Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Comme disait Joffre, je les grignote !
C'est pas faux
Tant bien que mal, la Femme répand affreusement la religion. Ainsi, le temps s'enfuit en atteignant l'enfer des sens
Thal l'errant ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

26 Juillet 2007 ::

« L'énergie du désespoir - 2ème partie »

:: Environnement

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Etat des lieux énergétique mondial
2. Géothermie & fission nucléaire
3. Hydraulique, éolien & solaire
4. Biomasse & économies




Après avoir dressé un petit état des lieux mondial des ressources et des besoins actuels et futurs en énergie, voyons un peu quelles sont les alternatives aux énergies fossiles majoritairement utilisées.



La géothermie

Ce procédé exploite la chaleur stockée par le sol et la roche, issue essentiellement de la désintégration naturelle de l'uranium et du thorium contenus dans la terre. Cette énergie représente environ 0.06 W/m2, ce qui correspond au double de la consommation mondiale actuelle : malheureusement, il est difficile d'exploiter ce potentiel, les quantités de chaleur étant très diffuses.

Il convient de préciser que la géothermie n'est pas une énergie renouvelable : actuellement, un gisement de chaleur exploitable peut fournir de l'énergie pendant environ 30 ans, puis il s'épuise. Une fois que la chaleur stockée par le sol est utilisée, elle ne se renouvelle pas. Toutefois, un épuisement total de cette énergie n'est pas à échelle humaine, et la géothermie est donc durable, à défaut d'être renouvelable.


Centrale géothermique en Islande

L'exploitation de la géothermie nécessite également une géologie particulière, ou des roches suffisamment fracturées et fissurées pour permettre à l'eau chaude de circuler. Hormis dans certains pays à l'activité géothermique très spécifique (l'Islande en particulier, l'Indonésie, la Nouvelle-Zélande ou l'Italie), ce type de ressource n'est pas suceptible de fournir une production massive d'énergie. Actuellement, la géothermie représente 0.3% de la production mondiale d'électricité et de chauffage, et ce sans aucune production de CO2.

La fission nucléaire

Le nucléaire représente aujourd'hui 6% de la production d'énergie primaire dans le monde, et est donc probablement appelé à se développer durant les 50 prochaines années, même si certains pays semblent réservés quant à son utilisation (Allemagne ou Italie par exemple). Quoiqu'il en soit, les réacteurs nucléaires civils se multiplient un peu partout dans le monde, Chine et Inde commandent déjà de nombreuses centrales, et d'autres comme le Japon et les Etats-Unis augmentent leur production nucléaire. Le nucléaire présente plusieurs intérêts immédiats et/ou majeurs face à la surconsommation d'énergies fossiles :

  • Il ne produit pas de CO2 : en France, pour 1000 watts d'électricité produits, la technologie de fission de l'uranium émet 1 gramme de CO2, alors que le gaz en produit 1 tonne, soit un million de fois plus.

  • Il demande une très faible quantité de combustible : au niveau moléculaire, la réaction chimique de combustion du méthane produit 8.37 électron-Volt (eV), alors que la fission d'un atome d'uranium produit 200 millions d'eV. Dès lors, les quantités de matières premières nécessaires sont très faibles par rapport aux énergies fossiles. Ceci présente en outre un important intérêt stratégique de stockage, de gestion...

  • Il dispose de grandes ressources en matières premières : selon les estimations, il est établi que nous disposons d'environ 250 à 400 ans de réserves d'uranium.

Le nucléaire possède en revanche des inconvénients indéniables :

  • Gestion des ressources : l'uranium, par sa rareté, devient un enjeu économique, politique et stratégique majeur.

  • Gestion des déchets radioactifs : certains déchets radioactifs, le plutonium en particulier, ont une durée de vie extrêmement longue, et engagent les générations futures. Nous verrons toutefois que ce plutonium pourrait être valorisé à l'avenir.

  • Gestion de la sûreté et de la sécurité des installations : l'énergie atomique fait peur, en particulier si elle est entre les mains de certains pays.

  • Prolifération non contrôlée : le besoin urgent et massif d'énergie pourrait entraîner un développement irrationnel des centrales nucléaires.

Voyons un peu quel est l'état actuel des connaissances et techniques en matières de centrales nucléaires : elles utilisent comme combustible, pour le moment, l'Uranium 235 (235U), présent à seulement 0.7% dans le minerai d'uranium naturel. Le rendement des centrales n'est en outre que de 33% : en effet, pour produire de l'électricité, nous ne savons pas faire autrement que de produire de la chaleur, puis transformer cette chaleur en électricité, d'où une déperdition très importante d'énergie lors de la conversion.


Centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire)

Il existe cependant de nombreuses recherches visant à améliorer le fonctionnement des centrales actuelles, en utilisant la surgénération, un procédé devant équiper les centrales de 4ème génération[1] :

  • Meilleur rendement : la quasi totalité du minerai pourrait être utilisée, plus seulement les 0.7% d' 235U actuels. C'est donc plus de 10000 ans de production d'énergie qui sont assurés ainsi.

  • Valorisation du plutonium : si le nucléaire actuel est arrêté, alors le plutonium restera à l'état de déchet très encombrant, pour plusieurs générations à venir. En revanche, la surgénération permet de réutiliser ce plutonium pour en faire un élément précieux de la réaction de surgénération.

  • Moins de déchets : avec les avancées technologiques, il serait même possible d'améliorer encore le processus et d'utiliser d'autres matériaux, en particulier le thorium. Ces technologies recyclent tous les matériaux lourds, limitent drastiquement la production et le stockage de déchets radioactifs ultimes.

Quels que soient les avantages du nucléaire, il présente un inconvénient qui n'a pas aujourd'hui de contre mesure : en effet, il ne permet pas de répondre à une demande d'énergie immédiate ou de pointe, sa mise en route est longue et ne peut répondre à tous les types de demandes énergétiques. Le "tout nucléaire" n'est donc pas envisageable, quoiqu'il arrive.

_________________________________
1. L'EPR, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, est la 3ème génération de réacteur (meilleur rendement, moins de déchets). La 4ème génération correspond aux recherches qui avaient été entreprises avec le réacteur Superphénix, qui a été stoppé en 1997 par le gouvernement Jospin sous la pression de l'opinion, bien que la Cour des Comptes avait estimé que l'arrêt de Superphénix serait plus coûteux que la poursuite de son activité. En outre, la France a pris au moins plusieurs décennies de retard dans les recherches sur ce type de réacteur.

