Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
Dans tes
rêves
Parfois, l'Humanité embrasse amoureusement son destin. Ce faisant, la sagesse s'évade en évitant le secret du post-modernisme
Phosocle ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

26 Mai 2010 ::

« Cornin Bouchon vs Grosbill Rambomaniak »

:: Professorat

Exprimer une idée est une activité difficile à laquelle il faut s'exercer ; la télé supprime cet exercice ; nous risquons de devenir un peuple de muets, frustrés de leur parole, et qui se défouleront par la violence.

Albert Jacquard ("Petite philosophie à l'usage des non-philosophes")


Parlons un peu de l’avenir laborieux de nos chères têtes blondes. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi cette préoccupation devient chaque jour plus prégnante. Car enfin ce n’est pas la bravitude de notre Ségolène nationale qui devrait faire son entrée dans le dictionnaire (et le wiktionnaire), mais un autre néologisme dont la ressemblance phonologique avec le premier n’a d’égale que leur différence sémantique : la gravitude.

Pour brosser un peu le contexte, je n’exerce pas en ZEP, et ma classe de cette année est plutôt très bonne dans l’ensemble, cela fait même des années que je n’en ai pas eu d’aussi bonne.
En début d’année, nous avons lu un court roman policier, grand classique de la littérature de jeunesse, réédité à plusieurs reprises : « Le Crime de Cornin Bouchon ».



En voici le résumé :
Le narrateur et Foufouille sont deux enfants de l’assistance de 10 et 8 ans. Adoptés par Monsieur Magnat, ils vivent à la campagne dans la ferme de ce dernier. Les enfants ont vu leur voisin, un fermier assez acariâtre du nom de Cornin Bouchon, transporter une petite fille dans une couverture. Depuis, ils n’ont pas revu la gamine et sont persuadés que Cornin l’a assassinée. Punis par leur père adoptif pour avoir lancé des « œufs couis » (des œufs pourris) sur le mur de Cornin, ils sont décidés à prouver que c’est un assassin. Un mercredi, pour éloigner Cornin de chez lui, ils libèrent de son enclos son taureau Aldébaran. Pendant qu’il court après le taureau, les enfants en profitent pour pénétrer chez Cornin. Ils tombent nez à nez avec une petite fille couleur caramel qui hurle de peur en les voyant. A ce moment-là, Cornin revient avec Mr Magnat qui l’a aidé à rattraper le taureau. Explication : c’est sa petite fille à lui, il la cache parce qu’il a honte qu’elle soit noire (sa fille chérie lui a fait l’affront d’épouser un africain). Il reconnaît que c’est idiot, la punition est levée, ils vont pouvoir jouer tous les trois ensemble, tout est bien qui finit bien et personne n’a été assassiné.

Une fois que nous avons fini de le lire, je propose aux élèves une « production d’écrit » (ce qu’on appelait dans le temps une « rédac’ ») Le sujet : écrire une fin alternative tenant compte de cette phrase qui introduit une modification dans le récit :
« Foufouille et moi, on est cachés derrière un arbre. Au moment où Cornin sort avec sa trique pour aller rattraper Aldébaran, il parle avec la petite fille sur le seuil de la porte, lui donne des consignes, puis ferme la porte à clef derrière lui. »

Les productions d’un bon tiers de la classe m’ont totalement consterné, et c’est un faible mot. Je dois dire que ça m’a pourri toute ma soirée et une bonne partie de mon week-end. Il m’a fallu quinze bons jours pour préparer ma « riposte », tellement ça me laissait sans voix. En fait, c’est difficile d’en parler, ça se passe assez de commentaires, et pour que vous en soyez tout à fait convaincus, voici les pires en exclusivité.
Les productions faites par des spécimens mâles sont en bleu, celles faites par des spécimens femelles sont en rose, ce qui prouve que le bellicisme n’est plus la chasse gardée du sexe masculin.


Sources d’inspiration possibles : James Bond, Massacre à la Tronçonneuse.
Il coupe la porte avec une tronçonneuse et cherche le cadavre, il trouve la fille juste blessée. Cornin revient mais il voit que quelqu’un a coupé la porte, il trouve 007 et 009 et les attache à une chaise et met une bombe. Cornin part et à la 10ème seconde ils se libèrent et sauvent la petite fille et boum la maison explose. Cornin revient avec un bazooka, « tic » il appuie sur la gâchette, mais il n’y a plus de balle, mais il y a une balle dans sa poche et il dit :
- Je vais vous exterminer.
Et ils répondent :
- Nous on va t’exterminer et tu vas aller en taule. 009 dit : « et si il est mort comment il va aller en taule ». Je réponds : « Ah j’avais pas pensé ». Cornin dit : « Bon vous arrêtez vous (mot illisible). » « Tic » je prends la fille et je me jette par terre et boum ça explose. Cornin dit : « Ah je n’ai plus de balle » et je lui mets une bonne (deux mots illisibles) dans le ventre (le mot « zizi » est raturé avant « ventre ») et il dit : « Ah ! Mon ventre (le mot « zizi » est raturé avant « ventre ») ! » et la police passe à côté mais Cornin devait avoir prévu ça et il sort un pistolet et tire sur le policier mais il y avait des balles et le policier meurt et Cornin va en prison.



Sources d’inspiration possibles : Call of Duty Modern Warfare, 24 heures chrono, Blanche Neige (pour la dernière phrase).
Les enfants prennent le pistolet de Monsieur Magnat, ils montent dans l’arbre et ils tirent à côté du taureau pour qu’il aille plus vite, on est descendus de l’arbre et on est allés dans la maison et on a vu la petite fille presque morte et elle disait : « tuez-moi s’il vous plaît. » On a dit : « Dommage mais d’accord ». On est remontés dans l’arbre pour tirer, on a tiré à côté d’Aldébaran, une, deux, trois fois sauf à la quatrième on a tiré dans la jambe de Cornin Bouchon pour le ralentir, on est allés à la base militaire et on a enclenché le missile XXV280 et on a entendu « Boooom » et c’est tombé sur la maison à Cornin, on est rentrés, la maison était bousillée, et on a donné un coup de pied dans la porte et on a vu un tiroir à l’entrée qui s’est ouvert et on a vu le squelette de la petite fille tomber et s’exploser par terre. En rentrant Cornin Bouchon avec la jambe en sang tombe sur le palier et dit : « qu’est ce que vous lui avez fait ? » J’ai dit : « on l’a tuée Aaaaaah » en rigolant. Foufouille et moi on a dit : « On va te tuer parce que si papa apprend ça on retournera à l’Assistance ! Bye ! » et on a tiré « Boumm ». On est rentrés chez nous et on a dit que Cornin est allé raccompagner et allé habiter en Afrique. Papa a dit : « Tout est bien qui finit bien ».


Sources d’inspiration possibles : difficilement identifiables tellement c’est débile. Une parodie coréenne de Matrix, peut-être ?
Nous avec Foufouille on a vu la petite fille somnambule donc on l’a réveillée. Du coup, elle s’est suicidée. Nous on trouvait ça marrant qu’elle s’était suicidée avec des poules. Tout d’un coup Cornin Bouchon arriva et on lui a jeté des œufs couis et des veaux et du haut du toit on l’a balancé sur Aldébaran et il est mort ! Ensuite, Foufouille et moi on a fait la fête et on a bu du Champagne. Notre papa arriva, nous prit dans ses bras et nous dit :
- C’est bien mes garçons, on s’est enfin débarrassés de lui !



Sources d’inspiration possibles : Commando, Rambo, Delta Force, Fast and Furious, Catch Attack.
Moi je trouve un bazooka et j’appuie sur n’importe quel bouton et j’explose la moitié de la maison. Il reste la chambre, la cuisine et la salle. Et d’un coup il y a une pluie de pièces, Foufouille et moi on récupère les pièces. Foufouille dit : « Je crois que j’ai compris, on a eu le coffre fort de Cornin Bouchon. » Après je prends l’ordinateur de Cornin Bouchon et je commande une ferrari. Foufouille prend le bazooka et explose la grange de Cornin. J’ai une idée, Foufouille met des œufs couis dans le bazooka… et Cornin arrive, je lui dis : « Eh Crotin Pochon attrape ça ! » et je lui envoie 5 œufs cuis dans la tronche. Il tombe dans les pommes, sauf que… Aldébaran charge et je dis : « Vite ! Munitions ! » et Foufouille fouille dans sa poche, trouve un hologramme, il scanne Aldébaran et Aldébaran a peur. Cornin Bouchon croit au démon. Il se relève et tue Aldébaran. Et Foufouille avec excès de colère (il adore les animaux) prend une tronçonneuse et tue tout le monde sauf moi et Monsieur Magnat. Je dis : « faut cacher le cadavre ! » Foufouille dit : « Ouais ! On va dire que c’est Cornin Bouchon ! » Je dis : « Ouais ! Mais… C’est lui Cornin Bouchon ! » Et ma Ferrari arrive, 111 500 € la Ferrari c’est pas donné mais une de course ça va. Le livreur voit les cadavres et dit : « Vous… Vous les… a… avez… tu… tués ! » Foufouille prend un calibre 12 et « Pan ! » dans l’estomac. « Bien visé frérot ! » Et comment on fait pour transporter Aldébaran ? Mmmm… La Ferrari dit Foufouille, eh oh c’est ma Ferrari, allez bon d’accord c’est parce que c’est toi. Eh mais on n’a pas oublié quelque chose, la fille !
Je dis : « J’arrive avec un bourrin ! » Boom ! Foufouille applaudit l’artiste. J’appelle (ici énumération logorrhéique de plus de 20 noms propres anglo saxons écrits en franglais, se référant probablement aux stars du catch américain), etc… Et je dis : « On va les exploser ! » « La fille ! » dit Foufouille. Je prends la fille et je la conduis jusqu’à l’Assistance. Les catcheurs arrivent, tout le monde est là ! Les gars de l’Assistance arrivent et… Pif ! Paf ! Boom ! (Batista Boom) Pof ! Pig ! Pag ! Aaaaah ! Yaayah !!!!! Après la guerre (sans armes), tous se sentent bien sauf trois, Edge, Umaga et Lena Yada. Je dis : « On a gagné ! » Chez Monsieur Magnat, ils jouent à la guerre aux œufs couis. Foufouille dit : « allez on récupère les cadavres ! » On emmène les blessés à l’hôpital. Ils me disent tous : « on s’est bien marrés ! » On retourne chez Monsieur Magnat. On n’entendit plus parler de Cornin Bouchon et d’autres voisins plus gentils, une mère, un père, un fils qui s’appelle Kévin et on s’amuse bien avec lui.



Sources d’inspiration possibles : Thriller de Michael Jackson, Twilight, Frankenstein.
Il grimpe sur l’arbre pour sauter sur la maison. Il casse le toit et il entre, il voit une hache pleine de sang, à côté il y avait une poule sans tête. Ils descendent, ils voient un fantôme qui est en fait la petite fille. Ils courent pour aller se réfugier. Ils voient un chat noir, ils marchent sur la queue du chat, ils tombent, ils cassent le miroir et après ils passent sous l’échelle. Ils voient le fantôme ils la jettent par la fenêtre. Ils s’en vont, ils prennent la hache, ils sortent, ils attendent que Cornin Bouchon arrive. Le narrateur prend la hache il se retourne et il tue Foufouille. Il cache le cadavre dans le poulailler. La nuit tombée il se transforme en loup-garou. Cornin Bouchon arrive, il le mord pour le tuer, Cornin Bouchon meurt. Le narrateur rentre chez lui et là il se transforme en zombie. Monsieur Magnat le voit en zombie, du coup il prend un couteau pour le tuer. Mais le zombie est invincible alors après Monsieur Magnat fuit. Il se cache chez Cornin Bouchon. Le zombie fouille toute la ville et il ne trouve rien. Alors il va chez Cornin Bouchon et là le combat commence Monsieur Magnat voit un vrai fantôme qui lui dit viens par ici. Monsieur Magnat réussit à s’échapper par malchance le zombie le voit et Monsieur va chez lui pour partir loin d’ici il va en Espagne. Le zombie le suit il demande aux gens où habite Monsieur Magnat. Ils disent 11, avenue des grottes de chien. Il va dans la rue il voit plein de merde partout. Il est chez Monsieur Magnat, il rentre, il reconnaît son meilleur copain. Il prend la hache et il lui découpe tous les membres. Après il se cache mais Monsieur Magnat ne revient pas au bout de un mois. Un an plus tard Monsieur Magnat habite en Amérique, il est le garde du corps de Michael Jackson, le zombie va chez Michael pour voir son père et il tombe sur Michael, du coup il lui donne beaucoup de (mot illisible), après son père vient, il voit Michael mort, du coup il crie il va en prison donc il peut pas tuer son père pendant 6 ans. 6 ans plus tard Monsieur Magnat est libéré de prison, il habite en Suisse, le zombie se transforme en vampire, vole en suisse, va chez son père, il entre, il voit son père mort, du coup il prend un couteau et se tue.


