Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je vais te
ratiboiser
la colline !
Ça c'est
balot...
Ces temps-ci, l'esprit embrasse affreusement son destin. Ainsi, la mort se délite en atteignant l'enfer du rationalisme
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

29 Septembre 2006 ::

[!] « Vanité »

:: Nombril

Sur un autre site dont je suis l'auteur (1626, le Gant & l'Epée), j'ai ajouté une mention particulière, un peu dérisoire :

Note technique : ce site est optimisé pour Internet Explorer & Firefox, résolution d'écran 800x600 ou 1024x768. Si vous utilisez Firefox, arrêtez et reprenez Internet Explorer, là au moins vous serez sûr de voir la même chose que 95% des internautes.

Cessez d'utiliser Firefox parce que c'est « tendance » et que 5% des internautes estiment que les standards du web ne sont pas respectés par les 95% restant, prêtant ainsi foi au principe douteux que ces standards sont fixés par la minorité. Rejoignez-moi au club de ceux qui souhaitent que Microsoft écrase ses concurrents, pour qu'il n'y ait plus qu'un seul navigateur, et que tout le monde obtienne enfin le même résultat pour un même site.

Mais voilà qu'au détour de ses pérégrinations, une personne a lu cette mention et s'en est visiblement émue grandement. La personne en question, répondant semble-t-il au pseudonyme de Draky, est co-rédacteur d'un blog au titre évocateur, « Totalement crétin », dont l'ambition est visiblement de recenser toutes les inepties relevées sur Internet. Tâche Ô combien infinie que celle-ci. Le redresseur de bêtise, faisant preuve d'un courage inouï caché derrière son écran d'ordinateur, a donc recopié la mention spéciale sur son blog, indiqué le lien, puis m'a envoyé un email pour me prévenir que j'étais entarté :

Salut

Bravo à toi tu as une mention spéciale :
http://totalementcretin.apinc.org/blog/2006/09/29/352-vive-le-monopole

PS : j'espère que tu as payé ta license ZindoWs :)

Après avoir fait deux tentatives de suicide à cause de ce camouflet qu'on m'infligeait avec un panache rarement égalé, j'ai fini par me reprendre. Je me suis dit que bon, j'allais répondre intelligemment, avec peut-être une pointe de sarcasme pour montrer que non, j'ai raison et que lui c'est un vilain qui a tort. J'ai vite abandonné l'idée, me doutant que pareil échange n'avait aucune chance d'aboutir à quoique ce fût de constructif : tout cela procède en effet d'une haine farouche et très à la mode de Windows, Internet explorer, Bill Gates, l'Amérique, les marshmallows et la 3ème molaire supérieure de George Bush.

Mais il est cependant amusant de constater, encore une fois, combien ces choses là sont subjectives : lors d'un débat, une conversation, un échange dialectique quel qu'il soit, la vérité objective d'une proposition (en l'occurrence "95% des gens utilisent Internet Explorer, et les 5% restants considèrent que ce sont eux les standards") n'a pas la même validité selon que l'on est opposant ou auditeur. Seulement voilà, la vanité insondable de la plupart d'entre nous fait que ce n'est pas la vérité que l'on recherche, mais l'approbation de son auditoire. Tout ce qui devrait guider vers l'affirmation d'une thèse que l'on cherche à démontrer comme étant vraie, s'efface devant les intérêts de la vanité, devant l'intérêt de poitriner face aux autres, bref, devant les intérêts de la médiocrité.

C'est ainsi que je retrouve dans cette histoire la contradiction qui crée le scandale dans le titre provocateur du livre de J.P. Brighelli, « La fabrique du crétin » : l'auteur y désigne en effet comme "crétin" le fabricant plutôt que le fabriqué, c'est-à-dire la fabrique DU crétin, et non la fabrique À crétins. Et c'est donc tout naturellement suivant le même principe que ce blog au doux nom de « Totalement crétin » désigne semble-t-il plutôt les auteurs que les victimes.

finipe, 21h16 :: :: :: [43 confessions honteuses]

28 Septembre 2006 ::

[!] « Libertalia, une république pirate »

:: Histoire moderne, 1690

Fin du XVIIème siècle : Olivier Misson, mousquetaire du roi Louis XIV, renonce à sa casaque militaire et s'engage dans la marine, à bord de la Victoire, un navire de guerre pirate des plus redoutables. Il y fait ses armes pendant quelques temps, avant de rencontrer un prêtre dominicain défroqué, le père Caraccioli, au cours d'une escale non loin de Rome. Les deux hommes s'entendent comme larrons en foire, et une solide amitié les lie rapidement : ils participent ensemble à tous les combats de la Victoire, et Misson finit par devenir capitaine du navire, après qu'un abordage plus rude que les autres eut décimé tous les officiers du bord.

Toujours accompagné de Caraccioli, le navire pratique une piraterie des plus singulières le long des côtes de Guinée et d'Afrique orientale : tout en amassant d'immenses richesses, ils libèrent les esclaves, grâcient les prisonniers, traitent les vaincus avec égards, et vont même jusqu'à arborer un drapeau blanc brodé de la devise suivante : « Pour Dieu et la Liberté ». Après plusieurs mois de rapines et d'abordages, après avoir convaincu d'innombrables marins de se rallier à eux, la prise d'un navire portugais particulièrement riche encourage les deux compères à mettre leurs idées libertaires en pratique.


