Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Pour votre santé, évitez de grignoter
Ah
bon ?
Etrangement, l'Humanité embrasse joyeusement son destin. Ainsi, l'amitié s'échappe en rampant depuis le silence de l'existence
Nabot Léon ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

27 Octobre 2007 ::

« Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 1ère partie »

:: Histoire contemporaine, 1932

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 1ère partie
2. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 2ème partie
3. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 3ème partie
4. Engelbert Dollfuss, dictateur anti nazi - 4ème partie




Après le destin de Mustapha Kemal et l'ascension d'Hitler au pouvoir, je poursuis ma série sur l'entre-deux-guerres des vaincus de la première guerre mondiale avec Engelbert Dollfuss, chancelier d'Autriche à partir de 1932. Savourez ces billets, j'en ai chié bavé :)



La ruine de l'Autriche-Hongrie

Engelbert Dollfuss naît en Autriche, à Kirnberg-sur-Mank, en 1892, dans une famille de paysans. Dès son plus jeune âge, une foi ardente le pousse vers la prêtrise, et il entre au séminaire, jusqu'à 18 ans, âge auquel il finit par douter de sa vocation. Dollfuss poursuit alors ses études à l'université de droit de Vienne, sans aide de ses parents, trop pauvres pour cela. C'est ainsi qu'il découvre la resplendissante capitale autrichienne, qu'il ne se lasse pas d'admirer avec un émerveillement sans cesse renouvelé. A la même époque, un jeune autrichien qui vient d'échouer à l'école des Beaux Arts sillonne lui aussi les rues de la capitale, mais ce ne sont que haine et nausée qu'il ressent, fréquentant assidument les soupes populaires : il s'appelle Adolf Hitler.

Lorsque 1914 arrive, Dollfuss se présente devant la commission militaire après avoir été une première fois réformé : mesurant 1 mètre 50, il avait été déclaré trop petit. Cette fois-ci, profondément vexé, il se met sur la pointe de pieds : les militaires l'acceptent, au milieu d'un fou rire général... Pendant les quatre années qui suivent, il se bat courageusement, gagne ses galons de lieutenant, ainsi que plusieurs citations ; mais une fois la guerre terminée, l'Autriche figure au rang des vaincus, et Dollfuss rentre dans une Vienne exsangue d'où ont fui les Habsbourgs.

Le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919, consacre le démantèlement de la monarchie austro-hongroise : tout son territoire vole en éclat, et avec la chute de l'empire russe de 1917, on voit ainsi apparaître une toute nouvelle carte géopolitique de l'Europe centrale. Avec les frontières, ce sont également l'administration, l'armée, les cadres et les traditions qui chancèlent : l'Autriche n'est plus un pays viable, ses chemins de fer ne mènent nulle part, ses usines n'ont plus de débouchés, l'inflation, le chômage et le déficit budgétaire conduisent à la ruine complète.

Catholiques & marxistes

C'est le docteur Karl Renner et son gouvernement social-démocrate qui dirigent cet état fantomatique, avec pour farouche volonté l'Anschluss, la réunification de l'Autriche et de l'Allemagne[1], pourtant formellement interdite par le traité de Saint-Germain-en-Laye. Dollfuss, quant à lui, se forge rapidement une excellente réputation en commençant comme secrétaire à l'union des paysans de basse Autriche. En 1921, il obtient sont doctorat en droit, et se marie à Alwine Glienke, une jeune fille rencontrée en Allemagne : il est pauvre, petit et catholique, elle est riche, grande, et protestante.


Engelbert Dollfuss

Dollfuss milite activement pour un état corporatif et chrétien, refusant la lutte des classes. Son ascension est fulgurante ! En 1922, il obtient une loi révolutionnaire sur les assurances agricoles ; en 1926, il crée un institut d'assurances dont bénéficient un demi million d'ouvriers agricoles ; en 1927, il est élu président de la chambre agricole de basse Autriche, et acquiert la stature d'un expert international. Dès lors, il est invité dans toute l'Europe, et en tout premier lieu en Italie, où le régime fasciste de Mussolini — au pouvoir depuis 1922 — prône lui aussi le corporatisme. En 1931, Engelbert Dollfuss devient ministre de l'agriculture et des forêts.

Pendant ces années où Dollfuss se mue de simple citoyen en expert renommé et estimé, l'Autriche connaît cependant bien des déboires : dès 1920, les sociaux-démocrates doivent céder le pouvoir au parti chrétien-social (auquel appartient Dollfuss), avec pour chancelier un homme d'église, Monseigneur Ignaz Seipel. La haine entre marxistes et catholiques devient rapidement terrible : en 1927, des grèves éclatent sous l'impulsion du parti socialiste, et, le 15 juillet, une bataille rangée avec la police laisse vingt victimes sur le pavé... Les deux camps ne cessent dès lors de s'armer, tandis qu'en Allemagne, Hitler utilise ses SA pour conquérir le pouvoir.