Enfin, il existe le projet ITER, actuellement en cours de développement, qui exploite les technologies de la fusion de l'atome (avec de l'eau de mer comme combustible !), mais dont l'exploitation industrielle ne pourra vraisemblablement pas voir le jour avant 2050. Son exploitation ne produira plus que des déchets radioactifs à très courte vie, et ne risquera pas de provoquer des accidents de type fuite d'éléments radioactifs.

finipe, 02h29 :: :: :: [2 éclaircissements pompeux]

24 Juillet 2007 ::

« L'énergie du désespoir - 1ère partie »

:: Environnement

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Etat des lieux énergétique mondial
2. Géothermie & fission nucléaire
3. Hydraulique, éolien & solaire
4. Biomasse & économies



On parle beaucoup de consommation d'énergie, de réchauffement de la planète, de rejet de CO2 ou encore de combustibles fossiles. Mais tout cela finit par être très flou, tant les discours se succèdent sans que l'on voie d'actes réellement tangibles : après tout, nous prenons toujours aussi souvent notre voiture, nous gaspillons le chauffage en vivant dans des maisons très mal isolées, ou mille autres exemples qui montrent à quel point nous — les pays dits "développés" — nous goinfrons de joules à longueur de temps, tandis que les autres n'aspirent qu'à se goinfrer autant que nous. Ce qui est légitime après tout.

Je me propose donc bien modestement de dresser ici une petite liste des perspectives énergétiques qui s'offrent à nous d'ici les 50 prochaines années, afin de trier un peu ce qui est ou n'est pas raisonnable, ce qui est ou n'est pas réalisable. Si je parviens à réveiller quelques endormis qui aiment à chauffer leur appartement à 25°C l'hiver ou qui vont acheter leur pain en voiture alors que la boulangerie est au coin de la rue, alors je n'aurai pas tout à fait perdu mon temps ! D'ailleurs, ça me fera du bien à moi aussi : l'être humain étant par nature une sale feignasse, la voiture et le chauffage sont toujours plus commodes que la marche à pied et les pull-overs.

Etat des lieux mondial

Actuellement, l'Humanité consomme 10 milliards de tonnes équivalent pétrole (TeP) par an, dont 77% sont issus de combustibles fossiles non renouvelables (pétrole, charbon, gaz). Ceci représente une moyenne de 1.5 TeP par personne et par an, mais il y a bien entendu de très larges disparités : les champions toute catégorie de la goinfrerie sont les Etats-Unis, avec 10 TeP par personne et par an. Un européen en consomme 4.5 (France = 3.8), un chinois 1.5, et un africain ne consomme que 0.5 TeP par an. En 2050, on estime que la consommation mondiale pourrait être d'environ 20 à 30 milliards de TeP par personne et par an, soit 2 à 3 fois plus qu'aujourd'hui. Les pays émergents tels que la Chine ou l'Inde seront des dévoreurs de joules et de watts.

Tableau récapitulatif (en milliards de TeP / an) :


Consommation mondiale des différentes formes d'énergies, en milliards de TeP par an.
Les énergies fossiles représentent plus des 3/4 de cette consommation.

Les énergies fossiles

Le premier gros problème de ces énergies, c'est qu'elles ne sont pas renouvelables, leurs stocks sont finis, et par conséquent, le jour arrivera où il n'y en aura plus à consommer : malgré d'importantes différences selon les estimations et les modèles de calcul, il est généralement admis que le pétrole et le gaz n'existeront plus d'ici la fin de ce siècle. Les réserves de charbon sont un peu plus nombreuses, aptes à satisfaire environ 200 ans de production au taux actuel.

Le second problème est le rejet massif de CO2 que provoque la combustion de ces énergies : ce ne sont ni plus ni moins que du carbone stocké par la planète, qui a mis des milliers, des millions d'années à construire ces réserves. Tout ce carbone se retrouve précipité dans l'atmosphère très soudainement, ce qui aggrave le naturel effet de serre de la planète : d'ici 2100, la température globale pourrait avoir augmenté de 3°C, voire 6°C si nous ne réagissons pas à court terme (!!). Si nous voulons stabiliser le climat, il faut alors diviser nos émissions de gaz à effet de serre par deux. Si nous ajoutons à cela les précédentes observations, à savoir que la consommation mondiale va inévitablement se multiplier par 2, alors nous devons diviser notre consommation de ces énergies fossiles par 4 d'ici 2050.

Pour 6 milliards d'habitants, cette valeur d'émission maximum de CO2 par habitant et par an, pour stabiliser le climat, est de 500 kg : 500 kg/hab/an de CO2 émis, c'est la valeur que chaque habitant de la Terre ne doit pas dépasser. Aujourd'hui, les goinfres mondiaux sont les Etats-Unis, le Canada et l'Australie (respectivement 5700, 5300 et 5100 kg/hab/an). L'Irlande est à 3000, la Slovaquie à 2300, la France à 1800, la Chine a déjà dépassé ce seuil avec 900 kg/hab/an, et l'Inde s'en rapproche avec près de 400 kg/hab/an. Si l'on ajoute à cela que la population augmente d'environ 200 000 personnes par jour, le seuil des 500 kg ne s'en abaissera que plus encore.


Emissions de gaz à effet de serre en kg/hab/an. La ligne rouge représente le seuil limite de
500 kg/hab/an à ne pas dépasser pour stabiliser le climat, avec une population mondiale de 6 milliards.
Ce seuil va s'abaisser avec l'augmentation de la population.

Il faut donc impérativement envisager des alternatives à ces énergies fossiles, de façon à faire baisser très fortement et très rapidement la part des combustibles fossiles dans les énergies utilisées.

finipe, 16h41 :: :: :: [3 assertions ineptes]

22 Juillet 2007 ::

« La conjuration de Catilina »

:: Histoire antique, -63

Pour plus de détails, voir notamment « La conjuration de Catilina » de Salluste, les « Catilinaires » de Cicéron, et la « Vie de Cicéron » de Plutarque.



Instabilité politique & économique

Depuis le début du Ier siècle av. JC, la République de Rome connaît bien des difficultés. Deux partis s'opposent : les populares, qui pratiquent un certain populisme en ralliant les couches les plus défavorisées de la société et en demandant l'octroi de terres agricoles pour les plus pauvres ou encore la distribution gratuite de blé, et les optimates, plus aristocratiques et conservateurs. En cinquante ans, la République a connu de très nombreux troubles, à partir de ces deux courants opposés ou accentués par leur existence : deux guerres civiles entre Sylla et Marius[1], Guerres sociales[2], guerre contre Mithridate[3], guerres serviles[4], autant de conflits qui pèsent sur la stabilité de la République.