Libertalia, située au nord de Madagascar, dans la baie de Diego-Suarez

Ils s'établissent ainsi dans la baie de Diego-Suarez, au nord de Madagascar, accompagnés par quelques centaines de travailleurs Comoriens "prêtés" par une reine locale qu'ils avaient aidée, soutenus par leur équipage cosmopolite, et fondent la « République internationale de Libertalia ». Cette société utopique se construit graduellement : des bâtiments émergent du sol, les champs sont cultivés, un parlement est élu démocratiquement, la rade du port est hérissée de canons. Pour autant, tout ne se passe pas pacifiquement : Libertalia est passablement expansionniste, et la flotte de la cité continue d'écumer les mers, de piller et de rançonner. Un fameux pirate, le capitaine Thomas Tew, est séduit par cette folle idée, et décide de rejoindre les rangs des "libertaliens". On lui confie le commandement de la flotte, et le désormais amiral en chef Tew prend la mer et oeuvre de plus belle à la piraterie qu'il servait déjà auparavant, mais en épargnant les prisonniers et en libérant les esclaves.

Au fil de ces attaques, Libertalia acquiert une très estimable puissance : le summum est atteint lors de la prise d'un navire ralliant la Mecque, qui grossit les rangs de la cité de plus de 1600 passagers et 120 canons. Mais l'affaire agace singulièrement les portugais, ulcérés par les prises à répétitions de leurs navires. Des raids de représailles sont lancés sur Libertalia, sans succès : sous-estimant la puissance de la jeune cité, les portugais sont plusieurs fois défaits, poursuivis et réduits à demander quartier : encore une fois, on les traite humainement.

Cette aventure prend fin subitement et tragiquement : tandis que l'amiral Tew fait route vers le sud dans l'espoir de rallier à la cause d'anciens compagnons, une violente tempête engloutit la fière Victoire. Tew en réchappe de justesse. Dans le même temps, les tribus indigènes malgaches situées aux alentours de Libertalia, poussées par la convoitise que suscite la ville pirate, attaquent nuitamment la colonie. Hommes, femmes et enfants sont massacrés, Caraccioli meurt dans la bataille, et Libertalia est réduite à néant. Misson parvient à prendre la fuite avec quelques hommes à bord d'un sloop, emportant un substantiel butin, seul reste de son utopie. Tandis que Misson rejoint le capitaine Tew, la fatalité frappe encore une fois : une tempête éclate et engloutit son navire, sous le regard impuissant de Tew. Ce dernier mourra quant à lui quelques mois plus tard, fauché par un boulet au cours d'un abordage dans l'océan indien.

De Libertalia, il ne reste alors plus rien, sinon un journal de la main de Misson, retrouvé longtemps après à la Rochelle, au chevet d'un ancien matelot français de Tew qui venait de mourir.



Note :
Pour en savoir plus sur Libertalia et toute la légende qui entoure cette cité pirate utopique, lire notamment :
- « Les mutins de la liberté », de Daniel Vexelaire
- « Histoire générale des plus fameux pyrates », du Capitaine Charles Johnson, plus connu sous le nom de Daniel Defoë.

finipe, 01h47 :: :: :: [5 constatations éclairées]

25 Septembre 2006 ::

[!] « Inégalités érectiles »

:: Les aventures du lion

Comme je m'amuse beaucoup à dessiner des têtes de lion simplistes, je sens que cela va finir en série récurrente. Et puis il y a tellement moins de texte à lire pour les feignants ! Voici donc le deuxième opus de la série.



finipe, 23h38 :: :: :: [7 assertions ineptes]

23 Septembre 2006 ::

[!] « Anne d'Autriche & Mazarin étaient-ils amants ? »

:: Histoire moderne, 1650

Le 14 mai 1643, Louis XIII le Juste meurt à Saint-Germain-en-Laye, suivant son ministre Richelieu mort l'année précédente. Le 20, la reine Anne d'Autriche, veuve, devient régente du royaume : le jeune Louis, futur Louis XIV, n'a que 5 ans, et son frère Philippe n'en a que 3. Chacun s'attend alors à un revirement politique de première ampleur : l'on pense que la reine rappellera tous ses anciens amis, disgrâciés par l'intransigeance de Richelieu, et qu'elle s'empressera de conclure la paix avec l'Espagne, dont le roi Philippe IV n'est autre que son propre frère. Mais il n'en est rien et la reine prend le contrepied de ce à quoi tous s'attendent : les bannis et les persécutés demeurent où ils sont, et la guerre avec l'Espagne continue (elle durera d'ailleurs jusqu'en 1659). Cet incroyable revirement de situation sema la rumeur partout : si la régente continuait ainsi, c'est parce qu'elle était l'amante du cardinal Mazarin.


Anne d'Autriche et le jeune Louis XIV

Il est vrai que dans sa jeunesse, la reine était une étourdie, une intrigante, et même une traîtresse : elle avait été mêlée à de nombreux scandales, souvent entraînée par la diabolique Duchesse de Chevreuse[1]. Un flirt manqué avec le duc de Buckingham, des courriers compromettants avec son frère, alors que la France était déjà en guerre avec l'Espagne, la célèbre affaire des ferrets de diamant qu'Alexandre Dumas a immortalisée dans « Les trois mousquetaires », autant de points noirs qui firent d'elle dans sa jeunesse plus une captive suspecte qu'une reine. Mais l'arrivée du jeune Louis en 1638 avait modifié bien des choses : après 22 ans d'infertilité de la reine, la France avait enfin eu un héritier, et Anne d'Autriche régenterait la France non plus pour elle, mais pour la gloire et les intérêts de son fils.

