Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je vais te
ratiboiser
la colline !
Pauvre
tocard...
Etrangement, Dieu noie irrémédiablement son destin. Ainsi, la piété filiale se distingue, se précipitant vers l'extase de l'indifférence
Sacrote ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

16 Août 2011 ::

« France profonde - 1 : voir Châteauroux et mourir »

:: Elucubrations



Ça fait un bout de temps que je me dis : vindieu, ce qui manque sur ce blog, c'est un feuilleton d'été. Comme sur France Télélobotomisation.
Bien involontairement je dois le dire, j'en avais déjà écrit les premiers épisodes entre 2007 et 2008, qui étaient alors éparpillés sur feu mon blog, et puis là, cet été, au mois de juillet 2011, j'ai trouvé la chute en Lozère, alors je crois que le temps est venu de publier le feuilleton complet.
Nous appellerons ça "Apologie de la France profonde". Si vous ne voyez apparaître en titre que le diminutif "France profonde", sachez que ce n'est que pour préserver l'hypertension de mon mammifrère Le Lion, car les titres trop longs foutent sa mise en page en l'air, et, comme dirait Jean-Marie Bigard, c'est des coups à choper des furoncles au cul.
Bien entendu, il s'agit d'une apologie à ma manière, et comme j'ai de très mauvaises manières, beaucoup jugeront sans doute qu'on est souvent très loin de l'apologie, et que c'est même tout l'inverse. Mais moi, je vous dis que c'est une ôde vibrante à la France Profonde, alors il faut me croire, bordel !
Et d'ailleurs, ceux qui détestent la France profonde, ils ne vont pas en vacances dans l'Indre, l'Aveyron, le Cantal, la Creuse et la Lozère, ils vont dans le golfe du Morbihan, à St Jean de Monts, aux Sables d'Olonne ou à la Grande Motte !
Vous pensez que je pourrais être assez tordu pour aller dans les départements sus-cités rien que pour m'en moquer sur un blog ? Là, vous me surestimez.
Pas davantage que je n'irais en plein mois d'août dans le golfe du Morbihan, à St Jean de Monts, aux Sables d'Olonne ou à la Grande Motte pour en faire une analyse sociologique... La survie importe avant tout, et je n'ai pas une âme de reporter de guerre !

Comme vous le voyez, ce premier opus de notre feuilleton figure au chapitre "élucubrations", car il faut bien le dire, ça démarre assez fort dans le grand n'importe quoi.
Cela n'avait toutefois pas empêché certaines personnes fières de leur ascendance berrichonne et quelque peu hermétiques à la notion même de "second degré" de s'emporter avec véhémence en commentant cette interview lors de sa première publication en 2007. Plus grave encore, c'était la pauvre Castelroussine qui avait fait l'objet de l'opprobre, alors qu'elle s'efforce tout au long de l'entretien de défendre tant bien que mal sa terre d'accueil face à mes questions totalement délirantes, ce qui, je dois le dire, était une gageure.
Donc en guise d'avertissement, je dis ceci à tous les berrichons simples d'esprit qui seraient révoltés par les propos ci-dessous :
- J'en assume la totale responsabilité et je les revendique
- Je vous emmerde.
Et à tous les autres (berrichons ou non) : vive le Berry ! Et VIVE LA FRANCE PROFONDE !



Draleuq – Nous rencontrons aujourd’hui Castelroussine, jeune professeure de lettres en exil à Châteauroux. Rappelons, pour ceux qui ont laissé la géographie au placard avec les toiles d’araignée, que Châteauroux est la préfecture du département de l’Indre, dans la région Centre. Historiquement, tout ceci fait partie de la province du Berry, dont les habitants sont les Berrichons (on ne rigole pas, au fond de la classe !)
Alors Castelroussine, à la faveur de quel miracle, de quelle punition ou de quelle calamité es-tu arrivée en ce lieu reculé ? As-tu prononcé des vœux monastiques à la suite d’un drame amoureux ? As-tu été mandatée par le C.N.R.S. pour faire une thèse d’ethnologie ? Es-tu recherchée par la D.S.T. pour un délit contre la sûreté de l’état ?

