Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Pour votre santé, évitez de grignoter
C'est pas faux
En vérité je vous le dis, Dieu ignore silencieusement la morale. Par là même, l'Histoire se distingue, se précipitant vers le secret de l'individualisme
Nabot Léon ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

25 Septembre 2007 ::

« L'énergie du désespoir - 3ème partie »

:: Environnement

Ce billet fait partie d'un sujet composé de quatre parties :

1. Etat des lieux énergétique mondial
2. Géothermie & fission nucléaire
3. Hydraulique, éolien & solaire
4. Biomasse & économies




L'énergie hydraulique

L'hydraulique possède l'avantage très estimable de ne produire aucun gaz à effet de serre. En outre, cette énergie est très facile à gérer lors des demandes de pointe, contrairement au nucléaire par exemple : il suffit d'ouvrir un peu plus les vannes, et la quantité d'énergie fournie augmente immédiatement. A l'échelle de la planète, le potentiel de l'hydraulique (environ 1400 Giga Watts) couvre quasiment la totalité des besoins actuels de la population mondiale, alors que seuls 18% de l'énergie consommée sur Terre est produite par ce moyen. En France, l'énergie hydraulique est bien exploitée, quasiment au maximum de ses capacités, ce qui représente 12% de la production nationale.

Ce potentiel énorme est malheureusement difficilement exploitable : les plus grands gisements se trouvent dans des régions très difficiles d'accès (Afrique notamment), et cela nécessiterait le déploiement d'un très important réseau de distribution. Ainsi, on estime que d'ici 2050, la production d'énergie hydraulique ne devrait pas augmenter de plus de 70%.


Barrage du lac de Serre-Ponçon, Hautes-Alpes (05)

Il faut ajouter à cela les immenses bouleversements que cela implique parfois. Par exemple, le barrage des trois gorges en Chine s'étend sur une superficie de 640 x 2 km (!), et a entraîné le déplacement de millions de personnes. L'énergie ainsi produite ne couvre qu'à peine 4% des besoins énergétiques actuels de la Chine...

L'énergie éolienne

C'est une énergie extrêmement diffuse, qui nécessite une grande superficie pour produire une puissance significative. Les éoliennes ont également le gros inconvénient de ne fonctionner que de façon intermittente, dépendantes du vent qui les alimente. Ainsi, en France, pour fournir 5% de la consommation totale du pays en puissance continue, il faudrait installer pas moins de 20 éoliennes par kilomètre de côte, soit plus de 50.000 éoliennes au total : quand on sait quelles protestations soulève le moindre petit parc éolien sur une commune, il paraît impensable de parvenir à ce stade un jour.


Eoliennes de Bouin, Vendée (85)

Dans le cas de la France, il convient de préciser que de toute façon, l'éolien ne présente que peu d'intérêt : multiplier les éoliennes ne réduirait pas significativement les rejets de CO2, puisque la France a fait le choix du nucléaire. En revanche, dans d'autres pays comme l'Allemagne par exemple, qui produisent massivement leur électricité grâce aux énergies fossiles, l'énergie éolienne représente un complément sérieux et crédible aux énergie alternatives ne produisant pas de gaz à effet de serre.

L'énergie solaire

C'est la seule énergie qui soit non seulement abondante, mais en plus inépuisable. L'énergie solaire qui parvient sur le sol terrestre en l'espace de seulement 12 heures dépasse toutes les énergies fossiles connues ou prévisibles réunies : ceci représente plus de 10.000 fois la consommation énergétique mondiale actuelle ! Malheureusement, les moyens techniques ne permettent que très difficilement de capter ce véritable trésor, et nous ne produisons que 0.04% de notre énergie grâce à cette source. En effet, nous savons pour le moment surtout convertir de la chaleur en électricité, ce qui, en plus de l'intermittence de l'énergie solaire, nécessite un stockage encore compliqué à mettre en oeuvre, et provoque d'importantes pertes.