Le cardinal Giulio Mazarini, Mazarin, avait quant à lui été introduit là par son illustre prédécesseur Richelieu. Dumas en fit dans « Vingt ans après » un italien d'une pingrerie confinant à l'imbécillité, mais il apparaît que ce portrait sape ce qu'il était vraiment : un travailleur infatigable, habile, raffiné, rusé, d'une très grande intelligence. Il commença par flatter la reine, la complimenter en toute circonstance, la couvrir de cadeaux subtils et précieux, tout en la convaincant que ses anciens amis n'avaient agi que dans leur intérêt personnel, et qu'il était de son devoir d'agir pour le bien de la France. Anne était coquette : Mazarin lui offrait des parfums subtils. Anne était gourmande : Mazarin retenant les livraisons d'orange du Portugal dans la France entière afin que la reine fût la première à pouvoir les goûter ! Autant d'attentions eurent tôt fait d'attirer, sinon immédiatement l'amour, au moins l'affection.


Le cardinal Jules Mazarin

La très nombreuse correspondance que ces deux hauts personnages ont échangée semble ne laisser aucun doute sur le lien affectif qui existait entre la reine et le cardinal. En revanche, il paraît très difficile de déterminer avec certitude si cette liaison fut plus que simplement platonique. Le cardinal Mazarin n'avait certes pas été ordonné prêtre, mais un cardinal, même s'il pouvait aimer sans que l'opinion ne s'en émût, ne pouvait en aucune façon convoler, sous peine de perdre sa dignité ecclésiastique. La reine quant à elle, bien que veuve et donc libre de s'engager, n'en demeurait pas moins non seulement reine et régente de France, mais également fort dévote. Leur liaison avait en tout cas un singulier tour romanesque : ils employaient des codes pour se désigner, et la finesse des allusions nous convainc définitivement de la grande intelligence de chacun. Ainsi, ils avaient pour habitude de se désigner lui par le nombre 16 et elle par le nombre 15. De même, Anne scellait ses lettres au cardinal d'un sceau représentant leurs initiales entrelacées. Autour de ce sceau, d'autres signes étaient visibles : des S barrés d'un trait oblique appelés "S fermés", et qui, par allusion à l'ancien mot français fermesse signifiant fermeté, évoquait la constance de son engagement en amour.


Anne d'Autriche & Mazarin

Voici deux exemples, extraits de leurs échanges épistolaires :

Le 26 janvier 1653, alors que Mazarin et la reine sont séparés par la Fronde qui sévit à Paris, Anne écrit :

[...] Je ne sais plus quand je dois attendre votre retour, puisqu'il se présente tous les jours des obstacles pour l'empêcher. Tout ce que je vous puis dire est que je m'ennuie fort et supporte ce retardement avec beaucoup d'impatience, et si 16 savait tout ce que 15 souffre sur ce sujet, je suis assurée qu'il en serait touché. Je le suis si fort en ce moment que je n'ai pas la force d'écrire longtemps ni ne sait trop bien ce que je dis. J'ai reçu vos lettres tous les jours presque, et sans cela je ne sais ce qui arriverait. [...]

Mazarin lui reproche alors l'audace de son initiative, et Anne répond de nouveau en ces termes :

Votre lettre [...] m'a mise bien en peine, puisque 15 a fait une chose que vous ne souhaitiez pas... si elle vous a déplu, vous pouvez croire que ce n'a pas été nullement à ce dessein-là, puisque 15 n'a, ni n'est capable d'en avoir d'autres que ceux de plaire à 16 et lui témoigner qu'il n'y a rien au monde pareil à l'amitié qu'elle a pour 16. [...]

En août 1656, Mazarin est cloué au lit par une crise de goutte. Il écrit alors à Anne :

Vous ne sauriez vous imaginer le soulagement que l'on a, dans la maladie que je souffre, quand l'on reçoit certaines visites, de fois à l'autre, le soir, à l'honneur desquelles on ne peut aspirer dans l'état où je suis.

Que de termes galants !

Enfin, peut-on croire que cette liaison, qui apparaît comme indubitable, même si elle ne fut que platonique, eut une influence sur la destinée du royaume de France ? Il semble évident qu'en effet, ce lien fut un élément majeur de l'Histoire : sans cette force d'Anne d'Autriche, secondée par une liaison passionnelle avec son ministre, la France ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. La noblesse aurait probablement affaibli l'autorité du royaume, obligé peut-être alors de conclure une paix prématurée avec l'Espagne et la maison des Habsbourgs. Nous n'aurions peut-être ainsi jamais conquis ni conservé les provinces frontalières du pays (Artois, Alsace, Roussillon...). Et si tout cela fut, c'est par la passion qui liait un italien et une espagnole : Mazarin sans l'amour d'Anne n'eût jamais pu faire ce qu'il fit, et Anne eût du montrer un courage immense pour surmonter tout ce qu'elle dut endurer.

Plus tard, Louis XIV déclarera ainsi que sa mère devait être mise au rang de nos plus grands rois : c'est dire s'il est injustifié de ne pas considérer le rôle éminent d'Anne d'Autriche dans la destinée de la France.



Pour aller plus loin :
- « Mazarin », de Pierre Goubert (Ed. Fayard)
- « Anne d'Autriche, mère de Louis XIV », de Claude Dulong (Ed. Perrin)


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1. Voir à son propos : Le complot de Chalais

finipe, 18h05 :: :: :: [12 déclarations d'amour]

22 Septembre 2006 ::

[!] « Le roi des animaux »

:: Les aventures du lion

Ce qui marche bien depuis un certain temps maintenant, ce sont incontestablement les blogs BD. La BD c'est bien, il n'y a pas trop de texte à lire, et puis les dessins sont des éléments graphiques qui, au-delà de toute considération esthétique, apportent un plus indéniable au blog.