L'accès à la chancellerie

Voyant le parlement se dérober sous ses pieds, Mgr Seipel choisit de s'appuyer sur la Heimwehr, un parti de droite animé par un personnage haut en couleurs, le prince Ernst Rüdiger Starhemberg[2]. Dès lors, l'Autriche voit ses villes, villages et campagnes parcourus par des groupes armés, et c'est la course aux postures martiales et au patriotisme traditionnaliste et chrétien le plus rude. En 1928, Mgr Seipel doit démissionner en raison de son état de santé[3] : il avait pourtant réussi à redresser l'économie, mais la situation financière redevient rapidement catastrophique. Pour faire face à la crise, le nouveau chancelier Johannes Schober essaye de relancer le vieux rêve de l'Anschluss au travers d'une proposition d'union douanière avec l'Allemagne : peine perdue, les Alliés opposent un refus catégorique, et Schober doit démissionner.


Dollfuss à la tribune. Derrière lui, Starhemberg, le chef des milices patriotiques et soutien de Dollfuss.

Après avoir consulté Mgr Seigel, le président de la république autrichienne Wilhelm Miklas demande à Dollfuss s'il souhaite assumer la chancellerie. Ce dernier, après une nuit passée en prières, y consent. Ainsi, le 8 mai 1932, Engelbert Dollfuss devient chancelier d'Autriche : ceux qui l'apprécient le surnomment déjà Millimetternich, en référence à son illustre prédécesseur Klemens Wenzel von Metternich, le tout puissant ministre qui, plus d'un siècle auparavant, s'était opposé si fermement à Napoléon. Ceux qui ne l'aiment pas le surnomment en revanche Millimettermensch, ce qui signifie peu ou prou "minus".


Au premier plan à gauche, le chancelier Dollfuss. A ses côtés, le président Miklas.



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1. Allemagne qui à ce moment était elle aussi dirigée par un gouvernement socialiste.

2. Starhemberg appartient à la plus ancienne (et richissime) famille autrichienne. Après s'être courageusement battu pendant la guerre, il se retrouve en Allemagne, à lutter âprement contre le marxisme-socialisme : séduit par Hitler, il participe au fiasco du putsch de la Brasserie en 1923, et aide notamment Göring — gravement blessé à la jambe — à se réfugier en Italie. Déçu par le national-socialisme, il revient en Autriche et se fait le chantre d'un retour aux traditions chrétiennes patriotiques. Après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938, Starhemberg s'enfuit de son pays, et sert la France Libre et les forces aériennes britanniques pendant quelques temps.

3. Il souffrait de la tuberculose.

finipe, 18h27 :: :: :: [0 commentaire désobligeant]

24 Octobre 2007 ::

« Honi soit qui mal y pense »

:: Histoire médiévale, 1347

L'année 1347 est bien funeste pour le royaume de France. Edouard III, roi d'Angleterre, a mis à genou les français et Philippe VI de Valois en 1340 à la bataille de l'Ecluse[1], puis a récidivé en 1346 à la bataille de Crécy, une défaite comme on en avait rarement connu ! Ce redoutable monarque ne doit d'ailleurs pas sa puissance qu'à la désorganisation française : brillant stratège, politicien impitoyable, il avait commencé son règne en faisant enfermer sa propre mère et exécuter son amant, Roger Mortimer de Wygmore[2].

Depuis septembre 1346, l'armée anglaise assiège durement la ville de Calais : Edouard III veut en faire un lieu stratégique pour un futur débarquement de ses troupes en France, une porte d'entrée permanente vers un royaume dont il réclame la gouvernance. Et c'est chose faite en août 1347 : les calaisiens se rendent, épuisés par la famine[3]. Edouard III veut massacrer tout le monde, mais on l'en dissuade : il exige alors que six bourgeois se présentent devant lui, pieds nus, vêtus d'une simple chemise et une corde autour du cou, afin d'être pendus. La reine Philippa de Hainaut implore la clémence de son royal époux, qui finit par céder.


Les six bourgeois de Calais implorant Edouard III

Devenue possession anglaise, Calais voit une bonne partie de sa population devenir elle-même anglaise. C'est ainsi qu'on y donne un bal, auquel assiste le roi et la reine, mais également la comtesse de Salisbury, une femme dont le roi est très épris[4]... Tandis que les convives dansent, c'est l'incident : la belle comtesse de Salisbury perd une jarretière bleue qui tenait son bas de chausse. Le morceau de ruban tombe au sol, et le roi, galamment, se précipite pour le ramasser. L'assemblée esquisse un sourire railleur devant l'attitude du roi, et, face à cette embarrassante situation, Edouard III déclare avec solennité : « Honi soit qui mal y pense ! Ceux qui rient en ce moment seront un jour très honorés d'en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le rechercheront avec empressement ».

C'est ainsi qu'en 1348, Edouard III institue très officiellement le Très Noble Ordre de la Jarretière, qui prend pour devise la fameuse phrase prononcée lors du bal, Honi soit qui mal y pense[5]. Aujourd'hui encore, le ruban bleu de l'ordre de la Jarretière perdure : il s'agit d'un des plus anciens et des plus prestigieux ordres de chevalerie existant.



