoir de rallier à la cause d'anciens compagnons, une violente tempête engloutit la fière
Victoire. Tew en réchappe de justesse. Dans le même temps, les tribus indigènes malgaches situées aux alentours de Libertalia, poussées par la convoitise que suscite la ville pirate, attaquent nuitamment la colonie. Hommes, femmes et enfants sont massacrés, Caraccioli meurt dans la bataille, et Libertalia est réduite à néant. Misson parvient à prendre la fuite avec quelques hommes à bord d'un sloop, emportant un substantiel butin, seul reste de son utopie. Tandis que Misson rejoint le capitaine Tew, la fatalité frappe encore une fois : une tempête éclate et engloutit son navire, sous le regard impuissant de Tew. Ce dernier mourra quant à lui quelques mois plus tard, fauché par un boulet au cours d'un abordage dans l'océan indien.
De Libertalia, il ne reste alors plus rien, sinon un journal de la main de Misson, retrouvé longtemps après à la Rochelle, au chevet d'un ancien matelot français de Tew qui venait de mourir.
Note :
Pour en savoir plus sur Libertalia et toute la légende qui entoure cette cité pirate utopique, lire notamment :
- « Les mutins de la liberté », de Daniel Vexelaire
- « Histoire générale des plus fameux pyrates », du Capitaine Charles Johnson, plus connu sous le nom de Daniel Defoë.