Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Comme disait Joffre, je les grignote !
C'est ce qu'on dit
En vérité je vous le dis, l'ignorance décroche irrémédiablement l'art, tant et si bien que le temps s'enfuit, immobile depuis les cieux de l'existence
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

9 Octobre 2006 ::

« Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche »

:: Histoire moderne, 1524

Une jeunesse ascétique et studieuse

Celui que l'on connaît comme le chevalier Bayard s'appelait Pierre Terrail, IIIème du nom : il naît à Pontcharra, dans le Dauphinois (actuel département de l'Isère), en 1476. Pierre est l'aîné d'une famille de 8 frères et soeurs, et dans le domaine familial, le château Bayard, la vie n'est pas facile : ce n'est pas l'opulence de la noblesse de cour, et l'on n'y jouit pas d'un grand confort. Toutefois, et grâce au soutien inconditionnel de son oncle maternel Laurent Alleman, évêque de Grenoble, il parvient à s'extirper de ce quotidien : il va à l'école et apprend à écrire, puis obtient une place de page à la Cour de Charles Ier, le duc de Savoie[1]. On le surnomme alors "Riquet". Il part ensuite à Turin apprendre le dur métier des armes, et se perfectionne enfin dans les arts militaires à la Cour de France. A 17 ans, c'est un cavalier émérite et un rude combattant : il entre à la compagnie du comte de Ligny en tant qu'homme d'armes.


Portrait de Bayard

Naissance du mythe

Le jeune chevalier n'a pas longtemps à attendre avant de prouver sa valeur au combat : en effet, le roi de France Charles VIII s'engage tout juste dans ce qui est désormais appelé les guerres d'Italie, qui vont se succéder pendant plus de 50 ans, et dont l'objectif est de faire valoir les droits de succession de la lignée royale française sur le trône du Royaume de Naples, droits contestés par l'Espagne. Ainsi, dès 1494, Bayard se distingue au cours de nombreuses batailles, dont notamment celle de Fornoue (non loin de Parme), où l'armée française remporte une belle victoire malgré une infériorité numérique de 1 contre 4. En 1503, Louis XII a succédé à Charles VIII depuis 5 ans, et tandis que Bayard jouit déjà d'une grande réputation, il asseoit définitivement sa renommée : il commence par remporter une victoire éclatante dans un combat d'honneur (surnommé le « combat des onze ») contre une troupe espagnole, puis, quelques mois après, il vainc en duel le célèbre capitaine espagnol Alonso de Sotomayor, qui le calomniait à propos de son attitude envers les prisonniers.

Mais c'est en 1504 que se déroule l'épisode qui marque le chevalier Bayard comme héros mythique, véritable image d'Epinal du chevalier audacieux, brave et charismatique : la défense du pont de Garigliano. Tandis qu'une petite troupe de quelques centaines d'hommes d'armes français, dont Bayard, part en reconnaissance sur le pont enjambant le fleuve Garigliano (ligne de démarcation des armées françaises et espagnoles), les éclaireurs se font surprendre par un détachement espagnol en très large supériorité numérique, doté d'une artillerie conséquente. Les troupes françaises battent en retraite devant cet écrasant surnombre, mais le pont n'est pas large, et Bayard le défend à lui seul, les espagnols étant obligés de se présenter en petit nombre du fait de l'étroitesse des lieux. Lors de cet épisode fameux, les divers historiographes le dépeignent comme un véritable diable, maniant tant et si bien l'épée qu'on ne savait discerner s'il y avait un ou dix hommes à la fois. Bayard tient le pont à lui seul, l'artillerie française vient à la rescousse, et les espagnols sont repoussés... Cet épisode d'un incroyable héroïsme lui vaut alors l'emblème du porc-épic, ainsi que la devise suivante : Vires agminis unus habet, qui signifie peu ou prou « On a la force d'une armée ».


La défense du pont de Garigliano
(Peinture de Félix Philippoteaux, XIXème siècle)

Grâce à ces coups d'éclat successifs, Bayard obtient la protection de plusieurs grands du royaume, dont notamment Anne de Bretagne. Pour autant, il ne se repose pas sur ses lauriers, loin s'en faut : en 1507, il participe brillamment à la prise de Gênes, puis, en 1509, il contribue à la prise de Treviglio et à la victoire d'Agnadel (non loin de Bergame). Il est alors fait capitaine, un grade qu'en général on ne voit plus sur les champs de batailles. Mais Bayard, lui, est de tous les combats. Il continue de s'illustrer par ses faits d'armes, récolte plusieurs blessures, parfois graves, mais se remet toujours.