A cela, il faut ajouter d'importantes difficultés économiques, qui touchent le peuple comme les privilégiés : la guerre contre Mithridate et la piraterie dont ses troupes font usage ont un coût immense pour Rome. Cette guerre coupe également les liens commerciaux qui existent avec l'orient, et réduisent les échanges, aggravant la crise économique. En outre, le système agraire romain est chroniquement malade : les latifundia, grandes coopératives agricoles utilisant de la main d'oeuvre esclave, nombreuse et bon marché, entraînent une culture spéculative, et les céréales venant d'Egypte coûtent moins cher[5]...

Catilina, ambitieux et cruel

Lucius Sergius Catilina est un de ces nobles appauvris par les différentes crises de la République. Né en -108 d'une famille illustre (un de ses aïeux s'est particulièrement distingué lors de la deuxième guerre punique), il ne profite pourtant pas de cette gloire, et ne parvient pas à prospérer. Ambitieux, impérieux, il a semble-t-il une grande soif de reconnaissance et de pouvoir : après avoir servi avec zèle et cruauté Sylla lors de sa dictature et échappé à quelques procès, il s'est forgé, grâce notamment à une grande habileté diplomatique et rhétorique, un solide réseau d'amitiés parmi la noblesse en perdition.

En -68, il est nommé préteur[6] de la province d'Afrique, conquise depuis la chute de Carthage, charge qu'il exerce deux années durant. Mais ses administrés portent plainte contre lui au Sénat pour abus de pouvoir : il rentre à Rome, et y subit un nouveau procès. Après un soutien actif des optimates conservateurs et la corruption de certains sénateurs, il est finalement encore une fois innocenté. Peu de temps après, en -66, il essaye de mettre sur pied une première conspiration, afin d'assassiner certains de ses rivaux au Sénat pour prendre leurs places avec ses amis, mais l'opération est un fiasco.

La mise en place de la conjuration

En -64, il se présente aux élections consulaires face à Marcus Tullius Cicéron, en soutenant le mouvement des populares, mais il perd. C'est alors qu'il décide de remettre sur pied un complot, qu'il organise cette fois-ci beaucoup mieux que le précédent. Tout d'abord, il réunit autour de lui un nombre important de grands personnages de la noblesse, magistrats, consuls, ainsi que de nombreux jeunes nobles ruinés, sur qui il a un ascendant et un pouvoir de persuasion certains. Il rallie également à son projet des femmes souhaitant s'émanciper, usant de séduction avec brio. Dans le même temps, il s'assure une force militaire conséquente en se faisant le chantre de tous les mécontents : gladiateurs, esclaves des latifundia, paysans expropriés, vétérans des armées de Sylla...


Cicéron et Sylla

Loin de former une cabale cohérente et solide, chacun attendant plus ou moins de voir dans quel sens le vent tournera, Catilina réussit toutefois à rassembler derrière lui un nombre impressionnant de conjurés. Mais ce groupe disparate a trop confiance et ne cache pas assez ses objectifs : le 21 octobre -63, Cicéron est prévenu du complot par la maîtresse d'un des conjurés qui n'a pas su tenir sa langue.

Cicéron & les Catilinaires

C'est alors que Cicéron fait preuve de son exceptionnel talent d'orateur et de rhétoricien, en prononçant quatre discours qui resteront des modèles d'éloquence jusqu'à nos jours[7] : les Catilinaires. La première Catilinaire est prononcée le 8 novembre -63, devant le Sénat : Cicéron affirme avoir des espions bien placés, et dénonce le complot mené par Catilina, qui entretiendrait une armée en Etrurie (l'actuelle Toscane). Le discours est si persuasif que Catilina avoue tacitement sa culpabilité en s'enfuyant le jour même, pour rejoindre son armée. Le lendemain, Cicéron prononce devant le peuple la deuxième Catilinaire, par laquelle il informe et rassure les romains.


La conjuration de Catilina, tableau de Cesare Maccari. Au premier plan à droite, on voit Catilina, seul : selon Plutarque, tous les sénateurs avaient quitté le banc où il se trouvait assis.

Peu de temps après, quatre des principaux conjurés tentent de mettre de leur côté des députés Allobroges[8] se satisfaisant mal de la toute puissance romaine, et signent un document compromettant. Mais les députés gaulois préviennent Cicéron, qui tient alors entre ses mains une preuve accablante : le 3 décembre, il prononce la troisième Catilinaire devant le peuple, dans laquelle il accable les conjurés et révèle toute l'affaire. Enfin, le 5 décembre -63, Cicéron prononce la quatrième et dernière Catilinaire devant le Sénat : cet ultime discours met un point final aux révélations, et disserte du sort qui doit être réservé aux quatre comploteurs et à Catilina. Le Sénat, après quelques débats, prononce la peine de mort contre les conjurés, qui sont exécutés le soir même dans un cachot. Cicéron est escorté en héros de la République par des chevaliers en armes, et on lui décerne le titre de Pater patriae, « Père de la patrie »...

Un mois après l'exécution des quatre conjurés à Rome, le 5 janvier -62, l'armée gouvernementale affronte l'armée de Catilina, à Pistoia, en Etrurie : Catilina meurt au cours de la bataille.


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1. Sylla, partisan des optimates, et Marius, partisan des populares, s'opposèrent durablement pour le pouvoir. Cette opposition sera émaillée de nombreux combats, qui verront finalement la victoire décisive de Sylla. Il sera ensuite nommé dictateur perpétuel, et liquidera nombre de ses opposants par la force, jusqu'à sa mort en -78.

2. Les "Guerres sociales", ainsi qu'on les a nommées, opposèrent Rome aux villes du reste de l'Italie, qui revendiquaient une accession à la citoyenneté à l'égal des romains eux-mêmes. Sylla se distingua au cours de ce conflit, faisant preuve de sa grande habileté en tant que stratège militaire.

3. Mithridate VI, roi du Pont (un petit royaume situé en Asie mineure) : il avait entrepris de conquérir plusieurs des colonies grecques de Ionie contrôlées par Rome, ainsi que la Grèce elle-même, en n'hésitant pas à massacrer au passage des milliers de colons romains. Il fut finalement défait définitivement par le célèbre général Pompée en -66, après de nombreuses années de guerre.

4. Parmi les guerres serviles, on peut souligner notamment la célébrissime révolte des esclaves de Spartacus, entre -73 et -71.