Sources d’inspiration possibles : The Butcher, American Psycho, La Momie.
Cachés dans un arbre, le narrateur et Foufouille attendent que Cornin parte, ils cassent une vitre, ils entrent dans la maison, ils cassent la porte du salon, ils voient un revolver, ils tirent et tuent la fille, après ils voient une hache, ils coupent la tête de la fille morte, le narrateur tue Foufouille avec la hache.
Le narrateur remarque que Cornin Bouchon arrive avec Monsieur Magnat. Je me suis sauvé par la fenêtre cassée, je vais prendre des œufs couis et je les jette sur Monsieur Magnat et Cornin Bouchon, et Cornin Bouchon fond et Monsieur Magnat évite les œufs couis. Le narrateur se transforme en momie, il pousse Monsieur Magnat dans une tombe avec des lames tranchantes. Il va voir Aldébaran qui est le taureau de Cornin Bouchon. Le narrateur remarque que Cornin Bouchon n’était pas mort, c’était son voisin qui était avec Monsieur Magnat. Donc j’ai décidé de les tuer tous les deux d’un coup de hache.



Sources d’inspiration possibles : j’ai pas de mots, là...
Le narrateur et Foufouille vont chercher un lance-roquette puis le narrateur et Foufouille se dirigent vers la porte et « Boom ! » la porte a volé, puis les deux enfants rentrent dans la maison de Cornin Bouchon et cherchent la petite fillette. Ils cherchent dans la cheminée, rien, dans la chambre, rien, dans la salle à manger, rien, dans les toilettes, rien, sur le toit, oui. Ils sont allés chez le cordonnier prendre une échelle puis retournèrent sur le toit de Cornin Bouchon le narrateur et Foufouille et la petite fillette dit : « Tuez-moi s’il vous plaît ». Le narrateur dit « Ok ». Le narrateur redescend de l’échelle pour reprendre la hache et remonte sur le toit et coupe la fille en deux, on voyait tout ce qu’il y avait dedans, pour moi c’était trop cool. Comme maintenant je suis un expert en catégorie tuer je peux m’engager à l’armée.
Le sergent m’a dit « ok, voyons ce que tu peux faire, tue quelqu’un. » D’accord dit le narrateur, il tire sur le sergent et mince dit le narrateur, de toute façon c’est pas de ma faute, il m’avait dit de tuer quelqu’un. Puis le narrateur rentre chez lui.



Voilà l’étendue des dégâts.
Je précise que tous les auteurs de ces joyaux de littérature moderne (postmoderne ?) ont un niveau scolaire qui va de convenable à excellent, des parents d’une catégorie socioprofessionnelle moyenne à élevée, avec un taux de divorce et/ou de famille recomposée tout à fait conforme à la moyenne nationale (je dis ça pour les bien pensants).
Bref, il est grand temps d’arrêter de les laisser regarder n’importe quoi à la télé, et aussi plus que grand temps d’arrêter les jeux video rambomaniacs dès qu’ils sortent de la maternelle (voire du berceau).

Copyrat draleuq 2009

draleuq, 14h52 :: :: :: [13 cris de désespoirs]

24 Mai 2010 ::

« Les malfaisants - 3ème partie »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Les malfaisants - 1ère partie
2. Les malfaisants - 2ème partie
3. Les malfaisants - 3ème partie


Eruption

Tout cela finissait vraiment, à la longue, par me refiler des boutons. Et c’est exactement ce qui se passa : vers la fin de l’année scolaire, j’attrapai un impétigo. C’est une sympathique maladie qui vous donne des éruptions cutanées sur tout le corps, se transformant en mignonnes petites croûtes jaunes extrêmement contagieuses, d’où éviction scolaire d’une semaine. Une semaine ! Une semaine sans voir sa gueule de morue ! Rien que pour ça, j’aurais bien rempilé sur une rougeole, une varicelle, une scarlatine, un zona et une grippe !

Sur les croûtes sus décrites, il fallait appliquer un produit pour les faire sécher. Or, à cette époque, ils n’avaient pas encore le souci de l’esthétique, et ils y allèrent donc à grands coups d’éosine. Lorsque je revins à l’école, je n’avais plus de boutons, mais j’avais encore la tronche badigeonnée de rouge. La vieille peau tenait sa vengeance, facile, gratuite, pour n’avoir pas pu me pourrir la vie pendant une semaine. Visiblement, je lui avais manqué :
- « Alors, il fait moins le malin maintenant, draleuq, avec sa bille de clown ! »

Sans parler de l’insondable bêtise d’une telle réflexion, elle était de toute façon complètement gratuite puisque je n’étais pas du tout, mais alors pas du tout du genre à faire le malin, surtout à cette époque. En tous cas, si jamais le cercle d’idiots qui dominait cette classe avait hésité à se moquer de moi parce que j’avais plein d’éosine sur la gueule (ce dont je doute), il n’y avait désormais plus aucune hésitation à avoir. Même la maîtresse le faisait, alors lâchons nous carrément !



Rencontre fortuite

Quelques années plus tard, j’étais devenu adolescent et je circulais librement, les mains dans les poches, dans une rue de la ville. Juste au moment où je passais devant une maison, la fenêtre du rez-de-chaussée s’ouvrit brutalement, et je me tournais donc machinalement dans cette direction. Je tombai nez à nez avec Madame Morue. A ce qu’on pouvait en juger, elle devait habiter là. Elle me reconnut tout comme je la reconnus, rien qu’à voir avec quel empressement elle attrapa ses volets et les ferma. Sans doute avait-elle conscience un minimum de l’ampleur de ses nuisances, et qu’à défaut d’en éprouver la moindre culpabilité, elle craignait peut-être de subir un jour des représailles.

Ce fut la dernière fois qu’elle me reconnut. Mais ce ne fut pas la dernière fois que nous nous vîmes.

La vengeance est un plat qui se mange salé

Le temps a passé. J’ai quitté la ville pour étudier, puis pour travailler. Et puis j’y suis revenu, vingt ans après.

En l’espace de quelques années, j’ai croisé, revu, ou entendu parler de plusieurs gars du cercle de crétins qui m’avaient persécuté et qui soufflaient « décapsuleur » quand ils passaient à côté de Solène, tout ça avec la complicité tacite de la Morue. L’un d’eux était mort dans un sombre règlement de comptes, un autre venait de se suicider, deux autres étaient des beaufs de la pire espèce, traînant une vie de misère sans même s’en rendre compte, entre un boulot de merde, une femme soumise et maquillée à la truelle et un gosse morveux aussi con que son père. A vrai dire, ils n’avaient pas vraiment changé.

Un jour, un petit homme se dirigea vers moi avec une feuille et un stylo, dans le hall de l’école. Je le reconnus aussitôt. Déjà à la base je suis physionomiste, mais lui je ne risquais pas de l’oublier ! C’était le fumier de la piscine.
- "Y’a eu un bon de fait pour les toilettes du bâtiment 13… C’est où ?"

Je le toisai de toute ma hauteur. Il était maintenant dégarni, avait le cheveux gras et pelliculeux, mais toujours aussi noir. Le contraste entre ses petites jambes fluettes et son torse d’athlète compressé s’était nettement aggravé avec la bedaine qui s’était rajoutée par-dessus. Il avait l’œil glauque et le visage boursouflé et couperosé de celui qui tire beaucoup trop sur la bibine. Même là, il avait encore son petit sourire vicelard en coin. Il ne le quitterait sûrement pas jusqu’à ce que sa cirrhose ne l’emporte en enfer.

Il avait donc fini par quitter la piscine. Peut-être n’arrivait-il plus à flotter. Ou peut-être avait-on fini, à la bonne heure, par porter plainte contre lui, ce qui avait entraîné son « reclassement » puisqu’il travaillait toujours pour la mairie. Agent de voirie à ce qu’on pouvait en conclure de sa question. Il est vrai que sa place était moins dans un bassin nautique que dans une fosse septique.
- "Alors, c’est où le bâtiment 13, siouplé ?"

Je lui fis un grand sourire comme je sais les faire, un de ces sourires qui veut dire « je t’emmerde », je tournai les talons pour m’en aller, et lui répondis :
- "Chais pas, j’travaille pas ici."

Quelques mois passèrent. C’était bientôt Noël, le hall était décoré d’un superbe sapin. A quelques pas de l’endroit où j’avais revu le fumier, Papa Noël me fit son plus beau cadeau de cette année-là. Je surveillais l’entrée des enfants, et une dame d’un certain âge, mais encore coquette, franchit le seuil de la porte, demanda quelque chose à un instituteur qui me montra du doigt. Je la suivais des yeux, et je ne les croyais pas (mes yeux). C’était Madame Morue en personne, vous l’avez déjà deviné. Je l’avais aussitôt reconnue bien sûr. Elle se dirigea promptement vers moi, je la scrutai, et je vis que cette fois, elle ne me reconnaissait pas.
- "Bonjour, vous êtes le directeur ?
- Certes.
- Je me présente, Madame Morue, je suis institutrice retraitée. Je suis bénévole pour le Secours Populaire, je viens pour savoir si vous pouvez nous aider à collecter des jouets usagés pour les enfants pauvres."

Je la toisai de toute ma hauteur. Elle n’avait pas bien changé. Toujours pomponnée, toujours la mise en plis impeccable, avec un peu plus de couleur sans doute. Toujours son air pincé. Juste un peu plus ridée. La méchanceté parfois ça conserve, faut croire.
- "Je suis désolé Madame. Je n’ai rien contre les enfants pauvres, bien au contraire. Mais que ce soit quelqu’un comme vous qui s’occupe de leur bien-être, je considère ça comme une obscénité. Dites au Secours Populaire d’envoyer quelqu’un d’autre, et de faire un peu plus attention à l’avenir à ceux qu’ils recrutent comme bénévoles. Au revoir."

Complètement décontenancée, elle quitta l’école pour ne plus jamais y revenir.
Elle a fini par savoir qui j’étais. Une dame qui travaillait dans l’école la connaissait pour faire partie comme elle des bénévoles des Œuvres Laïques de la ville (eux aussi, ils devraient faire attention à ceux qu’ils recrutent) A la réunion suivante, la Morue lui a donc demandé qui était ce psychopathe de dirlo qui l’avait tancée vertement. Alors Marguerite lui expliqua. La Morue lui répondit simplement :
- "Ah oui, ça, j’étais dure, c’est vrai !"


Ah oui, ça, elle était salée la Morue !


Remerciements

Je vous remercie. Toi, fumier de vicelard nautique. Mais surtout toi, la Morue. Vous avez certainement largement contribué à me faire choisir un métier dans lequel je m’éclate. Et plus encore contribué à l’idée que je me fais de la manière de laquelle on doit faire – et ne pas faire – ce métier. Merci à vous de m’avoir enseigné, à défaut d’autre chose, l’exemple à ne pas suivre.