Prise de Gênes par Louis XII
(Peinture d'époque de Jean Bourdichon)

La consécration du parangon de la chevalerie

En 1515, François Ier, âgé d'à peine vingt ans, est roi de France depuis peu de temps : il donne à Bayard le titre de Lieutenant-Général du Dauphiné. Mais c'est après la célébrissime bataille de Marignan, le 15 septembre 1515, que Bayard reçoit une des plus hautes marques d'estime que l'on puisse concevoir. L'armée française vient de remporter une éclatante victoire : afin d'honorer le héros Bayard, François Ier se fait adouber sur le champ de bataille de la main même de ce grand homme qu'il considère comme l'idéal de la chevalerie.


Bayard adoube François Ier
(Illustration d'Albert Robida, XIXème siècle)

Les années suivantes, Bayard assure la gouvernance de sa province avec discernement, et est grandement aimé de ses administrés. Il n'en oublie pas pour autant ses devoirs militaires, et repart régulièrement en Italie pour mener de nombreuses batailles, lors desquelles il se distingue toujours et encore.

Le 29 avril 1524, à Romagnano (non loin de Milan), alors que Bayard couvre la retraite de l'armée française, il reçoit un coup d'escopette dans le dos et s'effondre, blessé à mort. Il enjoint ses compagnons à le laisser ainsi pour sauver leurs vies. Il est alors recueilli par le connétable de Bourbon, qui avait trahi la France pour se joindre aux rangs de l'empereur Charles Quint, et l'Histoire prête aux deux hommes la conversation suivante :

- Ah ! Monsieur de Bayard, que j'ai grand pitié de vous voir en cet état, vous qui fûtes si vertueux chevalier !

- Monsieur, il n'est besoin de pitié pour moi, car je meurs en homme de bien. Mais j'ai pitié de vous, car vous servez contre votre prince et votre patrie.

C'est ainsi que meurt Pierre III de Terrail, seigneur de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche, pleuré et honoré par ses propres ennemis tant étant grande sa renommée. Fauché lâchement par une arme à feu, avec lui meurent également les derniers vestiges de la chevalerie française médiévale, dont les lourdes armures et le code d'honneur ne pouvaient plus rien contre la poudre.

Son tombeau est aujourd'hui au couvent des Minimes de la Plaine, à Saint-Martin-d'Hères (département de l'Isère).


On retrouve un peu partout la figure légendaire de Bayard...


_________________________________
1. Ne pas confondre avec d'autres "Charles Ier", tels Charlemagne ou Charles Ier Stuart.

finipe, 02h02 :: :: :: [14 remarques spirituelles]

:: COMMENTAIRES

 Lohen, le 09/10/2006 à 21h52

Haaa, le personnage fait rêver et ses exploits (la défense du pont, bien sûr) sont tellement extraordinaires, qu'on en vient à se demander quelle est la part du vrai et celle de la légende...

 finipe , le 09/10/2006 à 22h47

C'est clair que le personnage de Bayard a dû être monté en épingle dans les livres d'Histoire pour cimenter un peu la "mère Patrie", un peu à l'image de Bertrand Guesclin... Sauf que (comme tout bon lecteur de Pierre Naudin le sait ;) Guesclin était en fait une véritable ordure, pilleur, violeur et ordurier !

 Faust, le 11/10/2006 à 00h20

Les figures legendaires comme celle ci sont porteuses de rêves et de belles valeurs, et franchement à l'heure actuel c'est pas dans le présent qu'on va les trouver "Comment avoir l'air cruche tout en gardant un maquillage parfait" par machine de la star ac, beurk...

Sinon dans les histoires de capes et d'épée à quand un billet sur le chevalier d'Eon ? James Bond lui doit tout quand même ^^.

 finipe , le 11/10/2006 à 01h08

Eh ma foi, un billet sur le chevalier d'Eon c'est une bonne idée ! Ou sur Beaumarchais ptêt... Enfin je sais pas, mais j'aime bien l'époque :)

 Marcel Fakhoury , le 28/03/2008 à 20h49

Il y a de l'exagération de la part des biographes de Bayard, c'est un fait, mais aujourd'hui, il y a plutôt de la mauvaise foi de la part de certains historiens qui, sous pretexte de chercher la vérité, racontent n'importe quoi pourvu qu'ils fassent un bon scoop pour se mettre en valeur et se faire connaître. C'est triste pour l'Histoire de France ! Je vous invite à lire la dernière page du site indiqué, vous aurez ainsi un bel exemple.

