Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je vais te
ratiboiser
la colline !
J'ai
faim
Ces temps-ci, l'envie dévore horizontalement la morale. Par là même, la justice se délite en atteignant le néant de l'imagination
La Piscine ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

21 Juillet 2006 ::

« L'étonnant destin d'Emilie Cheval »

:: En vrac

-- Juillet 1624, un petit village paysan quelque part en France

L'hiver avait été terrible : les vignes avaient à peine tenu le coup, certains avaient même vu des ceps gelés jusqu'au mois d'avril. De nombreuses bêtes n'avaient survécu que grâce à des feux allumés tout au long des nuits interminables, avec des relais mis en place entre voisins et amis. Quelques uns avaient eu de la chance et étaient sortis de cette rigueur sans trop de perte, les autres avaient été les malheureuses victimes du destin railleur, et avaient presque tout perdu.

Mais, bon gré mal gré, on s'organisait, on s'entraidait, comme on l'avait toujours fait ici. Ainsi, le vieux Joseph Cheval, qu'on nommait de la sorte à cause de sa passion pour ces animaux nobles, s'en était bien sorti. Il avait réussi à tenir sans trop de difficulté, son demi-acre de terrain semé d'orge au printemps avait été un bon calcul, et ses quelques chèvres avaient survécu au prix d'une promiscuité avec sa propre famille parfois embarrassante. Il pensait désormais à l'avenir, qui pour lui était inévitablement limité, puisque le vieux Joseph atteignait cette année ses 44 ans. Non, l'avenir était plutôt sa fille puînée Jeanne, qui allait se marier le lendemain même avec le jeune Yvain, un garçon sérieux et travailleur du village voisin, et qui, comble de la fortune, possédait près de trois acres d'un terrain que tous savaient très fertile.

Toute la famille avait travaillé dur pour confectionner le trousseau de la future mariée, et la dot était très raisonnable étant données les circonstances. Ce à quoi Joseph tenait par-dessus tout, c'était cette vieille bague qu'il avait héritée de sa première femme, la mère de Jeanne, et qu'il voulait absolument lui offrir en guise d'alliance. Ce petit anneau fait d'argent ne valait pas grand chose sans doute, mais pour la famille Cheval, il n'avait pas de prix. Ainsi fut donc fait, la bague fut glissée dans la paume de la jeune fille, qui ne put retenir ses larmes devant ce modeste symbole d'amour paternel.

La mariage fut un moment heureux, sans doute. Puis, les années passant, les gens s'éteignaient tandis que d'autres naissaient : Joseph Cheval mourut à l'âge respectable de 53 ans, suite à la chute d'un arbre. Les premières années de vie commune avec son mari laissèrent Jeanne satisfaite, et mère de trois enfants. Mais le cours limpide de son existence se troubla comme une malédiction, le jour où elle perdit sa bague alors qu'elle travaillait la terre : tous la cherchèrent pendant des heures, des jours entiers même. Jeanne pleura à chaudes larmes, effondrée qu'elle était de la perte de cet inestimable héritage, qui lui avait plutôt porté chance jusque là. Mais il fallait faire contre mauvaise fortune bon coeur, et continuer à travailler, les bêtes et les céréales n'attendaient pas.

C'est ainsi qu'à partir de ce jour, tout alla de mal en pis. Le jeune et vigoureux Yvain fut emporté par une subite et violente fluxion de poitrine, en plein mois de mai. Les récoltes demeurèrent mauvaises, les animaux mouraient de maladie, les fruits pourrissaient précocément. Tout se délita si terriblement dans la vie de Jeanne Cheval que l'histoire ne retint pas ce qu'il advint d'elle et de sa descendance : quant à sa bague, elle était bel et bien perdue à jamais.


-- Janvier 2005, Paris

Emilie Cheval s'était levée assez tard aujourd'hui. De toute façon, rien ne la motivait tellement pour se lever : outre son patronyme qui lui attirait les railleries les plus pénibles, sa vie était une interminable suite de catastrophes, d'actes manqués, de gaffes et de bourdes en tout genre, et de malchance chronique. A croire qu'une malédiction antique la frappait, elle et toute sa descendance !