Castelroussine - Eh bien, à la suite d’une foule de hasards/chances qui se sont succédés… C’est une longue histoire !
J’ai eu le CAPES de façon totalement imprévue, c’est-à-dire sans l’avoir préparé (je sais ce que vous vous dites : waw ! vachement balaise ! mais non, la réalité est un peu plus prosaïque : les postes offerts étaient très nombreux pour assez peu de candidats…) Ce qui fait que je n’ai pas eu l’honneur d’avoir les « points IUFM » attribués aux candidats ayant le concours après la préparation de l’IUFM (bon, on peut pas tout avoir !). J’ai donc été, dès l’année de stage, parachutée dans une autre académie que celle de Nantes dont je suis originaire. Sachant que cette académie était celle d’Orléans-Tours, j’ai dû émettre 5 vœux, et j’ai obtenu le dernier : l’Indre !!!
Après le stage vient la fameuse année redoutée par tant de professeurs : la première année en tant que titulaire, pour laquelle TOUT LE MONDE doit participer aux mutations, et là, 50 % des profs, comme tout le monde le sait, se retrouvent en banlieue parisienne… La fameuse banlieue parisienne, avec toutes les images négatives qui y sont attachées, celle dont les JT nous montrent régulièrement des profs tabassés, agressés par leurs élèves, celle qu’un certain voulut « passer au karcher »… Mais ayant fait mon stage dans l’Indre, et la région Centre étant relativement déficitaire en profs de français, j’ai échappé à Créteil/Versailles. Par ailleurs, l’Indre étant peu demandée, je n’ai eu aucun mal à y rester, toutefois en tant que remplaçante !
Voilà toute l’histoire…



D – Comment te sens-tu considérée par tes collègues d’origine Berrichonne ? Comme une super héroïne venue les sauver de leur marasme quotidien ? Comme une envahisseuse venue de l’espace ? Comme une étrangère à qui il vaut mieux éviter de parler ?

C - Euh, à vrai dire, en réfléchissant bien, je n’ai pas eu beaucoup de collègues berrichons… Beaucoup se sont retrouvés là un peu comme moi, par hasard, notamment en ayant évité la région parisienne mais en n’arrivant pas à rester dans leur académie d’origine (ce sont souvent les académies de Nantes, Bordeaux, Toulouse ou Poitiers) : l’académie d’Orléans-Tours est souvent une académie-transition, dans laquelle certains profs restent quelques années en attendant d’accumuler des points pour revenir dans leur pays natal ! Ceci dit, certains s’y sont plus et y sont restés quand même…


D – Toi qui es prof de français, as-tu l’impression d’enseigner une langue étrangère dans ton établissement ? Parle-t-on français à Châteauroux ? Sinon, quelle langue parle-t-on ? Si oui, peux-tu citer une expression typique de la région ?

C - Hé hé, non ce n’est pas à ce point-là ! Bon, comme beaucoup de « djeuns », ils font souvent trois fautes à chaque ligne, et ont tendance parfois à mélanger les copies de français avec MSN, mais ce n’est je pense pas propre au Berry… Sinon j’ai quelques élèves dont les parents ne parlent pas français mais ne parlent qu’arabe, et parfois j’ai entendu ces élèves parler un peu arabe en classe, ou alors me dire que tel mot en français a tel autre sens en arabe…
J’ai aussi quand même quelques élèves (somme toute assez rares) qui semblent venir de la profonde campagne berrichonne. J’ai ainsi un élève qui m’a dit qu’il avait « mal au têtiau » (traduisez mal à la tête), ou « mal aux gigots » (aux jambes) !!!... D’ailleurs, lorsqu’ils ont dû se déguiser pour jouer une pièce de théâtre, cet élève n’a pas hésité, pour jouer une paysanne, à rapporter de véritables sabots…



D – Si l’on excepte le suicide, la cure de sommeil dans un centre hospitalier pour dépressifs, la psychothérapie et l’auto destruction par prise massive d’alcool mélangé à des anxiolytiques, quelles activités peut-on faire concrètement à Châteauroux ?

C - Mais figurez-vous qu’il y a deux cinémas à Châteauroux, dont un d’art et d’essai ! Il y a aussi une médiathèque, dans laquelle on peut emprunter notamment des DVD ou K7, il y a un théâtre, des restos sympas, un musée (bon c’est déjà ça !) et… (même si je n’y vais jamais) des boîtes et le stade de foot de la Berrichonne !!!


Mais quel mauvais sujet oserait dire qu'il n'y a rien à faire à Châteauroux ? Voyez les deux attractions du moment pour vous convaincre, s'il était besoin, du dynamisme de cette localité... C'est vrai que la carrière d'Enrico Macias n'était pas au top depuis un moment, mais gageons que le fait d'avoir dit chez Ruquier qu'il allait voter Sarkozy va relancer sa carrière : un pied-noir de gauche qui vote Sarko, c'est sensass ! Quant à Diam's, on murmure dans les sous-pentes qu'elle aurait préparé un rap spécialement pour son concert à Châteauroux, dont j'ai réussi à soutirer quelques paroles en exclusivité pour vous :

"Mais qui qu'a dit qu'Châteauroux c'était naze ?
Comme Sarko, j'y pense pas seul'ment quand j'me rase
Berrichons, c'est pour vous c'rap de Diam's
Pour vous dire que j'kiffe grave vot'race"


