Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je ronge mon
frein, ça fait
mal
Ah
bon ?
En vérité je vous le dis, l'Homme répudie silencieusement la religion. Par là même, la sagesse s'échappe, immobile depuis l'au-delà de l'individualisme
Jean-Sol Partre ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

12 Décembre 2010 ::

« L'immigration choisie online »

:: Professorat

- J’ai rien contre toi
- C’est ce que tu crois. Hier soir j’ai baisé ta femme.
- Comment tu sais que c’était ma femme ?
- Elle disait que son mari avait l’air d’un vieux maquereau pourri qui puait de la gueule

Tony Scott (Le dernier Samaritain)


Le directeur d’école que je suis voit déjà nettement se profiler l’immigration choisie, et ceci depuis un moment déjà, en tous cas avant que notre président de la république bien aimé ne prononce ces paroles qui ont tant fait couler d’encre et de fiel.

Seulement, je me demande si c’est comme ça qu’il l’avait envisagé.

Une sacrée brochette

L’autre jour, je vois débarquer dans les murs un monsieur du quartier, dont le visage ne m’est pas inconnu. Il doit avoir 40 ans environ. Très grisonnant, cela doit le complexer fortement vu qu’il a jugé bon de se faire une espèce de teinture blonde, probablement lui-même à en juger par les zones vierges de couleur qui demeurent sur ses tempes… En tous cas j’espère qu’il l’a fait lui-même, sinon je lui demanderai l’adresse de son coiffeur visagiste pour conseiller à mon pire ennemi de s’y rendre céans.
Physiquement, il fait donc plutôt 50 ans.
Si l’on tient compte des vêtements très tendance qu’il porte, on peut volontiers dire qu’il en fait 60.

Il est accompagné d’une dame d’au moins dix ans sa cadette, ayant du charme sans être belle, aux yeux d’un bleu turquoise, fringuée chicos mais pas comme une française. Avant même qu’elle n’ouvre la bouche pour rouler son premier r à la fin du mot « bonjour », je sais déjà qu’elle est de l’Europe de l’Est.

Avec eux, une gamine aux yeux bleus fringuée rétro, avec un chemisier à dentelle, une petite jupe, des souliers vernis et des chaussettes qui remontent sous les genoux.
Avant même qu’on m’explique quoi que ce soit, je sais déjà que c’est la fille de Madame, et pas de Monsieur.

Eurêka !

- Bonjour, je suis Monsieur Roger Dugland. Et voici ma femme Madame Maria Anouchka Dugland, et sa fille, Svetlana Ouliana Tarapovskaïadouchkhetskaïa.

(Dugland ! Bon sang mais c’est bien sûr ! Le Dugland dont nous avons eu le fils il y a quelques années, né de son union avec une Thaïlandaise, ou une Philippine, un truc comme ça. Le Dugland dont la Thaïlandaise (ou Philippine, je ne sais plus) de femme s’est tirée avec un autre mec.)

- Enchanté Monsieur Dugland ! Je me souviens de vous. Nous avons eu votre fils. Que puis-je faire pour vous ?
- Voilà, ce serait pour inscrire Svetlana Ouliana Trukskaïa à l’école. Sachant qu’elle ne parle pas un mot de français. Ma femme et elle sont d’origine Russe.

(sans déc’ ? Putain ça pour une surprise c’est une surprise !)

Formes alitées

Dans le bureau, les deux tourtereaux sont en face de moi. Tout en écoutant Mr Dugland parler, je me dis qu’en face de la définition de « ringard », dans le Petit Larousse Illustré, sa photo doit trôner en bonne place.
Et puis je me dis que si un gars comme lui a été capable de recruter une barbie slave sur commande par le web, c’est quand même le signe indéniable de la vulgarisation d’internet[1].
Tiens au fait, je me dis comme ça, « slave » et « esclave », ça fait une rime riche.
Alors je jette un regard sur la poupée Russe, même si elle ne pipe pas un mot de ce que je dis, histoire de ne pas lui donner l’impression de l’exclure de la vie de sa fille.
Et là, d’un seul coup, je trouve qu’elle me regarde bizarre, la dame.
Et je me surprends à penser que je reverrai sûrement Monsieur Dugland dans quelques années, quand il se sera teint en roux et qu’il me présentera sa nouvelle femme d’origine Ghanéenne ou Burkinabé.

Le syndrome « je vous trouve très beau »

Notre courageux instituteur spécialisé pour les enfants allophones primo arrivants[2] le confirme : les cas semblables ne cessent de se multiplier. La recrudescence est telle qu’il appelle ça le « syndrome je vous trouve très beau[3] ».

D’après lui, les élèves russes sont plutôt performants dans l’ensemble, alors voilà qui cadre finalement assez bien avec le projet de Sarko.