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1. Cette bataille navale, prémisse de la guerre de cent ans, fit près de 20.000 morts dans le camp français, notamment en raison de son imbécillité tactique. Voir notamment le tome 1 du « Cycle d'Ogier d'Argouges » de Pierre Naudin pour une description édifiante de cette bataille.

2. Sa mère, Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel et reine d'Angleterre, avait fait exécuter son mari le roi Edouard II, le jugeant trop faible. L'exécuteur n'était autre que son propre amant, Roger Mortimer de Wygmore. On comprend dès lors pourquoi Isabelle était surnommée la « louve de France », et pourquoi son fils Edouard III lui tenait pareille rancune. Lire à ce propos l'inénarrable saga de Maurice Druon, « Les rois maudits », et voir le premier paragraphe de la note suivante.

3. Calais ne redeviendra française qu'en 1558 !

4. Dans son Histoire de France, Chateaubriand situe ce bal non pas à Calais, mais à Londres. L'identité de cette fameuse comtesse semble également floue : on la désigne parfois comme Jeanne de Kent, là où Chateaubriand désigne une certaine Alix de Salisbury.

5. L'orthographe actuelle voudrait qu'on octroie deux n au verbe honnir, mais il s'agit ici de l'orthographe d'alors, toujours d'actualité pour cette devise précisément. Notons au passage que le français était la langue parlée à la cour du roi d'Angleterre, origines normandes obligent : Edouard III avait d'ailleurs du mal à échanger deux phrases intelligibles avec ses propres soldats.

finipe, 02h01 :: :: :: [4 interventions abstruses]

21 Octobre 2007 ::

« God save the Queen & l'anus de Louis XIV »

:: Histoire moderne, 1714

Une petite dose d'anglophobie ordinaire ne messied point : voici donc une anecdote qui ravira les revanchards des Ecluse, Crécy, Azincourt, Poitiers, Trafalgar, Waterloo et autres Mers-el-Kébir !



L'anus de Louis XIV

1686 : Louis XIV gouverne le très puissant royaume de France depuis déjà plus de 25 ans, et s'emploie à centraliser toujours plus le pouvoir, à tenir en laisse les grands seigneurs, et à réduire le rôle et l'influence des différents Parlements régionaux. L'année précédente, il a révoqué l'Edit de Nantes signé par son grand père Henri IV en 1598, ce qui a provoqué un exode massif et une chasse au protestant dans tout le royaume.

Mais ce ne sont pas ces considérations politiques qui préoccupent le roi soleil à cet instant précis : il souffre d'une très désagréable, très incommodante et très douloureuse fistule anale. Le royal sujet est un patient délicat, et l'on se doit de faire preuve d'un minimum de prudence ! On essaye divers onguents, diverses eaux thermales, sans succès. Tout comme le fit jadis Ambroise Paré pour tenter de sauver Henri II, le chirurgien barbier royal Charles-François Félix teste des opérations chirurgicales sur des malades des hospices parisiens. Puis, le 18 novembre au matin, décision est prise d'opérer pour de bon Louis XIV. Dans la chambre même du roi, sous les yeux notamment de Madame de Maintenon (la secrète épouse), et du sieur de Louvois (le puissant ministre de la guerre), Charles-François Félix opère le royal anus[1].

La convalescence est longue, et Félix doit réintervenir plusieurs fois au mois de décembre, et jusqu'en janvier 1687, avant que le roi ne commence à se remettre sérieusement de ces désagréments. La Cour et les parisiens sont très informés, et chacun présente ses voeux de bon rétablissement au roi.


Louis XIV et Madame de Maintenon

Alors que Louis XIV commence à se sentir un peu mieux et peut reprendre quelque activité officielle, il se rend en visite à la Maison royale de Saint-Louis, située à Saint-Cyr[2], à quelques lieues de Versailles. A cette occasion, et pour soutenir la difficile épreuve que traverse le roi, Madame de Brinon, religieuse supérieure et co-fondatrice de l'établissement, a écrit un petit motet que le surintendant de la musique Jean-Baptiste Lully a fort obligemment mis en musique :

Grand Dieu, sauvez le Roi !
Grand Dieu, vengez le Roi !
Vive le Roi !
Qu'à jamais glorieux,
Louis victorieux
Voye ses ennemis
Toujours soumis !
Grand Dieu, sauvez le Roi !
Grand Dieu, vengez le Roi !
Vive le Roi !

God save the Queen

En 1714, alors que Louis XIV règne depuis 71 ans (il mourra l'année suivante), et que ses mésaventures de fistule anale sont une vieille histoire, le compositeur allemand Georg Friedrich Haëndel[3] est en voyage à Paris. Tandis qu'il visite la Maison royale de Saint-Louis, il obtient la permission de recopier l'air et les paroles de la chanson qui fut écrite presque 30 ans plutôt pour soulager Louis XIV dans sa douloureuse épreuve. Rentré en Angleterre, Haëndel traduit les paroles, et offre l'oeuvre au roi Georges Ier en s'en appropriant la paternité :


God save the Queen
(Interprété le Royal Philharmonic Orchestra de Londres)

God save our gracious King,
Long live our noble King,
God save the King !
Send him victorious,
Happy and glorious,
Long to reign over us,
God save the King !