Panneaux solaires recouvrant une toiture

Il est également possible de convertir directement la lumière en électricité, grâce aux panneaux photovoltaïques, un dispositif très avantageux qui est durable, solide, et non polluant. Toutefois, le rendement des panneaux est plutôt faible (de l'ordre de 10 à 15% seulement de l'énergie captée peuvent être transformés en électricité), et la haute technicité qu'ils mettent en oeuvre rendent le coup de production prohibitif — 10 fois supérieur à une énergie conventionnelle — et donc pour l'instant inapte à représenter une alternative crédible.

Mais certains matériaux nouveaux et certaines technologies nouvelles pourraient à l'avenir permettre d'améliorer le coup de production et le rendement, et faire du solaire une excellente source d'énergie : il conviendrait de pouvoir la stocker efficacement et pallier aux inconvénients de l'intermittence du rayonnement solaire.

finipe, 01h06 :: :: :: [1 méditation grotesque]

22 Septembre 2007 ::

« Le cochon régicide qui changea l'Histoire »

:: Histoire médiévale, 1131

La descendance de Louis VI le gros

Depuis son accession au trône en 1108, Louis VI s'est montré un roi plutôt habile. Rompu aux batailles, notamment grâce aux nombreux combats livrés sous le règne de son père Philippe Ier, il renforce le domaine royal, apporte la paix sur les territoires et renforce son autorité sur les vassaux qui ont trop de vélléités d'indépendance. Conseillé par Suger, le renommé et respecté abbé de Saint-Denis, le roi Louis VI mène également une politique de soutien aux territoires, en favorisant la natalité, en usant d'une fiscalité avantageuse pour les campagnes, et affranchit de nombreuses communes des fiefs dont elles dépendent, leur offrant une indépendance qui marque le tout début du déclin de la féodalité en France. Enfin, tout en s'imposant auprès des grands comtés et duchés du royaume, Louis VI favorise l'Eglise et lui offre également plus d'autonomie.

Mais les relations avec le duché de Normandie et le royaume d'Angleterre, à la tête desquels règne le très puissant Henri Ier Beauclerc, fils de Guillaume le Conquérant, sont très fluctuantes : des accords sont signés (1120), puis les disputes reprennent, une tentative d'invasion est même repoussée par le roi de France (1124), qui ne règne réellement guère plus que sur le bassin parisien.

La descendance de Louis VI est quant à elle prometteuse : marié à Adélaïde de Savoie, la nièce du pape Calixte II, le roi a associé son fils aîné Philippe à la couronne dès 1129, alors que ce dernier n'a que 13 ans. Formé à la guerre, le caractère bien trempé, le futur roi Philippe semble promis à un grand avenir. Mais le 13 octobre 1131, tandis que le jeune Philippe de France chevauche dans une rue de Paris, un cochon se fiche dans les pattes de sa monture, qui prend peur et se cabre. Philippe chute brutalement sur la tête, et meurt quelques instants plus tard des suites de sa blessure...[1]


Miniature du XIVème siècle représentant le pourceau régicide

La répudiation d'Aliénor d'Aquitaine

C'est le fils cadet de Louis VI qui devient alors héritier du trône, en 1131. Louis le jeune, ainsi qu'on le surnomme, n'est pas fait du même bois que feu son frère aîné : certes intelligent, mais très dévôt, plutôt mou et très influencé par l'Eglise, il se destinait à une vie monastique. Son père arrange un mariage avec Aliénor, unique héritière du puissant duché d'Aquitaine, qui apporterait en dot à la France un territoire gigantesque. Le 25 juillet 1137, le mariage est célébré à Bordeaux, et les festivités durent, comme à l'accoutumée, plusieurs jours. Sur le voyage du retour vers Paris, le 1er août 1137, les époux apprennent la mort de Louis VI, malade et obèse d'avoir trop abusé de la bonne chère. Louis VII devient roi, Aliénor reine, et l'abbé Suger reste à leurs côtés en tant qu'habile conseiller.

