Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Bigre, je me
ronge
les sangs !
Dans tes
rêves
Etrangement, Dieu escalade irrémédiablement la démocratie, tant et si bien que le temps s'enrichit, se précipitant vers le futur du post-modernisme
Caporal de Bol ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

12 Avril 2007 ::

« L'oeil d'un roi en vaut cinq »

:: Histoire moderne, 1559

30 juin 1559. L'un des derniers tournois de chevalerie. Le Roi de France Henri II joute dans les faubourgs de Paris, près de l'actuelle place des Vosges, contre le comte Gabriel de Montgomery, capitaine de sa garde Ecossaise. Au moment du choc, la lance du comte se glisse dans la visière de son adversaire. La pointe lui transperce l'oeil et se plante dans son crâne en se brisant. Le roi, à 40 ans, tombe à terre, inconscient.


La mort d'Henri II (gravure de Hogenberg)


On court quérir Ambroise Paré, le chirurgien attitré de la cour. Celui qui n'a pas pu étudier à l'université par manque d'argent. Celui qui a appris son métier dans les campagnes d'Italie, rejetant pour les amputations la cautérisation au fer chauffé à blanc et empruntant aux Arabes la méthode de la ligature des artères, profitant volontiers des cadavres frais pour étudier l'anatomie humaine en les disséquant, chose qu'il n'aurait jamais pu faire dans le civil où le clergé veillait à en faire appliquer l'interdiction. Celui qui est au faîte de sa gloire, parce que la mortalité de ses patients est bien moindre que celle des autres "chirurgiens-barbiers".


Ensemble de pièces du Musée des Invalides à Paris : l'armure du dauphin Henri II avant son accession au trône, la masse d'arme d'Henri II et une armure de joute du XVIème siècle, juste pour montrer que c'était quand même pas de chance de se la prendre dans l'oeil ! (photos draleuq)


Constatant l'extrême gravité de la blessure du roi et craignant de le tuer en extrayant le morceau de lance, Ambroise Paré exige de faire des essais sur des cobayes humains. On fait alors subir à cinq condamnés à mort la même blessure qu'au roi. Le chirurgien étudie sur eux toutes les possibilités, mais ils meurent les uns après les autres. Le roi lui-même meurt 12 jours après l'accident, sans avoir repris connaissance. Selon une autre version, c'est six condamnés à mort qui furent exécutés sur l'ordre de Jean Chapelain, médecin du Roi, et dont on apporta les têtes à Ambroise Paré pour qu'il travaille dessus, un peu plus "au calme", on l'imagine aisément.


Ambroise Paré - Henri II selon François Clouet (tableau de 1550)

Ambroise Paré restera encore chirurgien royal sous Catherine de Médicis, Charles IX et Henri III. Il sera l'un des seuls protestants à échapper au massacre de la Saint-Barthélémy, en 1572.


Au musée Grévin à Paris, Ambroise Paré est immortalisé, disséquant une main humaine. Tss tss Ambroise, si ton confesseur voyait ça ! (photo draleuq)

Un des seuls, avec... Montgomery, l'assassin involontaire du Roi. Celui-ci, né en Normandie, était le fils d'un Ecossais catholique qui avait fui la Réforme en Angleterre et qui était entré au service du Roi de France, François 1er. Gabriel était donc bien catholique au moment du funeste tournoi. Selon certaines sources, Henri II l'aurait absous sur son lit de mort, interdisant toute poursuite à son endroit (ceci va à l'encontre de la version qui dit que le Roi n'est jamais sorti du coma).

Mais c'était sans compter sur la Reine Catherine de Médicis, désormais régente du Royaume, veuve inconsolable malgré des cornes plus grandes que celles d'un cerf (son mari s'affichait publiquement avec sa maîtresse Diane de Poitiers) qui le fait bannir de la cour dès le lendemain. Montgomery, sentant qu'il est temps pour lui de prendre la poudre d'escampette, fuit en Angleterre et adhère alors à la Réforme.


Le comte Gabriel Montgomery (par Féron) et Catherine de Médicis

En 1562, il revient en Normandie où il devient l'un des meilleurs commandants protestants pendant les guerres de religion. En 1572, il quitte prudemment Paris au moment de l'attentat contre son grand ami l'Amiral de Coligny. Prévenu in extremis par un homme blessé ayant traversé la Seine à la nage, il échappe au Massacre de la Saint-Barthélémy et s'en retourne en Angleterre. Là, il est traqué par des chasseurs de prime envoyés par Catherine de Médicis, qui fait plusieurs demandes d'extradition, en vain.

Finalement, Montgomery se jettera lui-même dans la gueule du loup deux ans plus tard, en 1574, en participant à une insurrection en Normandie à la suite de laquelle il sera assiégé dans Domfront et contraint de se rendre.


La plus grande portion de l'Enceinte Philippe Auguste encore debout, dégagée en 1946, se trouve le long du Lycée Charlemagne, dans le IVème arrondissement. Elle est composée de 60 m. de muraille, prolongés d'un quart de tour ronde, qui n'est autre que... La Tour Montgomery ! (ainsi appelée parce que le comte y aurait été emprisonné)

Un mois plus tard, il sera décapité en place de Grève. Juste avant, sur l'échafaud, il s'entend dire que tous ses biens sont confisqués à sa famille, et que ses titres lui sont retirés. On lui prête alors ces mots : "dites à mes enfants que s'ils ne peuvent reprendre ce qui leur a été pris, je les maudis de ma tombe." Rude bonhomme !

Notons enfin que le fameux Général Bernard Montgomery, alias "Monty", héros britannique de la seconde guerre mondiale, célèbre pour sa féroce concurrence avec l'Américain Patton, fut un descendant direct du Comte Gabriel de Montgomery. Gageons que ce sacré Gabriel eut donc, de là où il était, quelques raisons de ne pas maudire sa descendance !


Le Maréchal Bernard Law Montgomery (1887-1976)


Billet mis à jour le 10/04/2010

draleuq, 02h34 :: :: :: [0 provocation]

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