Ainsi apparaît l'hymne britannique, descendant direct de la fistule anale de Louis XIV...


Note : cette anecdote fut livrée notamment dans les « Souvenirs de Madame de Créquy ». Précisons toutefois que tout cela est — bien évidemment — extrêmement controversé en Angleterre, et est à prendre avec des pincettes. Les batailles d'historiens ont semble-t-il fait rage pour prouver l'ineptie ou la vraisemblance de l'affaire (sources à l'appui), tant et si bien qu'il est difficile de discerner le vrai du faux au milieu de la mauvaise foi de l'une et l'autre partie...

Et pour les anglophobes avertis, je recommande chaudement l' « Histoire de l'anglophobie en France », de Jean Guiffan (édition Terre de Brume, joli bouquin, très soigné, avec plein d'illustrations).




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1. Les chroniques rapportent que Louis XIV n'a pas bronché, ce qui paraît bien improbable étant donné le caractère très certainement atrocement douloureux de l'opération...

2. Cette institution avait pour vocation d'éduquer gratuitement environ 3000 jeunes filles de petite aristocratie : Madame de Maintenon s'était beaucoup investie dans sa création, qui était officielle depuis juillet 1686. Les « Demoiselles de Saint-Cyr » cessèrent d'être ainsi formées en 1793, avec la disparition de l'établissement.

3. Auteur notamment du célébrissime Messie (et de son non moins célébrissime Hallelujah), il s'installe en Angleterre en 1712.

finipe, 23h48 :: :: :: [10 critiques dithyrambiques]

18 Octobre 2007 ::

« Le bal des ardents »

:: Histoire médiévale, 1393

Un roi fragile

En cette année 1393, Charles VI de Valois règne réellement sur la France depuis 5 ans : il a dû, au cours des premières années de son règne, faire face à la gloutonnerie et la vénalité de ses oncles, alors régents du royaume, ce qui avait notamment provoqué de graves insurrections, dans lesquelles Rouen et Paris s'étaient distinguées. Depuis 1392, chacun sait pourtant la santé mentale du roi plutôt précaire : en pleine forêt, près du Mans, il avait été pris d'une subite crise de folie furieuse, une démence qui l'avait secoué pendant des heures. Charles VI avait alors tué quatre personnes avant d'être maîtrisé, hurlant d'incompréhensibles imprécations de trahison...


Portrait de Charles VI, peint par
Auguste de Creuse (XIXème siècle)

Le 28 janvier 1393, un bal a lieu à l'Hôtel Saint-Pol, sur les bords de la Seine, à Paris : on y célèbre le mariage d'une des demoiselles d'honneur d'Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI et reine de France. A cette occasion, l'on organise un charivari, sorte de carnaval consistant en un défilé désordonné, pendant lequel on utilise des gamelles et des ustensiles en tout genre pour faire du bruit. Ainsi en est-il donc, comme le veut la coutume : la fête bat son plein, la musique rythme la soirée, quand le roi, accompagné de cinq de ses amis, décide de pimenter le tout en se déguisant en sauvage pour amuser la galerie. Les six comparses s'enduisent de poix et de plumes et se lient avec des chaînes, puis se mêlent à l'assemblée ainsi fardés.


Miniature du XVème siècle

La foule se prête au jeu, et la liesse est complète. C'est alors qu'arrive Louis Ier, duc d'Orléans et frère cadet du roi : intrigué par ce manège, il approche une torche des sauvages pour les reconnaître. Mais la fête tourne au drame, car la torche embrase la poix, très inflammable, dont sont faits les déguisements ! Le roi et ses cinq acolytes, enchaînés, ne parviennent pas à se libérer immédiatement de leurs liens, et la panique gagne l'assemblée : la duchesse de Berry fait cependant preuve de sang-froid en parvenant près du roi, et en éteignant le brasier avec ses jupons. Un des autres comparses réussit in extremis à se jeter dans une cuve d'eau, mais les quatre autres s'enflamment corps et bien, et brûlent comme du bois mort pendant une demi-heure, devant la foule impuissante et horrifiée !

Le royaume à la dérive

Trois jours plus tard, les quatre brûlés vifs meurent après une interminable agonie, et la santé mentale de Charles VI est définitivement brisée. Il laisse le royaume à la régence de ses oncles, qui profiteront de l'occasion pour recommencer à se remplir les poches, tandis que le roi sombrera irrémédiablement dans la démence. Ce règne piteux durera jusqu'en 1422, et verra notamment la terrible défaite d'Azincourt (25 octobre 1415) face aux anglais : en 1420, Charles VI signera le traité de Troyes avec les anglais, déshéritant son propre fils (futur Charles VII) au profit du roi d'Angleterre Henri V. Il faudra une certaine Jeanne d'Arc pour remettre Charles VII sur le trône...

