Depuis quelques temps, nous avons vu fleurir sur les routes de France ces petites boîtes métalliques grises qui ornent les rampes de sécurité. Et, curieusement, la haine farouche du français pour le flicage s'en est trouvée accrue. Mais ne jugeons pas trop hâtivement, car comme tout bon mathématicien le sait, ou plus simplement toute personne dotée de sens logique, une corrélation ne signifie pas nécessairement qu'il y ait un lien de cause à effet.
Imaginons en effet, simple exemple théorique, qu'il soit prouvé statistiquement que les criminels sont à 95% des amateurs de bière. Il y a une corrélation forte, mais il n'est pas dit pour autant que ce soit leur passion pour la bière qui soit la cause des méfaits de ces gens. Cela peut avoir des raisons bien autres que celles-ci : peut-être les liens sociaux des milieux criminels ont-ils favorisé la consommation de bière, parallèlement à la pratique criminelle elle-même, mais sans rapport direct de cause à effet. Peut-être est-ce tout simplement un hasard, une aberration statistique.
En revanche, j'ai comme dans l'idée qu'il y a plus que simple corrélation entre la multiplication des radars automatiques sur nos routes et le mécontentement de l'automobiliste français. Si l'on y regarde de plus près, toutes ces jolies boîtes grises ont eu plusieurs effets au cours de ces derniers mois : baisse globale de la vitesse des automobilistes, baisse des accidents et de la mortalité au volant, mais également énervement global et viscéral du
beaufus gueulardus, en raison de la hausse exponentielle des amendes et autres retraits de permis.
Moi-même, je le confesse bien humblement, je n'étais pas un conducteur irréprochable de ce point de vue : je roulais très régulièrement au-dessus des limitations imposées. 100 au lieu de 90, 130 au lieu de 110, etc. Et puis après avoir pris une bonne prune et un retrait de permis de 3 semaines, ceci allié à la multiplication des radars, je suis devenu un conducteur modèle sur ce point.
Examinons donc de plus près quelques arguments généralement utilisés pour contester ces radars :
1. « Moi je suis maître de mon véhicule, ce sont les autres qui ne savent pas conduire. »
Un grand classique. Les hommes en particulier souffrent de ce détestable mal des transports individuels, la "toute puissance" : je ne suis jamais en tort, les autres ne savent pas conduire, mais quel con celui-là, etc.
Bien que n'étant pas un fan des habitudes anglo saxonnes, il en est une que je révère. En effet, il existe une règle de priorité à droite en Angleterre (en l'occurrence une priorité à gauche), mais lorsque rien n'est indiqué à un croisement, alors c'est plus généralement la courtoisie qui prévaut. Autant dire qu'en tant qu'application française, cela demeure à tout jamais du domaine de l'utopie...
2. « De toute façon, ces cons de flics ils ont des quotas de PV à faire, alors on se fait toujours baiser. »
Bien sûr, c'est connu : ils t'attendent même au coin de la rue pour faire passer le feu au rouge exprès quand toi tu passes. Et puis, quand bien même ils auraient des quotas, si tu t'es fait gauler à 124 km/h au lieu de 110, qu'il y ait des quotas ou pas, tu es marron, et tu n'as aucune excuse.
3. « Eh voilà, c'est Big Brother ! Tu vas voir que bientôt ils vont nous coller des caméras dans les chiottes pour vérifier qu'on pisse pas à côté ! »
Mais bien sûr ! De toute façon, encore, encore, et encore une fois, qu'il y ait ou non des caméras dans ton froc pour vérifier si tu portes bien un slip, si tu t'es fait gauler en excès de vitesse, c'est que tu roulais trop vite au regard des limites fixées. Donc, tu as tort.
Et c'est parce que tu es vexé de t'être fait gauler que tu affirmes avec véhémence de pareilles débilités.
4. « Avec leurs conneries, je perds un temps fou maintenant quand je voyage, vu que je dois rouler moins vite ! »
Imaginons un trajet de 300 km, effectué principalement sur une nationale limitée à 110 km/h, ce qui est somme toute une distance déjà honorable. Tu roules toujours à 130 au lieu de 110. Admettons que sur les 300 km tu parviennes donc à tenir une moyenne globale de 115 km/h (il faut bien ralentir parfois, patienter derrière un camion qui double, freiner sur une rocade d'agglomération, etc.). Tu parcours tes 300 km en 2h37.
Maintenant, imaginons la même route, en respectant les limitations. Toujours dans les mêmes conditions, on peut imaginer que tu tiennes une moyenne globale de 95 km/h. Tu parcours tes 300 km en 3h06.