5. Etonnante concordance avec des problèmes très modernes de globalisation économique...

6. Le préteur était un haut magistrat de Rome.

7. Les latinistes s'en souviendront sûrement !

8. Les Allobroges étaient une tribu gauloise vivant dans l'actuel Rhône-Alpes.

finipe, 03h29 :: :: :: [9 déclarations d'amour]

17 Juillet 2007 ::

« Bis repetita non placent »

:: Misanthropie

Il y a quelques jours, je fis part ici-même d'une étude comportementale faite pendant une longue attente à une caisse automatique de supermarché : ces observations avaient mis en perspective la complexe mésentente qui préside aux relations entre l'Homo Sapiens Vulgaris et la Machine, à l'aune d'une étude de cas concret. Le dispositif expérimental était tout à fait pertinent, et le sujet étudié semblait lui aussi très représentatif d'une certaine conception que l'on se fait de la génération des quinquagénaires et plus, qui n'a pas eu la chance comme moi de grandir en même temps que l'informatique et l'électronique à portée de tous, et que l'on peut donc tout à fait pardonner d'être un peu perdue lorsqu'elle a affaire à toute machine ressemblant de près ou de loin à un ordinateur.

Avouons aussi, de façon toute péremptoire, que votre serviteur n'avait pas fait qu'observer que le sujet de l'étude était mal à l'aise avec les machines : il avait en effet également présumé que le sujet était stupide. Or, s'il est bien un caractère partagé à égalité par tous, et ce sans aucune différenciation culturelle, historique ou générationnelle, c'est bien la stupidité. Et aujourd'hui même, j'ai eu la possibilité de le constater, tandis que je faisais la queue à la même caisse automatique, du même supermarché, faisant fi de la promesse que je m'étais pourtant faite de n'y plus mettre un pied (c'est peut-être d'ailleurs une preuve de ma propre stupidité).

Ainsi, tandis que je m'approchai de la sortie, les bras chargés de quelques victuailles utiles à mon repas vespéral, je constatai avec plaisir que l'une des caisses automatiques n'était chargée que d'une seule personne : ravi à la perspective de n'attendre que quelques secondes au lieu de patienter sagement pendant cinq interminables minutes, je me dirigeai promptement vers l'endroit. L'individu qui me précédait était un jeune homme d'environ 18 ans, une casquette vissée sur le crâne, l'air dégingandé et l'acné post-pubère encore fraîche. Il ne souhaitait visiblement acheter qu'un seul objet, un paquet plein de sucreries bigarrées et probablement saturées de conservateurs et autres antioxydants. Dans sa main gauche, le paquet de bonbons ; dans sa main droite, deux pièces de monnaie, préparées à l'avance.

Mais — détail troublant — il y avait également sur la caisse deux écriteaux, faits de grosses lettres bleues bien visibles, et stratégiquement placés de sorte qu'il était vraiment très difficile de ne pas les voir. Ils indiquaient la mention suivante : « Paiement par CB uniquement », l'averbe uniquement étant souligné deux fois. Malgré tout, le gaillard n'avait semble-t-il pas remarqué ce détail. Il scanna son paquet avec adresse, appuya pertinemment sur le bouton « Terminer et payer », puis sur l'écran de la machine apparut le menu qui demande au client de sélectionner son mode de paiement : espèces, carte bancaire, carte de fidélité, mais avec le bouton Espèces clairement barré et inactif, et pour cause.

L'individu ne se démonta pas, et, sans même sélectionner un quelconque mode de paiement, glissa ses pièces dans la fente prévue à cet effet. La sanction fut immédiate, les pièces revinrent de l'autre côté de la machine, virginales et inutiles ! Echaudé par ma précédente expérience, je pris donc sur moi de souligner à ce cuistre que la machine ne prenait pas les espèces, en lui indiquant l'écriteau et le bouton inactif de la machine. Que nenni ! Le bougre recommença, faisant fi de ma remarque pourtant bienveillante : il remit ses pièces dans la fente, et le résultat fut bien sûr identique. Mais qu'est-ce que cette andouille espérait ? Que la pièce allait miraculeusement être acceptée alors qu'il était indiqué en grosses lettres que la machine ne prenait que les cartes bancaires ?

Puis enfin, seulement, il releva le nez, et sembla découvrir la spécificité de cette caisse automatique : il pesta contre le sort, bredouilla quelque incompréhensible imprécation pour se donner une contenance, puis s'en fut piteusement vers une autre caisse, non sans avoir fait déplacer l'hôtesse (consternée par la nullité de l'individu), pour annuler son achat.

Les supermarchés sont, décidément, une bien inépuisable source d'observation de la stupidité ordinaire...

finipe, 22h09 :: :: :: [5 pleurnicheries]

15 Juillet 2007 ::

« La nuit des longs couteaux - 2ème partie »

:: Histoire contemporaine, 1934

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. La nuit des longs couteaux - 1ère partie
2. La nuit des longs couteaux - 2ème partie



L'incendie du Reichstag

Dès son arrivée au pouvoir, Hitler s'affaire à renforcer son pouvoir et à étouffer la liberté du peuple allemand. Afin d'obtenir les pleins pouvoirs, il fait planer le spectre de la révolution communiste, qui selon lui menacerait l'Allemagne : plusieurs perquisitions sont faites au siège du parti communiste, pendant lesquelles on trouve des documents soi-disant compromettants. Après une dissolution du parlement par le président Hindenburg, de nouvelles élections doivent avoir lieu le 5 mars de cette année 1933 : l'atmosphère du pays est explosive, les partis nazi et communiste sont en opposition constante, des rixes éclatent un peu partout, et l'Allemagne est au bord de la guerre civile.

Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, à Berlin, le Reichstag est incendié : on arrête rapidement un certain Marinus van der Lubbe[1], militant communiste hollandais. Cette fois-ci c'en est trop, et Hitler peut agir avec l'assentiment d'Hindenburg en exploitant l'incendie comme preuve d'un complot communiste : dès le lendemain, Hindenburg signe le Reichstagsbrandverordnung (« Décret pour la protection du peuple et de l'État »), qui suspend les libertés individuelles dans tout le pays, musèle la presse, centralise les pouvoirs et durcit la répression. Puis, Hitler fait arrêter des milliers de militants et dirigeants communistes, et les envoie pour beaucoup dans le tout premier camp de concentration du pays : Dachau.