L'Histoire retiendra quant à elle le nom de Charles VI le Fol.

finipe, 01h09 :: :: :: [5 éclaircissements pompeux]

13 Octobre 2007 ::

« Dura lex, sed lex »

:: Les aventures du lion

finipe, 01h19 :: :: :: [3 insultes scandaleuses]

12 Octobre 2007 ::

« L'énergie du désespoir - 4ème partie »

:: Environnement

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Etat des lieux énergétique mondial
2. Géothermie & fission nucléaire
3. Hydraulique, éolien & solaire
4. Biomasse & économies




La biomasse

La biomasse est l'énergie que l'on peut tirer du bois et des divers alcools agricoles. C'est une énergie que l'on peut considérer comme renouvelable, pour peu que l'on replante autant que l'on consomme, puisque dans ce cas, le CO2 dégagé est ensuite refixé par les végétaux replantés. Le bois possède en outre l'avantage non négligeable d'être très facile à stocker. Il faut cependant noter que ce procédé utilise indirectement l'énergie solaire utilisée pour la photosynthèse : ce rendement est extrêmement bas (environ 0,5%), et il faudrait ainsi consacrer à la culture de biocarburants une surface jusqu'à 100 fois plus importante que la surface actuellement consacrée aux cultures alimentaires pour subvenir aux besoins énergétiques de la planète.

Il convient également de souligner que le coût énergétique de production des biocarburants est très important. Pour produire un biocarburant (processus industriel), il faut consommer des énergies fossiles, selon un rendement assez faible. Exemples :

  • 1 hectare de colza produit 1.37 TEP[1] brut. Il faut consommer 0.5 TEP/ha d'énergie, pour produire finalement 0.87 TEP/ha net de biocarburant.

  • 1 hectare de betterave produit 3.98 TEP brut. Il faut consommer 3.2 TEP/ha d'énergie, pour produire finalement 0.76 TEP/ha net de biocarburant.

Ces procédés peuvent en outre avoir des conséquences indirectes très graves : dégagement important de méthane (un autre gaz à effet de serre beaucoup plus dangereux que le CO2), ou utilisation massive d'engrais et de produits phytosanitaires, pouvant entraîner de graves dégradations des ressources en eau. Pour le moment, la biomasse représente un peu moins de 10% de la consommation planétaire (essentiellement dans les zones rurales des pays émergents), et il semble improbable que cette part augmente de façon conséquente dans les années à venir.

Pour toutes ces raisons, et considérant enfin que les besoins alimentaires de la populations vont augmenter (même si les rendements vont s'améliorer grâce à diverses avancées techniques et technologiques), la biomasse ne peut que représenter un complément énergétique, et pas une source d'énergie massive.

Economies

Notre meilleure source d'énergie utilisable est négative : il s'agit des innombrables économies qu'il serait possible de faire, dans divers domaines de la vie courante : éclairage, isolation thermique, consommation automobile, etc.

Si les pays riches ont le devoir de ne pas gaspiller, il est également difficilement possible d'interdire aux pays pauvres et émergents de consommer plus au fur et à mesure de leur croissance : il ne s'agit pas uniquement d'un problème technique. Quand la moyenne de la population mondiale consomme 1 kW, un français en consomme 5, et un américain 11...

Maîtriser la demande énergétique est donc indispensable, mais c'est insuffisant : même dans un scénario de croissance mondiale optimiste (réduction de 50% de la consommation par rapport à un scénario de laisser aller complet), le développement d'énergies n'émettant pas de CO2 est incontournable. Cela passe par la résolution de problèmes très vastes : consommation d'énergie, production d'énergie, transport de l'énergie, stockage de l'énergie, autant d'aspects pour lesquels les solutions ne sont pour le moment que partielles. Pour anticiper l'inévitable fin des combustibles fossiles, il faut donc développer et soutenir ardemment la recherche scientifique et technique, et surtout, en faire profiter les pays émergents, afin qu'ils ne reproduisent pas ce que les pays développés ont fait, sans pour autant les priver de leur propre progrès.

Ce sera dur, mais c'est jouable. Bon courage :)

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1. Tonne Equivalent Pétrole

finipe, 01h36 :: :: :: [1 insulte scandaleuse]

9 Octobre 2007 ::

« Les poisons de la marquise de Brinvilliers - 2ème partie »

:: Histoire moderne, 1676

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. Les poisons de la marquise de Brinvilliers - 1ère partie
2. Les poisons de la marquise de Brinvilliers - 2ème partie



Une longue cavale

Après la mort de Gaudin de Sainte-Croix, la police vient fouiller son domicile, mais le laquais de la marquise, un nommé La Chaussée, vient pour s'opposer à la mise sous scellés des lieux, en prétendant que feu le chevalier de Sainte-Croix lui devait 100 pistoles. On le soupçonne rapidement, et on l'arrête. Entre temps, chez Sainte-Croix, on découvre le curieux coffret scellé : à l'intérieur, on y trouve des lettres d'amour de la marquise, des fioles de décoctions d'arsenic[1], et la fameuse lettre de Sainte-Croix. Acculée, Marie Madeleine tente de soudoyer quelques personnes pour étouffer l'affaire, mais il est trop tard, et, en août 1672, elle s'enfuit vers Londres pour échapper à la justice.