D – Selon toi, comment le Berrichon moyen envisage-t-il sa condition de Berrichon moyen ? Comment prend-il les poncifs du genre de ceux qui foisonnent dans cette interview pourrie ? Avec une bonne dose d’humour et d’auto dérision (genre : « c’est vrai qu’on s’emmerde, mais faut bien assumer ses origines ») ? Avec fierté et dénégation (genre : « c’est pas vrai, y’a plein de choses à faire ici, et pis d’abord je suis fier d’être Berrichon et je vous emm… ») ? Avec revendication argumentée (genre : « il y a tout ce qu’il faut ici, et puis au moins il n’y a pas d’embouteillages, le logement est pas trop cher, j’ai un confort de vie moi, pas comme ces dingues de parigots ! ») ? Avec un acquiescement total (genre : « t’as raison on s’emmerde, d’ailleurs je compte bien porter plainte contre mes parents pour m’avoir fait naître et élevé ici, et dès que je peux je me casse ! ») ? Avec violence (genre : « PAF ! »… Aïe !) ?

C - Lorsque mes élèves de seconde, l’an dernier, m’ont rendu le jour de la rentrée leur feuille de présentation, je me suis rendu compte qu’ils n’avaient qu’une idée en tête à l’avenir : quitter Châteauroux pour aller dans le sud, et pour avoir une maison, avec une « piscine creusée » !!!! Et visiblement, les étudiants vont bien souvent à Tours ou Orléans, ils ne restent pas à Châteauroux…
Par contre, j’ai des collègues qui, ne venant pas du Berry, ont pourtant fait le choix de s’y installer pour le confort de vie : effectivement, pas d’embouteillages, prix de l’immobilier encore relativement abordable, et puis les élèves ne sont pas des gros délinquants !



D – Comme dans toutes les zones rurales éloignées des plages et des pistes de ski, les Berrichons sont sans doute obligés de recourir à des trésors d’inventivité pour attirer le touriste, sans le moindre succès bien évidemment. Lesquels ont cours par ici ? « Merveilleuse abbatiale gothique flamboyante au bas-relief polychrome représentant une scène du jugement dernier dans un style unique en Europe occidentale » ? « Station verte de vacances pour vieux grabataires aimant pêcher dans un calme à peine troublé par le gazouillis des tits zosiaux » ? « Goûtez à la gastronomie Berrichonne et quitte à vous faire chier, essayez au moins de bouffer bien auparavant, ce qui peut sembler être dans l’ordre des choses. » ?

C - Il y a le Parc Naturel Régional de la Brenne, assez exceptionnel apparemment notamment du point de vue des oiseaux… Il y a beaucoup de forêts, d’où beaucoup de cervidés, d’où la chasse…. Beeerk ! Bon, pas dans le Berry, mais pas loin, entre le sud du Loir-et-Cher et le nord de l’Indre, une collègue m’a dit que la chasse était une véritable culture même chez les gamins : il y a même des « clubs chasse » dans des collèges !!! Bon enfin pour Châteauroux, j’en ai pas entendu parler… Enfin récemment Châteauroux a accueilli un salon de la pêche… Sinon y’a le Center Parks de la Sologne qui n’est pas loin.
Et j’oubliais le point le plus important : George Sand, écrivain du XIXè pour ceux qui ne connaîtraient pas, est LA figure emblématique du Berry. Grande est la publicité faite pour tout ce qui se rattache aux années de sa vie passées dans son Berry chéri… Hormis sa maison à Nohant, il y a des parcours, des circuits, des lieux à voir car elle les a évoqués dans des romans… Tels, par exemple, la Mare au Diable ou le Moulin d’Angibault… Et quelle ville de l’Indre n’a pas sa « rue George Sand » ? C’est incontournable !



Artère commerciale de Châteauroux à l'heure de pointe.


D – Bon, et ces plats Berrichons alors ? Peux-tu en citer quelques uns ? Est-ce que c’est bon au moins ?

C - Boaf, rien de folichon, je connais le « pâté berrichon », un vulgaire pâté en croûte avec de l’œuf… Il y a aussi les galettes de pommes de terre, et le « Caprice berrichon », une espèce de gâteau aux noix et aux framboises, dont le seul que j’aie goûté est un essai de ma part… pas terrible ! Et puis bon il y a quand même dans la région le fromage de chèvre : du Selles-sur-Cher ou du Valençay notamment, et quelques vins, comme le Valençay encore, ou le Reuilly. Moi, je retiendrais surtout ça : le chèvre et le vin (enfin le vin c’est surtout mon père qui retient) !!


