Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
Ah
bon ?
Parfois, l'Humanité décroche inévitablement l'intelligence. C'est ainsi que la perfidie s'oublie en évitant les cieux des sens
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

9 Avril 2007 ::

« L'appel du printemps »

:: Nombril

Contrairement à l'un des poncifs masculins les plus incontournables qui veut que le mâle aime au-delà de tout et tous sa voiture, dont il prend un soin maniaque et presque pervers, s'il y a bien une chose dont je me fous éperdument, c'est ma propre automobile. Qu'il pleuve, vente, neige, gèle, que je roule dans la boue ou la poussière, que je parcoure un seul ou mille kilomètres, l'état extérieur de mon véhicule me préoccupe à peu près autant que les problèmes d'hémorroïdes de mon boucher-charcutier.

Le résultat de ceci est très simple : ma voiture est une sorte d'étable ambulante, recouverte de poussière, de boue, et d'une palette multicolore et chatoyante de matières fécales variées provenant des hordes intestinales ailées. Cerise sur le cageot, le capot est affublé de façon quasi indélébile de la mention "SALE", inscrite en grasses lettres par ma propre soeur il y a de cela au moins un an, après que j'eus baptisé son propre véhicule de la même façon. Un an, donc, que je conduis un véhicule dégueulasse portant cette mention, au travail, chez le garagiste, à la vue de tous, sans vergogne aucune. Et pour cause, je m'en fous.

L'intérieur de ladite charrette n'est d'ailleurs pas des plus reluisants : il est couvert d'une couche de poussière qui ferait palir d'envie le plus chevronné des égyptologues, constellé de miettes de pain (reliques de repas antiques), parsemé de suffisamment de traces de boue, de terre, de sable et de gravillons pour alimenter un petit chantier de construction, et saupoudré çà et là de mouchoirs usagers, de bouteilles d'eau croupie depuis des lustres et à moitié vides, et de divers détritus dont l'état de décomposition ne permet plus l'identification précise. Mais comme j'ai déjà pu vous le signifier précédemment, je m'en fous.

Que l'on n'aille cependant pas croire que le triste portrait que je viens de brosser résume également l'état technique de ma voiture, et que par conséquent, me croiser sur les routes de France et de Navarre représente un danger mortel pour tout conducteur normalement constitué. Que nenni, chers amis lecteurs (merci à vous deux) : mon véhicule, bien que miteux en apparence, est en parfait état technique. Il avale les lieues avec sécurité et propreté, que mon assureur se tranquillise.

Mais ce week-end, j'ai fait une folie. Je ne sais pas pourquoi, ce fut comme une sorte de pulsion primale insensée qui ne demandait qu'à s'extirper de ma nature de mâle viril : le printemps étant arrivé, le rut s'est fait incontrôlable, et j'ai ressenti ce besoin du fond des âges d'attirer les femelles pour m'accoupler et faire perdurer l'espèce. Pour ce faire, il me fallait me parer de mes plus beaux atours, tel l'oiseau coloré au chant harmonieux qui rivalise de beauté et de grâce face à ses congénères, luttant dans l'implacable cadre des lois darwiniennes : je me suis donc mis à laver ma voiture pour attirer les femelles.

J'ai passé l'aspirateur, dépoussiéré le tableau de bord et les plastiques de carénage, ôté les mouchoirs sales et les bouteilles croupies du sol, jeté les protège-tapis troués, nettoyé les miettes de pain, astiqué les vitres et les rétroviseurs, et mille autres soins maniaques qui, en une heure environ, ont transformé l'intérieur cauchemardesque de ma voiture en une vitrine idéale du magazine Auto-Moto, pour nous les hommes qu'on aime les bagnoles, meuh ouais. Puis, une fois rendu là, j'ai contemplé avec délectation et fierté la moitié du travail accompli : un intérieur somptueux, mais un extérieur toujours aussi lamentable. Lassé par toute cette testostérone dispendieusement utilisée, j'ai cessé là mes tentatives de séduire la gente féminine par le truchement de mon véhicule, et j'ai laissé l'extérieur en l'état, toujours aussi "SALE".

Maintenant, je n'ai plus qu'à essayer d'emballer les filles avec le vieux truc de la "beauté intérieure".

finipe, 02h36 :: :: :: [7 poignants panégyriques]