Encore aujourd’hui, lorsque les gamins sont chiants (car oui, ça leur arrive, c’est ainsi, ça fait partie d’eux et ça ne changera jamais… Mais les adultes n’ont rien à leur envier), encore aujourd’hui donc, lorsque les gamins sont agaçants et que je sens monter en moi une pointe d’exaspération, si jamais un geste d’humeur ou un mot blessant me vient à l’esprit, je pense à vous, je souffle un grand coup, et je me contiens.

Encore aujourd’hui, si un stagiaire débarque dans ma classe et que je me rends compte qu’il n’a aucune spontanéité dans le contact avec les enfants, qu’il s’énerve à moitié au premier truc qui va de travers, qu’il ne supporte pas le moindre bruit de fond et qu’il est un peu psychorigide, je pense à vous qui auriez dû faire autre chose, et je lui dis : « si tu veux un bon conseil, laisse tomber, ce taf n’est pas pour toi. »

Merci donc une dernière fois, et Adieu ! Mon fiel à votre encontre s’est libéré et je vous pardonne tout dans un dernier réflexe judéo-chrétien.



Je dédie cette mini saga à Solène. Puisse-t-elle avoir trouvé un petit peu de bonheur pour éclairer son existence.


copyrat draleuq 2007

draleuq, 09h37 :: :: :: [5 sarcasmes grinçants]

22 Mai 2010 ::

« Les malfaisants - 2ème partie »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Les malfaisants - 1ère partie
2. Les malfaisants - 2ème partie
3. Les malfaisants - 3ème partie


Un vilain petit décapsuleur canard

Tout près de chez moi vivait une fille de mon âge qui était dans ma classe. Cette fille avait une particularité qui sautait aux yeux : elle était défigurée par une malformation de naissance, contre laquelle la chirurgie ne pouvait pour ainsi dire rien.

Je ne me souviens plus de l’effet que ça m’a fait la première fois que je l’ai vue, mais ce dont je me souviens, c’est qu’une fois habitué à elle, je n’y prenais plus trop garde. C’est, je crois, l’avantage des enfants par rapport aux adultes, ils ne restent pas fixés sur ce genre de choses. Ils n’en sont pas pour autant tendres entre eux, comme on le dit souvent. Et cette année-là, Solène était très rapidement devenue la risée de toute la classe, tout du moins de la jeune bande de mâles dominants qui la hantaient de leur bêtise déjà bien formée, même à neuf ans.

Ils s’étaient d’abord mis en cercle tout autour d’elle, à la récréation, pour se gausser bruyamment. Puis, quand c’était devenu trop voyant, ils se contentaient de faire en sorte de passer à côté d’elle et de lui lâcher un petit compliment à voix basse, l’air de rien. Je me souviens en particulier de « p’tit lapin », et surtout de « décapsuleur », en référence à son maxillaire supérieur trop avancé.


Le Vilain Petit Canard
(dessin animé de Evelyn Fauché / V. Gontcharov)


- Encore une famille de plus, comme si nous n'étions pas déjà assez. Et il y en a un vraiment affreux, celui-là nous n'en voulons pas.
Une cane se précipita sur lui et le mordit au cou. (…)
- Il est trop grand et mal venu. Il a besoin d'être rossé.
- Elle a de beaux enfants, cette mère ! dit la vieille cane au chiffon rouge, tous beaux, à part celui-là : il n'est guère réussi. Si on pouvait seulement recommencer les enfants ratés ! (…)
Cependant, le pauvre caneton, trop grand, trop laid, était la risée de tous. Les canards et même les poules le bousculaient. Le dindon - né avec des éperons - et qui se croyait un empereur, gonflait ses plumes comme des voiles. Il se précipitait sur lui en poussant des glouglous de colère. Le pauvre caneton ne savait où se fourrer. La fille de basse-cour lui donnait des coups de pied. Ses frères et soeurs, eux-mêmes, lui criaient :
- Si seulement le chat pouvait te prendre, phénomène !


Andersen (Le Vilain Petit Canard)


Moi, je ne participais pas à ces lynchages, qui me dégoûtaient. J’aurais voulu prendre sa défense, et leur dire à quel point ils étaient cons. Mais seulement voilà, sans être moi-même la risée de la classe, j’étais un grand truc pas bien dans sa peau, la victime parfaite pour cette bande d’abrutis, et il m’arrivait régulièrement, sans leur avoir fait quoi que ce soit, d’être moi-même la cible d’un harcèlement pénible, genre :
- "On te pète la gueule à la récré !
- Ah bon ? Qu’est-ce que je vous ai fait ?
- Rien, mais on a envie."

Bref, quand ils me foutaient la paix, je me faisais oublier dans un coin de la cour et les évitais comme la peste. Et Solène était abandonnée à elle-même, les filles ne s’occupant pas d’elle. Je revenais souvent de l’école avec elle et on discutait comme deux gamins normaux, même chose en y retournant. Mais en arrivant, nos chemins se séparaient. Elle ne m’a jamais reproché quoi que ce soit. Aujourd’hui encore, je ne suis pas fier de toute cette lâcheté.

Solène a enduré ce calvaire longtemps, encaissant sans broncher. Madame Morue n’a rien vu bien sûr, ou fait semblant de ne rien voir. Si j’avais eu une élève comme ça, moi, j’y aurais été très attentif, j’aurais surveillé discrètement, mais de très près, tout ce qui se passait autour d’elle. Et en privé, j’aurais poussé les élèves les plus intelligents de la classe à se rapprocher d’elle. Mais Madame Morue était trop occupée à vérifier sa mise en plis du bout de ses doigts crochus et manucurés.

Alors un jour, c’en a été trop pour Solène. Elle s’est effondrée, en longs sanglots déchirants, inconsolable. Là quand même, la morue a bien dû réagir. Elle a fait la morale à toute la classe :
- « Pourquoi vous ne voulez pas jouer avec elle ? »

C’était là la seule explication que Solène avait osé lui donner, entre deux sanglots : « personne ne veut jouer avec moi ». Et elle y avait cru, cette sinistre conne.


Deux barges dans une piscine

Je me souviens, cette année-là, c’était vraiment la Bérézina pédagogique. On allait à la sacro-sainte piscine une fois par semaine, et le maître nageur était un psychopathe de sinistre réputation. Petit et trapu, sa tête de pourceau rentrée dans ses épaules de nageur est-allemand, les encouragements et le sourire lui étaient inconnus, il leur préférait de loin les qualificatifs dégradants et la méthode musclée.

Mais de nous tous, c’est encore une fois la pauvre Solène qui fit le plus les frais de ce malade. Lorsqu’il l’avait vue débarquer avec ses difformités, et comme en plus elle était aussi à l’aise dans l’eau qu’un caillou, une lueur vicieuse s’était allumée au fond de son œil de salopard, et il n’avait pas tardé à jeter son dévolu sur elle, tel un requin affamé, ou en l’occurrence, tel le peuple de Paris sur Quasimodo. Et dans cette hypothèse, Madame Morue aurait été Frolo, impassible devant les humiliations infligées à sa « pouliche ».


Les bourreaux de Louis XI torturent Quasimodo,
dans "The hunchback of Notre-Dame",
film de Wallace Worsley (1923)


Quand elle ressortait de l’eau trop vite, il lui appuyait sur la tête avec sa perche, ce fumier. Alors elle ressortait, cherchant de l’air, toussant et crachant de l’eau, et il lui appuyait sur la tête encore une fois. S’il estimait qu’elle ne faisait pas bien ses mouvements de brasse, il la faisait sortir de l’eau, il la mettait à plat ventre sur un plongeoir, et elle devait brasser de l’air. Devant toute la classe réunie au grand complet bien sûr, sinon c’est pas drôle ! Si elle se laissait aller, il lui faisait redresser le menton d’un coup de perche… Ah, sa putain de perche de trois mètres, si seulement quelqu’un avait pu l’empaler dessus par le fondement.

Et que faisait la morue pendant ce temps-là ? Elle était là, debout, avec sa cellulite et ses varices engoncées dans un maillot de bain taillé dans un rideau de douche de 1970. Elle observait la scène sans rien dire, sans même la trahison d’une gêne sur son visage pincé.

Si elle avait eu une quelconque humanité, un quelconque courage, un quelconque professionnalisme, elle aurait ordonné à ce sac à merde d’arrêter dès la première humiliation, aurait demandé à toute sa classe de sortir de l’eau, de se rhabiller, aurait quitté la piscine, et dès en arrivant à l’école, elle aurait écrit un rapport circonstancié qu’elle aurait envoyé à la mairie, à l’inspecteur et aux parents de Solène, en précisant qu’elle refusait de retourner à la piscine en présence de ce M.N.S.

Un jour, la mère de Solène est venue voir la mienne. Lorsqu’elle est repartie, ma mère est venue me voir à son tour :
- « Solène ne veut plus aller à la piscine, ça fait deux semaines de suite qu’elle vomit son petit-déjeuner le jeudi matin avant d’y aller. Il se passe des choses à la piscine ? »

Je ne sais plus ce que je lui ai répondu, mais je n’ai pas balancé ce fumier. J’ai dû être évasif. J’avais neuf ans et j’avais peur. Peur de lui, peur de ces deux-là. N’empêche, 25 ans après, j’ai encore honte.

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 11h51 :: :: :: [1 sarcasme grinçant]

21 Mai 2010 ::

« Les malfaisants - 1ère partie »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Les malfaisants - 1ère partie
2. Les malfaisants - 2ème partie
3. Les malfaisants - 3ème partie


Si j’essaie de faire honnêtement mon examen de conscience, je dirais franchement que je ne suis pas rancunier, et il me vient spontanément de nombreux exemples pour appuyer cette affirmation. Pourtant, il demeure toujours quelques fumiers qu’il est difficile d’oublier, de ces malfaisants qui pourraient donner de furieux accès de manichéisme, voire donner envie de partir en Croisade contre l’Axe du Mal, tel un George Bush moyen.

Présumé coupable

Il était une fois une « institutrice ». Pour tout le monde, c’était la terreur. A l’idée d’aller dans sa classe, on passait de très mauvaises vacances d’été. Je n’ai pas échappé à cette appréhension, mais j’étais loin de penser qu’en plus de son inclination naturelle à pourrir la vie de tous ses élèves, elle me prendrait en grippe… De toute évidence, la morue avait une aversion très prononcée envers les enfants, mais lorsqu’ils étaient un peu grands, un peu rêveurs et un peu mal dans leur peau, là c’était l’hallali.
Et j’étais tout ça à la fois.

J’avais une voisine de devant qui n’arrêtait pas de se retourner pour me parler. Vu que je n’en menais pas large dans la classe de cette folle, je n’avais de toute façon que très moyennement envie de solliciter mes voisines ou d’être sollicité par elles, donc je me contentais de lui souffler « chut », ou « arrête », ou « laisse-moi tranquille », ou toute autre chose dans le genre.

Vu que l’autre ordure avait l’œil aussi perçant que l’aigle, et l’oreille aussi affûtée qu’une chauve-souris (je préfère la comparer à la chauve-souris qu’à l’aigle, en fait), cela finissait immanquablement par attirer son attention et la sentence ne mettait pas longtemps à tomber :
« Draleuq ! Encore en train de déranger sa voisine de devant ! Mais quel cas celui-là ! Je te colle une punition ! »

C’est arrivé de nombreuses fois. Toujours elle retournée, toujours moi dans le bon sens, mais jamais je n’ai eu la joie d’entendre « Machine ! Encore retournée ! Mais quel cas celle-là ! Je te colle une punition ! »

Inutile de discuter bien entendu. La punition aurait été doublée, comme à l’armée. A la maison, inutile également d’essayer de s’expliquer, car oui, ma famille faisait partie de celles (de plus en plus rares) qui sont toujours du côté de l’instit, par défaut, par définition et par principe. Punition doublée donc, et bienheureux si c’était pas avec trois claques et au lit.

En public, c’est tellement plus chic !