La Chaussée, quant à lui, est torturé, et avoue rapidement sa complicité : plus tard, son domicile est fouillé, et l'on y trouve notamment quantité de poisons. Après un procès rapide, il est exécuté en mars 1673. Cette même justice condamne la marquise par contumace peu de temps après, mais a pourtant à coeur de la punir en chair et en os : c'est ainsi que le roi Louis XIV en personne charge le fameux lieutenant de police Nicolas de la Reynie de retrouver l'empoisonneuse en cavale. Cette poursuite durera près de trois ans : Marie Madeleine se cache tout d'abord à Londres, puis elle quitte l'Angleterre pour gagner les Pays Bas, où elle passe quelques temps à errer au gré des refuges. Elle se terre ensuite en picardie, puis atterrit dans un couvent à Liège.


La Marquise de Brinvilliers
(gravure, XIXème siècle)

C'est en mars 1675 que sa cavale se termine : un rusé officier de police français, déguisé en ecclésiastique amoureux, soustrait la marquise de Brinvilliers à son refuge, et la ramène vers Paris. En chemin, elle tente successivement de soudoyer les gardes, d'en appeler à des amis, et même de se suicider à plusieurs reprises, mais rien n'y fait. Elle est finalement jetée dans une cellule de la Conciergerie.

Le procès & l'exécution

Le procès débute l'année suivante, le 29 avril 1676 : pendant plus d'une vingtaine d'audiences, la marquise de Brinvilliers nie toutes les accusations en bloc. Son avocat tente en vain de la défendre, et elle est finalement condamnée à mort le 16 juillet. C'est alors qu'on désigne un prêtre docteur en médecine, nommé Pirot, pour lui servir de confesseur : Marie Madeleine craque finalement, et, pour obtenir la rémission de ses péchés, avoue tous ses crimes avec une piété confondante ! Pirot, subjugué, avoue qu'il croit avoir en face de lui une « sainte », et qu'il prendrait sa place s'il le pouvait[2]...

Vient ensuite la terrible Question : on la torture, on la tiraille, on la maltraite, on lui fait avaler de force des dizaines de litres d'eau... Elle endure toutes ces épreuves avec un stoïcisme désarmant. Puis, elle est conduite à l'échafaud, vêtue de la simple robe des condamnés : sur le parvis de Notre-Dame, elle fait acte de contrition, et subjugue le peuple amassé là pour se délecter du spectacle de l'exécution. Le bourreau, prévenant, dissimule à la vue de la marquise l'arme qui va lui ôter la vie, et s'applique tout particulièrement : la tête de Marie Madeleine, marquise de Brinvilliers, roule au sol en seul coup[3]. Son corps est enfin brûlé, puis ses restes jetés dans la Seine.


La marquise subissant la Question, puis faisant
acte de contrition sur le parvis de Notre Dame

Plus tard, à partir des faits établis et des aveux de la marquise, le lieutenant La Reynie établira l'existence de tout un réseau criminel, pratiquant empoisonnements, maléfices, avortements et rites hérétiques en tout genre : cette « Affaire des poisons », ainsi qu'on la nommera, secouera Paris jusqu'en 1680, en impliquant de très hauts personnages de l'Etat, et en particulier la Marquise de Montespan, maîtresse de Louis XIV.


Note : un chapitre des « Crimes célèbres » d'Alexandre Dumas est consacré à la marquise de Brinvilliers. Je ne peux que suggérer de le lire, le bougre fait un bien meilleur narrateur que moi ! Madame de Sévigné a également consacré tout un récit sur les détails de cette sordide histoire.

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1. Breuvage qu'on surnommait fort complaisamment « poudre de succession ».

2. Edmond Pirot fut tellement subjugué qu'il fit le récit en deux volumes des derniers jours de la marquise de Brinvilliers...

3. Gageons donc que ce bourreau n'était pas de la même trempe que celui qui exécuta — massacra, devrais-je dire — le comte de Chalais, 50 ans auparavant.

finipe, 00h07 :: :: :: [4 jubilations]

5 Octobre 2007 ::

« Les poisons de la marquise de Brinvilliers - 1ère partie »

:: Histoire moderne, 1672

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. Les poisons de la marquise de Brinvilliers - 1ère partie
2. Les poisons de la marquise de Brinvilliers - 2ème partie



Du vice au meurtre

Marie Madeleine d'Aubray naît le 2 juillet 1630. Sa mère meurt peu de temps après, et Marie Madeleine manifeste très tôt des signes d'instabilité : elle affirmera plus tard s'être livrée à ses frères dans divers actes incestueux, et avoir été rongée par le vice dès l'âge de 5 ans... En 1643, son père, Antoine Dreux d'Aubray, est nommé lieutenant civil et conseiller d'Etat, et part avec sa famille s'installer à Paris, où il jouit d'un bonne réputation[1]. En 1648, la Fronde coupe la capitale en deux : le peuple et le parlement de Paris d'un côté, et Anne d'Autriche, Mazarin et le jeune Louis XIV de l'autre. Marie Madeleine est alors âgée de 18 ans : tout le monde s'accorde à trouver dans ses grands yeux bleus le charme, l'élégance, et la grâce.

