Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Faut pas se
mettre la rate
au court-bouillon
Ah
bon ?
Etrangement, l'envie embrasse parfaitement l'art, tant et si bien que l'Histoire se distingue, se précipitant vers le néant de l'existence
Cornille ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

8 Novembre 2007 ::

« Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 4ème partie »

:: Histoire contemporaine, 1934

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 1ère partie
2. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 2ème partie
3. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 3ème partie
4. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 4ème partie



L'interminable agonie

Comme le prévoyait le plan des nazis, au moment où le premier commando investissait le palais de la chancellerie, un second commando envahissait l'immeuble de la radio, et faisait diffuser le communiqué suivant : « Le chancelier Dollfuss a donné sa démission. Le docteur Rintenlen a été chargé de former le nouveau gouvernement ». Mais tout ceci n'est que posture vaine ! La police arrive très rapidement, et cerne l'immeuble : on se bat, des coups de feu claquent, et les nazis sont pris...

La chancellerie fait également l'objet d'un gros dispositif policier. A l'intérieur sont retranchés les nazis du premier commando, et le malaise est tangible : l'un des putschistes s'avance vers un des policiers retenus en otage, et, honteux, il admet que le chancelier Dollfuss a été « blessé ». Le sergent de la police est conduit près du chancelier, qui baigne dans son sang, allongé par terre, inconscient : le sergent insiste pour que Dollfuss soit secouru, mais le capitaine Holzweber, chef du premier commando nazi, refuse de faire quoique ce soit. On finit cependant par porter le chancelier sur un canapé, on éponge le sang qui continue de s'écouler à grosses gouttes, on humecte son front : il revient à lui.


Un panzerwagen de la police devant la chancellerie,
dans laquelle sont retranchés les conjurés nazis

Dollfuss demande comment vont les ministres, dit qu'il ne sent plus ses jambes et qu'il doit être paralysé... Il dit qu'il n'a toujours voulu que la paix, qu'il n'a fait que se défendre, qu'il n'a jamais attaqué, puis, faiblement, il ajoute : « Que Dieu leur pardonne ». Après quelques instants de flottement, c'est le major Fey qui s'avance vers le chancelier moribond, qui parle les yeux clos :

— Je n'en ai plus pour bien longtemps. Je voudrais, avant de mourir, te demander deux choses. La première est celle-ci : dis à Mussolini de prendre soin de ma femme et de mes enfants.
— Je te le promets Engelbert.
— Quant à ma succession, je confie à Kurt Schuschnigg le soin de former le nouveau cabinet. Si jamais il lui arrivait malheur, je veux que Skubl devienne chancelier.[1]


Engelbert Dollfuss, gisant dans un canapé

Bien sûr, ni Schuschnigg ni Skubl ne sont pro-nazi : les putschistes présents bondissent, brandissant leurs armes et hurlant que c'est Rintenlen qui doit être proclamé chancelier. Mais Dollfuss réitère son propos, et ne cède pas : Fey, quant à lui, joue un jeu trouble, en essayant de transiger avec les nazis. C'est d'ailleurs lui qui est chargé de négocier la reddition du commando : la chancellerie est cernée par la Police, et partout en ville, le putsch est maîtrisé. Les nazis ont échoué. Sur son canapé, Dollfuss s'étouffe, et d'une voix difficilement perceptible, il murmure :

J'ai soif... Plus de sang, plus de sang, plus de sang... J'embrasse ma femme et mes enfants...

Enfin, un flot de sang jaillit de sa bouche : il pousse un râle puissant qui épouvante ceux qui l'entendent, et s'éteint. Son agonie aura duré trois longues heures, au cours desquelles aucun soin ne lui a été prodigué.


Le major Emil Fey au balcon de la chancellerie,
négociant avec la police la reddition des nazis

Les suites du putsch manqué

L'assassinat de Dollfuss met Mussolini dans une colère noire. Il qualifie les nazis d' « assassins » et de « pédérastes », mais ne se contente pas de ces mots : il envoie quatre divisions (32.000 hommes !) vers le col du Brenner, qui sépare l'Autriche de l'Italie, pour protéger le pays de feu son ami Dollfuss. Pour Hitler, c'est une catastrophe, et il désavoue immédiatement l'action des nazis autrichiens[2]. Il envoie l'habile diplomate Franz von Papen comme ambassadeur à Vienne[3], et renonce solennellement à l'Anschluss qu'il appelait tant de ses voeux.