Le péché mignon de cette si merveilleuse « institutrice », c’était de jeter publiquement l’opprobre et la honte sur un de ses élèves tant chéris. Plus grande était l’assemblée pour assister au lynchage verbal, plus elle se lâchait avec une délectation non feinte.

Ainsi donc, un jour, nous en revenant du cours d’éducation physique, ce qui était en soit exceptionnel puisque quatre cours sur cinq étaient annulés par punition ou pour cause de maths pas finies, nous venions de terminer la séance par un jeu que mon équipe avait brillamment gagné, et j’avais constaté (à juste titre) que mon rôle avait été déterminant dans cette victoire. Donc j’avais dû dire à un ou deux de mes camarades, sans pour autant le claironner avec un mégaphone : « c’est grâce à moi ». Cela peut sembler bouffi d’orgueil, mais pour resituer dans le contexte, il faut tout de même préciser que la confiance et l’estime de moi-même n’étaient pas mes principaux traits de tempérament, et que j’étais donc loin, très loin d’être coutumier de ce genre d’affirmation.

Aujourd’hui que je suis à la place de la morue, je me dis que si je rencontrais une telle situation venant d’un de ces élèves qui sont les miroirs de ce que j’étais à leur âge, Kévin par exemple (vous ne le connaissez pas mais c’est pas grave, c’est un clin d’œil… Après tout, vous ne connaissez pas la morue non plus ;o), eh bien je me contenterais d’en rajouter une petite couche, genre : « C’est vrai que t’as bien assuré Kévin ! »

Mais la psychologie était à Mme Morue ce que la feuille de salade est au clébard. Par contre, pour tout entendre elle était douée, et la petite phrase ne lui avait pas échappé. Je préfère jeter un voile pudique sur ce qu’elle m’a dit, d’autant que je ne me souviens pas de tout, mais toujours est-il que l’objectif était de me dégonfler le melon, et qu’elle y a réussi au-delà de toute espérance, du haut de ses escarpins et de son tailleur (oui oui, même en éducation physique, tout à fait ;o).

Il y a eu une autre fois, c’était à la sortie de l’école, j’étais sorti depuis deux minutes et ma mère attendait mon frère en discutant avec quelqu’un. Je m’amusais à grimper quelques marches du réverbère en béton qu’il y avait sur le trottoir, oh pas bien haut… à 75 cm au dessus du sol, tout au plus. Cette activité était pratiquée par des centaines d’enfants, tous les jours depuis des temps immémoriaux, car c’est tentant pour un gamin, des marches pour grimper ! Mais un midi, ce fut mon tour, et cela n’échappa pas à l’œil inquisiteur de Madame Morue. Elle me réprimanda donc de sa voix criarde, comme à son habitude, par-dessus l’attroupement de parents venus chercher leurs enfants qui s’arrêtèrent tous de discuter pour regarder dans ma direction.

Ce fut la seule fois où ma mère ne me punit pas de surcroît. Elle ne me dit rien. J’ai su plus tard – beaucoup plus tard - qu’elle n’avait pas du tout apprécié que cette folle se substitue à elle, et qui plus est devant cent personnes.

Vole, vole petit tampon buvard…

Bien entendu, les accès de hurlements n’étaient pas le seul hobby de cette hystérique. Généralement, dans ce genre de cas, on dispose de tout le « package »… Elle appréciait donc sans modération les châtiments corporels, tout en prenant bien soin qu’ils ne laissent pas de marques. Une tape sur la tête en passant derrière quand c’est faux, un élève attrapé par le bras et secoué comme un prunier dans la cour. Et puis, il y avait le tampon buvard !



Mais oui, souvenez-vous de cet objet désuet, tout de bois, sur lequel on mettait une feuille buvard pour éponger le surplus d’encre. Madame Morue, elle, ne l’utilisait que comme projectile, essentiellement pour faire peur d’ailleurs, car l’objet était plutôt lourd. Il passait donc plutôt à côté, ou on le recevait dans les jambes.

Mais un jour, alors qu’elle visait un enfant pas sage au premier rang, elle rata carrément son coup et ce fut sa voisine qui le prit en pleine tête. C’était une fille calme et inodore, qui avait pour nom Fatima, c’était la seule arabe de la classe… Quel manque de chance !

Après le bruit sourd du tampon buvard ayant rebondi dans le crâne de Fatima, sur sa table et par terre, une sourde exclamation s’éleva dans la classe. Fatima saignait de la tête. Pis que ça, Fatima pissait le sang. La folle lui avait entaillé la tempe, et ça saigne ces p’tites conneries là ! Vraiment, quel manque de chance !
- "Oooooh Fatima ! Ma p’tite Fatima ! Excuse moi, excuse moi, je suis désolée c’est pas toi que je visais. Oh, je t’ai fait mal. Viens, je vais te soigner, tu n’en parleras pas à tes parents, hein ?"

Quand elles sont sorties toutes les deux, je me souviens avoir jubilé avec plusieurs copains. C’est pas bien de jubiler parce qu’une copine a le crâne ouvert, surtout quand elle s’appelle Fatima. Mais c’est pas pour ça qu’on était jouasse : on buvait du petit lait parce qu’on avait vu cette peau de vache minable, blanche d’inquiétude, bredouillant des excuses incohérentes pour sauver sa peau à une gamine qu’elle n’avait de cesse de harceler d’habitude, parce qu’elle n’était pas bonne à l’école, et sans doute aussi parce qu’elle était arabe.

Fatima est revenue l’après-midi, avec deux points de suture. Je n’ai jamais su comment l'autre crevure s’était tirée de ce mauvais pas. A-t-elle dit à ses parents qu’elle était tombée dans la cour, tout en la tenant par la terreur ? Fatima était d’une famille nombreuse, ses parents trimaient au boulot, ils voulaient s’intégrer et sans doute surtout ne pas faire de vagues.

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 19h03 :: :: :: [2 poignants panégyriques]

15 Mai 2010 ::

« Bienvenue à Sarkoland - 3 : décidément, je n'aime pas cet homme. »

:: Paparatzi

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Bienvenue à Sarkoland - 1 : la présidentielle 2007
2. Bienvenue à Sarkoland - 2 : le petit Nicolas
3. Bienvenue à Sarkoland - 3 : décidément, je n'aime pas cet homme


J’ai essayé pourtant !

C’est vrai, je m’étais insurgé contre la campagne grotesque de désinformation et de bourrage de crâne numérique dont il avait été victime pendant la campagne présidentielle.

C’est vrai, à la fin de mon article, je lui accordais une probabilité, même faible, de faire mentir tous ses détracteurs. Le bénéfice du doute, en quelque sorte.

C’est vrai qu’avec les infirmières bulgares, il m’a bluffé. Evidemment, y’en avait encore qui trouvaient à y redire, mais quoi qu’on en dise, c’était quand même dégueulasse de laisser croupir des occidentaux engagés dans l’humanitaire au fond des geôles d’un dictateur ingrat alors qu’ils étaient victimes d’accusations non seulement injustes, mais parfaitement ridicules.

C’est vrai qu’après ses déclarations sur le Darfour, j’ai applaudi. Même s’il s’est contenté de dire que c’était une honte pour les pays démocratiques de laisser faire ça, il a eu au moins le mérite de le dire. A ma connaissance, c’est le seul dans sa fonction à l’avoir fait. Et puis, bien entendu, il ne peut rien faire tout seul, j’en ai conscience, et sans doute que lui aussi ça lui arrive, malgré tout, de réaliser qu’il ne peut rien faire tout seul.

C’est vrai que certaines de ses réformes actuelles me semblent incontournables, telles que le recul de l’âge de la retraite (c’est pas que je saute de joie à l’idée de gratter jusqu’à 70 ans, mais un peu de bon sens à personne ne nuit, sauf à la plupart des syndicats), ou la réforme sans concessions des scandaleux régimes spéciaux (et là je sais que je ne vais pas me faire que des amis, mais de toute façon je ne suis pas là pour ça).

D’une manière générale d’ailleurs, j’avoue mon incompétence à pouvoir juger le bien fondé de l’ensemble de ses réformes passées, actuelles, à venir. Je ferais un bien piètre politicien, je suis beaucoup trop émotif.

Par contre, certaines de ses attitudes qui m’ont déjà fermement empêché de voter pour lui, non seulement se sont confirmées, mais n’ont fait que s’affirmer depuis qu’il est à l’Elysée.
J’ai engrangé tout ça pendant quelques mois, le temps de voir venir, le temps de lui laisser le temps, mais là une petite goutte a fait déborder le vase. Il s’agit de ses dernières déclarations sur l’affaire des Français emprisonnés au Tchad pour « enlèvement d’enfants ».

Image du frenchie moyen

Si les autres parties du monde ont des singes, l’Europe a des Français. Cela se compense.

(A. Schopenhauer)


Il paraît que les Français sont très mal vus à l’étranger. Sauf naturellement dans les pays de l’est, où les hommes français, même laids, sont très bien vus des femmes célibataires, et dans les pays en voie de développement, où les touristes français sont très bien vus car ils distribuent des stylos Bic aux enfants dans les rues.

Ce qu’on reproche le plus souvent aux Français, semble-t-il, c’est leur arrogance. A cet égard, les histoires françaises racontées par les Belges, qui ne fustigent pas, contrairement aux histoires belges racontées par les Français, notre bêtise, mais notre arrogance, sont un témoignage significatif de la manière de laquelle nous sommes vus. Et, en la matière, il y a au moins une raison pour laquelle nous pouvons nous féliciter de l’élection de Nicolas Sarkozy, c’est que nous avons désormais un président parfaitement représentatif de son peuple.

Petit par la taille, grand par l’ego

Attache plus de prix à être un humble vertueux qu'un riche orgueilleux

(M. de Cervantes, "Don Quichotte")


Parce que, soyons honnêtes, faut-y quand même qu’y s’la pète et qu’y s’la joue Zorro pour aller déclarer à qui veut l’entendre qu’il « ira chercher tous les Français détenus au Tchad » à l’occasion de sa prochaine visite diplomatique dans ce pays. Ça rappelle les films de guerre où le colonel refuse de laisser le moindre de ses hommes, même mort, en territoire ennemi, et tient à être le dernier à quitter le champ de bataille.
Evidemment, la réaction des responsables Tchadiens ne s’est pas faite attendre (d’autant moins que le Tchad est une ex-colonie française). Ils se sont « irrités » (on le serait à moins) des propos de Sarkozy et lui ont fait savoir que ce ne serait pas à lui d’en décider, et que toute extradition était inenvisageable.
Autrement dit, s’il y avait une quelconque chance de les rapatrier, notre Nicolas national vient de la torpiller avec sa grande gueule avant même d’avoir commencé les pourparlers.

Comme quoi son ego est tellement boursouflé qu’il ne parvient même pas à apprendre de ses erreurs. Car pourtant, ça lui a déjà porté préjudice par le passé, sa grande gueule et ses airs de chevalier redresseur de tort, sans peur et sans reproche. C’est même le moins que l’on puisse dire. Qui ne se rappelle pas du « pas seulement quand je me rase », et surtout du « on va vous en débarrasser de cette racaille » et de la fameuse histoire du karcher (publicité illégale en plus, il aurait dû dire nettoyeur haute pression) ?

Pareil pour le récent traité européen simplifié, signé à Lisbonne, qu’il a assimilé à un « succès pour la France », donc pour lui, on l’a bien compris. Alors que 23 des 25 pays de l’Union étaient décidés dès le début à signer, il n’y en avait que deux qui renâclaient un peu, et encore, non parce qu’ils étaient opposés au Traité, mais parce qu’ils s’appuyaient sur la nécessité de l’unanimité des 25 membres pour faire chanter tout le monde sur une ou deux revendications sans aucun rapport avec le Traité.

Putain de merde, un peu de MODESTIE, est-ce trop demander à la Most Valuable Person de la France ?


Etre à ce point complexé par sa taille, n’est-ce pas l’aveu d’un ego démesuré ?


Deus pater omnipotent

Avoir trop de chefs ne vaut rien : qu'un seul soit chef, qu'un seul soit Roi.