Je suis moi-même un fervent lecteur de certains blogs BD, alors je me suis dit que tiens, pourquoi pas, moi aussi. Seulement voilà, tout ce que je sais dessiner, c'est une espèce de lion simpliste. On va pas s'embêter pour si peu hein !



finipe, 04h36 :: :: :: [5 sarcasmes grinçants]

19 Septembre 2006 ::

[!] « Des charançons excommuniés »

:: Histoire moderne, 1587

En 1545, à St Julien de Maurienne (actuel département de Savoie), une invasion de charançons (que les autochtones appellent verpillons) s'attaque aux précieuses vignes. Comme c'était de coutume en ces temps de superstition, on pensa aussitôt que c'était la conséquence des péchés des habitants. Messes et processions se succédèrent donc, et les verpillons finirent par partir.

En 1587, ces diables d'insectes étaient de retour, mais cette fois aucune procession ne put leur faire entendre raison. Alors les villageois décident de porter plainte contre eux devant l'official de l'évêché de Maurienne, réclamant leur expulsion par excommunication après expertise des vignes.

L'official, ayant visiblement une haute conception de la justice, décide que les accusés ont droit à une défense, en la personne de deux avocats improvisés et légèrement rémunérés. Mais les deux bougres prennent leur rôle très au sérieux. Dès le début du procès, ils arguent que les verpillons ne peuvent pas être convoqués du tribunal et qu'on ne peut pas les condamner par contumace. Ils affirment également qu'aucune excommunication ne peut toucher leurs « clients » car Dieu a béni les animaux, dans la Génèse, en leur disant : « croissez et multipliez ». Ils en concluent donc que les insectes sont dans leur droit en rongeant les vignes et qu'une expertise serait « inutile et vexatoire ».

Les avocats des plaignants réagissent aussitôt en disant que selon la Bible, les animaux ont été créés pour l'utilité des hommes.

Lors de la seconde audience, les plaignants ont entre temps discuté et ont visiblement peur d'être déboutés, car ils proposent un marché à l'amiable aux avocats des verpillons : ils offrent aux insectes une autre localité hors des vignobles, contenant des arbres, de l'herbe et une fontaine... délicate attention.

Les avocats des charançons demandent à réfléchir. Lors de la troisième audience, ils refusent tout net en déclarant que la localité offerte est stérile, et ils réclament le déboutement des plaignants et que les frais du procès soient à leur charge. L'official nomme des experts pour aller visiter les vignes. Cette expertise coûte trois florins.

Malheureusement, le reste des documents historiques retrouvés sont en trop mauvais état pour qu'on puisse savoir comment s'est terminé ce sketch délirant. D'après d'autres cas similaires mais un peu moins comiques ayant eu lieu à la même époque, il est fort possible que le verdict ait accordé un délai aux charançons. Passé ce délai, ils auraient été excommuniés. Pauvres petites bêtes...

draleuq, 23h11 :: :: :: [2 déclarations infondées]

16 Septembre 2006 ::

[!] « Susceptibilités »

:: Misanthropie

C'est la foire aux groupes d'influences, qu'ils soient religieux, politiques ou idéologiques, c'est en vraiment navrant. Ce que les médias appellent désormais le "communautarisme". Il devient — que dis-je — il EST impossible de dire quoique ce soit d'un peu critique sans qu'un de ces groupes ne vous tombe dessus en s'offusquant, en hurlant, cordes vocales au vent, que c'est une atteinte à leur encontre, à leur dignité. Je rappelle au passage à certains excités que le terme "critique" ne désigne pas nécessairement une contre-éloge, ni encore moins une insulte. Car justement, ces groupements d'intérêts revendiquent une dignité tellement haute que plus rien ne peut ni ne doit les atteindre : c'est la susceptibilité poussée à son paroxysme, une armée d'ados stupides qui boudent dès qu'on leur dit "Tiens, t'as changé de pantalon ?"...

Comptons au rang de ceux-là, en premier lieu, une certaine frange de l'Islam. Je dis bien une certaine frange, loin de moi l'idée de tous les mettre dans le même panier (encore un effet pervers de cette connerie ambiante, me voilà obligé de souligner que je ne les mets pas tous dans le même panier). Il n'y a qu'à voir le tollé qu'a provoqué l'affaire des quelques malheureuses caricatures de Mahomet, certes pas très drôles, mais enfin : une indignation mondiale pour ça était-elle vraiment justifiée ? Il y a peu encore, le pape Benoît XVI a prononcé des mots soi-disant inqualifiables d'irrespect à l'encontre des musulmans, et c'est à nouveau le soulèvement général, le haro sur le pape et sa horde judéo-chrétienne, etc., etc., et toute la rhétorique qui va avec. Faisant une distinction théologique entre le Christianisme et l'Islam concernant leurs apports respectifs à la raison, voici ce qu'a dit Benoit XVI, citant un universitaire : « [...] pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, pas même à celle de la raison ». Est-ce vraiment une offense à Allah et son prophète, ça ?

Notons cependant qu'on ne peut décemment pas en vouloir à une majeure partie de la population qui se révolte contre ces petites phrases : ces gens vivent pour la plupart dans des pays pauvres, n'ont pas accès à l'éducation, et sont donc facilement manipulables par leurs crétines d'élites religieuses et/ou politiques, qui profitent de l'aubaine pour semer encore un peu plus la discorde. Les élites, ceux qui justement ont l'éducation, et qui plutôt que de s'en servir pour le bien d'autrui, préfèrent lancer des fatwa ou pointer du doigt des "infidèles". A croire qu'ils ont des brigades spécialisées qui surveillent les moindres faits et gestes de l' "ennemi", et sautent sur la moindre occasion pour se déclarer insultées.

