Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

On a souvent besoin d'un plus petit que soi
Ta
gueule
En vérité je vous le dis, l'Homme répudie parfaitement son destin. Par là même, le temps s'oublie en rampant depuis les cieux du rationalisme
Lao Meuh ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

13 Juin 2007 ::

« Le coup de Jarnac - 3ème partie »

:: Histoire moderne, 1547

Ce billet fait partie d'un sujet composé de trois parties :

1. Le coup de Jarnac - 1ère partie
2. Le coup de Jarnac - 2ème partie
3. Le coup de Jarnac - 3ème partie



Un duel éclair...

Après que la conformité de leurs armes ait été vérifiée par le roi et le connétable, les deux hommes se présentent face à face : un silence de mort se fait parmi l'assistance. La Châtaigneraie et Jarnac s'avancent vivement l'un vers l'autre : La Châtaigneraie porte un coup vif, Jarnac interpose son bouclier et le pare, avant de riposter et d'infliger une première blessure au mollet de son adversaire. Celui-ci tient le choc, et revient à la charge avec vigueur : Jarnac se dégage, et usant de la fameuse botte secrète, porte alors un terrible coup de revers dans le jarret de La Châtaigneraie, qui lâche ses armes et s'écroule dans une gerbe de sang.




L'assemblée explose : les uns hurlent leur joie, les autres leur désespoir, et les gardes ont bien du mal à tenir les rangs. Le silence revient finalement, et Jarnac somme son adversaire vaincu de lui rendre son honneur en avouant devant tous, roi et Dieu compris, l'offense qu'il lui avait faite. La Châtaigneraie est au sol, le jarret sectionné, baignant dans une mare de sang. Il tente de se relever, en vain. Jarnac conjure alors le roi d'épargner le perdant du duel, jurant à corps et à cris qu'il désire simplement qu'on lui rende son honneur : « Domine, non sum dignus » s'écrie-t-il[1]. Il va de nouveau vers François de Vivonne, de plus en plus mal en point, qui tente de se relever une dernière fois, et porte même la main à sa dague. Chabot le conjure de se rendre : « Ne bouge pas, ou je te tue ! », et Vivonne lui répond : « Alors tue-moi ».

Chabot fait preuve d'une grande humanité : il plaide avec émotion auprès du roi pour la vie de La Châtaigneraie, dans les termes suivants :

Châtaigneraie, mon ancien compagnon, reconnais ton Créateur, et soyons amis. Sire ! Voyez, il se meurt ! Pour l'amour de Dieu, prenez-le !

Henri II, après de nombreuses hésitations, et de vives exhortations de ses proches, finit enfin par accorder la vie sauve au vaincu, qui sort de la lice évanoui et sanglant. Par la suite, Jarnac conserve l'humilité qu'il avait adoptée durant toute cette mésaventure : en raison de son ancienne amitié avec La Châtaigneraie, il refuse de défiler victorieusement ainsi que l'impose normalement le cérémonial du duel, et passe ensuite de longues heures en prière à Notre-Dame, où il suspend ses armes.

Du duel à la postérité

François de Vivonne, seigneur de la Châtaigneraie, ne supporta pas la cuisante humiliation qui lui avait été infligée : le lendemain du duel, il arracha de colère les appareils posés par les médecins sur sa blessure, et, en proie à une rage inextinguible, mourut, probablement d'hémorragie. Certaines études menées conjointement avec des médecins conduisent à penser que Vivonne se serait en fait, d'une certaine façon, suicidé : une simple pression aurait en effet suffit à stopper l'hémorragie de sa blessure. Il a donc été supposé qu'il n'avait cessé de bouger son pied après avoir ôté les appareils médicaux, afin que le sang ne s'arrête pas de couler.

Henri II quant à lui, tenait un bien mauvais rôle : tous savaient à la cour qu'il était le responsable de ce duel, et que Vivonne était mort pour protéger un honneur qui n'était pas le sien. Le roi se montra d'ailleurs plein de prévenances et d'éloges à l'égard de Jarnac après sa victoire, bien vite oublieux du fatal destin de celui qui avait péri par dévouement. Certains virent d'ailleurs un signe de Dieu dans la mort tragique qu'Henri II trouva 12 ans plus tard, au cours d'une joute contre le capitaine Montgomery.

Avec ce qui fut le dernier duel de justice officiel que connut le royaume de France, le « coup de Jarnac » prit une dimension historique. Par la suite, les duels ne furent plus jamais autorisés, et de très nombreux édits royaux les interdirent même très sévèrement, tant ils avaient pour désastreux effet de décimer le royaume de sa noblesse (l'un des spécialistes de cette pratique, le comte de Montmorency-Bouteville, fut même exécuté en 1628 sur ordre de Richelieu, pour avoir trop pratiqué ce mortel passe-temps).

Guy Chabot, seigneur de Jarnac, s'éteignit quant à lui le 6 août 1584, à l'âge de 70 ans. Victime d'un duel.

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1. « Seigneur, je ne suis pas digne », phrase généralement prononcée pendant la communion.

finipe, 02h50 :: :: :: [1 pensée profonde]

:: COMMENTAIRES

 nasa, le 16/09/2011 à 13h46

Ce récit inspire une grande estime pour Guy Chabot, loyal et droit dans ses bottes. Merci à l'auteur pour cette intéressante restitution !

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