Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
Dans tes
rêves
En vérité je vous le dis, la Femme embrasse doucement la religion. Ainsi, l'amitié s'évade, se précipitant vers l'extase des sens
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

28 Mars 2007 ::

« L'attentat du Petit-Clamart »

:: Histoire contemporaine, 1962

La fin de la guerre d'Algérie

Le 18 mars 1962 sont signés les accords d'Evian, qui mettent fin par un cessez-le-feu immédiat à 8 ans de guerre en Algérie, ayant fait plusieurs centaines de milliers de morts ; mais cet accord signé entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la république algérienne n'est pas du goût de tous, bien qu'approuvé ensuite par le peuple, par le biais d'un référendum. Du côté algérien, certains militants du FLN (Front de Libération Nationale) continuent pendant quelques temps à assassiner des militaires français, tandis que du côté français, l'OAS (Organisation Armée Secrète) s'oppose catégoriquement à ce traité, et, souhaitant conserver l'Algérie sous l'égide de la France, commet de très nombreux attentats[1].

L'OAS, outre son organisation très structurée et ses nombreux membres hauts placés dans l'administration militaire et civile française, a également ramassé au passage un certain nombre d'égarés, de "simples truands" sans conviction politique, qui profitent de l'instabilité pour commettre leurs méfaits. Le gouvernement français resserre l'étau et applique une sévère répression du banditisme.

De Gaulle, cible de l'OAS

Le général De Gaulle, considéré comme traître par l'OAS depuis les accords d'Evian, accusé d'avoir « bradé » l'Algérie, devient la cible de plusieurs attentats. L'un d'eux en particulier a lieu le 8 septembre 1961 à Pont-sur-Seine (département de l'Aube) : dirigé notamment par deux hommes du nom de Henri Manoury et Martial de Villemandy, cet attentat se solde par une explosion manquée de peu. Le général De Gaulle, descendant de la DS pour constater les dégâts, se contente de déclarer avec flegme : « Ce n'est pas un attentat. C'est tout juste une mauvaise plaisanterie ». Et pourtant, la déflagration n'est pas passée loin !

Le mercredi 22 août 1962 à 19h45, après un conseil des ministres à l'Elysée où il fut question entre autres choses de sécurité du territoire ou de coopération avec l'Algérie, deux voitures accompagnées de motards quittent le palais présidentiel en direction de Villacoublay, où le général De Gaulle doit prendre un avion qui le ramènera à sa résidence de Colombey-les-Deux-Eglises. Dans la première voiture se trouvent le général et sa femme Yvonne, assis à l'arrière, ainsi que le colonel Alain de Boissieu, gendre du couple présidentiel, et le gendarme Francis Marroux, le fidèle chauffeur. Dans la seconde voiture se trouvent un médecin militaire et des policiers chargés de la sécurité du chef de l'état : tous tremblent lors des déplacements du général de Gaulle, celui-ci refusant catégoriquement les dispositifs trop lourds, les hélicoptères, les gardes trop rapprochées...

Dès la sortie de l'Elysée, le colonel Boissieu choisit d'emprunter l'itinéraire passant par le rond-point du Petit-Clamart, plusieurs itinéraires étant prévus par sécurité lors des déplacements : nul n'a remarqué l'homme qui se rue dans une cabine téléphonique au passage du convoi. Le trajet se passe sans accroc, Francis Marroux respecte les feux, les limitations de vitesse : le général De Gaulle s'en agace.

Au rond-point du Petit-Clamart, six véhicules ont pris positions et attendent... Enfin, à 20h20, les voitures et les motards arrivent : c'est un véritable déluge de feu qui s'abat sur eux, de tous les côtés ! Des armes automatiques crépitent à droite et à gauche, des vitres explosent, et l'instinct premier de Marroux est d'écraser l'accélérateur, suivi par la seconde voiture. Le colonel de Boissieu hurle vers ses beaux-parents « Baissez vous ! ». Yvonne de Gaulle se baisse légèrement, mais le général rétorque, sans bouger : « Mais pourquoi les policiers ne tirent-ils pas ? ». De Boissieu répond à son beau-père : « Ils prennent des balles pour nous ! ». Deux pneus de la DS ont éclaté, mais Francis Marroux parvient à conserver le contrôle du véhicule[2]. Le cortège passe finalement, et quelques minutes plus tard, il est à Villacoublay, sain et sauf...

Le général De Gaulle descend de la voiture, ôte machinalement quelques morceaux de verre qui jonchent ses vêtements, et déclare : « Cette fois, c'était tangent. Ces gens-là tirent comme des cochons ». Tous les passagers du convoi sont indemnes : l'un des motards retrouve deux balles dans son casque, mais il est sauf. Déjà, des gendarmes mobiles ont multiplié les mesures de sécurité autour du général et de son entourage : l'attentat est un échec.

Les suites de l'attentat

Près du lieu de l'embuscade, la police ramasse plus de cent douilles de divers calibres. Sur la DS présidentielle, un impact de balle est resté à quelques centimètres des visages de Charles et Yvonne De Gaulle : « Cela aurait fait une belle fin », déclare-t-il en observant le trou. Un incroyable concours de circonstances fait que personne n'est touché aux abords même du lieu de l'attentat, malgré les nombreuses balles ayant pénétré dans les magasins, les bistrots, les véhicules...


A gauche : l'arrière de la DS, où l'on distingue quelques impacts et un pneu crevé
A droite : le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, cerveau de l'opération

C'est le lieutenant-colonel Jean-Marie Bastien-Thiry qui a tout organisé : cet officier de l'armée de l'air issu de l'école polytechnique, était pourtant promis à un brillant avenir. Mais, fervent défenseur de l'Algérie française, il est également membre de l'OAS, et a préparé son plan de façon extrêmement minutieuse : il a été aidé par une douzaine d'hommes, tous ayant une raison qu'ils jugeaient valable pour tuer le président de la république. Un mois après l'attentat manqué, il est arrêté. Son procès se déroule du 28 janvier au 4 mars de l'année suivante, devant une cour martiale : il est condamné à mort, de même que ses complices. De Gaulle accorde la grâce présidentielle aux sous-fifres, mais pas à Bastien-Thiry, estimant que ce dernier n'avait non seulement pris aucun risque, mais avait en plus ordonné de tirer sur une voiture dans laquelle se trouvait une femme.

Le 11 mars 1963, à 6h39, le lieutenant-colonel Bastien-Thiry est fusillé au Fort d'Ivry par un peloton d'exécution : il fut le dernier fusillé de l'Histoire de France jusqu'à ce jour. Le général De Gaulle, profitant de l'émotion suscitée par la tentative manquée, fera peu de temps après passer l'élection du président de la République au suffrage universel.

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1. Dans ses « Mémoires », Charles De Gaulle estime à environ 12000 le nombre de victimes civiles de l'OAS, bien que ce chiffre soit probablement à moduler.

2. Outre le grand sang-froid dont a pu faire preuve Francis Maroux, on estime généralement que les qualités de la DS ne furent pas étrangères à la survie du convoi présidentiel lors de l'attentat : avec deux pneus crevés, en pleine accélération, et sur une mauvaise route humide et glissante, Marroux a en effet pu conserver le contrôle du véhicule.

finipe, 00h28 :: :: :: [32 élucubrations]