Autre connerie du même acabit, la "Loi Taubira" sur l'esclavage. Cette loi vise à faire, d'une part, reconnaître l'esclavage comme crime contre l'Humanité (pourquoi pas pour ce point, encore que l'esclavage en France ne soit plus du tout d'actualité), mais d'autre part veut faire reconnaître à la France sa responsabilité dans trois siècles de traite négrière et de commerce triangulaire transatlantique. L'esclavage a pris fin avec l'arrivée de la République et la fin de l'Ancien Régime, en 1794, puis encore en 1848 avec la IIème République (il avait été rétabli entre temps par Napoléon), et il faudrait que la République s'excuse ? Il faudrait que, deux siècles après, on se flagelle tous en coeur en récitant des prières ? Moi qui suis nantais, j'habite dans une ville ayant bâti sa fortune sur le commerce des esclaves, il y a plus de 200 ans de cela : devrais-je alors déménager, ou payer un impôt spécial de réparation, ou encore implorer à genou et demander le pardon de chaque noir(e) que je croise ? Enfin bref, cette loi imbécile ne fait encore que conforter chacun dans ses susceptibilités, et donner bonne conscience aux gentils politicards qui l'ont soutenue.

Je pourrais encore en citer beaucoup comme ça, mais en voici juste une dernière. Hier, j'ai vu une publicité à la télévision : un couple BCBG est assis face à leur fille en larme, lui disant qu'épouser un médecin ou un avocat était stupide, et qu'il valait bien mieux épouser un pompiste, profession beaucoup plus respectable. Chute de l'histoire : l'essence étant de plus en plus chère, il faut acheter cette belle voiture diesel qui consomme peu. Eh bien j'enjoins les pompistes de France et d'ailleurs à se révolter, car cette publicité est clairement une offense à leur encontre : en inversant les rôles, le publicitaire a clairement sous-entendu que pompiste était un métier de rien du tout, pas respectable pour un sou. Je somme donc les pompistes de réclamer des excuses publiques de la part de cette firme automobile, et je somme l'assemblée nationale de voter une loi visant à faire respecter la dignité des pompistes.

finipe, 16h17 :: :: :: [2 poignants panégyriques]

15 Septembre 2006 ::

[!] « L'émoi des mots »

:: En vrac

Il y a des mots que j'aime. Je prends un plaisir sans cesse renouvelé à les employer, les écrire, les dire. Je ne sais pas pourquoi, ils ont une sonorité qui me plaît, souvent un petit côté exotique, rare, précieux ou vieilli qui me procure à leur contact une jouissance que je n'ai pas avec des mots comme "bateau", "table" ou "cégétiste".

En voici donc une petite liste péremptoire (tiens, bah... celui-là, je l'aime bien déjà) et certainement pas exhaustive :

  • Piriforme : en forme de poire.

  • Barguigner : avoir du mal à prendre parti, ne pas se décider.

  • Atermoyer : un peu comme "barguigner", il s'agit de retarder une échéance.

  • Ecoinçon : il s'agit de l'encoignure d'une fenêtre ou d'une porte. J'adore !

  • Fuligineux : de la couleur de la suie. "Des ailes fuligineuses" est agréablement utilisé pour décrire les ailes d'une chauve-souris.

  • Seoir / Messeoir : être / n'être pas convenable. Ce verbe ne me messied pas le moins du monde.

  • Hélicoïdal : en forme d'hélice.

  • Ecornifler : se procurer un peu d'argent ou un bon repas au détriment d'autrui. Le spécialiste de l'écorniflage est un écornifleur.

  • Icosaèdre : polyèdre à 20 faces... Je ne sais pas pourquoi, je l'ai toujours retenu celui-là.

  • Logorrhée : flot de paroles désordonnées. Evoque volontiers une métaphore aux désordres intestinaux.

  • A brûle pourpoint : expression signifiant peu ou prou "sans préparatif", au débotté. Provient de l'image de l'arme à feu tirant à bout portant contre un vêtement typique de l'Ancien Régime, le pourpoint.

  • Périhélie : c'est le point de l'orbite d'une planète au moment où elle est le plus près du soleil.

  • Palimpseste : manuscrit dont on a fait disparaître l'écriture, pour y réécrire par la suite. Il sonne vraiment bien ce mot...

  • Controversiste : celui qui, en matière de religion, traite de controverse. « Vous faites quoi dans la vie ? » - « Je suis controversiste. ». Trop classe !

  • Cinabre : minéral à base de mercure, de couleur rouge. C'est très utilisé en médecine chinoise il me semble, et les empereurs chinois d'autrefois en prenaient, pensant que ça aidait à atteindre l'immortalité (cf. empereur Qin Shi Huang Di). Cinabre, cinabre, cinabre... Vraiment la grande classe, ce mot !

  • Sinople : il m'est venu du précédent, tiens... C'est la couleur verte en héraldique, et c'est un mot superbe.

  • Apocryphe : les textes apocryphes des Evangiles sont ceux n'ayant pas été reconnus comme "officiels" par l'Eglise.

  • Godelureau : jeune homme sans expérience, flatteur et galant.

  • Gourgandine : avec le précédent, un de mes favoris ! Une gourgandine est une femme de mauvaise vie. C'est quand même plus classe de s'exclamer « Maudite gourgandine ! », plutôt que « Poufiasse ! ». Quoique, j'aime assez "poufiasse" aussi...

Bon, je m'arrête là, parce que je pourrais y passer des heures. Mais si vous aussi vous avez des mots qui vous plaisent, que vous vous délectez à écrire ou à prononcer, que vous regrettez de voir tomber dans l'oubli, alors partagez-les :)

finipe, 01h02 :: :: :: [3 contestations]

12 Septembre 2006 ::

[!] « Haineuse diatribe à l'encontre des géomètres »

:: Misanthropie

C'est par ce liminaire pléonasme que j'introduis le sujet qui me brûle céans les entrailles. Il ne s'agit non pas de violentes diarrhées ni d'intoxication alimentaire, mais d'un métier, celui de géomètre. Peut-on imaginer activité plus vile que celle qui consiste à mesurer tout et rien à la fois ? Quelle veulerie innée faut-il donc posséder pour pratiquer pareille profession ? En fait, il apparaît que le géomètre est une créature mi-homme, mi-bêtes, mi-théodolite. Vous remarquerez avec un à-propos mathématique confondant qu'il y a une moitié de trop, mais ne vous y trompez pas : la moitié humaine est très rapidement dévorée par la moitié bête, et ne prend donc que très peu de place. En effet, la hideuse corporation des géomètres est née il y a bien longtemps d'un croisement contre-nature entre un homme, un bouc et une boule de bowling.