-- Juillet 2005, un petit village paysan quelque part en France

La moissonneuse s'affairait depuis des heures maintenant, la nuit était presque tombée, et l'on s'activait pour terminer ce champ-ci. L'énorme machine avait englouti plusieurs tonnes de grain déjà, sans faillir à sa mission, sans broncher, sans gémir ni se plaindre des cailloux qui parfois claquaient violemment sur les mâchoires du monstre. C'est dire si le conducteur, fatigué par sa rude journée, ne se préoccupa nullement de ce petit cliquetis métallique sec, qu'il attribua à une minuscule particule rocheuse prise par l'engin, certainement...


-- Août 2005, Paris

Eh voilà ! Ce salaud était parti sans une explication avec sa soi-disant meilleure amie. Emilie Cheval rentra chez elle en larmes, dépitée, exaspérée et prise de violents accès de misanthropie, tellement déçue qu'elle était par ses pairs. Elle manqua de chuter en glissant sur une enveloppe que le facteur avait laissée sous la porte, se reprit en buvant un verre d'eau, et décacheta d'un geste machinal le rectangle de papier : « Mademoiselle, suite à un mouvement de délocalisation, nous sommes au regret de vous signifier la réduction de notre personnel, au nombre duquel vous faites malheureusement partie. Ce licenciement prend effet à partir... »


-- Septembre 2005, une meunerie industrielle en île-de-France

La broyeuse avait eu un incident mécanique avait-on dit à la pause de dix heures. Sans doute un des cyclindres qui flanchait encore : on l'avait pourtant signalé trois fois aux équipes techniques de l'entretien, mais ces feignants ne tenaient compte de rien ! En tout cas, il ne faudrait pas qu'ils se plaignent ensuite si la farine était grossière ou contenait encore quelques impuretés : Dédé, le surveillant du poste 4, avait vu étinceler un petit anneau brillant, sûrement un écrou détaché d'on ne sait où...


-- Janvier 2006, Paris

Emilie Cheval entamait sans joie aucune cette nouvelle année et son second mois de chômage. Elle avait passé son réveillon seule, en suivant un affligeant programme télévisuel. Elle décida de se moquer du sort, prit son manteau, et sortit en direction de la boulangerie acheter une galette des rois : au moins, elle serait sûre d'avoir la fève, puisqu'elle était seule à manger ! Elle prit la première des couronnes briochées de la vitrine, paya sans aménité, et rentra chez elle. Elle sortit un couteau de son tiroir, coupa la galette en 6 parts égales, et prit la première qui lui tomba sous la main.

C'est alors qu'au bout de deux bouchées, ses dents rencontrèrent un objet dur : elle esquissa un faible sourire, pensant que pour une fois, elle avait de la chance, elle était tombée sur la bonne part du premier coup. Elle sortit de sa bouche une boule informe de pâte cachant un petit objet sphérique argenté, se dirigea vers son évier pour le rincer.

En effet, elle avait bien trouvé la fève. C'était un petit ballon de football, de la série des fèves sur le sport.

Etonnant, non ?

finipe, 00h44 :: :: :: [4 observations emphatiques]

:: COMMENTAIRES

 Viou, le 21/07/2006 à 02h28

Vilain ! Ton karma en pâtira !

 Matin Clair, le 21/07/2006 à 10h09

la vie est faite de bien heureux hasards tout de même...
(heu... moi j'ai relevé une faute puisque c'est marqué en bas qu'on peut t'insulter ou te dire les fautes qu'on a vutes: on dit: "un programme télévisuel de merde" et non pas "un programme télévisuelle"....huhuhu)
(tu me feras 80 pompes sur 2 doigts en chantant du Lorie pour la peine)

 finipe , le 21/07/2006 à 12h39

Faute avouée est à moitié corrigée, voilà. Sinon pour les pompes, je les fais sans problème ça va de soi. Par contre pour Lorie je suis moins sûr.

Quant à mon karma, y a belle lurette qu'il est irrécupérable, je me réincarnerai sûrement en album de Yann Tiersen :(

 Lohen, le 21/07/2006 à 19h38

Matin Clair, fallait en profiter pour l'insulter aussi... les occasions ne se présentent pas tous les quatre matins... (sans jeu de mots, hem...)

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