Yasser Arafat, l'OLP et le Liban
Après « Septembre noir », le massacre des camps de réfugiés palestiniens par l'armée jordanienne en 1970, Yasser Arafat et de nombreux palestiniens, activistes de l'OLP ou non, trouvent refuge au Liban. Ce pays est moins fort et moins autoritaire que les autres pays arabes tels que la Syrie, la Jordanie ou l'Egypte, et sa société multiconfessionnelle en fait un endroit où les relations sont naturellement plus tendues. Peu à peu, l'OLP prend de l'ampleur et s'organise, pour devenir un véritable pouvoir secondaire au Liban, en particulier dans le sud du pays, près de la frontière israélienne.
En avril 1975, après des années de tensions, une guerre civile éclate au Liban entre phalanges chrétiennes (les
Kataëb) et milices palestiniennes. Armes automatiques, lance-roquettes, guérilla de rues : de nombreuses victimes civiles font les frais du conflit, réfugiés palestiniens comme civils chrétiens, jusqu'à ce que la Syrie fasse entrer des tanks au Liban, le 6 juin 1976, pour faire appliquer un cessez-le-feu. Après des pourparlers entre président libanais et chef de l'OLP, la Force Arabe de Dissuasion (FAD) est créée pour maintenir la paix dans le Liban sud, assurée par des troupes syrienne. De fait, la Syrie occupe le sud Liban...
Les tensions ne retombent pas, et plusieurs fois les
Kataëb affrontent violemment l'armée syrienne : pendant ce temps, l'OLP lance des attaques sur les villes du nord d'Israël. Le 14 mars 1978, après un attentat sanglant à Tel Aviv, perpétré par des membres de l'OLP, Israël déclenche l'
opération Litani : Tsahal entre au Liban, et repousse les milices de l'OLP au-delà de la rivière Litani. Condamnée par l'ONU, cette opération fait toutefois des centaines de victimes, rase des villes entières et pousse des centaines de milliers de réfugiés sur les routes de l'exode. En 1981, on frôle une guerre frontale entre Israël (qui soutient les
Kataëb) et la Syrie (qui contrôle les FAD), mais les Etats-Unis arrachent
in extremis un accord de cessez-le-feu. Puis, au début de juin 1982, suite à l'attentat contre un diplomate israélien à Londres, Tsahal lance un bombardement de représailles sur un camp de réfugiés palestiniens dans le sud Liban. L'OLP réplique avec des tirs de roquettes, et, une nouvelle fois, la situation est inextricable.
Entrée des chars israéliens au Liban, le 6 juin 1982
L'opération « Paix en Galilée »
Le 6 juin 1982, près de 60.000 soldats israéliens franchissent la frontière avec le Liban, malgré la présence de la force d'interposition de l'ONU, la FINUL
[1]. L'avancée de Tsahal est inexorable : en quelques jours, l'armée syrienne est balayée, et subit de très importants dégâts. L'armée israélienne fait le siège de Beyrouth de juin à août, restant sourde aux résolutions de l'ONU qui demandent le retrait immédiat et inconditionnel de toutes les troupes. C'est ainsi qu'en août, le gouverneur libanais de Beyrouth demande l'envoi d'une force armée internationale pour faciliter le départ des troupes palestiniennes armées, en bon ordre. La France, l'Italie et les Etats-Unis envoient des hommes et organisent le départ des milices palestiniennes, jusqu'au tout début de septembre.
Mais le 14 septembre, le président libanais Bachir Gemayel est assassiné : des unités israéliennes investissent immédiatement Beyrouth ouest, et le 17, des phalanges chrétiennes vengeresses, furieuses de l'assassinat de leur leader, entrent de la camps de Sabra et Chatila et massacrent les réfugiés palestiniens
[2]. A la fin de septembre 1982, les troupes françaises, italiennes et américaines sont de retour pour tenter de s'interposer, après une condamnation sans équivoque des massacres par le Conseil de Sécurité de l'ONU. Dans ses efforts pour tenter de maintenir la paix, la force multinationale subit de lourdes pertes.
Entre diverses factions palestiniennes, l'entente n'est pas non plus cordiale ; c'est ainsi qu'en juin 1983, le conflit se déplace au nord du Liban, causant une fois de plus de nombreuses victimes parmi les civils palestiniens, qui ont fui les combats au sud. Enfin, un accord de cessez-le-feu est trouvé, et Yasser Arafat, ainsi que les milices armées de l'OLP, sont évacués en Tunisie notamment, avec des milliers de réfugiés palestiniens. L'armée israélienne, quant à elle, reste dans le sud-Liban, et fournit progressivement des armes et des infrastructures à l'ALS (Armée du Liban Sud), ennemie de l'OLP. Tsahal ne se retire du Liban qu'en mai 2000, après 18 ans d'occupation, émaillés de nombreux attentats, bombardements, représailles et actes violents en tout genre.