Cet odieux personnage se munit de nombreuses armes barbares, dont la convention de Genève, dans son infinie naïveté, n'a pas su discerner la dangerosité. Il est ainsi doté notamment de cartes, d'un kutch (nom barbare appuyant encore un peu plus la bestialité de ce sombre individu) ou encore d'un rapporteur (le géomètre est bien un délateur né, attitude ô combien méprisable !).

Ainsi armé, le géomètre foule le sol de son pas précis, millimétrique, inconvenant, obscène. Par paires, ils errent sur les bords de nos routes, couards comme des chiots nouveaux-nés, et pratiquent quelque échange hermétique à l'aide de ces instruments qu'on croirait destinés à la chasse aux ovnis. Mais quelle inepte engeance faut-il donc être pour se comporter ainsi ?! Que sont ces étranges façons qu'ils affectent sur les bords de nos routes ? Que sont ces cabalistiques sémaphores dont ils semblent gratifier les passants ? Quel infâme dessein ourdissent-il, au coeur de cette corporation honnie ?

Peuple de France et d'ailleurs ! J'en appelle à ton honneur et ta clairvoyance : de toute tes forces, de toute ton âme, conchie cette odieuse profession qui te transformera tôt ou tard en double-décimètre. Rêve à des jours meilleurs où l'on pourra parcourir un monde dans lequel les maisons auraient des angles aigus, des angles obtus, des arêtes concaves et des caves qu'on vexe. Rêve à des ruelles sinueuses, des sentes et des méandres labyrinthiques dans lesquels la largeur serait plus longue, et la longueur moins large. Espère un monde dans lequel le cube s'inscrit dans le tétraèdre.

Ami, entends-tu le son noir du cordeau sur nos plaines ?

Ami, entends-tu le bruit sourd du compas qu'on dégaine ?

Qu'on se le dise : sus aux géomètres !



Aaaah ça fait du bien :)

finipe, 12h45 :: :: :: [4 soupirs de satisfaction]

8 Septembre 2006 ::

[!] « Petite histoire de l'individualisme »

:: Histoire - Inclassable

La question est plus que jamais d'actualité : nous vivons dans un règne d'individualisme forcené. La première interrogation légitime est de se demander comment la société, du moins celle que l'on qualifie d' « occidentale » en est arrivé à ce stade. Il ne s'agit ici nullement d'émettre un jugement partisan sur le bien fondé ou non de cette évolution, mais d'exposer, sinon des faits irréfutables, au moins des idées et des points de repère historiques à ce propos.

Les historiens attribuent généralement les prémisses de l'individualisme au mouvement catholique Protestant. La Réforme, ce grand schisme Chrétien du début du XVIème siècle, permit à tous d'accéder à la lecture de la Bible (traduite depuis le latin), et laissa ainsi à chacun le soin d'interpréter ce qu'il y lisait. Les catholiques laissaient le pouvoir de l'interprétation aux mains des ministres du culte : le latin était une langue d'élites, et le message pouvait être transmis aux masses sans qu'elles n'aient la possibilité de l'interpréter et de réfléchir sur son sens et ses implications. De grands esprits émergèrent et bouleversèrent quelques idées majeures : Léonard de Vinci, Nicolas Copernic (qui réfuta le géocentrisme et affirma que la Terre n'était pas immobile), Tycho Brahé, Johannes Kepler...


Nicolas Copernic (1473-1543)

Puis vint le XVIIème siècle, avec Descartes qui, grâce à des publications en français et non en latin, permit à un grand nombre de lecteurs (à commencer notamment par la noblesse, l'élite du pays) de s'affranchir intellectuellement par ce célébrissime aphorisme : « Je pense donc je suis ». Outre le « discours sur la méthode », on peut également citer un autre tournant majeur de cette évolution : la fin progressive du modèle artistotélicien qui plaçait la Terre au centre de l'univers. C'est notamment Galilée, qui, reprenant avec vigueur et courage, contre l'avis de Rome, les idées de Copernic, plaça le soleil au centre de l'univers. Il paya d'ailleurs sa théorie héliocentriste par un procès devant l'inquisition, en 1633, au cours duquel il dut abjurer ses idées hérétiques...


René Descartes (1596-1650), et son fameux « Discours sur la méthode »
(publié pour la première fois en 1637)

C'est seulement à la fin du XVIIème siècle que fut reconnu l'héliocentrisme, avec la « mécanique céleste » d'Isaac Newton (l'Eglise quant à elle ne reconnut cette idée qu'en 1830). Partout en Europe et dans le nouveau monde qui balbutiait en ce XVIIème siècle, on assista à une rationalisation scientifique et technique, à l'avènement du sujet, de l'individu, singulier et qui vaut par lui-même. L'Eglise se montra bien entendu particulièrement réticente, voyant là une dangereuse évolution des mentalités.


