Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Pour votre santé, évitez de grignoter
Pauvre
tocard...
Ces temps-ci, l'Homme écrase atrocement le respect, de sorte que la vie s'amenuise, se précipitant vers le néant du rationalisme
Jean-Sol Partre ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

29 Août 2006 ::

« Allez, et si on parlait un peu de la mort ? »

:: En vrac

C'est vrai quoi à la fin, on n'en parle jamais ! La mort c'est sale, la mort c'est caca. D'ailleurs, on ne meurt plus de nos jours. On "s'éteint", on "part", on "ferme ses yeux", ou bien au pire on "décède" : c'est la grande foire aux euphémismes et autres circonlocutions. La mort c'est TABOU, et contrairement aux Inconnus (les trentenaires s'en souviennent sûrement), on n'en viendra pas tous à bout. C'est même le contraire.

Pourtant, avant l'avènement de la raison, on savait mourir : la mort faisait partie de la vie de tous les jours (bien plus qu'actuellement, d'ailleurs), et on composait avec. Il y avait des livres d'heures, qui nous apprenaient à bien mourir, à jouir des jours que l'on vivait. On intégrait cette constante dans l'existence, et finalement, lorsqu'elle arrivait, c'était très triste bien sûr, mais on était prêt.

Alors quoi, zut à la fin, doit-on nier la mort, alors que c'est le seul dénominateur commun et universel de la vie ? Je comprends que pour cette illustre et, en ces temps de rationalisme, très puissante corporation des médecins, la mort soit finalement le plus bel échec de leur savoir-faire. Un patient qui meurt, c'est un échec professionnel : ça, c'est le déni suprême de la mort ou je ne m'y connais pas, sacrebleu. Du coup, certains voudraient sans doute la programmer, à défaut de la maîtriser, puisqu'elle est inéluctable et dépasse notre propre maîtrise technique.

Par contre, notre technique nous apporte chaque jour un peu plus de maîtrise dans ce domaine que l'on appelle les "soins palliatifs". Alors ÇA c'est un progrès, un vrai : ce sont ces soins-là qui vont nous permettre, à nous autres homo sapiens angoissés par la mort, de faire autre chose de l'agonie qu'une simple période de presque mort douloureuse et pénible pour l'entourage comme pour soi-même.

Grâce à ça, nous pouvons désormais mourir sinon joyeux, au moins serein. Nous pouvons dire adieu à notre entourage, de façon apaisée. On peut vivre sa mort en quelque sorte. Au lieu de cela, que faisons-nous en niant l'inéluctable ? On commence par jouer la comédie en faisant semblant d'ignorer l'agonie, mais après la mort, il est trop tard pour faire des adieux, et l'on regrette bien souvent. On s'obstine à mourir seul, dans la douleur, isolé. Bref, à mourir mal.

Je propose donc de redonner ses lettres de noblesse à cette sympathique Faucheuse (qui n'est pas si mauvaise que ça puisqu'un jour elle moissonnera des gens comme Vincent Delerm ou Benabar), et, à l'instar du regretté mais toujours admiré Pierre Desproges, de "vivre heureux en attendant la mort" !

finipe, 00h36 :: :: :: [5 pleurnicheries]

:: COMMENTAIRES

 Lohen, le 31/08/2006 à 21h18

au sujet de la Mort, il y a un excellent et très développé article dans je ne sais plus quel magazine scientifique (Science(s) & quelque chose ?) qui en traite. On y apprend notamment toute la difficulté qu'il y a aujourd'hui à qualifier la mort, puisque le cerveau peut être "mort" (i.e. irrémédiablement lésé, ne permettant plus la moindre conscience de l'environnement ni de soi-même), alors que le corps fonctionne parfaitement bien ; on peut être encore "plus mort", puisque il se peut que le coeur fonctionne encore et garde le corps en vie sans que celui-ci soit capable de la moindre action ou réaction. Symptomatique de cette difficulté, on peut être considéré comme mort selon la législation d'un pays, alors qu'on sera qualifié de vivant dans un autre ! raaaaaah, finalement, c'était mieux avant, même pour être mort, c'est compliqué !!

 finipe , le 31/08/2006 à 23h25

Ben oui, encore un des "progrès" de nos amis les médecins. Finalement, du point de vue technique c'est vachement bien (si l'on considère les implications que ça a pour les greffes par exemple), mais d'un point de vue légal, moral ou éthique c'est vraiment le bordel. Et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Enfin bon je m'arrête là avant de débiter des lieux communs. Merde, trop tard :(

 fleurdepat , le 13/11/2010 à 20h48

Pour avoir dansé avec la camarde jusqu'à la suivre plus de trois jours en ses contrées redoutables, faisant dire aux hommes de "science": "il n'y a pas de doute, cliniquement, elle est décédée," et trouver à mon réveil une bonne-sœur et un curé qui s'extasia: "elle est miraculée !". Une autre fois, mon âme quitta mon corps, s'élevant au-dessus de cette multitude si chère à mon âme lorsque je vis et qui m'apparut si dénuée d'intérêt, ne sentant même plus la main crispée de mon mari dans la mienne et la paix enfin, la vraie paix, pas de tunnel, pas de musique, pas de tapis rouge, mais alors que la paix emplissait mon âme, je me mis à étouffer: "on la perd, perfusion, on recharge..." l'excitation paraissait à son comble mais revenir au monde ne m'a pas paru si bien. Alors la camarde et moi, on se connaît bien et dans mon petit village, je l'attends sereine et à l'instar de Brel "j'veux qu'on rie, j'veux qu'on danse, quand est-ce qu'on me mettra dans l'trou."

 fleurdepat , le 13/11/2010 à 21h01

Pour être un peu plus universelle, je vous conseille vivement la lecture de cet article
[http]

 Brath-z , le 20/04/2011 à 02h29

Il est vrai que de nos jours la mort n'apparaît plus ou presque dans notre imaginaire collectif. Au moindre incident la mettant en jeu on voit surgir en génération quasi spontanée des "cellules psychologiques". Moi-même quand j'ai assisté, impuissant, à la mort brutale d'un passant inconnu fauché en pleine rue par une voiture de sport, j'ai été considérablement secoué.

Jadis, la mort donnait lieu à des cérémonies funèbres, elle faisait partie d'un imaginaire commun qui se traduisait au quotidien par un tas de rites collectifs. Depuis les transis de la fin du Moyen-Âge (représentation du corps en décomposition sur le tombeau ; quelques exemples : [http] , [http] , [http] ) jusqu'aux cérémonies funèbres de la Révolution (David maîtrisait à la perfection l'utilisation des cadavres illustres dans l'agencement des cérémonies, l'exemple le plus célèbre étant celle en l'honneur de Marat), la mort disposait d'un sens double, individuel et collectif. Aujourd'hui, on meurt seul et avec honte. C'est passé de mode.

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