 Marcel Fakhoury , le 28/03/2008 à 20h52

Site: [http]

 PAIXAMOURFOI, le 27/05/2009 à 11h14

VOICI UN HOMME DE COURAGE ET DE FOI!culturellement et dans sa relation avec le bon Dieu, de nos jours, cela dérange, certaines.....personnes.Cela démontre que la vie est un combat, il nous en faudrait bien un nouveau bayard de nos jours, face aux barbus et leur islam radical,au féministe sectaire, aux chinois mercantil frénétiques,a toutes les personnes aux doigts crochus qui veulent faire des bénéfice sur le dos de la collectivité, de l'espace naturelle...ET J'EN PASSE!Bayard c'est un héro!Comme a une autre mesure Mandrin qui dans l'époque, tres dure quans on remonte le temps, était entouré forcements de quelques malfras sur les centaines d'hommes mobilises.En tous cas vive Bayard§.Maintenant et pour toujours en sa mémoire.

 finipe , le 27/05/2009 à 12h32

Eeeuh pour Bayard, admettons, même si je ne vois pas trop le rapport avec les islamistes intégristes, les chinois mercantiles et les féministes sectaires. Mais pour Mandrin, alors là non : ce monsieur était une crapule, un meurtrier d'enfant sans foi ni loi. Méfions nous toujours des icones !

 draleuq , le 27/05/2009 à 12h41

Oui, c'est vrai, il nous en faudrait un Chevalier Bayard qui reviendrait de nos jours pour pourfendre les fautes d'orthaugraffe... et la connerie ;o)

 Marcel martin, le 27/05/2009 à 19h47

Bien vu Draleuq, je terminerais cette journée sur vos blogs, par une franche rigolade!!!

 Marc Rondwasser, le 29/10/2009 à 17h42

tout d'abord vous m'excuserez pour les fautes d'orthographes.
Sans faire de diatribes comme la personne un peu plus haut, pourquoi avons nous honte de notre histoire en imaginant sans cesse qu'elle a été troncquée. Si cet homme porte le surnom de sans peur et sans reproche c'est qu'il y a une raison. C'est comme Jeanne d'arc pourquoi croire a tout prix pour certains qu'elle etait princesse de sang. Sans etre une pauvrette sa c'est sur ou a peu près son pére avait des biens, je pense que sa doit géner des gens que les plus grands Français venaient du peuple ou de la petite noblesse comme Bayard ou meme un certain Napoleon Bonaparte qui pour finir sur une citation paradoxale par rapport a ce que je viens d'ecrire, disait "l'histoire est un conte sur lequel on s'accorde"

bon soir

 finipe , le 30/10/2009 à 03h14

Pour ma part, il n'est nullement question de honte, l'Histoire est ce qu'elle est, et vous pourrez lire ailleurs sur ce blog que je conspue sans retenue toutes les lois dites "mémorielles". Il ne s'agit pas de dire que certaines figures historiques marquantes de notre Histoire ont été créées de toute pièce, ce serait de la naïveté. Mais je crois fermement qu'il serait tout aussi naïf de considérer que ces figures de légendes n'ont jamais été employées par des gens moins brillants, à des fins moins avouables.

Les symboles et les icones sont pratiques, pour les bonnes comme pour les mauvaises intentions, et je m'efforce juste ici d'être factuel, et de ne pas recopier certaines idées reçues totalement fausses (comme par exemple dire que Bertrand Du Guesclin était un preux et sympathique gentilhomme, alors que c'était une crapule de la pire espèce. Courageux, pugnace et grand connétable, mais une crapule quand même !)

 Maxigamer01 , le 20/02/2014 à 18h58

Ce documentaire est très intéèssant bravo a clui qui la créé

 pascal Bayart, le 19/07/2015 à 22h13

Respectons nos illustres ancêtres pour leurs vies bien plus
dures que celle que nous vivons aujourd"hui.Nous ne
devrions pas oublier que ce sont ces personnes qui sont en
partie à l'origine de la vie tranquille que nous vivons à ce
jour! Respect!
Capitaine-commandant Bayart Pascal

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