Mais le plus amusant, ce sont souvent les justifications abracadabrantes de la part de ces messieurs, prêts à tout pour ne pas dire que c’est un « recrutement online ».
Genre, « j’étais en voyage d’affaire pour ma société d’import export, quand l’avion a explosé au dessus de l’Ukraine à cause d’un missile sol air tiré par des intégristes tchétchènes. Heureusement, j’ai réussi à attraper un parachute et à l’enfiler avant de m’écraser au sol. De là, j’ai été recueilli par une famille d’éleveurs de moutons transgéniques qui m’ont ramené chez eux et quand j’ai vu leur voisine, ça a été le coup de foudre, on s’est mariés une semaine plus tard dans l’église orthodoxe de Sainte Maria Petrouchskhaïa-sur-le-Don. On est rentré en France, et là j’ai pris un poste de balayeur parce que PDG d’une société d’import export, tain c’est trop dangereux comme taf. Et mauvais pour la vie de famille, en plus. »

_________________________________
1. Je sais, je suis puant de mépris. Mais c’est pour ça que vous me haïssez d’amour.

2. Ça tue hein, comme terme ? Cherchez pas à faire aussi bien, y’a que nous qu’on sait inventer des trucs pareils dans l’Education nationale : )

3. Du nom du film éponyme, d'Isabelle Mergault et avec Michel Blanc, racontant les tribulations d’un paysan français avec une femme recrutée en Roumanie. Assez bon, du reste.

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 02h01 :: :: :: [6 interventions abstruses]

:: COMMENTAIRES

 draleuq , le 12/12/2010 à 12h40

Epilogue : naturellement, il va de soi que Maria Anouchka Dugland a quitté son ringard de mari depuis belle lurette. Elle a disparu avec sa fille au bout d'un an environ, pour aller à la "grande ville" 60 km plus loin. L'histoire ne nous dit pas avec qui, et d'ailleurs cela ne nous regarde pas. En voilà une qui a bien réussi son opération, en tous cas !
A ce jour, Roger Dugland n'est pas encore venu inscrire à l'école les trois gosses de sa nouvelle femme péruvienne ou congolaise.

 skogkatt, le 12/12/2010 à 14h31

N'ya t-il pas des devoirs pour acquérir le droit de résider en France, ça me fascine sérieusement de pouvoir se repaître du cadavre des finances publiques en profitant de la naïveté de vieux croulants qui refuse à vieillir. La bite n'a pas d'oeil par contre, les finances publiques, eux, on a un joli trou. Je le sens, j'ai mal aux fesses !
Très belle historiette en tout cas.

 draleuq , le 12/12/2010 à 18h03

Hé hé... Tu nous manquais, Skogkatt ;)

 Brath-z, le 21/12/2010 à 12h02

"Tiens au fait, je me dis comme ça, « slave » et « esclave », ça fait une rime riche."

Ce n'est pas par hasard ! Le mot "esclave" ne vient pas du latin "servus" (qui a donné "serf", "servant" et "serviteur" et était utilisé pour désigner les esclaves en Provence jusqu'au XVIIIème siècle, ce qui ne facilite pas le travail des historiens médiévistes et modernistes) mais bien de "sclavus" ou "sclavone", mot de latin de cuisine (comprendre : langue vénitienne) désignant les "slaves", c'est-à-dire les slaves du sud (yougoslaves) qui étaient régulièrement réduits à l'esclavage, que ce soit par les Ottomans ou les Occidentaux.

 draleuq , le 24/12/2010 à 13h41

Merci encore une fois Brath-z pour cette excellente anecdote.
Toi aussi tu nous manquais ;)

Et Joyeux Noël à tous !

 draleuq , le 21/03/2012 à 11h15

"Et je me surprends à penser que je reverrai sûrement Monsieur Dugland dans quelques années, quand il se sera teint en roux et qu’il me présentera sa nouvelle femme d’origine Ghanéenne ou Burkinabé."

Vous savez quoi ?
Eh bien, c'est chose faite !
Je suis devin, c'est fou... Bon, il ne s'est pas teint en roux, il s'est plutôt décoloré, ou quelque chose comme ça. C'est assez difficile à dire. Pour ce qui est de l'origine de Madame, elle n'est pas Ghanéenne ou Burkinabé, mais Guadeloupéenne. Toujours est-il que je ne m'étais pas trompé sur la couleur de peau, mais sans doute a-t-il jugé que le choc culturel serait moins important avec une antillaise. Bien évidemment, elle a au moins 15 ans de moins que lui.
Le pire, c'est qu'apparemment le moindre sentiment de ridicule ne l'effleure même pas. Bien loin de chercher à inscrire le môme dans une autre école, il a vanté les mérites de la mienne, me rappelant au passage que son fils y était il y a quelques années (comme si j'avais pu l'oublier), mais taisant l'anecdote de la Russe, me remerciant de mon immense amabilité et ne se doutant pas un instant que je me retenais pour ne pas éclater de rire...

Alors, combien de temps avant qu'elle se tire, celle-là ? LES PARIS SONT OUVERTS !

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