Mais les relations entre les époux ne sont pas très bonnes : Aliénor est d'une grande beauté, indépendante, elle aime la poésie, la littérature, elle monte à cheval, a des goûts luxueux, elle prise les moeurs libres que chantent les troubadours qu'elle fait venir à Paris. Cette conduite déplaît à la cour, plus froide et rigide. Louis VII, influençable et très dévôt, se brouille pourtant avec l'Eglise en imposant des évêques, ce qui lui vaut une excommunication de la part du pape Innocent II. Pour s'amender, il part pour la deuxième croisade en 1147, accompagné d'Aliénor.


Louis VII le jeune et Aliénor d'Aquitaine

Mais durant la croisade, les époux se brouillent définitivement : Aliénor est soupçonnée d'avoir une relation incestueuse avec son oncle Raymond de Poitiers, le prince d'Antioche, elle se plaint d'avoir « épousé un moine », et sa liberté de ton et de vie tranche trop singulièrement avec l'austérité de la cour. Après le désastre de la seconde croisade et le retour en France, les choses vont trop mal, et, bien que Suger le déconseille vivement à Louis VII, le mariage est annulé en 1152.

Aliénor se remarie l'année même avec Henri Plantagenêt, qui devient Henri II, roi d'Angleterre, en 1154 : l'immense duché d'Aquitaine est désormais possession de l'Angleterre, et ne retournera à la France que trois siècles plus tard !

Un cochon qui change le cours de l'Histoire ?

Le fil de l'Histoire ne peut certes pas être réécrit, mais un événement insignifiant peut avoir des conséquences très lourdes : si ce cochon n'avait pas provoqué la mort de Philippe, le fils aîné de Louis VI, le cadet ne serait pas monté sur le trône. On peut supposer qu'Aliénor aurait épousé Philippe s'il avait été roi, et les choses n'auraient probablement pas tourné de la même façon : Louis VII, dévôt et mou, influençable bien que courageux sur les champs de bataille, n'aurait alors pas répudié Aliénor, et l'Aquitaine n'aurait pas quitté le giron de la France pour faire de l'Angleterre le vassal très puissant qu'elle devint.

Car les Plantagenêts sont maîtres d'une grande partie du territoire français (l'Anjou, le Poitou, le Maine, la Normandie, et désormais l'Aquitaine), et la vassalité qui les lie au royaume de France n'est pas toujours acceptée de bonne grâce. Lorsque, deux siècles plus tard, en 1337, la guerre de cent ans débutera en raison de la querelle dynastique qui oppose la France et l'Angleterre, les Capétiens et les Plantagenêts, le très puissant duché d'Aquitaine et sa capitale Bordeaux, possessions anglaises, joueront un rôle prééminent[2]...

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1. A la suite de cet incident, un édit royal interdit que les cochons circulent librement dans les rues. Les seuls porcs qui échappèrent à cette règle furent ceux appartenant à l'abbaye Saint-Antoine, considérés comme serviteurs des desseins divins.

2. Lire à ce propos l'excellentissime saga de Pierre Naudin « Le cycle d'Ogier d'Argouges »

finipe, 16h12 :: :: :: [4 pleurnicheries]

20 Septembre 2007 ::

« Harakirikea »

:: Nombril

Je ne peux davantage différer céans les excuses que je dois à mon innombrable lectorat : comme vous l'aurez remarqué, j'ai dû faire face à une absence conséquente de ce lieu de perdition physique et mentale qu'est Internet. La chose fut cependant bien involontaire : les forces démoniaques et l'insensée perversité bureaucratique d'une grande entreprise privée de télécommunication ont en effet eu raison de moi pendant près de deux mois, alors même que je venais de me tailler de l'appart' du lion, pour emménager dans un logis plus spacieux, plus cossu, plus agréable, et plus champêtre. Aussi présenté-je donc mes plus plates excuses à mes fans innombrables, dont les milliers de déchirantes suppliques épistolaires m'ont laissé parfaitement indifférent. Na.

Mais je ne m'étendrai pas plus avant sur les navrants aléas que m'a fait subir ladite entreprise de télécommunication, j'aurais trop peur de sombrer dans une inextinguible consternation. Non, je dois plutôt ici vous narrer un épisode mémorable, une aventure qui m'est arrivée il y a quelques semaines : un déménagement est en effet un moment privilégié pour toutes les activités de bricolage, décoration, installation et montage de meuble. Ainsi, c'est à cette occasion que l'autre moitié de mon couple et moi-même nous rendîmes dans cette gigantesque succursale de la consommation mobilière, dont les couleurs jaune et bleu sont le plus explicite des drapeaux, j'ai nommé Ikea.

