Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Faut pas se
mettre la rate
au court-bouillon
Dans tes
rêves
Malheureusement, l'esprit ignore atrocement son destin, tant et si bien que la mort s'évade en évitant le futur de l'imagination
Jean-Sol Partre ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

1er Mai 2007 ::

« Paul Deschanel, un président tombé du train »

:: Histoire contemporaine, 1920

Depuis le 18 février de cette année 1920, le président de la république française se nomme Paul Deschanel. Elu à l'âge de 65 ans et prenant la succession du très populaire héros de guerre Raymond Poincaré, cet homme a déjà derrière lui un long passé de sous-préfet, député de l'Eure-et-Loir ou encore président de la Chambre des députés. Il est en outre reconnu comme un homme de lettres intelligent et cultivé, et est d'ailleurs membre de l'Académie Française depuis 1899 : ses discours sont toujours remarquables, et son éloquence est fameuse ! Mais la charge et les responsabilités qui pèsent sur ses épaules semblent affecter l'homme de façon assez inquiétante : le président Deschanel est sujet a des crises d'angoisse, des insomnies, et consomme beaucoup de médicaments...


Paul Deschanel, 11ème président
de la République française

Le 23 mai, Paul Deschanel se trouve dans un train à destination de Montbrison (département de la Loire), ville où il doit prononcer un discours et inaugurer un buste à la mémoire d'Emile Reymond, sénateur et pionnier de l'aviation, mort dans les tous premiers mois de la guerre 14-18. Peu après 23 heures, le train se trouve non loin de Mignerette, un petit village du Loiret. La chaleur est étouffante, et le président Deschanel est pris de malaise, il se sent oppressé et anxieux : il ouvre la fenêtre de son compartiment pour respirer un peu d'air frais, mais, perturbé par sa sensibilité aux médicaments et entraîné par le système d'ouverture de la fenêtre, il bascule hors du train et tombe !


Le wagon duquel Paul Deschanel est tombé

Fort heureusement pour lui, le train roulait lentement à cet endroit précis : vêtu d'un simple pyjama, le corps couvert d'égratignures, Paul Deschanel ne tarde pas à croiser André Rateau, un ouvrier qui surveille un chantier situé non loin du lieu de la chute. Le président lui dit alors : « Mon ami, cela va vous étonner, mais je suis le président de la République ». André Rateau, incrédule et persuadé d'avoir affaire à un ivrogne, le conduit cependant chez le garde-barrière le plus proche, Gustave Dariot. Ce dernier soigne comme il peut le président Deschanel, et, constatant sa relative lucidité et la dignité de son maintien, il court prévenir la gendarmerie[1].

A 7 heures du matin, à Montargis, le ministre de l'intérieur et toute la délégation qui devait recevoir Paul Deschanel en sont pour leurs frais, et sont informés de l'infortune du président de la République... La mésaventure ne tarde pas à se savoir, et les journaux s'en donnent à coeur joie : des dizaines de caricatures cruelles tournent le président en ridicule, et les chansons satiriques fleurissent un peu partout.

Finalement, après d'autres déboires parfois embarrassants (somnambulisme, surmenage, fatigue extrême), Paul Deschanel fait preuve de lucidité et démissionne de sa fonction de président de la République, le 21 septembre 1920, quelques mois seulement après son accession au pouvoir.


A gauche : l'endroit où le président Deschanel est tombé du train
A droite : la voiture ramenant le président Deschanel, depuis la sous préfecture de Montargis

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1. La femme de Dariot aurait prétendu plus tard devant les journalistes avoir reconnu que le malheureux était un grand monsieur, car il avait les pieds propres !

finipe, 00h03 :: :: :: [12 interventions abstruses]