Parmi les conjurés, le capitaine Franz Holzweber, Otto Planetta ainsi qu'onze autres nazis sont condamnés à mort et pendus le 31 juillet. Tous meurent en criant « Vive le peuple allemand ! Heil Hitler ! ». 60 autres condamnés à mort sont graciés et voient leur peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Le docteur Rintenlen, quant à lui, tente de se suicider en se tirant une balle dans la tête, mais se rate : il est condamné à 25 ans de travaux forcés.


Otto Planetta et Franz Holzweber

Kurt Schuschnigg, comme l'avait souhaité Dollfuss avant de mourir, devient chancelier d'Autriche. En 1935, Mussolini subit les sanctions de la Société Des Nations pour avoir annexé l'Ethiopie : il n'est dès lors plus en mesure de protéger l'Autriche, et se jette dans les bras des nazis et de l'Allemagne hitlérienne. Enfin, en 1938, Hitler a remilitarisé son pays, et est devenu fort : le 13 mars 1938, après l'invasion de l'Autriche par les chars allemands, l'Anschluss est officiellement proclamé, bien que Schuschnigg ait fait tout son possible pour résister aux nazis.

Outre la libération des nazis autrichiens, l'un des premiers gestes d'Hitler en entrant à Vienne est de débaptiser la "place Engelbert Dollfuss" pour la renommer "place Otto Planetta"...


_________________________________
1. Schuschnigg était le ministre de l'Instruction publique, et Skubl le préfet de police.

2. Le docteur Habicht est à cette occasion destitué avec éclat.

3. Von Papen était un catholique conservateur, qui avait des liens très forts avec le Vatican : outre son habileté dans la diplomatie, il était donc la personne idéale pour apaiser les consciences dans une Autriche très catholique et très conservatrice...

finipe, 02h55 :: :: :: [7 remarques spirituelles]

:: COMMENTAIRES

 petit garçon , le 08/11/2007 à 15h04

Je voudré savoir s'ils on fait un serqueil sur mesure pour Monsieur Dollfuck, parce que sinon, vue sa taille, il devais glissé d'un côter à l'autre de la boite pendan que les croque mort le portait.
Merci, c'ait pour un exposer.

 finipe , le 08/11/2007 à 15h20

Oui mon petit, tu pourras mettre dans ton exposé qu'ils ont fait un cercueil pour Dollfuss avec trois boîtes d'allumettes. C'est une anecdote véritable, tu vas voir ta maîtresse sera drôlement contente de ton travail !

 Jean-François Foncin, le 23/10/2008 à 17h36

La fin de l'histoire telle qu'elle est contée montre bien l'erreur monumentale qu'a été, de la part du gouvernement français d'alors, d'emboiter le pas à l'Angleterre, jalouse de l'émergence d'une nouvelle puissance coloniale, dans l'affaire d'Abyssinie. Avec la passivité, également voulue par l'Angleterre, lors de la remilitarisation de la rive gauche du Rhin, l'une des deux dernières occasions d'éviter la deuxième guerre mondiale a été perdue.

 Gulden Draak, le 02/01/2009 à 17h21

Bonjour,
Merci pour cet intéressant article.
Auriez-vous des conseils bibliographiques concernant Dollfuss et l'Autriche de l'entre deux guerres ?
Merci beaucoup.

 finipe , le 02/01/2009 à 21h48

Je vous conseille vivement « Assassinat du Chancelier Dollfuss », de François Broche, aux éditions Balland (collection "Crimes Politiques") : cet ouvrage fourmille de détails et d'anecdotes. C'est un bouquin qui date des années 70, il doit pouvoir se trouver d'occasion à un prix raisonnable sur amazon ou priceminister.

Sinon, il y a un vieux numéro (septembre 1980) du magazine "Historia" avec un très bon article d'Alain Decaux sur cette affaire (c'est de là que j'ai tiré la plupart des photos présentées dans ce billet). Celui-là pour le trouver par contre, bien du courage :)

 Gulden Draak, le 03/01/2009 à 10h00

Merci beaucoup pour ces précisions !
Quel était le numéro du magazine ?

 finipe , le 03/01/2009 à 12h57

Historia n°406, septembre 1980

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