L'incendie du Reichstag

Vers les pleins pouvoirs

Une fois les opposants écartés, Hitler et les militants nazis mènent une campagne électorale agressive pour les élections qui doivent se dérouler 10 jours plus tard. La propagande bat son plein, les SA terrorisent la population, mais malgré tout, le NSDAP et les petits partis nationalistes qui l'ont rejoint n'obtiennent pas la majorité absolue. Trois partis restent puissants : les communistes, les sociaux démocrates, et le Zentrum, le parti centriste catholique, qui obtiennent tous plus de cinq millions de voix.

C'est dans ces circonstances qu'Hitler et son habile ministre de la propagande Joseph Goebbels, forts d'une bonne majorité relative au parlement, organisent une majestueuse cérémonie d'ouverture du nouveau Reichstag : les symboles de la nation sont grandioses, la fête flatte les vanités d'Hindenburg et des catholiques, et Hitler devient un homme respectable à leurs yeux. Quelques jours plus tard, l'Assemblée Fédérale allemande se réunit pour voter un décret soumis par Hitler, lui octroyant les pleins pouvoirs législatifs : les sociaux démocrates refusent, mais le Zentrum, bercé d'illusions, vote le décret.


Joseph Goebbels et Marinus van der Lubbe

La politique nazie, telle que décrite par Hitler dans Mein Kampf, entre en vigueur : amélioration de la race allemande (stérilisation des handicapés physiques et mentaux), discrimination juive, enrôlement des enfants dans les « jeunesses hitlériennes », ou encore incendies publics des livres que le parti réprouve...

La liquidation des SA

Hitler est désormais un homme extrêmement puissant. Mais, soutenu par les grands financiers et industriels du pays, il fait alors face à l'agitation de la SA, résolument marquée par les idées de gauche, et souhaitant semble-t-il pousser plus loin encore la révolution entamée après l'accession du NSDAP au pouvoir. Les membres de la SA, très utiles lorsqu'il était nécessaire de conquérir le pouvoir, deviennent des gêneurs à force d'agitation et de méfaits. Les Chemises Brunes sont très mal vues dans le pays, et Hitler doit faire face au mécontentement d'Hindenburg et des forces conservatrices de droite qui le soutiennent, et qui n'apprécient guère les agissements de la SA.

La propagande SS fait notamment grand cas de l'homosexualité affichée d'Ernst Röhm, une « déviance sexuelle » particulièrement honnie par le régime nazi. Après de nombreuses hésitations, et afin de conserver l'unité du pays, Hitler décide donc de mettre fin à la puissance de la SA. Dans la nuit du 29 au 30 juin 1934, la nuit des longs couteaux, ainsi qu'elle sera nommée, les disciplinés SS d'Himmler entament une opération d'envergure, avec l'appui de l'armée : 200 membres de l'état-major SA, réunis dans une auberge à Bad Wiessee en Bavière, sont exécutés sommairement. Plusieurs opposants au régime sont également éliminés, et, dans le tumulte, plusieurs innocents trouvent eux aussi la mort. Enfin, le 1er juillet, Ernst Röhm est exécuté à son tour.

Le IIIème Reich

En liquidant l'aile gauchisante et révolutionnaire du NSDAP, Hitler s'attire la faveur et le soutien des conservateurs du pays, et impose clairement un régime de terreur dans tout le pays. Quiconque s'oppose au pouvoir est prévenu, et les conservateurs le savent eux aussi : même les soutiens d'Hitler vivent sous la menace d'un pouvoir dont la brutalité peut surgir à tout instant.

La SA, quant à elle, ne disparaît pas, mais perd tout rôle politique dans le régime, et opère une purge sévère dans ses rangs. Peu de temps après, le 2 août 1934, le président Hindenburg meurt : Hitler proclame le IIIème Reich, et devient le Führer, le « Guide » d'un régime dictatorial qui ne s'en cache plus.

_________________________________
1. La culpabilité de Marinus van der Lubbe n'a jamais pu être clairement établie. L'homme était semble-t-il passablement dérangé, pyromane peut-être, mais certaines sources évoquent également un incendie prémédité par les nazis pour pouvoir se débarrasser des communistes. Quoiqu'il en soit, Marinus van der Lubbe sera exécuté le 10 janvier 1934.

finipe, 22h14 :: :: :: [0 soupir de satisfaction]

13 Juillet 2007 ::

« La nuit des longs couteaux - 1ère partie »

:: Histoire contemporaine, 1934

Ce billet fait partie d'un sujet composé de deux parties :

1. La nuit des longs couteaux - 1ère partie
2. La nuit des longs couteaux - 2ème partie



Sturmabteilung & Schutzstaffel

Dès 1921, Hitler crée la SA (Sturmabteilung, « Section d'assaut »), sous la direction d'Herman Göring. Il s'agit d'une organisation paramilitaire émanant du parti nazi, le NSDAP, constituée au départ d'officiers, de soldats, ainsi que de divers militants et agitateurs plutôt orientés vers le marxisme que vers l'extrême droite. Les Chemises Brunes, ainsi qu'on les appelle en raison de la couleur de leur uniforme, encadrent les activités du parti nazi, tout d'abord comme simples gardes du corps, puis en tant que service d'ordre lors des meetings et des réunions. Les SA se distinguent par leur violence coutumière, et participent à de nombreuses rixes, notamment avec des militants socialistes. Ils participent activement au putsch de la brasserie en octobre 1923, mais l'échec cuisant de cette tentative de coup d'état emmène Hitler en prison (où il écrit Mein Kampf), et la SA est interdite.

En 1925, la SS (Schutzstaffel, « Echelon de protection ») est créée par Hitler : au départ, il ne s'agit que d'un groupuscule très réduit et destiné à servir de garde rapprochée du Führer. Dès sa création, la SS se trouve en concurrence avec la SA, mais là où la SA est une agitatrice, se mêle de discussions politiques et fait beaucoup parler d'elle, la SS est fermement disciplinée, cadrée et calme. En 1926, la SA est de nouveau autorisée, et regagne en puissance et en influence, parallèlement à l'ascension d'Hitler. En 1929, le krach boursier à Wall Street et la récession économique mondiale replongent l'Allemagne dans une misère noire : le chômage et la pauvreté montent en flèche, et la popularité d'Hitler suit ce mouvement, portée par le désespoir des allemands.

La même année, c'est Heinrich Himmler qui prend la tête des SS, celui qui plus tard mettra en oeuvre la Solution finale... A plusieurs reprises au cours des années suivantes, les SA et les SS en viennent même aux mains : Hitler appelle au calme, mais la SA s'agite de plus en plus, exigeant un rôle politique plus grand, alors que la SS demeure fidèle, obéissante et disciplinée. En 1930, Hitler rappelle Ernst Röhm, exilé en Bolivie depuis l'échec du putsch de la brasserie, pour réorganiser la SA qui compte plusieurs dizaines de milliers de membres, alors que la SS n'en compte que quelques centaines.