Ikea, le génie du meuble en kit dans la mytholgie nordique, celui qui siégeait au Valhalla sous Odin, Thor, Freyya et Heimdall (il s'incarnait sous la forme d'une chaise), a donné au fier peuple suédois la plus énorme des entreprises de mobilier et de décoration qui soit : entrer dans un magasin Ikea, c'est s'exposer au vertige, se confronter à la démesure, s'extirper des repères de l'échelle humaine ! Certaines légendes rapportent que des imprudents se seraient perdus dans les méandres sinueux des magasins Ikea tant il sont grands : on n'aurait retrouvé les corps desséchés de ces malheureux que des mois plus tard, leurs mains décharnées encore agrippées à la poignée d'un meuble, morts d'avoir voulu retenir son nom : « Hjärtan Nørrgründ Ekholmån ».

L'immensité de ces lieux est certes impalpable pour qui n'a jamais eu l'occasion d'y traîner ses guêtres. Mais tandis que, ainsi que je l'ai précisé ci-avant, l'autre moitié de mon couple et moi-même nous rendions vers un des temples du dieu Ikea, il me fut donné de vivre un épisode singulièrement traumatisant, qui confine à la pire des angoisses pour un misanthrope claustro-agoraphobe de ma trempe : la pluie tombant à verse, et la rentrée des classes approchant, jamais je n'avais vu pareille concentration humaine, fût-ce même lors de l'inénarrable fête du bruit.

C'est ainsi que, rentrant dans l'antre de la bête, son souffle putride me fit aussitôt frémir : pris dans le flot de la marée humaine qui s'engouffrait sans conscience vers la bouche béante de l'animal, je ne pus faire marche arrière, mu malgré moi par le troupeau. Je franchis dans un cri l'entrée, mâché copieusement au passage par les barrières de métal à ouverture automatisée, puis commençai la longue et pénible descente au travers des entrailles du monstre.

A la section des canapés et salons, le lent et douloureux acide de l'angoisse entamait déjà avec méthode le peu de bonne volonté qui me soutenait. Aux cuisines, la meute se débattait dans une cohue aberrante, grotesques gargouilles lentement désintégrées dans le bol alimentaire. Au rayon des bureaux et chambres, chacun commençait à se fondre en nutriment, tous se ressemblaient déjà : un conglomérat de mains, de pieds, de cheveux, d'épaules, de poils, briques élémentaires bigarrées et malodorantes bouillonnant dans les tripes du magasin bondé. Au rez-de-chaussée, dans les rayons chargés de dizaines de milliers de produits, se déclinant chacun en nuées de clônes aux tons criards, la matière humaine n'était plus que bouillie informe de laquelle surgissait des membres, qui, dans une chorégraphie chaotique, attrapaient çà et là des ustensiles, des presse-ail, des boîtes de bougies, des casseroles en inox, des cartons d'assiette, des passoires, des boîtes de table basse en kit, des ampoules électriques, des abat-jour, des lunettes de toilettes, des tapis persans, des ventouses, des tableaux, des cadres, des tringles à rideaux...

Et enfin, ce fut l'ultime épreuve. Acculé aux caisses faisant alors office d'anus multiples à la bête monstrueuse, en attente d'un hypothétique paiement, le troupeau presque totalement digéré s'étendait sur l'intégralité de la surface au sol : nous étions là, collés les uns aux autres, dans la moiteur et la puanteur d'une indigne promiscuité, en attendant d'être sottement déféqués avec nos achats, après une attente interminable, dans une diarrhée obscène.

C'est ainsi que, entrés frais et dispos, nous subîmes l'intolérable mastication de la bête, et, après un cri sélectif et près de trois heures de suprême oppression, sortîmes tout bonnement digérés, à l'état d'étrons inconsistants.

finipe, 00h59 :: :: :: [6 assertions ineptes]