On pourrait donc imaginer que tu aies gagné 29 minutes de ton précieux temps sur un trajet de 300 km, ce qui a priori n'est pas vraiment concluant. Ajoutons à cela que rouler plus vite provoque une consommation accrue de carburant, et donc des arrêts plus fréquents à la pompe, et donc plus de temps perdu dans les stations services, ce qui réduit substantiellement le temps gagné en roulant plus vite. Et c'est sans compter l'impact de la pollution supplémentaire ainsi émise.
5. « De toute façon à 90 sur une départementale on se traîne, rouler à 110 c'est pas plus dangereux. »
Non c'est vrai, d'ailleurs rouler à 120, ça ne ferait que 10 km/h encore en plus... Alors plutôt que 110, pourquoi pas carrément 120 ? Ce ne serait pas plus dangereux après tout, non ?
Seulement voilà, il faut bien fixer une limite à un moment ou un autre. Ajoutons que même si l'on pense assurer à 110 sur une route à 90, on ne peut présumer du danger inattendu : un tracteur qui traverse, un accident dans un virage, une voiturette qui se traîne, un mec bourré en face qui roule au milieu de la route...
6. « Je me suis fait flasher à 114 pour 110 ! Pour 4 km/h, merde alors ! Ils pourraient laisser couler ! »
Eh oui, sans doute. Seulement, gros malin, si l'on avait fixé la limite à 115 km/h, tu te serais sans doute fait flasher à 119, et tu aurais gueulé, parce que (je cite) :
- « Pour 4 km/h, merde alors ! Ils pourraient laisser couler ! ».
Encore une fois, il faut bien à un moment ou un autre fixer une limite à ne pas dépasser. Tu as joué, tu as perdu, tu payes.
L'on pourrait sans doute trouver d'autres exemples, contre exemples, contre contre exemple, mais je suis pour ma part convaincu que quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, quelque patience que l'on montre, le prototype du
beaufus gueulardus trouvera toujours à redire. Parce que comme il est français, il a forcément raison.
Un peu comme moi.
:: COMMENTAIRES
Yannou , le 08/01/2007 à 11h57
Comme c'est bien dit et comme j'adhère. J'étais également un "léger contrevenant" et suis revenu dans le "droit chemin" (bon, sans prune mais j'ai eu de la chance).
Cela dit, d'aucuns vont sans doute te traiter de tous les noms pour ton manque de tolérance. C'est vrai, quoi, tu vas pas nous les briser pour quelques milliers de morts qui faisaient sans doute partie des "autres qui ne savent pas conduire".
finipe , le 08/01/2007 à 14h19
Chic alors ! Si tes prévisions se réalisent, alors je vais pouvoir réutiliser l'option de modération de ce blog, ça fait tellement enrager les fâcheux :p
draleuq , le 08/01/2007 à 21h31
Normalement, la phrase n°6 ne devrait pas avoir cours : en effet ils diminuent toujours la vitesse enregistrée d'un certain pourcentage pour arriver à la vitesse prise en compte, et ceci pour tenir compte d'une marge d'erreur possible.
D'autre part, juste une petite précision : les anglais, tous courtois qu'ils soient (disant ;o), n'ont pas de règle de priorité à droite, mais par contre ils ont une règle de priorité à gauche, ce qui est dans la droite ligne logique du fait qu'ils roulent à gauche...
finipe , le 08/01/2007 à 22h46
Au temps pour moi, mes sources étaient donc nases, je corrige pour la priorité (en l'occurrence ça ne change rien à mon propos en tout cas).
Et puis pour la marge d'erreur, j'ai comme dans l'idée que marge ou pas, le théorème s'appliquerait toujours (118 km/h, et 114 km/h retenu ? Merde alors, pour 4 km/h ils auraient pu laisser couler !)
draleuq, le 08/01/2007 à 23h28
mmmmh non, je trouve que ça s'applique beaucoup moins : dans le cas que tu cites, t'étais à 118 pour 110, point barre... tu ne peux donc pas dire que tu as pas fait gaffe au compteur, dans une seconde d'inattention
finipe , le 09/01/2007 à 00h00
Non c'est clair on est bien d'accord : ce que j'avance, c'est plutôt que le mec qui se fait gauler à 118, pour 114 retenu, étalera quand même largement sa mauvaise foi en arguant que pour 114 retenu, ils auraient pu laisser couler. De toute façon, c'est toujours une histoire de limite et de permissivité (et de mauvaise foi par-dessus tout ça huhu).
T'façon j'ai raison. Chuis français.
Castelroussine, le 18/02/2007 à 22h34
Oui, "une voiturette", "un tracteur", un "mec bourré".... ou, quand on est au fin fond du Berry (pour ne pas dire.... de la pabelle !!! :-) ), un cervidé qui traverse la route juste devant toi, de préférence suivi par tous ses petits derrière.... Je l'ai vécu !