Ernst Röhm et Heinrich Himmler

Montée en puissance & tensions

Himmler s'efforce alors de renforcer la puissance de la SS. Il recrute massivement, en usant — au contraire de la SA — de critères stricts (en particulier l'appartenance à la "race aryenne"), pour progressivement porter ses effectifs à près de 60.000 hommes en 1932 : il fait également effectuer un important travail de renseignement sur les cadres et dirigeants de la SA, ainsi que certains de ses membres les plus virulents.

De 1929 à 1933, le NSDAP ne cesse d'améliorer ses scores aux élections législatives, et la SA se déchaîne en Allemagne, notamment pendant les campagnes électorales où elle terrorise les opposants, voire les assassine purement et simplement...

Enfin, le 30 janvier 1933, après plusieurs refus, de nombreuses manoeuvres politiques, et sous la pression des grands financiers et industriels qui souhaitent le calme dans les rues, le président-maréchal Paul von Hindenburg n'a d'autre choix que de nommer Hitler chancelier d'Allemagne : Adolf Hitler est enfin au pouvoir.

La SS et la SA sont, quant à eux, à couteaux tirés.

finipe, 03h58 :: :: :: [0 réflexion sagace]

10 Juillet 2007 ::

« Superstition »

:: Les aventures du lion

finipe, 01h14 :: :: :: [6 éclaircissements pompeux]

6 Juillet 2007 ::

« De l'incommunicabilité entre l'Homme et la machine »

:: Misanthropie

Récemment, mon confrère (j'eusse pu l'écrire en deux mots) draleuq a livré sur son blog une intéressante étude sur la machine à café comme outil de mesure de l'intelligence. Et, tandis que je hantais un supermarché quelconque en quête de biens utiles à ma vie ordinaire, j'ai aujourd'hui pu assister à un épisode à la fois cocasse et grotesque, qui n'a pas manqué de me rappeler cette intéressante réflexion précédemment citée.

Aussi ne résisté-je pas au plaisir de vous faire profiter de mon expérience en la matière, afin de démontrer — si besoin en était encore — que, décidément, l'homo sapiens vulgaris n'est pas fait pour communiquer avec une machine.




Description du dispositif expérimental

Une caisse de paiement automatisée dans un supermarché standard. Les diverses manipulations consistent en plusieurs étapes distinctes : prendre un produit que l'on souhaite payer, trouver le code barre qui s'y trouve imprimé, passer ledit code devant l'oeil optique de la machine, puis poser l'article ainsi scanné sur le tapis roulant afin de passer à l'article suivant. Une fois tous les articles scannés, appuyer sur le bouton correspondant au mode de paiement (monnaie, carte bancaire ou carte de fidélité), puis, le cas échéant, taper son code secret et valider.

On notera qu'une voix enregistrée explique très précisément chaque étape de l'opération, point par point, avec une clarté que l'observateur juge plutôt bonne. Si toutefois un problème doit survenir, une hôtesse intervient dans la seconde pour secourir le client en perdition, à l'aide de sa carte spéciale : un témoin lumineux clignote dès lors que le client est confronté à un problème, ce qui exclut toute attente superflue.

Description du sujet

Le sujet est un individu femelle de petite taille (environ 1m30 au garrot, 1m55 taille totale, coiffure et talons compris), d'âge estimé à environ 45 ans. Sa voix est fluette, son corps relativement disgrâcieux, ramassé et trapu, impression augmentée par la petitesse de sa taille. Les cheveux du sujet sont d'un curieux roux cendré, tirant sur le orange, et sa peau claire est couverte d'éphélides diverses. Une paire de lunettes rondes, plutôt grandes, achève de confirmer l'ovalité de ce visage.

Habillé d'un pantalon blanc crème orné de fines rayures verticales beiges, et d'un chemisier rose que d'aucuns qualifieraient de ringard, il émane du sujet une évidente timidité. Enfin, notons que le sujet se présente devant la machine avec 5 baguettes de pain ordinaire, un soutien-gorge, et un paquet contenant 3 paires de chaussettes.

Description de l'observateur

L'observateur est un individu d'une trentaine d'années, beau, grand, et fort. Son front dégagé et son regard franc signent une intelligence fine, et son port altier ne manque pas d'une certaine noblesse. En outre, il émane de lui une humilité, une modestie et une simplicité remarquables. L'observateur attend derrière le sujet, en portant innocemment deux ampoules électriques et une bouteille de soda.

Déroulement de l'observation

Le client précédant le sujet termine ses achats, l'expérience démarre. Dès le départ, le sujet fait montre d'une grande maladresse : embarrassé par ses 5 baguettes, il tente tout d'abord de les déposer dans un panier situé à côté de la caisse, afin d'avoir les mains libres. Les baguettes glissent de ses bras, le sujet les rattrape avec difficulté, et finit par les coincer assez sottement entre son buste et son aisselle, puis par les déposer lourdement dans ledit panier. Une des baguettes est tombée à terre malgré tout, et l'observateur se permet d'intervenir en la ramassant et en la tendant au sujet, avec un sourire poli.

Les mains désormais libres, le sujet prend l'une des 5 baguettes et entreprend de chercher l'emplacement du code barre qui est censé s'y trouver. L'observateur l'a repéré en quelques instants, mais le sujet semble embarrassé, tournant et retournant la baguette dans tous les sens sans rien y voir. L'hôtesse, attentive, arrive et indique au sujet l'emplacement du code barre. Le sujet essaye alors de scanner l'article devant l'oeil optique de la machine, qui a pris soin d'annoncer clairement le début des opérations : cependant, il faut bien cinq ou six tentatives au sujet pour parvenir à effectuer correctement la manoeuvre requise. Aussitôt, un bip caractéristique retentit, suivi d'une voix automatique annonçant le prix de l'article scanné.