(Homère, "l'Iliade")


Sarko est partout. Sarko par ci, Sarko par là. Dans la même journée, il peut être ici, là, partout. Il fait la pluie et le beau temps. S’il n’a pas le don d’ubiquité, c’est tout comme.

Sarko est omnipotent, cela n’échappe pas au peuple. Du temps où il était maire de Neuilly, il avait été négocier lui-même la libération des enfants de maternelle pris en otages par un fou bardé d’explosifs : « je suis votre ami, mais pour que je vous aide, il faut que vous libériez des enfants. Donnez m’en au moins un, donnez-moi le petit noir !», et on le voyait ressortir avec le gosse dans les bras, entouré des négociateurs du RAID qu’il venait de mettre au chômage technique.
Mais pourquoi les journalistes ont-ils pu filmer tout cela, au péril de leur vie ? Pourquoi ne télévise-t-on pas les négociations d’otages faites par ces types anonymes qui risquent leur vie en silence tous les jours ?
Je ne conteste pas le courage de Sarko. Ce que je conteste, c’est le désintéressement de son courage.

Mais ce qu’on est en train d’apprendre, c’est que Sarko est également omniscient. Sarko sait tout sur tout, il n’y a aucun domaine qui échappe à son expertise.
Il a dit par exemple que les enfants avaient trop d’heures de cours en France (ce qui est peut-être vrai, mais là n’est pas la question) et a donc décidé unilatéralement de supprimer le samedi matin d’école, sans même en avertir les profs qui l’ont appris dans le journal.
Il a décidé que les élèves devraient se lever quand le prof entre dans la salle, sinon c’est pô du respect. Mais on fait comment quand le prof entre en même temps que ses élèves dans la salle ?
Il a décidé aussi qu’on lirait la lettre de Guy Môquet dans les lycées, parce que c’est un exemple à suivre pour la jeunesse de France, vu qu’il a sacrifié sa vie sur l’autel de la liberté et de la patrie. Sans en référer à personne, ni aux profs, ni aux historiens, ni aux spécialistes. Pas besoin, Sarko est spécialiste de tout. Ou s’il ne l’est pas, il va le devenir.

Loin de moi l’idée de salir la mémoire de Guy Môquet, mais pourquoi pas plutôt la lettre poignante d’Adieu à sa femme écrite par Missak Manouchian, Français d’origine arménienne dont la famille avait fui le génocide Turc, fusillé au Mont Valérien par les Nazis, et dont la photo a été arborée par ces derniers comme un trophée, sur une affiche rouge sang ?
Peu importe qui, me direz-vous, c’est comme la tombe du soldat inconnu, c’est juste un symbole.
Seulement, il faut quand même avoir une sacrée haute opinion de soi pour s’octroyer le droit d’imposer à toute une société les symboles que l’on croit bons.

Un président qui gouverne

L’état, c’est moi

(Louis XIV)


Alors voilà, Sarko est un président qui entend gouverner. On en a presque oublié qu’il avait un premier ministre. On en a même presque oublié qu’il avait un gouvernement d’ailleurs. Et c’est pas anodin. C’est bien conforme à ce que beaucoup craignaient : une forme d’absolutisme modernisée.

Du coup, il se fait augmenter de 172%, car c’est pas juste que le premier ministre touche plus que lui. C’est peut-être vrai. Peut-être bien qu’il est juste qu’un président qui gouverne touche autant qu’un premier ministre. Peut-être bien qu’on aurait dû abaisser le salaire de Fillon à la hauteur de celui de Sarko.

Et comme tout bon Roi Président absolu, il s’appuie sur la noblesse. Non de rang, mais de fric. Avec ses mesures de bouclier fiscal, certains contribuables se sont vus convoquer cet été par le fisc pour qu’on leur rende des chèques de 100 000 €.
Du coup, des mesures de bon sens, comme l’allongement du temps de cotisation ou la suppression des régimes spéciaux, deviennent sacrément plus indigestes pour le Tiers-Etat. Mais oui, on me répliquera que ces quelques petits chèques rendus aux grands contribuables ne sont qu’une goutte dans l’océan de la dette française.
Une goutte peut-être, mais qui pourrait avoir valeur de symbole. Seulement ce symbole-là, allez savoir pourquoi, Sarko n’entend pas l’imposer.

Copyrat draleuq 2008

draleuq, 11h29 :: :: :: [0 intervention abstruse]

14 Mai 2010 ::

« Bienvenue à Sarkoland - 2 : Le Petit Nicolas »

:: Paparatzi

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Bienvenue à Sarkoland - 1 : la présidentielle 2007
2. Bienvenue à Sarkoland - 2 : le petit Nicolas
3. Bienvenue à Sarkoland - 3 : décidément, je n'aime pas cet homme


Jeudi, j’ai été collé à cause du pétard (…)
Quand on s’est assis en classe, le Bouillon nous a dit : « regardez moi bien dans les yeux , tous ! Par votre faute, je suis obligé de rester ici aujourd’hui. Je vous préviens que je ne supporterai pas la moindre indiscipline ! Compris ? » Nous, on n’a rien dit, parce qu’on a bien vu que c’était pas le moment de rigoler. Le Bouillon a continué : « Vous allez m’écrire 300 fois : il est inadmissible de faire exploser des pétards en classe. »
(…)
Le directeur est entré, et le Bouillon lui a donné les feuilles. « Très bien, très bien, a dit le directeur. Je pense que ceci vous aura servi de leçon. Vous pouvez rentrer chez vous. » Et c’est à ce moment que pan ! un pétard a éclaté dans la classe et qu’on a tous été mis en retenue pour jeudi prochain.

René Goscinny (Le Petit Nicolas)


Pisque c’est ça, on va voter pour lui, na !

Ainsi donc, Nicolas a été élu. On ne peut pas dire que ce soit foncièrement une surprise. Il faut dire que tous les français ont unanimement contribué à le faire élire, les uns en le soutenant corps et âme, les autres en lui tirant dessus à boulets rouges par des méthodes nauséabondes qui ne feront jamais recette.

Tous ceux qui ont connu mai 68 vous le diront : les protestataires ont traité de Gaulle de facho, de dictateur, ils n’ont pas ménagé leurs accusations les plus violentes et les plus démesurées pour le descendre de son piédestal.
Et juste après les émeutes, lorsque le calme est revenu, il y a eu un référendum qui s’est soldé par un plébiscite, et même un raz-de-marée pour de Gaulle.

Au fond, les gens n’aiment pas les excessifs, les braillards, les bavoux.

Autre exemple, mais dans le sens inverse : Le Pen, de son propre aveu, n’a jamais été aussi libre de s’exprimer que lors de la campagne 2007. Il a pu pleinement profiter du régime égalitaire imposé par le CSA, et a bien fait en sorte d’apparaître plus « fréquentable » que jamais. Résultat des courses, il a fait 10 %, son score le plus nul depuis 20 ans.

Visiblement, les milliers de personnes qui ont fait essaimer pendant 15 jours dans toutes les boîtes mail de France et de Navarre les pièces jointes les plus navrantes que la terre ait engendrées, sensées nous convaincre que Sarkozy était un dangereux psychopathe, n’ont pas envisagé un seul instant qu’ils faisaient son jeu.

Prenons deux exemples parmi des dizaines d’autres.

Nanar de propagande à contre-emploi

D’abord, un « film » arrivé sous l’objet « FW: TR: Tr: FW: Sarkozy, à voir absolument !!!! »

Sur un fond d’écran noir, commence une musique de fin du monde qui ne cessera plus pendant les 10 minutes que va durer ce calvaire.
Les mots « populiste, ultra libéraliste, démagogue, communautariste, sécuritaire, calculateur » apparaissent les uns après les autres sur des coups de batterie dévastateurs.

On voit un extrait de journal : « un SDF handicapé a été condamné à deux mois de prison ferme… depuis des années, il prenait les transports en commun à Lyon sans payer. »
Pas de doute, c’est certainement Sarkozy qui a décroché son téléphone de son bureau de la Place Beauvau et qui a insisté pour qu’on saque sans pitié ce sale resquilleur de handiclochard !

Puis apparaît un salmigondis d’images de violences policières, non situées, non datées. Certaines d’entre elles remontent peut-être bien aux années 90, ou ont été tournées à l’étranger, mais peu importe, on n’est pas à ça près !
Et avant Sarkozy, les violences policières n’existaient pas, c’est bien connu ! (« CRS ! SS ! »)

Associations foireuses d’images avec un bout de discours en voix off : « Ceux qui ne respecteront pas la loi, on les tapera dur, et c’est bien pour ça que la police est là », dit-il, et pendant ce temps-là nous assistons à un passage à tabac à grands coups de rangers par une bande de keufs enragés.

Morceaux de discours tronqués, sortis de leur contexte, parfois juste deux mots au milieu d’une phrase pour faire croire que ce sont des synonymes : « (…) les jeunes, et les voyous (…) »

Ramassis de niaiseries numériques

Autre exemple, un mail intitulé « devinette », signé d’un certain « René Lecoustre » et qui est sensé singer le jeu « Question pour un Champion ».

Quelques morceaux choisis :
« Issu d'une famille hongroise qui a collaboré avec le régime Nazi durant la guerre (vraies archives de la "Stasi") et qui a fuit (sic) la Hongrie pour éviter le jugement pour collaboration. »

A mon tour de poser une question : comment reconnaît-on les vraies archives de la Stasi des fausses ?
Et quand bien même Sarkozy serait un fils de collabos, en quoi en serait-il responsable ?

« Ministre de l'Intérieur depuis 2002, j'ai mis en place de nombreuses lois liberticides et j'ai réussi à faire exploser l'insécurité (ce qui à permis à LE PEN d'être au second tour...) »

Trop fort le mec. Il arrive au Ministère de l’Intérieur après l’élection présidentielle de 2002, et comme il tire sur la liberté plus vite que son ombre, il réussit à remonter dans le temps et à faire passer Le Pen au second tour, puisque c’était le gouvernement Jospin qui était au pouvoir au moment des dites présidentielles !

« Je me suis fait photographier lui serrant la main [de George Bush] (photo qui rappelle la sinistre poignée de main entre Pétain et Hitler) »

Là, ça me laisse sans voix.

« Lors de l'affaire Clearstream, j'étais au courant dès le début que mon nom était présent dans les listings, liste que j'ai eue en main propre...mais j'ai laissé faire dans le but d'apparaître comme une victime, cela gagne de la sympathie dans l'Audimat. »

Ah, donc tu le sais alors, René, que victimiser quelqu’un ça lui apporte la sympathie de l’audimat, et donc de l’électorat. Et t’es en train de faire quoi, là, avec ton torche-balle, gros blaireau ?

« Il y a quelque mois, avide de prestance, j'ai dévoilé à la T.V qu'une opération d'arrestation de terroristes allait avoir lieu, ainsi j'ai risqué de faire échouer cette arrestation et mettre la vie des fonctionnaires de la DST et du RAID en danger... »

Putain, le mec, vachement bien renseigné quand même. On attend tes sources en vain, mais on te croit, hein, t’inquiète pas !

Bien entendu, j’ai laissé les fautes d’orthographe telles que. J’ajoute que l’ensemble est mal écrit comme tout, décousu, imbitable, bourré de fautes de style et de syntaxe. Bref, le torchon d’un bavou qui a cru bien faire, mais qui aurait mieux fait de s’enquiller une Kro devant PSG-OM sur canal+.

Sarkôme inopérable

Y’a de quoi être content ! C’est la plus grosse déculottée que la gauche ait prise à un second tour de présidentielle depuis belle lurette !
Il a de quoi exulter, le p’tit Nico, il a de quoi l’arborer, en user et en abuser, de son sourire Sarkastique que j’abhorre !