Trois ans plus tard, son père arrange un mariage avec un certain Antoine Gobelin, marquis de Brinvilliers, officier au régiment de Normandie. Mais le mari, de noblesse récente, est un débauché notoire : il voue une passion dévorante au jeu, pour lequel il s'endette lourdement, et se montre de surcroît d'une étonnante permissivité avec sa femme. C'est ainsi que la désormais marquise de Brinvilliers fait connaissance de Gaudin de Sainte-Croix, un officier de cavalerie que lui présente son propre mari. Très rapidement, Sainte-Croix et la marquise deviennent amants : celui-ci, en plus de son caractère aventurier, a été initié à l'alchimie par un chimiste suisse du nom de Christophe Glaser[2].

Mais Antoine d'Aubray, navré de constater le comportement de sa fille, fait enfermer Sainte-Croix à la Bastille. Pendant ce temps, le marquis de Brinvilliers s'est enfui en Angleterre pour éviter ses créanciers... En cellule, Sainte-Croix ne perd pas son temps et noue une amitié avec un alchimiste italien nommé Exili, condamné pour plusieurs empoisonnements. L'italien enseigne quelques uns de ses secrets à Sainte-Croix, qui finit par sortir de prison au bout de deux mois : il s'empresse de retrouver sa belle maîtresse et de lui enseigner ce qu'il a appris en prison.

La spirale des empoisonnements

La marquise de Brinvilliers conçoit une haine farouche envers son père, furieuse qu'il ait fait enfermer son amant. Elle commence donc par exercer ses récents talents d'empoisonneuse sur des malades et des indigents, auprès desquels elle fait oeuvre de charité dans les hôpitaux de la ville. Elle note avec soin et méthode les effets des poisons, les durées, les symptômes...

Ayant affûté son savoir, et voyant que nul ne s'aperçoit de ses méfaits, elle passe aux choses sérieuses : elle empoisonne son propre père, à plus d'une trentaine de reprises, pendant plusieurs mois, elle-même ou par laquais interposé. Antoine Dreux d'Aubray souffre d'atroces maux de ventres, de vomissements affreux : il prie sa fille de venir à son chevet pour le soigner, et elle vient en effet, pour parfaire son crime. Son père meurt finalement le 10 septembre 1666, après une interminable et épouvantable agonie.


Marie Madeleine, marquise de Brinvilliers, empoisonnant son propre père
(Illustration de John Leech - XIXème siècle)

Cependant, l'héritage paternel si terriblement acquis fond comme neige au soleil, et ce sont bientôt ses deux frères qu'elle empoisonne pour continuer à assurer son train de vie : l'un meurt en avril 1670, et l'autre en juin de la même année. Elle tente ensuite d'empoisonner sa soeur, mais elle échoue. Marie Madeleine tente même d'empoisonner sa propre fille, qu'elle trouve tout simplement « idiote », selon ses propres mots...

Elle continue sans relâche, et essaye ensuite d'empoisonner son mari, qui décidément est un gêneur : il l'empêche de filer le parfait amour avec son amant Sainte-Croix. Mais l'amant ne semble pas aussi désireux que la maîtresse de convoler, et il fournit un antidote au mari avant qu'il soit trop tard. Gaudin de Sainte-Croix se méfie d'ailleurs désormais de la folie meurtrière de sa maîtresse, et prépare donc une cassette dans laquelle il enferme plusieurs preuves accablantes, ainsi qu'une lettre :

Je supplie humblement ceux ou celles entre les mains de qui tombe cette cassette de me faire la grâce de vouloir la rendre entre mains propres à Mme la marquise de Brinvilliers, demeurant rue Neuve Saint Paul, attendu que tout ce qu'elle contient la regarde et appartient à elle seule, et que, d'ailleurs, il n'y a rien d'aucune utilité à personne au monde, son intérêt à part ; et, en cas qu'elle fût plus tôt morte que moi, de la brûler, et tout ce qu'il y a dedans, sans rien ouvrir.

(Extrait de la correspondance de Madame de Sévigné)

Et justement, Gaudin de Sainte-Croix meurt avant la marquise de Brinvilliers, en 1672 : il est victime d'une de ses propres expériences, dans son laboratoire...

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1. Le cardinal de Retz l'évoque dans ses Mémoires

2. Il deviendra l'apothicaire du roi en 1660

finipe, 01h19 :: :: :: [9 divagations]

1er Octobre 2007 ::

« Un espion dans les toilettes de l'URSS »

:: Histoire contemporaine, 1981

Après les histoires de Mata Hari et d'Amy Elizabeth Thorpe, voici de nouvelles anecdotes d'espionnage, des plus savoureuses s'il en est...