Pour un motif que l'observateur n'a pas su discerner, la baguette scannée semble tout à coup refusée par la machine : le tapis roulant se met immédiatement en marche en sens inverse, et la baguette revient vers le sujet désemparé. La machine annonce la nature du problème (dans le brouhaha ambiant, l'observateur n'a pu saisir le message exact), puis soustrait du total le prix de la baguette précédemment scannée. Qu'importe, le sujet ne se décourage pas, et recommence l'opération avec une autre baguette. Même motif, même punition, la baguette revient, et le sujet semble marquer quelques signes d'impatience, d'autant qu'il recommence à s'emmêler avec ses 5 baguettes. L'hôtesse intervient une seconde fois : elle scanne une baguette, puis appuie sur la touche 5 de la machine pour multiplier les occurrences d'achat. La machine annonce l'opération au fur et à mesure de son déroulement, et tout se passe bien. Le sujet reprend donc la tête des opérations.

Le sujet saisit le soutien-gorge, avec une certaine gêne semble-t-il : l'observateur feint d'ignorer le déroulement des choses en regardant ailleurs, l'air absent. Le sujet passe le soutien-gorge devant l'oeil optique, mais sans succès : pas de bip, pas de voix. Le sujet essaye encore et encore, une bonne vingtaine de fois, sans plus de succès. Puis, saisi d'un doute, le sujet observe avec plus d'attention l'article : celui-ci, soldé, est affublé d'une étiquette mentionnant le montant de la réduction (-20%), qui semble-t-il obstrue légèrement le code barre, du moins pourrait-on le croire. Que nenni, le code barre est en fait de l'autre côté, bien en vue, mais le sujet s'évertue de nouveau à scanner l'article sur le côté de l'étiquette. L'hôtesse intervient une troisième fois, scanne avec adresse le soutien-gorge en le tournant du bon côté, et le sujet poursuit ses achats.

Viennent enfin les trois paires de chaussettes. A l'instar du soutien-gorge, la mention SOLDES y figure, mais le sujet n'a visiblement pas tiré d'enseignement de sa précédente expérience : il recommence à scanner rageusement l'article du côté de l'étiquette, et non du code barre. Après quelques instants de flottement, l'hôtesse intervient pour la quatrième fois, et procède de la même façon : l'article est scanné en un clin d'oeil.

Sur l'écran coloré de la machine, un bouton rouge prenant la moitié de la place disponible indique la mention "TERMINER ET PAYER". Le sujet, perturbé, regarde partout autour de lui : sur le tapis, sur l'oeil optique, sur la caisse, et même par terre (!!), mais ne trouve rien. L'observateur, passablement excédé, masque toutefois son trouble et se permet d'intervenir à nouveau[1] : il indique poliment au sujet l'emplacement du bouton adéquat, et le paiement passe à la seconde étape.

Sur l'écran bigarré, trois boutons sont maintenant disponibles, chacun représentant un dessin explicite de l'action qui y est associée : paiement en liquide, paiement en carte bleue, ou paiement avec la carte de fidélité. Le sujet sort une carte Mastercard, appuie sur le bouton Carte de fidélité et introduit sa carte bancaire dans l'appareil prévu à cet effet. Bien sûr, rien ne se passe. Après quelques instants de flottements, le sujet retire sa carte, et appuie un peu partout, visiblement agacée : elle fulmine quelque imprécation inaudible entre ses lèvres serrées par la colère, mais rien n'y fait.

L'hôtesse intervient alors pour la cinquième fois, en ayant semble-t-il une certaine difficulté à masquer son impatience devant la nullité crasse du sujet : elle débloque la machine avec sa propre clé, enfonce d'autorité la carte bancaire du sujet dans la machine idoine, et appuie sur le bouton Carte bancaire. La machine annonce à haute voix qu'il faut saisir le code secret, puis ne pas ommettre de prendre son ticket de caisse et son reçu de carte bancaire. Le sujet s'en sort cette fois-ci avec brio, en ne commettant aucune erreur de manipulation.

Enfin, le sujet emballe maladroitement ses baguettes de pain après en avoir fait tomber une par terre, puis s'en va vers son médiocre destin de petit contribuable étriqué. L'observateur, enfin, peut procéder au paiement de ses articles. Le temps que le sujet passe ses 5 baguettes, son soutien-gorge et ses chaussettes, les caisses jouxtant celle de l'expérience sus-décrite ont vu passer au moins 4 clients chacune.

Conclusions de l'observation

  • Cette bonne femme était vraiment stupide.

  • Les supermarchés sont décidément des ressources inépuisables en observations du quotidien.
    Cf. notamment « la mécanique des caddies »

  • La prochaine fois, j'éviterai la caisse automatique.


_________________________________
1. Il faut avouer que l'observateur n'avait pas que ça à foutre non plus.

finipe, 20h18 :: :: :: [7 critiques dithyrambiques]

4 Juillet 2007 ::

« Le putsch de la brasserie »

:: Histoire contemporaine, 1923

La fragile république de Weimar

Après l'armistice du 11 novembre 1918, signé dans le train de Rethondes, et qui met fin à la première guerre mondiale, l'Allemagne se voit imposer des conditions de redditions drastiques : il faut même l'insistance du Tigre Clémenceau et du maréchal Foch pour que l'armée française ne reçoive pas l'ordre d'aller investir le territoire allemand, projet auquel auraient souscrit semble-t-il le maréchal Pétain et le président Poincaré... Puis, le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, définit les sanctions humiliantes que l'Allemagne se voit infliger : amputée de nombre de ses territoires (dont bien évidemment l'Alsace Lorraine), dépouillée de ses colonies, son armée réduite à presque rien, et surtout, condamnée à payer une réparation pour la guerre de près de 300 milliards de marks or, soit l'équivalent d'une année de revenu de tout le pays ![1]

Quelques mois avant la signature du traité de Versailles, et après de graves troubles provoqués par la tentation communiste dans les grandes villes allemandes, la République de Weimar est créée, à la place du second reich de l'empereur Guillaume II. Mais les conditions de la défaite, le Diktat comme l'appellent les allemands, est accepté sans condition par la jeune république, ce qui lui donne une bien mauvaise image parmi le peuple qu'elle est censée diriger.

L'année inhumaine[2]

Au début de l'année 1923, la situation est terrible en Allemagne : le pays, saigné à blanc, traîne les pieds pour payer ce qu'on lui a imposé. Le 11 janvier, afin de forcer l'Allemagne à payer les réparations, des troupes franco-belges envahissent la Ruhr, le bassin industriel et principale source de richesse du pays. Les licenciements et les grèves s'enchaînent, et l'inflation ne connaît plus aucune limite : bientôt, il faut transporter une brouette entière de billets, pour payer une livre de beurre qui coûte plus de cent milliards de marks ! Dans ce terreau de misère progressent notamment les partis extrémistes, dont les communistes, et le NSDAP, un parti fondé par un certain Adolf Hitler, appelé parti nazi.