Isaac Newton (1643-1727)

Les années et siècles qui suivirent n'eurent de cesse d'aller en ce sens (le XVIIIème siècle, « Siècle des Lumières »), la brèche était ouverte : liberté et émancipation étaient les maîtres mots des philosophes et des écrivains (Voltaire, Diderot, Rousseau, Condorcet...), et ce malgré les réticences de l'Eglise, qui ne pouvait plus arrêter ce mouvement. On continua de rationaliser et d'organiser la société, de mettre en avant le progrès, le bonheur : l'avènement de l'individu. La famille ou le clan, autrefois références sociales et repères de chacun pour trouver sa place, cédèrent la place à l'individu, qui eut désormais une place dans le monde, sans nécessairement appartenir à un groupe. Les sociétés holistes disparurent et laissèrent place à une société individualiste.

Chacun peut tirer des conclusions de cette profonde métamorphose des esprits et des idées : l'on pourrait en attribuer l'un des motifs d'événements historiques majeurs, tels que la Révolution française, l'essor industriel, le déclin de la Foi, l'anarchisme de la fin du XIXème siècle... Pour autant que l'on puisse en juger, cette évolution fut tout de même bénéfique : lequel d'entre nous pourrait-il se plaindre d'être aujourd'hui libre de penser, d'écrire ou de dire ce qu'il veut ? Qui pourrait regretter d'avoir le choix lorsqu'il s'agit de décider de ceux qui vont le diriger, celui ou celle qu'il va épouser ?

L'individualisme a certes un double tranchant : il donne à l'individu la responsabilité, l'énorme et terrible responsabilité des choix qu'il fait pour lui-même, au risque d'en faire de mauvais, ou de devoir en faire lorsqu'il ne se sent pas assez fort pour cela. Peut-être est-ce déjà une première piste pour en comprendre les excès ou les défaillances.

Ces excès, venons-y désormais : aujourd'hui, la rationalisation, le progrès et l'émancipation sont en faillite. Le développement des techniques et des sciences n'est pas toujours bénéfique, chacun le sait : l'environnement est menacé, Hiroshima et Nagasaki furent rayées de la carte en une seconde, Auschwitz a mis en pratique ce progrès à des fins de massacre industriel. Le rationnel n'est plus toujours raisonnable. L'émancipation a eu son lot d'effets pervers, comme par exemple en URSS avec le stalinisme, et le cortège de massacres des goulags et des déportations.


Hiroshima, après la bombe atomique

L'individu d'aujourd'hui, quant à lui, n'est plus l'individu idéal des Lumières, savant, raisonnable, réfléchi et responsable, tels que le furent le capitaine Nemo de Jules Verne, Louis Pasteur ou le commandant Cousteau, trois héros exemplaires de l'individualisme éclairé. L'individu d'aujourd'hui est en quête, en interrogation, ne peut se projeter au-delà de quelques mois, voire quelques semaines parfois.

Le XXème siècle a montré l'autre côté du miroir : le développement acharné de la société industrielle (Fordisme, Taylorisme, Chaplin et les « temps modernes ») nous a fait glisser inéluctablement d'une société de production à une société de consommation. Publicité, crédit à la consommation, toute puissance de l'argent, possession.

De l'idéal décrit par Descartes (« Devenez maîtres et possesseurs de la Nature »), qui supposait le travail, l'effort et le sacrifice pour les générations futures, nous sommes passés à l'idéal narcissique de la jouissance immédiate, de la consommation : l'ordre travail/plaisir est aujourd'hui renversé en plaisir/travail.

On retrouve ces contradictions partout : l'Art par exemple, dont Baudelaire a voulu faire un reflet de son époque (inventant ainsi la "modernité") a pris conscience de l'accélération du temps. L'artiste ne peut plus se situer dans le temps, il se situe donc aujourd'hui dans l'espace et dans l'immédiat (oeuvres temporaires, primauté du message véhiculé par l'oeuvre plutôt que son esthétisme...).

Il n'y a plus de temps, plus d'Histoire, plus de limites, plus de catégories. Les paradoxes surgissent partout : la logique de l'individu est contradictoire avec la logique du système. Le rationnel est contradictoire avec le raisonnable. L'efficacité est contradictoire avec la communication et la démocratie. Les biens coexistent dans un même espace horizontal, les uns à côté des autres, il n'y a plus de hiérarchisation des valeurs, la différence vient du prix et du désir. Nous sommes versatiles, relativistes à outrance. Il est impossible de "changer le monde". La théorie du chaos triomphe. L'investissement affectif ne se fait plus dans des lieux, mais dans des espaces, des réseaux, des gares, des aéroports, des endroits impersonnels, froids et vides d'émotions.

Voici donc où nous en sommes. Chacun peut prêter à ces idées plus ou moins de crédit ou d'accord, puisque la question est assurément trop vaste pour pouvoir être traitée en quelques paragraphes.



Pour aller plus loin, lire notamment :
- « Les Temps hypermodernes », de Gilles Lipovetsky.
- Eventuellement des bouquins de Jean-François Lyotard, mais avec des pincettes.

finipe, 03h18 :: :: :: [5 méditations grotesques]

4 Septembre 2006 ::

[!] « The right to be cold »

:: Environnement

J'ai appris très récemment quelque chose qui m'a procuré un certain plaisir. Non, il ne s'agit pas de la mort subite dans d'atroces souffrances de Vincent Delerm, ni d'une baisse drastique du prix des préservatifs aromatisés à la papaye. Non, c'est moins prosaïque que tout cela, c'est même ce que l'on pourrait qualifier une "cause désespérée". Mais, d'une part, j'ai toujours eu un petit faible pour les causes désespérées (faire travailler un cégétiste, réussir à me lever de bonne heure, etc.), et, d'autre part, celle-ci me touche plus particulièrement, car je m'en fais régulièrement le chantre (avec un nez rouge la plupart du temps, mais le chantre quand même, le chantre du soir au matin, le chantre sur les chemins).