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1. Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, créée en 1978.
2. Ce drame a encore aujourd'hui bien des échos, et la responsabilité de l'armée israélienne est toujours soulevée, en particulier celle d'Ariel Sharon, ministre de la défense à l'époque. Entre 800 et 3000 personnes ont été tuées, sous l'oeil complice ou non des soldats israéliens : peut-être ces événements sont-ils encore trop récents pour être jugés avec impartialité.
:: COMMENTAIRES
draleuq , le 06/04/2008 à 11h58
Aaaaah Sabra et Chatila... "toute mon enfance" ! Sauf que je croyais que c'était l'oeuvre directe des israëliens.
Je suis persuadé que tu me remercies du fond du coeur pour t'avoir donné toutes ces idées de billets ;o)
finipe , le 06/04/2008 à 17h34
Ben après la "guerre des 6 jours", je me tâtais pour continuer la série avec la guerre du Kippour et l'Intifada, en me demandant si ça apportait vraiment des éléments concrets sur la situation actuelle, mais c'est le cas je trouve.
Donc j'les ai faits !
Lohen, le 09/04/2008 à 10h33
Merci pour ces billets, ça permet de rafraichir sérieusement la mémoire ^^
finipe , le 10/04/2008 à 03h41
N'est-ce pas ? ^^
Sinon, à voir en ce moment sur France 5, un documentaire sur Shimon Peres, qui parle de tous les événements en question. Le passage sur Sadate et les accords de Camp David notamment est vraiment intéressant.
TyRex , le 26/09/2011 à 18h30
Franchement un grand bravo pour tout !
Mais si je peux me permettre, il a été établi que lors du massacre de Sabra et Chatila, Tsahal sécurisait le périmètre extérieur...
Sachant que les phalangistes étaient armés par Tsahal et que, Elie Hobeika, chef des milices chrétiennes ayant investis les camps de réfugiés, après s'être retourné contre Israël en intentant un procès contre Ariel Sharon pour crime contre l'humanité, meurt en 2002 dans un attentat à la voiture piégée, je pense qu'il est évident qu’Israël est impliqué dans cette affaire... trop de coïncidences tuent la coïncidence !
TyRex, le 26/09/2011 à 18h46
La commission israélienne dirigée par le juge Itzhak Kahane, président de la Cour suprême, a été rendue publique en février 1983. Selon ce rapport, il en ressort que l'organisation chrétienne des Forces libanaises porte la responsabilité directe du massacre. Ariel Sharon, alors ministre de la défense, porte une responsabilité indirecte pour n'avoir pas prévu le comportement des Phalangistes libanais. Le rapport parle d’une grave erreur de celui-ci, qui n’a « pris aucune mesure pour surveiller et empêcher les massacres ». Les journaux israéliens ont publié des articles confirmant et amplifiant ces conclusions. Toutefois, la commission internationale indépendante dirigée par Sean McBride n'est pas aussi catégorique et met en cause la responsabilité de l'armée israélienne pour son inaction fautive et ses actes avant et pendant le massacre comme l'utilisation de fusées éclairantes pendant toute la durée du massacre qui ont sans nul doute facilité la tâche des miliciens... dixit wikipédia (lol!)
TyRex, le 26/09/2011 à 18h54
E t pour finir :
"En Belgique, une plainte visant Ariel Sharon, Amos Yaron et d'autres responsables israéliens32 est engagée par 23 rescapés des tueries en vertu de la loi dite « de Compétence universelle » adoptée en 1993 et étendue en 1999 dans ce pays pour permettre la poursuite d'auteurs de crimes contre l'humanité, quelle que soit leur nationalité ou le lieu où les faits ont été commis. En 2002, une décision de justice qualifie la plainte d'irrecevable au vu des immunités dont bénéficiaient les accusés. Mais, le 14 février 2003, la cour de cassation, plus haute instance judiciaire belge, rouvre la voie à des poursuites33. Cet épisode judiciaire a fortement déplu et à la presse et à la diplomatie de l'État d'Israël34. Sharon ne sera jamais jugé sur le fond, la loi de Compétence universelle étant vidée de sa substance le 5 août 2003 avant la fin de ses fonctions de ministre.
« La plainte ne mentionnait pas le rôle de Hobeika dans les massacres de Sabra et Chatila »35, qui pourtant eut été plus facile à démontrer. Celui-ci se disait prêt à témoigner en Belgique et disposant de « preuves irréfutables » permettant de l'innocenter mais il meurt avant dans les circonstances déjà évoquées."
draleuq , le 26/09/2011 à 22h49
Oui, tout ceci est déjà traité (avec une certaine véhémence d'ailleurs :-) dans les commentaires de cet article
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