Le 26 septembre 1923, le président de la république et le chancelier déclarent l'état d'urgence : une nouvelle monnaie, le rentenmark, est créée pour tenter de stopper l'inflation, et plusieurs mesures économiques strictes sont prises. Un peu partout, le peuple joue le jeu de ces mesures qui se révèlent plutôt efficaces. Mais en Bavière, il n'en va pas de même : ces mesures autoritaires déplaisent, et le plus grand des Länder allemands déclare son propre état d'urgence. Trois hommes prennent le pouvoir à Munich, capitale de la Bavière : le commissaire Gustav von Kahr, le général Otto von Lossow, et le colonel Hans von Seisser.

Un putsch raté

Le 8 novembre 1923, dans une grande brasserie de Munich, le Bürgerbraükeller[3], 3000 bourgeois sont rassemblés pour écouter la harangue du triumvirat qui a pris le contrôle de la Bavière. C'est alors que des partisans du NSDAP investissent brutalement la brasserie, menés par leur chef, Adolf Hitler. Ce dernier, l'arme à la main, emmène les trois dirigeants dans l'arrière salle, et les somme de lui céder le pouvoir. Kahr, Lossow et Seisser acceptent du bout des lèvres, puis s'esquivent par l'arrière du bâtiment. Quelques heures plus tard, un démenti formel est annoncé à la radio : le coup de force d'Hitler est un fiasco complet.


Le Bürgerbraükeller, qui deviendra un des lieux
favoris de réunion des nazis

Le lendemain matin, les putschistes investissent les rues, et tentent de prendre le contrôle du ministère de la guerre. Mais la police leur fait face, et la situation dégénère rapidement : une fusillade éclate, et c'est la débandade, les insurgés se dispersent en quelques instants. Un seul homme fait face, le général Ludendorff, héros de la guerre, qui soutient activement le NSDAP. Une fois les fumées dissipées, on compte seize morts parmi les insurgés. L'un des fidèles d'Hitler, Hermann Göring, a quant à lui été gravement blessé à la cuisse[4]. Dans les rangs des fuyards, outre Göring, on note plusieurs grands noms du nazisme : Heinrich Himmler, Ernst Röhm, ou encore Rudolf Hess.


Adolf Hitler, Hermann Göring et Rudolf Hess

Deux jours plus tard, Hitler est arrêté. Le NSDAP est interdit, et, le 1er avril 1924, Hitler est condamné à 5 ans de prison pour haute trahison, non sans avoir fait montre de son exceptionnel talent d'orateur au cours de son procès. Il ne passe toutefois que neuf mois dans la forteresse de Landsberg am Lech, pendant lesquels il a tout loisir de dicter à son fidèle lieutenant, Rudolf Hess, le livre fondateur de sa vision de l'Allemagne : Mein Kampf.

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1. Keynes, le célèbre économiste britannique, faisait partie de la commission devant évaluer le montant de la réparation financière. Ecoeuré par le montant sidérant qui fut fixé, il démissionna, jugeant qu'une pareille somme ne permettrait pas à l'Allemagne de se relever un jour.

2. C'est ainsi que les allemands ont surnommé l'année 1923.

3. Cette brasserie sera totalement détruite des années plus tard, le 8 novembre 1939, lors d'une tentative d'attentat menée par un menuisier du nom de Johann Georg Elser, à laquelle Hitler échappera miraculeusement.

4. C'est à la suite de cet épisode que Göring devient dépendant à la morphine, addiction dont il ne se départira qu'en 1945, lors du procès de Nüremberg.

finipe, 23h58 :: :: :: [3 jubilations]

1er Juillet 2007 ::

« Salope ! »

:: Misanthropie

Je vous entends d'ici, petit coquinous. Vous vous dites : « Eh voilà, il a cédé à la tentation consumériste, il emploie des termes grossiers et sans rapport avec le contenu, à seule fin d'avoir une audience plus forte ». Eh bien que nenni, amis lecteurs (merci à vous deux). J'aimerais ici revenir sur un épisode cocasse et grotesque à la fois, dont nous ont gratifié — à grands renforts de matraquages audios et vidéos — les journaux de toute espèce ces derniers jours : Patrick Devedjian a insulté Anne-Marie Comparini, en la taxant de "salope".

Pas de chance pour lui, un caméraman à portée de voix a volé ces images, immortalisant les propos de cet éminent membre de l'UMP, alors qu'il se croyait en conversation privée. Aussitôt, bien entendu, la séquence fait le tour du pays via Internet, puis c'est la curée : toute la classe politique s'insurge contre cette abominable atteinte à l'intégrité morale de l'insultée, contre le machisme qui règne dans les sphères politiques, contre le caractère scandaleux et déplacé des propos de Patrick Devedjian. On insiste sur l'étymologie fangeuse du mot, dictionnaire à l'appui. On souligne l'inconvenance du terme dans la bouche d'un haut dirigeant. On sollicite les associations de défense des droits des femmes. On condamne et on villipende tous azimuts.

Bien sûr, le fautif s'excuse auprès d'Anne-Marie Comparini et le fait savoir dans les médias. Mais celle-ci, jugeant sans doute que l'on n'avait pas assez parlé d'un sujet si grave, réclame des excuses publiques. Encore un peu plus, et l'on aurait pu croire qu'elle eût réclamé une flagellation en place de Grève, voire un auto da fe...

J'ai donc visiblement raté un épisode ces derniers temps : il semblerait en effet qu'il soit devenu interdit, immoral et illégal de prononcer le mot salope en privé. Il semblerait qu'il soit interdit, dans la sphère privée, de considérer qu'une personne puisse effectivement être une salope. Il semblerait qu'en forçant un peu le trait, il nous faille bientôt dénoncer aux autorités les plus proches l'individu qui aurait eu l'infâmante outrecuidance de taxer quiconque de salope, puis de lui laver la bouche au savon en réclamant qu'il lèche les semelles crottées de sa pauvre victime.

Nous voilà donc confrontés, grâce à Patrick Devedjian et Anne-Marie Comparini, à un nouvel épisode de morale naïve, à peu près aussi perspicace que d'affirmer avec véhémence que « la guerre c'est mal » et « je suis contre le cancer ». Certes, les politiciens de tout poil l'ont sans doute un peu cherché en étalant leurs vies privées un peu partout, mais pour une classe politique qui n'a de cesse de se plaindre de la "pensée unique", cette affaire est des plus ridicules !

finipe, 21h21 :: :: :: [15 éclaircissements pompeux]