Et ne nous arrêtons pas là dans la connerie ! Continuons de plus belle !
Continuons à dire que Sarkozisme et Nazisme, ça fait une rime riche.
Continuons à brûler des bagnoles pour dire qu’on n’est pas content qu’il soit élu. Dans les banlieues, oui, brûlons les voitures des smicards, ceux qui ont voté Ségolène hier, mais qui voteront Sarkozy dans cinq ans, parce qu’il aura mis de l’ordre dans cette racaille nom de Dlà !
Continuons à lancer des pavés et des cocktails Molotov pour envoyer des CRS à l’hosto, comme ça on saura pourquoi y’a des caméras partout, et on n’aura plus à se demander pourquoi on est fliqué !
Continuons à le rendre responsable de tout ce qui ne va pas chez nous.
Je dors mal en ce moment, et j’ai mal partout. C’est de ta faute Sarko, espèce de fumier !
Mon couple part en vrille et chuis dégoûté, juste au moment où t’es élu. Ça doit sûrement pas être une coïncidence !
Je trouve ma vie vraiment pitoyable, et en cherchant bien, je parie que t’es encore là-dessous, pas vrai ?

Le Sarkôme, c’est sans doute l’expression la plus tangible du cancer qui ronge la France. On l’a tous élu, même ceux qui ont voté contre lui.

Une lueur de positivisme

La démocratie est le pire des systèmes, mais je n’en connais aucun autre


Winston Churchill


Maintenant il faut faire avec. C’est la loi de la majorité démocratique, celle que nos aïeux ont gagnée en répandant sang et larmes. Je m’étonne, à ce propos, que personne n’ait songé à soupçonner Sarko de fraude électorale, lui qui a la « mainmise sur tous les pouvoirs ».

Mais tout de même, soyons sérieux un instant : s’il essaie de faire passer ne serait-ce que le dixième des « lois liberticides » dont on lui prête l’intention, on peut compter sur 17 millions de ces « connards de français » (et pour une fois, c’est un con-pliment) pour être dans la rue dès le lendemain à brailler d’une voix unanime. Avec le pays paralysé, tout Sarkozy qu’il soit, il devra remballer ses billes.

Et puis avec ce que je viens de lui envoyer dans la tronche, logiquement, si on en croit ses détracteurs forcenés, cet article devrait être rapidement censuré, et je devrais être fusillé.
Alors attendons quelques jours pour voir :)


Chose incroyable, j’ai découvert dans le « Petit Quotidien » que le petit Nicolas avait été un enfant. C’est vrai que quand on le voit, on a toujours la bizarre sensation qu’il est né comme ça. Il accepte même d’en montrer au monde une photo, même s’il dit « ne pas avoir aimé son enfance ». Mais bon, il n’est pas le seul.
Allez petit Nicolas, montre nous que tu as gardé une âme d’enfant !

copyrat draleuq 2007

draleuq, 12h44 :: :: :: [1 déclaration infondée]

9 Mai 2010 ::

« Bienvenue à Sarkoland - 1 : la présidentielle 2007 »

:: Paparatzi

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Bienvenue à Sarkoland - 1 : la présidentielle 2007
2. Bienvenue à Sarkoland - 2 : le petit Nicolas
3. Bienvenue à Sarkoland - 3 : décidément, je n'aime pas cet homme


Il y a deux jours, on "fêtait" le troisième anniversaire de l'élection de Sarko à la présidence de la République. Plus de 70% des français étant mécontents de lui, ce qui correspond apparemment à un record à ce niveau d'un mandat présidentiel, je doute même qu'il ait été arroser ça au Fouquet's.
Ce que j'en disais à l'époque n'étant plus disponible depuis le suicide de mon blog, je me suis dit que c'était là une occasion de me permettre cette petite ratrospective.
Comme vous pourrez le constater, ça n'a globalement pas perdu grand chose de son actualité, bien au contraire.


Bilans bidon

J-9, J-8, J-7, nous répète-t-on à l’envi, et près de la moitié des électeurs sont encore très indécis sur le bulletin qu’ils vont glisser dans l’urne. Et on le serait à moins ! Tous les analystes politiques un tant soit peu sérieux répètent inlassablement que toutes les évolutions – bonnes ou mauvaises - de ces 20 à 30 dernières années, sont totalement indépendantes des gouvernements successifs.

Les « bons » chiffres de Sarkozy sur la baisse de l’insécurité ? Les violences aux personnes sont en augmentation, comme dans tous les pays occidentaux. Les cambriolages et vols sont en baisse, particulièrement les vols de voitures, mais c’est dû à l’amélioration des systèmes de sécurité et de surveillance.

Le chômage ? Il a suivi la courbe de la croissance – ou de la décroissance – économique, tout simplement. Et dans un contexte de mondialisation à outrance, les politiques n’ont presque plus aucune prise sur celle-ci.


Bilans des "trente foireuses", années ayant succédé
aux "trente glorieuses", selon l'historien Draleuq ;o)


Le théorème de l’alternance

Depuis 30 ans, de présidentielle en législative, on « sanctionne » le pouvoir en place et on met l’opposition sur le trône. Ce phénomène, constat d’échec répété, porte un nom : l’alternance. Il est à ce point rentré dans les mœurs que l’opposition n’hésite pas à l’employer en public, sans que nul ne s’en émeuve : « notre objectif est d’assurer l’alternance dans les meilleures conditions possibles ».

Dire cela, c'est reconnaître implicitement qu'après avoir pris le pouvoir aux mains de ces incapables, on devra le céder à nouveau. Par là-même, c'est reconnaître implicitement, avant même d'avoir été élu, sa propre incompétence.

Pourtant, l’opposition s’emploie de toutes ses forces à cette alternance, tandis que le pouvoir en place se débat comme un diable, sans trop y croire, pour tenter de faire cesser la malédiction. Il n’y a qu’à regarder, pour s’en convaincre, le pitoyable spectacle offert par les séances télévisées de l’Assemblée Nationale diffusées sur France 3.
Invariablement, c’est la même scène qui se répète.
Un ministre du pouvoir en place présente son projet ou répond vertement à une question posée par un député. Il se fait huer et siffler par les députés de l’opposition, au point qu’on ne l’entend plus et que le président doit donner de grands coups de marteau dans l’indifférence la plus totale. Si le dit ministre se voit reprocher son bilan, ou la dureté de sa mesure, il explique que si on en est là, c’est à cause du bilan déplorable qui lui a été légué par l’ancien pouvoir en place (donc l’actuelle opposition). Nouvelles huées et quolibets. C’est le chien qui se mord la queue. Le « c’est pas moi c’est l’autre » mille fois entendu dans la cour de récré.
En parlant de cour de récré, on nous précise que la dite émission télévisée est librement enregistrable pour être diffusée dans les établissements scolaires. Ai-je vraiment envie de montrer à mes élèves le pitoyable exemple donné par « l’élite » de mon pays ? Ai-je envie de montrer ce spectacle consternant à des êtres humains en devenir à qui j’explique chaque jour qu’il faut se parler, débattre, communiquer calmement, défendre ses idées tout en tolérant celles des autres, assumer ses responsabilités ?
Non, merci.

La continuance de l’alternité

Je ne peux donc que partager le désarroi des millions d’électeurs qui, encore aujourd’hui à J-7, désespèrent de sentir en leur for intérieur un nom émerger sur leur bulletin blanc immaculé. Si l’on excepte les doux rêveurs utopistes qui vont voter la clique à Arlette-Olivier-José-MarieGeorge, les fachos, inconscients et autres simples d’esprit qui vont voter Jean-Marie, la plupart des « sensés » vont « voter utile », c’est-à-dire pour Nicolène Sarkoyal, le seul bon et vrai parti démocratique unifié de l’alternance et de la continuité.
Si c’est la continuité qui tombe, ce ne sera que partie remise pour l’alternance. Et globalement, ce sera de toute façon la continuité.



Le premier vote utile vraiment utile

Il y a eu un espoir pourtant, oh, de courte durée.
Il m’est apparu, et pas qu’à moi semble-t-il, sous la menace de Nicolas Hulot. Quand j’ai vu que s’il se présentait, il était crédité de près de 12% des intentions de vote, je me suis dit : peut-être que pour la première fois depuis trente ans, le terme si souvent usité de « vote utile » ne sera pas usurpé.

Enfin un écolo qui se serait présenté en ne prétendant pas faire autre chose que de l’écologie.
Enfin un écolo qui n’aurait pas perdu toute crédibilité en restant les bras ballants au ministère de l’environnement, sous prétexte qu’il fait partie du « gouvernement de la gauche plurielle » et qu’il a les mains liées.
Enfin un écolo, surtout, qui arrête de nous prendre pour des cons et qui dit simplement, mais froidement, la terrible réalité, à savoir que le monde va bientôt crever de la folie des hommes.
Pas dans 1 000 ans.
Dans 50, peut-être 100 ans.
A une échéance que certains d’entre nous connaîtront, et que notre descendance immédiate connaîtra de toute façon.

Raison supérieure

Il y avait donc une raison supérieure, je dirais même une raison impérieuse, à voter Nicolas Hulot s’il se présentait.
Certes, ce n’est pas un politicien, et il n’a pas l’ambition de l’être.
Certes, il n’aurait de toute façon pas été élu.
Certes, un président de la république ne doit pas prendre en compte qu’un seul aspect de la vie de ses concitoyens, même s’il est extrêmement important.
Certes, le chômage et l’insécurité sont des problèmes préoccupants.

Les soucis qui préoccupent les candidats seront de toute façon très difficiles à régler, et quel que soit le gagnant, ce sera une gageure pour lui. Je ne prétends pas dire comment il doit s’y prendre, sinon j’aurais fait une carrière politique. A vrai dire, beaucoup de ces problèmes me paraissent dans l’immédiat insolubles.

Mais ces problèmes, malgré les drames humains qu’ils engendrent, devraient voir leur importance relativisée à l’aune d’une raison supérieure.
Car si rien n’est fait, bientôt, plus personne n’aura l’opportunité de se soucier ni du chômage, ni de l’insécurité, ni de l’immigration, ni de la délocalisation.
Si rien n'est fait, ce ne sera même plus la peine de faire de la politique.
Si rien n’est fait, le seul souci de chacun d’entre nous sera de survivre le plus longtemps possible dans un monde foutu par notre faute.
Si rien n’est fait, nous n’aurons plus qu’une seule alternative : mourir ou crever.

Pacte écologique mon c…

J’y ai cru jusqu’au bout, même si tous les spécialistes prévoyaient son retrait. Quand il a annoncé qu’il ne se présentait pas, ce fut un jour de deuil.
Nicolas, comment t’as pu me faire ça à moi ? Comment t’as pu nous faire ça à nous ?
Je ne dis pas que je ne te comprends pas, de ne pas vouloir te mêler à ce panier de crabes aux pinces longues, mais faut me comprendre, moi qui avais pour la première fois espoir d’utiliser ma carte d’électeur de bon cœur !

C’est vrai, tu as brandi ton pacte écologique. C’est vrai, ils l’ont tous signé. Pour s’empresser ensuite de te le carrer bien profond, excuse moi d’être vulgaire, mais c’est bien de ça qu’il s’agit.
Tu croyais quoi ? Tu croyais vraiment que la sauvegarde de la planète allait devenir leur souci n°1 ?
Je ne te croyais pas si naïf.
Résultat des courses, ils se chamaillent sur le patriotisme, le drapeau tricolore, la marseillaise, l’immigration clandestine, le ministère de l’identité française, la propension innée à être un criminel multi récidiviste, l’insécurité dans les banlieues, et blablabla, blablabla…
Et si un sujet, un seul, est absent des débats, c’est bien le péril de mort qui guette le monde entier.

Alors tu te révoltes, Nicolas, tu dis à la presse que tu es très déçu. On le serait à moins. Tu te sens trahi, sûrement, et un peu sans doute comme un taulard qui aurait ramassé la savonnette dans la douche.
Tu comprends sans doute, mais un peu tard, que la seule façon de faire entendre raison aux sourds-aveugles qui s’apprêtent à nous gouverner, c’était de te présenter et de les obliger à prendre des engagements non pas avant le premier tour, mais entre les deux tours, en échange d’une consigne de vote ou d’une neutralité de ta part.