Voici donc : le peuple Inuit vient d'assigner les Etats-Unis devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme (basée à Washington). Vous n'êtes pas sans savoir qu'en effet, les Etats-Unis n'ont pas ratifié le traité de Kyoto visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, allant ainsi dans le sens du fameux réchauffement global de la planète (puisque ces chers amerloques se goinfrent quelque chose comme 40% de l'énergie consommée dans le monde). De ce fait, les Inuits considèrent que les américains violent leurs droits, tels qu'ils ont été définis dans la déclaration des droits de l'Homme de 1948. Ils appellent cela "Le droit d'avoir froid". Génial non ? Totalement illusoire certes, nous savons tous pertinemment que jamais aucun tribunal ne condamnera les USA pour cela, mais je tiens à saluer l'effort des Inuits avec la plus grande admiration.

Et c'est là que j'en viens à ce "droit d'avoir froid". La chaleur me liquéfiant dès que la température dépasse les 25°C (elle pourrait me sublimer la bougresse, mais non !), j'apprécie grandement les températures clémentes ; et le froid, aussi extrême soit-il, ne m'incommode nullement. Aussi me navré-je de constater cette manie de plus en plus flagrante que l'on a de se désespérer un peu partout de la moindre baisse du mercure durant les mois généralement chauds. Tu parles d'un cauchemar : le mois d'août a été pluvieux. C'est très, très GRAVE.

J'aimerais donc céans conspuer, voire conchier sans vergogne ces troupeaux beuglants de gnous entassés sur l'autoroute du sud dès que le moindre rayon de soleil se présente, tous prêts à la migration pour aller prier le dieu Soleil sur les plages méditerranéennes, cette antique divinité remontée du fin-fond des âges pour se refaire une jeunesse au troisième millénaire. Là, entassés par millions sur un coin du temple sableux, ils s'agenouillent sur leur tapis de prière à eux (la serviette de bain), et font sporadiquement leurs ablutions rituelles dans l'eau sacrée du dieu Soleil (la mer). Ils communient ainsi en masse, et se désolent en retour dès que le dieu Soleil n'a pas l'heur de se montrer à sa foule d'adorateurs dévôts, comme une punition divine, sorte de 11ème plaie biblique.

Au risque donc de subir un cuisant auto da fe pour hérésie manifeste, puis de me faire torturer par le bras séculier, eh bien moi j'aime la pluie, j'aime la neige, j'aime le froid, et j'aime avoir froid. Et je sais que je suis loin d'être le seul ! Seulement aujourd'hui, dire cela, c'est s'exposer à l'incompréhension, les quolibets et les lazzis en tout genre, car ce n'est pas normal. Aimer avoir froid, c'est comme être homosexuel : pour la majorité des gnous, c'est bizarre, curieux, dérangeant, incompréhensible.

Je n'en conclus certes pas que tous les porteurs de moufles sont homosexuels : mais pour être quelque peu trivial, je me contenterai simplement d'affirmer que les Inuits, c'est pas des pédés !

finipe, 02h18 :: :: :: [8 déclarations d'amour]

1er Septembre 2006 ::

[!] « Mais où va l'monde, j'vous jure ! »

:: En vrac

Les gens n'ont pas d'humour. Hier encore par exemple, je fis un croche-pied à un cul-de-jatte et je le regardai tomber de son fauteuil et s'agiter sur le trottoir, tel un poisson hors de son bocal. C'était tout à fait grotesque, mais surtout très drôle ! Figurez-vous que les braves gens qui passaient par là, plutôt que de partager ce rare moment de joie commune et de rire simple se mirent en tête de me tabasser lâchement ! Quel manque d'humour, vraiment.

Les gens n'ont pas le sens du devoir. Tenez, par exemple, l'autre jour je vis une vieille dame se faire agresser par une bande armée constituée d'un individu forcené d'environ 1m70, dont la carrure n'était pas sans rappeler la force sèche d'un Pascal Sevran ou d'un Philippe Bouvard, peu impressionnante de prime abord j'en conviens, mais Ô combien redoutable. N'écoutant que mon courage, je photographiai la scène, située à une centaine de mètres de ma (bien inconfortable) position. Puis, une fois que l'action se fut enfin finie, je revins vers la dame et lui demandai une modique somme de quelques centaines d'euros en échange de la photographie, afin qu'elle prouvât aux forces de l'ordre qu'elle avait bien été victime. Je vous le donne en mille : la bougresse a préféré porter plainte pour non assistance à personne en danger ! Quel manque de tact, vraiment.

Les gens n'ont aucun discernement. Il y a de cela tout juste un mois, tandis que j'assistais à une réception mondaine pour la récolte de fonds destinés à lutter contre la montée de l'extrême-droite (les petits fours y étaient excellents), je remarquai la présence tout à fait inopportune d'un de ces fanatiques qu'on nomme "skinhead". Le fourbe se pavanait ainsi, affichant ses idéaux sans vergogne et avec une effronterie qu'on ne croise que chez les plus ardents activistes greenpeaciens, ou chez les plus virulents faucheurs d'OGM. Outré d'une telle conduite, je m'empressai de verser un laxatif puissant dans sa flûte à Champagne, afin de voir l'intrus vider les lieux pour en remplir d'autres plus à son image (je ne pouvais décemment pas l'aborder de front, c'eût été un accroc indiscutable à la bienséance du moment). J'appris le surlendemain que l'infâme avait poussé le vice jusqu'à affirmer, afin qu'on le plaignît, être en traitement de chimiothérapie depuis plusieurs semaines, d'où cette calvitie. Et tout le monde le croyait ! Quelle crédulité, vraiment.

Ah non mais où va l'monde, j'vous jure !

finipe, 04h53 :: :: :: [6 pleurnicheries]