Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Je ronge mon
frein, ça fait
mal
Eh
ouais
De temps en temps, l'on dévore inévitablement son destin, tant et si bien que la perfidie s'enfuit en rampant depuis le secret de l'imagination
Confunius ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

12 Mai 2007 ::

« Ludwig Boltzmann contre Jean-Michel Dieu »

:: En vrac

Après avoir visionné un reportage ô combien consternant sur la guéguerre menée par le mouvement créationniste aux Etats-Unis, j'ai pu constater combien les méthodes que ces derniers emploient sont étrangement éloignées d'une hypothétique foi simple et sincère (que je n'ai nullement, mais que j'admire — et peut-être même que j'envie — chez ceux qui la possèdent). La foi se définit paraît-il comme ce à quoi l'on croit sans preuve, or les créationnistes ont un étrange goût pour les "sciences", ou du moins quelque chose qui s'y apparente au sens généralement accepté du terme. Ils ressentent le besoin d'user des armes de l'adversaire pour prouver qu'ils ont raison, et diffuser leur message, afin que de plus en plus de gens croient aussi que ce sont eux qui ont raison, et que la théorie de l'Evolution est une fumisterie païenne.

L'Histoire nous apprend que notre regard sur le monde est conditionné par la connaissance que l'on en a : les grecs de l'Antiquité pensaient que la Terre était une galette, puis Galilée a détrôné le géocentrisme, puis Darwin a fait de l'Homme un simple maillon dans la chaîne de l'Evolution... La science, au contraire de la religion, ne place pas l'Homme au centre du monde : l'Homme, au regard du scientifique, est tout seul, paumé sur sa planète pourrie, perdue au beau milieu d'une immense, gigantesque et démesurée galaxie, elle-même noyée dans un univers incommensurable. Bref, l'Homme n'est qu'une chiure d'insecte inepte, ce qui fâche très fort les créationnistes et leur volonté de toute puissance.

Tout ça m'a rappelé des souvenirs de lectures diverses et variées ainsi que des cours de thermodynamique, pendant lesquels on avait l'étrange et délicieuse sensation de toucher à plus qu'à de la simple physique. Je me rappelle notamment de conversations endiablées sur le second principe de la thermodynamique, l'entropie. A peu de choses près (que les physiciens dans la salle — j'en pressens au moins deux — lèvent le doigt et me corrigent si je dis une connerie), l'entropie se manifeste par l'irréversibilité d'un comportement : cette irréversibilité est le résultat de la très, très, très haute improbabilité que le scénario inverse de ce comportement se produise, compte tenu des milliards de milliards de scénarios possibles pour aboutir à l'état final équilibré de ce comportement.

Du point de vue des particules élémentaires, un comportement peut être réversible, mais de notre point de vue, il y a trop de scénarios entre les diverses particules combinées pour que le comportement soit réversible dans son entier. Si on casse une assiette, c'est irréversible : il y a peut-être un scénario ou deux dans lequel l'assiette se reforme à l'identique, mais cette probabilité est si faible qu'on a plus de chance de gagner trois fois par jour au loto chaque jour de sa vie, plutôt que de voir l'assiette se reformer.

A l'issue de tout cela, le gentil professeur parlait d'entropie de l'univers, de la vie qui — pour un temps — échappe à l'entropie, de création de l'univers, de l'inéluctable délitement de toute chose, de l'entropie des trous noirs, de la courbure de l'espace temps, de la nature même du temps... C'était vraiment puissamment, foncièrement et profondément jouissif : sans hésiter, ça valait toutes les messes du monde.

La science, donc, enseigne l'humilité. Elle se pose elle aussi des questions auxquelles on ne peut pas (encore ?) répondre, elle admet certains postulats, certains concepts invérifiables afin de poursuivre sa quête : le temps, par exemple, n'est pas concevable, puisque nous ne pouvons concevoir que des durées, et pas du temps à proprement parler. Etonnante convergence avec la religion : voilà pourquoi celle-ci devrait plutôt considérer la science comme une alliée précieuse, et non une vilaine débaucheuse de fidèles (même si, sait-on jamais, l'Evolution est peut-être une fumisterie païenne, et qu'en fin de compte Jean-Michel Dieu existe bel et bien et possède un trois-pièces-cuisine au milieu de Proxima du Centaure).

Car enfin, grâce à la science, pas besoin de messe, pas besoin de livre saint, pas besoin de dogme : on a sa dose de mysticisme au quotidien !

finipe, 16h15 :: :: :: [6 lettres de suicide]