Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

J'en ai
vraiment
rat le cul...
Hips !
Burp...
Parfois, l'on répand inévitablement l'art. Ainsi, la justice s'enfuit, se précipitant vers l'au-delà des sens
Sacrote ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

6 Avril 2007 ::

« La sépulture du Mont Cornillet »

:: Histoire contemporaine, 1917

Le massif de Moronvilliers

Vers le fin mars 1917 : le général Nivelle lance la grande offensive du Chemin des Dames[1], que les allemands avaient occupé après qu'ils aient été repoussés par les français lors de la bataille de la Marne en 1914. C'est dans ce cadre global que sont lancées des offensives en Champagne, notamment sur le massif de Moronvilliers, situé au nord de Mourmelon et Châlons-en-Champagne. Ce massif est un point stratégique, constitué de sept monts surplombant le paysage, parsemés d'innombrables redoutes, tranchées et boyaux allemands : le mont Haut, le mont Blond, le mont Perthois, le mont Sans Nom, le mont Téton, le mont Casque, et le mont Cornillet qui culmine à 209 mètres. Après un mois de batailles inhumaines, ayant entraîné de graves mutineries dans les rangs français, le massif du Moronvilliers reste encore majoritairement aux mains des allemands, qui résistent vaillamment, terrés dans des retranchements inexpugnables. Seuls les monts Blonds, Casque et Sans Nom ont été conquis de haute lutte, grâce en particulier au 1er régiment de Zouaves marocains.

Au début du mois de mai, les combats se poursuivent, et le mont Perthois est enlevé à son tour. Les français s'organisent plus efficacement sur les positions prises, et repoussent plusieurs contre-offensives allemandes, notamment sur le mont Casque. Puis, le 15 mai, en raison de l'échec désastreux, des mutineries incessantes et des pertes innombrables[2], le général Nivelle est déchu de son commandement au profit du général Pétain : celui-ci commence par mater les rébellions, en faisant juger et condamner plus de 3000 poilus, dont 50 seront fusillés.


Le tombeau allemand

Après cela, les combats reprennent de plus belle pour enlever à tout prix le Mont Cornillet, qui résiste désespérément : du 18 au 20 mai, un déluge d'obus français tombe sur les positions allemandes (dont des obus à gaz), qui retournent tellement le paysage que les galeries allemandes sont sérieusement endommagées. Les allemands, intoxiqués par les gaz, ne peuvent travailler à la remise en état des tunnels.

Dans le matin du 20 mai, un obus de 400mm tiré depuis Mourmelon tombe directement dans une cheminée d'aération des galeries allemandes : un pan entier s'effondre, emportant avec lui 600 hommes qui s'y trouvaient... L'après-midi, l'assaut est lancé par les français, qui, malgré les tirs de barrage allemands et les mitrailleuses, dépassent rapidement les entrées des tunnels, sans apercevoir le moindre signe de vie à l'intérieur, aucune troupe n'a contre-attaqué : les 600 soldats allemands sont ensevelis et oubliés de tous.

Finalement, la bataille pour les monts de Champagne durera jusqu'en juillet, après de multiples contre-offensives allemandes meurtrières, et verra la victoire des français : les allemands la surnommeront « la bataille des géants ».


Les monts de Champagne, autrefois verdoyants,
transformés en landes désertiques après les bombardements

La découverte du tombeau

En juin 1973, 56 ans après ces événements, des ouvriers de Châlons-sur-Marne découvrent une bouche d'aération du tunnel du Mont Cornillet : ils y pénètrent tant bien que mal et y découvrent pêle-mêle des ossements, des armes, du matériel, des débris et rochers. Ils alertent les autorités, et rapidement le gouvernement allemand envoie des hommes pour entamer des fouilles. Les soldats allemands qui étaient ensevelis là depuis mai 1917 étaient tous de jeunes recrues, âgés de 19 ans maximum : ils n'avaient pas encore l'expérience de la guerre lorsqu'un seul obus les extermina tous. Sur eux, on trouve des portefeuilles, des lettres qu'ils n'avaient pas pu envoyer à leurs familles, tout cela mêlé dans un indescriptible fatras d'ossements entassés et de squelettes non identifiables...

Après d'intenses recherches en partenariat avec les autorités françaises, et l'utilisation de bulldozer, excavatrices et autres pelleteuses, 321 corps sont finalement sortis du tunnel du Mont Cornillet. Une cérémonie est faite par les autorités françaises et allemandes en leur mémoire, et les corps sont finalement inhumés dans le cimetière militaire allemand de Warmeriville (département de la Marne).

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1. Le Chemin des Dames fut ainsi nommé en raison de Adélaïde et Victoire de France, filles de Louis XV, qui empruntaient régulièrement cette route — empierrée pour l'occasion — pour se rendre de Paris au château de La Bove, dans l'actuel département de l'Aisne.

2. Certains estiment que l'offensive du Chemin des Dames aurait fait en tout près de 180.000 morts parmi les rangs français...

finipe, 01h32 :: :: :: [15 remarques spirituelles]