D – Et les hommes Berrichons ? Sont-ils inconscients de leur condition au point d’oser adresser la parole à un être aussi sublime que toi ? Pire, serait-il possible qu’ils poussent l’impudence jusqu’à te faire des avances ?

C - Ben j’en connais pas la raison, mais j’avoue que de ce côté-là, je suis tranquille ! Mais bon, je ne suis pas non plus quelqu’un qui sort beaucoup, et encore moins dans les « lieux branchés »…. si tant est qu’il y en ait à Châteauroux !


D – Et les enfants Berrichons ? Toi qui es venue de si loin, engagée volontaire dans cette fantastique organisation humanitaire qu’est l’Education Nationale, avec abnégation et au mépris de l’adversité ? Est-il vraiment possible d’espérer un jour éduquer cette engeance ? Pourquoi prodiguer tes soins aux enfants Berrichons plutôt qu’aux si gentils marmots du 9-3, public traditionnellement attribué aux jeunes professeurs ?

C - Boah, « Si loin » est un peu exagéré… Les « éduquer », pour certains, ce ne sera pas possible, pour d’autres si, enfin je crois que ce n’est pas spécialement différent, plus difficile ou plus facile qu’ailleurs… Enfin bon, si, ça doit quand même être plus « facile » qu’à Dreux ou que dans le « 9-3 » effectivement… Ensuite, pourquoi enseigner plutôt aux Berrichons ? Comme je l’ai expliqué plus haut, je me suis retrouvée dans le Berry sans trop le vouloir, au départ, et j’ai fait le choix d’y rester effectivement en pensant qu’il y avait certainement pire ailleurs… Et parce que je ne pouvais pas rentrer dans mon « pays natal », la région nantaise, faute de points !


D – Il y a au moins un sujet qui fait l’unanimité chez tous les beaufs de la terre, c’est le football. L’avantage du foot, c’est que même quand on en a rien à foute, comme moi, eh bien à moins de ne jamais allumer la télé, on est obligé de savoir au minimum ce qui se passe en Ligue 1, ainsi qu’à la Vigilante de Mérouby-les-Quiquettes (si l’on pose comme postulat que l’on habite à Mérouby-les-Quiquettes)… Bien malgré moi, j’ai donc su il y a quelques années que le club de Châteauroux, dûment appelé la Berrichonne de Châteauroux (j’ai dit : arrêtez de vous marrer là-bas, près du radiateur !), était brièvement monté en Ligue 1 où il faisait figure de petit poucet en ce qui concerne les finances, et par voie de conséquence en ce qui concerne le classement. Dans une ville de cette taille, 50 000 habitants si je ne m’abuse, je suppose que de pareilles performances doivent gonfler d’orgueil la poitrine de tous les beaufs du coin, et j’imagine qu’ils sont nombreux… Vois-tu parfois des symptômes ou des stigmates de « La Berrichonne-mania » lorsque tu oses t’aventurer en dehors de chez toi ?

C - Je ne m’aventure pas si souvent en dehors de chez moi, et surtout quasiment jamais aux abords du stade de la « Berri » (c’est comme ça que les locaux appellent la « Berrichonne » !)… Ne m’intéressant pas moi-même au foot, je ne suis jamais allée voir un match. Je n’en ai pas entendu parler tant que ça, mais j’en ai tout de même tout de suite entendu parler en arrivant à Châteauroux, car lorsque j’ai fait mon stage en lycée, j’ai eu une classe avec trois garçons qu’on appelait les « Berri », car ils allaient tous les jours s’entraîner à 16h au Centre de Formation… Peut-être des futurs Zidane ?... ;-)


D - Eh bien en tous cas merci Castelroussine pour ton admirable abnégation pour le service public. Bonne continuation, bon courage, bonne chance et toutes mes condoléances !

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 09h23 :: :: :: [5 constatations éclairées]

:: COMMENTAIRES

 Brath-z , le 16/08/2011 à 19h04

Oh là, je suis déception !

Pas une seule question sur le pourtant fameux "chanvre berrichon" qui a bercé mon enfance : [http] !

 draleuq , le 16/08/2011 à 19h20

T'inquiète pas, dans la dernière partie, tu auras en revanche tout un développement sur le chanvre lozérien, alias chanvre cévenol...

 Brath-z , le 16/08/2011 à 23h20

Super ! Quelle réjouissance en perspective !

J'ai hâte !

 Angoumoisine, le 01/09/2011 à 10h24

Il faudra un de ces 4 que tu complètes ton feuilleton par un petit billet sur la Charente, qui a assez peu à envier à l'Indre...

 draleuq , le 01/09/2011 à 12h24

Mais ne t'inquiète pas, je compte bien visiter la Charente de façon plus "approfondie" qu'en juillet... Et je ferai ptet une septième partie !

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