François Claudius Koenigstein naît en 1859 d'un père Hollandais et d'une mère Française. Son père bat sa mère régulièrement et finit par l'abandonner avec ses quatre enfants. François Claudius, qui devient berger à 8 ans pour nourrir sa famille, prend le nom de sa mère : Ravachol. Ayant perdu la foi, il devient anarchiste, voleur, faux-monnayeur, poseur de bombes, profanateur de tombe, et finalement assassin, ce qui lui vaut la peine de mort.
Photo de François Koenigstein, alias Ravachol
Son comportement lors de son procès (à l'énoncé du verdict, il crie « Vive l'anarchie ! ») et devant l'échafaud, nous allons le voir, va l'ériger en martyr de la cause anarchiste : c'est en son nom que seront commis les attentats meurtriers de 1892 à 1894 (notamment au palais Bourbon et au commissariat des Bons Enfants), et l'assassinat du président Sadi Carnot en 1894. Dans les jours mêmes avant la condamnation de Ravachol, une bombe tue deux personnes à l'estaminet "chez Véry", où Ravachol a été arrêté après délation du garçon de café.
Arrestation de Ravachol à la une du célèbre "Petit Journal"
Louis Deibler, l'exécuteur en chef des arrêts criminels (autrement dit le bourreau), et son fils et assistant Anatole, reçoivent des lettres de menaces. Le propriétaire qui les loge en reçoit également une le prévenant que si la tête de Ravachol tombe, son immeuble saute ! Le proprio, paniqué, met les Deibler dehors. Ceux-ci cherchent en vain une nouvelle location et sont finalement obligés d'acheter une villa...
Même les juges de la Cour d'Assises de Paris, harcelés de menaces, n'osent pas le condamner à mort et préfèrent les travaux forcés à perpétuité "avec les circonstances atténuantes". C'est alors qu'Alphonse Bertillon, directeur de l'identité judiciaire à la préfecture de police de Paris et créateur de l'anthropométrie, constate que les mensurations de Ravachol correspondent à celles de Koenigstein, un criminel recherché par la police de Saint Etienne pour 5 meurtres crapuleux sur les personnes de deux vieillards et d'une domestique, d'une quincaillière et de sa fille.
Ravachol ne reconnaît qu'un seul des assassinats, mais est cette fois condamné à la peine capitale. Exécuté le 11 juillet 1892 à
Montbrison, il dit à l'aumônier venu pour le confesser : « Je m'en fous de votre Christ ». Il monte ensuite sur l'échafaud en entonnant la "Chanson du Père Duchesne" :
Si tu veux être heureux
Nom de Dieu !
Pends ton propriétaire
Coupe les curés en deux
Nom de Dieu !
Fous les églises par terre
Sang-Dieu !
Et l'bon Dieu dans la merde
Nom de Dieu !
[...]
Après l'exécution, un fonctionnaire de police envoie le télégramme suivant :
Justice a été faite ce matin à 4h05, sans incident ni manifestation d'aucune sorte. Le réveil a eu lieu à 3h40. Le condamné a refusé l'intervention de l'aumônier et m'a déclaré n'avoir aucune révélation à faire. Pâle et tremblant d'abord, il a bientôt montré un cynisme affecté et une exaspération au pied de l'échafaud dans la minute qui a précédé l'exécution. Il a chanté d'une voix rauque quelques paroles de blasphème et de la plus révoltante obscénité. Il n'a pas prononcé le mot anarchie et a, sous la lunette, poussé le dernier cri de 5716 2907 4584. Le plus grand calme n'a cessé de régner dans la ville. Rapport suit.
Comme on le voit, le télégramme était en partie chiffré, et il faut traduire "5716 2907 4584" par "Vive la République !". Ce fonctionnaire a sans doute pris ses désirs pour des réalités, puisque Ravachol a seulement eu le temps de crier : "Vive la Ré..." Il semble plus probable que s'il avait eu le temps de finir, c'est "Vive la Révolution !" qui serait passé à la postérité.
:: COMMENTAIRES
poulpiLupo, le 08/04/2007 à 20h07
Juste en passant, c'est pas la chanson du Pere Lachaise, mais la chanson du pere Duchene, un journal communard.
finipe , le 08/04/2007 à 21h29
Merci pour la correction, je modifie en conséquence !
papaleo, le 25/06/2007 à 02h15
Juste en passant, le Pere Duchesne était tout d'abord un journal révolutionnaire (dirigé par Hébert, un des Enragés).
Et si je ne me trompe pas, Ravachol a crié "Vive la Ré..." et on lui a tranché la tête. Les flics ou les journalistes ont noté qu'il avait voulu crié "vive la république!", quand le plus probable c'est qu'il ait voulu crier "vive la révolution sociale".
finipe , le 25/06/2007 à 03h14
Sympathique précision, merci :)