A la fin de l'année 1979, la situation politique internationale est plutôt tendue. Pourtant, la guerre froide s'était quelque peu calmée peu de temps auparavant, et les relations entre l'est et l'ouest étaient devenues plus cordiales : le 18 juin, Jimmy Carter et Leonid Brejnev, présidents des Etats Unis et de l'URSS, avaient même signé le traité SALT II[1], visant à poursuivre le désarmement nucléaire. Mais le 24 décembre, l'armée soviétique envahit l'Afghanistan pour essayer de sauver le pouvoir communiste en place, provoquant la colère des pays occidentaux. SALT II n'est pas ratifié, et les relations entre américains et russes se détériorent à nouveau. Dans le même temps, Deng Xiaoping, habile réformateur de la Chine, s'éloigne progressivement de l'URSS et se rapproche des Etats-Unis.

C'est dans ce contexte qu'il convient de faire connaissance avec le comte Alexandre de Marenches. Cet officier français du contre espionnage, de noblesse ancienne, né en 1921, est déjà un homme d'expérience : combattant en Afrique du Nord dès 1942, en Italie en 1943 sous les ordres du général Juin, puis officier de liaison entre de Gaulle et Eisenhower, il est depuis 1970 le chef du SDECE[2], nommé à ce poste par feu le président Georges Pompidou. Farouche anticommuniste, il côtoie les plus grands dirigeants du monde et se trouve dans la confidence de nombreux secrets d'Etat.

En 1979, l'affaire des otages américains à Téhéran secoue les Etats Unis : 63 personnes sont retenues par des étudiants islamiques dans l'ambassade américaine de la capitale iranienne, alors que l'Ayatollah Khomeini est au pouvoir depuis quelques mois seulement. Les américains sollicitent le conseil d'Alexandre de Marenches, qui suggère purement et simplement de kidnapper Khomeini pour l'échanger contre les otages ! Il déclare ainsi : « Quand on négocie avec des marchands de tapis, on a besoin de quelque chose à échanger ». Après des semaines de reconnaissance, les hommes de Marenches mettent sur pied un plan détaillé, consistant à atterrir en hélicoptère près de la résidence de l'Ayatollah, neutraliser ses gardes, et filer en douce. Bien que la CIA semble apprécier l'idée, Jimmy Carter la refuse : « On ne peut pas faire ça à un vieux prêtre », déclare-t-il...

Marenches s'entend mieux avec Ronald Reagan, arrivé au pouvoir en 1981. « Pas un intellectuel, mais un type bien » dira-t-il de l'ancien acteur devenu président des Etats-Unis... Toujours soucieux de nuire aux soviétiques qui s'embourbent en Afghanistan, Marenches propose l'Operation Mosquito aux américains, ainsi nommée car, selon le rusé français, « un simple moustique peut rendre un ours dingue ». Il s'agit de passer en Afghanistan diverses marchandises en contrebande, à destination de l'armée soviétique : drogues, alcool, et littérature séditieuse notamment. La CIA et Reagan approuvent l'idée, et demandent à Marenches de s'en charger. Celui-ci demande au directeur de la CIA, William Casey : « Peux-tu me garantir qu'il n'y aura aucune fuite et que ma photo ne se retrouvera pas à la une du Washington Post ? », et Casey de répondre : « Non, Alex, je ne peux pas ». Marenches refuse donc de se charger de la mission.

En 1981, comme de nombreux pays occidentaux, la France est curieuse de connaître l'état de santé exact de Leonid Brejnev. Profitant d'une visite d'état du président russe au Danemark, Alexandre de Marenches met sur pied un plan des plus farfelus : à l'hôtel d'Angleterre, à Copenhague, ses hommes louent la suite située juste en dessous de la chambre de Brejnev, et démontent la plomberie. Ils récupèrent ainsi toutes les matières fécales du vieux soviet, et les envoient à Paris pour des analyses ! Les résultats sont d'ailleurs conformes aux soupçons : Brejnev, grand amateur de vodka, souffre de graves dommages au foie[3].

Le comte Alexandre de Marenches, quant à lui, démissionne de son poste en juin 1981, refusant de servir le nouveau président socialiste français, François Mitterrand. Il meurt en 1995 d'un infarctus[4].


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1. Strategic Arms Limitation Talks

2. Service de Documentation Extérieure et de Contre Espionnage — Ce service sera remplacé en 1982 par la DGSE.

3. Leonid Brejnev meurt d'ailleurs l'année suivante, le 10 novembre 1982.

4. Pour en savoir plus sur Alexandre de Marenches, lire « Dans le secret des princes », un ouvrage recueillant ses mémoires, sous forme d'un entretien avec Christine Ockrent. James Bond n'a qu'à bien se tenir !

finipe, 00h14 :: :: :: [3 éclaircissements pompeux]