T'es un lâcheur, Nicolas !
Mais on t'aime bien quand même, va...


Alors, maintenant que Nico nous a lâchés et que tous les autres, y compris la candidate « écologiste », sont brutalement frappés d’amnésie, que faire dimanche prochain ?

Bulletin blanc ?



C’est pas une mauvaise idée après tout.
Le blanc, c’est la couleur de la neige qui va se raréfier de plus en plus, à part bien sûr celle des canons. Faudrait pas non plus qu’on se prive de sports d’hiver, non mais…
C’est la couleur de la banquise qui recule, condamnant inexorablement certains animaux parmi lesquels l’ours polaire.


C’est aussi la couleur des calottes glaciaires qui fondent, ce qui, combiné avec l’effet précédent, va faire monter le niveau de la mer et la désaliniser, perturbant son équilibre fragile et facilitant les catastrophes telles que les inondations, les cyclones et les ouragans.
Mais c’est aussi un peu fade comme couleur, le blanc.
Alors pour changer, pour égayer, je vais vous proposer quelques alternatives.

Que diriez-vous d’un bulletin bleu, par exemple ?



C’est une couleur que tout le monde adore, le bleu. Le bleu des lagons polynésiens, le bleu d’un ciel d’azur.
C’est pourtant une couleur qu’on ne va pas tarder à maudire, lorsque la mer va monter, monter, submerger les côtes sur lesquelles 60% de la population mondiale est agglutinée.


L'europe après la fonte de toute la banquise
du pôle nord et des glaciers du Groënland


On va le maudire aussi, ce ciel bleu d’été, lorsqu’il va devenir un ciel bleu de printemps – été - automne, et qu’il ne laissera plus la place au moindre nuage susceptible de faire tomber une goutte de pluie pendant plusieurs mois. Et bienheureux s’il pleut l’hiver !

Vous prendrez bien un petit bulletin jaune ?



Dans les nuances que vous voudrez.
Jaune solaire comme cet astre merveilleux qui nous fait bronzer à la plage, et qui accompagne immanquablement ce si joli ciel azur dont nous parlions. Mais avec le trou dans la couche d’ozone, gare aux UVB si on ne veut pas cramer sur place, avec tout ce que ça peut supposer d’ennuis de santé derrière. Et puis à 40 degrés à l’ombre pendant plusieurs semaines, sans une goutte d’eau, sans un souffle d’air, lui aussi on va vite le fuir et le haïr.

Jaune ocre comme la terre qui va se transformer en croûte sous l’effet de la sécheresse, faisant crever la végétation, puis le bétail. Notre tour viendra ensuite.


Sécheresse en Afrique


Jaune sable comme le désert qui avance inexorablement. De plusieurs kilomètres par an, en certains endroits de la planète.

Ou alors vous pourriez opter pour un bulletin vert



Vert comme l’eau croupie qu’on regardera avec envie sans pouvoir la boire, jusqu’au jour où on devra la boire malgré tout, au risque d’en mourir.

Vert comme la végétation, vert comme les arbres des grandes forêts équatoriales, poumons de notre planète, essentielles à la survie de tous les animaux, nous compris. Pourtant, des milliers d’hectares disparaissent chaque année sous les haches et les tronçonneuses, et c’est autant de coups portés à notre capital d’oxygène.


Déforestation en Amazonie


Vert, c’est aussi la couleur de l’espoir paraît-il. Il disparaîtra lui aussi, avec le reste.

A moins que vous ne préfériez un bulletin rouge ?



Rouge comme les pompiers, dont on va voir passer les camions de plus en plus souvent, dans les rues.

Rouge comme le sang de centaines d’espèces d’animaux qui vont disparaître par notre faute.

Rouge comme notre sang qui va couler à flots dans les calamités naturelles déclenchées par la montée des eaux, le réchauffement de l’atmosphère, l’effet de serre, l’arrêt du Gulf Stream : cyclones, tempêtes, ouragans, typhons, tornades. Malgré son génie technique, l’homme est un fétu de paille face à la nature déchaînée.


Victime du cyclone Katrina, La Nouvelle-Orléans (USA)


Rouge comme toujours plus de sang qui coulera dans les caniveaux quand nous n’aurons plus assez de produits de première nécessité pour tout le monde et que de gigantesques et incontrôlables émeutes éclateront pour permettre aux plus forts de se les approprier.

Rouge comme le sang qui va se figer dans nos veines. Chaque canicule tuera des dizaines, des centaines de milliers de vieillards, de bébés, de personnes fragiles. Des maladies inconnues aujourd’hui dans nos contrées nous décimeront sans pitié. Le paludisme, avec l’arrivée des moustiques tropicaux. Le choléra pourquoi pas, avec l’eau potable qui viendra à manquer, ironie du sort, alors qu’on aura les pieds dans l’eau de mer !

Rouge comme l’alerte rouge, car le monde entier devrait décréter le plan ORSEC.

Enfin, vous pouvez aller au-delà de tout ça et choisir directement le bulletin noir



Une sinistre couleur, le noir. C’est même pas une couleur, d’ailleurs.
Symboliquement, ça représente le deuil, l’obscurité, le néant, le « plus rien du tout ». C’est ce qui arrivera à la fin, pour nous tous, l’espèce humaine.
Si c’est arrivé aux mammouths, aux aurochs et à des millions d’autres espèces, ça peut nous arriver à nous.
Je suis sûr que les dinosaures, s'ils avaient été capables de penser, ils auraient pensé qu'ils étaient indestructibles. Comme les hommes aujourd'hui.
Et même, on peut faire encore plus fort que les dinosaures et tous les autres : on peut provoquer notre propre extermination. C’est pas beau ça ? Des vrais lemmings !
Et dire qu’on se croit vachement fins.



Copyrat draleuq 2007

draleuq, 12h02 :: :: :: [3 éclaircissements pompeux]

6 Mai 2010 ::

« Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 3ème partie »

:: Histoire contemporaine, 1832

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 1ère partie
2. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 2ème partie
3. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 3ème partie


Les limites de « l’humanité » de la guillotine

De 1830 à 1875, la place Viarme[1] succède à la place du Bouffay pour les exécutions publiques à Nantes. Exécuteur à Angers, le bourreau Ganié convoite le poste de Joseph Deibler, exécuteur à Rennes, qui englobe alors Nantes. Il écrit au Ministre de la Justice qu’il « souhaite être nommé en remplacement du nommé Deibler si toutefois il vient à être révoqué pour cause de l’accident survenu à Nantes dans l’exécution du nommé Josset sur la place Viarme ».
Le 15/4/1861, un journal local raconte ainsi cet incident :

« Un incident très regrettable a marqué cette exécution. Le couperet de l’instrument a parfaitement produit la décollation, seulement, par la suite d’un mouvement musculaire, le corps du condamné a exécuté un mouvement de retrait tel que la séparation de la tête et du corps n’a pas été complète. Un des bourreaux a dû appuyer sur le couteau, tandis que l’autre tirait sur le tronc pour opérer la section de la partie charnue adhérente. »


Joseph Deibler non seulement ne sera pas destitué, mais son fils Louis lui succédera à Rennes en 1863, avant de devenir plus tard, en 1879, exécuteur en chef des arrêts criminels[2].
L’explication la plus plausible de cette « jalousie » est la suivante : le territoire englobé par le bourreau de Rennes est plus important que celui englobé par le bourreau d’Angers. Le bourreau de Rennes a donc davantage de « travail ». Aussi barbare que cela puisse paraître, pendant très longtemps, les bourreaux, un peu à la manière des commerciaux d’aujourd’hui, ne touchaient qu’un tout petit salaire fixe, la plus grosse partie de leurs revenus provenant de primes à l’exécution ! Il faudra attendre le début du XXème siècle et l’élection de présidents de la République tels qu’Armand Fallières (1906-1913), qui, opposé à la peine de mort, graciera presque systématiquement les condamnés à mort, pour que l’exécuteur obtienne des appointements fixes.



Carte postale montrant Macé, le bourreau de la Nouvelle-Calédonie,
"à la veille de sa 72ème exécution", nous précise-t-elle fièrement.


Victor Hugo et la peine de mort

Au XIXème siècle, la peine de mort s’est fait un ennemi de marque en la personne de Victor Hugo. Cela lui inspirera deux romans, tous deux des plaidoyers contre la guillotine : "Le dernier jour d’un condamné" (1829), et "Claude Gueux" (1834).
Même en exil, il poursuivra toute sa vie ce combat : il soutiendra les abolitionnistes à Genève, au Portugal, cherchera à obtenir la grâce de condamnés à mort sur les îles de Jersey et Guernesey par des lettres enflammées que lui seul pouvait écrire.
A ma connaissance, c’est lui qui a le mieux stigmatisé l’infamie de la guillotine, et en particulier celle de ses ratages. Au milieu de l’abondance de littérature qu’il a laissée sur le sujet, je choisis de vous livrer cet admirable extrait de la préface de 1832 de « Le Dernier jour d’un Condamné », écrite à l’occasion de la seconde édition :

« Du reste, disons-le, jamais les exécutions n’ont été accompagnées de circonstances plus atroces que depuis cette révocation du sursis de juillet, jamais l’anecdote de la Grève n’a été plus révoltante et n’a mieux prouvé l’exécration de la peine de mort. Ce redoublement d’horreur est le juste châtiment des hommes qui ont remis le code du sang en vigueur. Qu’ils soient punis par leur œuvre. C’est bien fait.
Il faut citer ici deux ou trois exemples de ce que certaines exécutions ont eu d’épouvantable et d’impie. Il faut donner mal aux nerfs aux femmes des procureurs du roi. Une femme, c’est quelquefois une conscience.
Dans le midi, vers la fin du mois de septembre dernier, nous n’avons pas bien présents à l’esprit le lieu, le jour, ni le nom du condamné, mais nous les trouverons si l’on conteste le fait, et nous croyons que c’est à Pamiers ; vers la fin de septembre donc, on vient trouver un homme dans sa prison, où il jouait tranquillement aux cartes : on lui signifie qu’il faut mourir dans deux heures, ce qui le fait trembler de tous ses membres, car, depuis six mois qu’on l’oubliait, il ne comptait plus sur la mort ; on le rase, on le tond, on le garrotte, on le confesse ; puis on le brouette entre quatre gendarmes, et à travers la foule, au lieu de l’exécution. Jusqu’ici rien que de simple. C’est comme cela que cela se fait. Arrivé à l’échafaud, le bourreau le prend au prêtre, l’emporte, le ficelle sur la bascule, l’enfourne, je me sers ici du mot d’argot, puis il lâche le couperet. Le lourd triangle de fer se détache avec peine, tombe en cahotant dans ses rainures, et, voici l’horrible qui commence, entaille l’homme sans le tuer. L’homme pousse un râle affreux. Le bourreau, déconcerté, relève le couperet et le laisse retomber. Le couperet mord le cou du patient une seconde fois, mais ne le tranche pas. Le patient hurle, la foule aussi. Le bourreau rehisse encore le couperet, espérant mieux du troisième coup. Point. Le troisième coup fait jaillir un troisième ruisseau de sang de la nuque du condamné, mais ne fait pas tomber la tête. Abrégeons. Le couteau remonta et retomba cinq fois, cinq fois il entama le condamné, cinq fois le condamné hurla sous le coup et secoua sa tête vivante en criant grâce ! Le peuple indigné prit des pierres et se mit dans sa justice à lapider le misérable bourreau. Le bourreau s’enfuit sous la guillotine et s’y tapit derrière les chevaux des gendarmes. Mais vous n’êtes pas au bout. Le supplicié, se voyant seul sur l’échafaud, s’était redressé sur la planche, et là, debout, effroyable, ruisselant de sang, soutenant sa tête à demi coupée qui pendait sur son épaule, il demandait avec de faibles cris qu’on vînt le détacher. La foule, pleine de pitié, était sur le point de forcer les gendarmes et de venir à l’aide du malheureux qui avait subi cinq fois son arrêt de mort. C’est en ce moment-là qu’un valet du bourreau, jeune homme de vingt ans, monte sur l’échafaud, dit au patient de se tourner pour qu’il le délie, et, profitant de la posture du mourant qui se livrait à lui sans défiance, saute sur son dos et se met à lui couper péniblement ce qui lui restait de cou avec je ne sais quel couteau de boucher. Cela s’est fait. Cela s’est vu. Oui.
Aux termes de la loi, un juge a dû assister à cette exécution. D’un signe il pouvait tout arrêter. Que faisait-il donc au fond de sa voiture, cet homme pendant qu’on massacrait un homme ? Que faisait ce punisseur d’assassins, pendant qu’on assassinait en plein jour, sous ses yeux, sous le souffle de ses chevaux, sous la vitre de sa portière ?
Et le juge n’a pas été mis en jugement ! et le bourreau n’a pas été mis en jugement ! Et aucun tribunal ne s’est enquis de cette monstrueuse extermination de toutes les lois sur la personne sacrée d’une créature de Dieu !
Au dix-septième siècle, à l’époque de barbarie du code criminel, sous Richelieu, sous Christophe Fouquet, quand M. de Chalais fut mis à mort devant le Bouffay de Nantes par un soldat maladroit qui, au lieu d’un coup d’épée, lui donna trente quatre coups de doloire de tonnelier, du moins cela parut-il irrégulier au Parlement de Paris : il y eut enquête et procès, et si Richelieu ne fut pas puni, si Christophe Fouquet ne fut pas puni, le soldat le fut. Injustice sans doute, mais au fond de laquelle il y avait de la justice.
Ici, rien. La chose a eu lieu après juillet, dans un temps de douces mœurs et de progrès, un an après la célèbre lamentation de la Chambre sur la peine de mort. Eh bien ! le fait a passé absolument inaperçu. Les journaux de Paris l’ont publié comme une anecdote. Personne n’a été inquiété. On a su seulement que la guillotine avait été disloquée exprès par quelqu’un qui voulait nuire à l’exécuteur des hautes œuvres. C’était un valet du bourreau, chassé par son maître, qui, pour se venger, lui avait fait cette malice.
Ce n’était qu’une espièglerie. Continuons.
A Dijon, il y a trois mois, on a mené au supplice une femme. (Une femme !) Cette fois encore, le couteau du docteur Guillotin a mal fait son service. La tête n’a pas été tout à fait coupée. Alors les valets de l’exécuteur se sont attelés aux pieds de la femme, et à travers les hurlements de la malheureuse, et à force de tiraillements et de soubresauts, ils lui ont séparé la tête du corps par arrachement. »[3]



Victor Hugo


Autres exécutions ratées avec la guillotine

Liste possiblement non exhaustive :

  • 15 juillet 1793 : Joseph Challier, chef révolutionnaire à Lyon, fut la victime du premier guillotinage à Lyon. Le couperet, manié par des mains néophytes, dut tomber trois fois et le bourreau dut achever la décollation au couteau. Tout ceci coûtera à la ville de Lyon une répression atroce, sous l’égide de Fouché notamment, au cours de laquelle les bourreaux maladroits seront eux-mêmes guillotinés.

  • 19 septembre 1793 : Besse, dit « Piarrissou », un colosse accusé de contre-révolution, fut le premier exécuté par la guillotine en Corrèze, à Uzerche. Le bourreau fit tomber 4 fois le couperet, sans succès. C’est sa femme qui acheva la besogne avec un couteau de boucher !

  • 25 février 1794 : David de Beaudrigue d’Escalone fut exécuté à Toulouse. Le bourreau dut faire tomber deux fois le couperet. Quand on examine l’affaire Calas[4], trente ans plus tôt, on se rend compte que c’était à l’acharnement antiprotestant d’un certain David de Beaudrigue, capitoul de la ville de Toulouse, que l’on devait l’exécution inique de Jean Calas. Alors celui guillotiné en 1794, est-ce lui ou son fils ? Je n’ai pas réussi à le déterminer. En tous cas si c’est lui, je n’aime pas trop dire ça, mais il ne l’a pas volé !

  • 4 juin 1794 : exécution de M. de Püs, du Chanoine Lavaissière et de M. de Gombaud, à Bordeaux. Le bourreau Peyrussan étant ivre, il dut faire tomber le couperet au moins trois fois pour chaque condamné.

  • 15 septembre 1798 : à Reims, le bourreau Jean Simon Demorest, ivre, arriva en retard à l’exécution et le couperet ne coupa pas bien le cou.

  • 23 juillet 1810 : à Sienne, en Italie, le bourreau, Henri Picler, dut faire tomber le couperet trois fois.


En conclusion, on peut dire que la guillotine a, malgré de bien regrettables « ratés », globalement « humanisé » l’application de la peine de mort, dans une société qui n’était de toute évidence pas prête à en exiger l’abolition[5]. Malgré l’horreur de ce spectacle sanglant, il est indéniable que pour le condamné lui-même, la mort était instantanée dans plus de 99 % des cas, ce qui évitait les odieux calvaires de l’Ancien Régime.
Pourtant, en simplifiant l’exécution de la peine capitale, il n’apparaît hélas que trop évident que — tout au moins pendant la période de la Révolution — la guillotine en a multiplié le nombre de façon vertigineuse. Le peuple aurait-il supporté sans rien faire autant de mises à mort durant les mois de Terreur, si celles-ci s’étaient accompagnées à chaque fois d’une longue agonie ?

_________________________________
1. Quelques dizaines d’années plus tôt, la Place Viarme fut également mortelle pour pas moins de deux généraux de l’Armée Catholique et Royale de Vendée : Jacques Cathelineau y fut mortellement blessé par un coup de feu tiré d’une fenêtre par un ouvrier cordonnier, le 29/6/1793. Quant à François Athanase Charette de La Contrie, plus connu sous le nom de Charette, dernier grand général de la Vendée, il y fut fusillé le 29/3/1796.

2. En 1870, la fonction de bourreau de province est supprimée. Il ne reste plus désormais qu’un seul « exécuteur en chef des arrêts criminels », secondé par plusieurs aides, qui devient responsable des exécutions sur tout le territoire métropolitain. Cette mesure s'accompagne de la suppression de l'échafaud, et bientôt d'une légère modification de la guillotine. Le nouveau modèle sera appelé "la guillotine Berger" et restera en vigueur jusqu'à l'abolition en 1981.

3. Dans la réédition récente de ce livre génial, que je vous recommande chaudement, l’éditeur apporte les précisions suivantes sur la préface de Victor Hugo :
« Le condamné dont il est question au début est en réalité Pierre Hébrard, exécuté en septembre 1831 à Albi.
Christophe Fouquet est en réalité François Fouquet, conseiller d’état sous Richelieu, père du futur surintendant des finances Nicolas Fouquet.
Henri de Talleyrand, comte de Chalais, fut décapité en 1626 pour avoir comploté contre Richelieu. Selon La Porte, il reçut vingt deux coups, selon Aubery, il en reçut trente quatre. Il semble en tous cas que Chalais cria jusqu’au vingtième. »


4. En quelques mots : en 1761, le fils aîné d’une famille protestante de Toulouse, Marc-Antoine Calas, se suicide en se pendant dans la boutique familiale. Afin d’éviter au jeune homme les obsèques infamantes réservées à l’époque aux suicidés, les autres membres de la famille cherchent à maquiller le suicide en meurtre. Mais le père, Jean Calas, est bientôt soupçonné d’avoir lui-même tué son fils, soi disant pour l’empêcher de se convertir au catholicisme. Bien que soumis à la question, Jean Calas proclamera son innocence jusqu’au bout. Marc-Antoine, ironie du sort, reçoit des obsèques de martyr chrétien. Quant à Jean, il sera roué et étranglé, son corps brûlé, son autre fils banni, ses filles mises au couvent. Grâce à un mémoire du Docteur Louis, mais surtout grâce à l’intervention de Voltaire (encore lui), toute la famille Calas est réhabilitée par Louis XV en 1765, et le capitoul David de Beaudrigue est destitué.

5. Il est à peu près de notoriété publique que si Badinter et Mitterrand étaient passés par un référendum, comme beaucoup le réclamaient en 1981, pour essayer d’abolir la Peine de Mort, les français s’y seraient opposés. Je me souviens avoir entendu aux infos, il y a quelques années (ceci était présenté par le journaliste de manière très anecdotique et n’avait pas fait les gros titres) que pour la première fois depuis 1981, un sondage donnait une majorité de français contre la peine de mort. Je ne pourrai pas dater ce sondage précisément, mais c’était plus de 20 ans après l’abolition !

draleuq, 18h52 :: :: :: [6 déclarations infondées]

5 Mai 2010 ::

« Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 2ème partie »

:: Histoire moderne, 1792

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 1ère partie
2. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 2ème partie
3. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 3ème partie


La planche naît… dans un concert !

Décidément, il manque quelque chose à la machine à décapiter du docteur Louis. C’est en tous cas l’opinion de Charles-Henri Sanson, le bourreau de Paris, qui veut à tout prix qu’on trouve un moyen de fixer le condamné dans la position horizontale en entravant ses mouvements.

Or, il se trouve que ce brave Sanson, en plus d’être un bourreau, est un mélomane, joueur de violon et de violoncelle. C’est ainsi qu’il a fait la connaissance de Tobias Schmidt, un facteur de clavecins allemand, qui lui a vendu plusieurs instruments. Les deux hommes se sont rendus compte qu’ils avaient en commun une passion pour le répertoire du compositeur Gluck, sont devenus amis et se réunissent de temps à autre pour un concerto à deux.

Sanson parle de tout à son ami Schmidt, y compris de son métier et des problèmes qu’il y rencontre. C’est ainsi qu’il s’est ouvert à lui de sa préoccupation.
Et ce jour-là, Schmidt, qui est aussi un excellent mécanicien, lui dit :
- Attendez, che crois que ch’ai fotre affaire, j’y ai bensé…
Il prend un crayon et trace un schéma sous les yeux de Sanson ébahi : il vient de dessiner la première guillotine, avec sa planche à bascule qui va devenir si tristement célèbre.
Devant la satisfaction du bourreau, Schmidt poursuit :
- Che ne foulais pas m’en mêler, barce que, foyez-fous, c’est la mort du prochain ; mais je vous foyais trop ennuyé ! Si nous rebrenions cette bedide air d’Armide que nous afons chouée l’autre chour ?
- De grand cœur, mon bon Schmidt ! répond Sanson.

Dès le lendemain, il court porter le dessin au docteur Guillotin, qui se montre enthousiaste.


Portrait de Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814), Musée Carnavalet. L'homme n’est resté célèbre que pour le nom qu’il donna à la guillotine, dont il fut l’inspirateur et le défenseur, mais en aucun cas le créateur. En défendant devant l’Assemblée la future machine à décapiter, un jour de 1791, il commet dans son enthousiasme quelques maladresses de langage qui déclenchent l’hilarité de ses pairs : « ce mode de supplice humanitaire n’entraîne point de souffrance. Le patient sent tout au plus une fraîcheur sur le cou (…) Avec cette machine, je vous fais sauter la tête d’un clin d’œil, et vous ne souffrez point ! »
Pourtant, Guillotin a accompli un tas d’autres choses bien plus louables : avant la Révolution, il demande à ce que les députés du Tiers-Etat soient au moins aussi nombreux aux Etats-Généraux que ceux du Clergé et de la Noblesse. Cela lui vaut un procès, mais il est acquitté et le Roi lui donne raison en 1788. Médecin, professeur d’anatomie à la Faculté de Paris, il est lui-même député du Tiers-Etat au moment des Etats Généraux de Mai 1789. Quand les députés trouvent porte close le 19 juin, c’est encore lui qui donne l’idée que l’Assemblée investisse la Salle du Jeu de Paume où sera prononcé le célèbre « serment du jeu de paume ». Il sera emprisonné sous la Terreur, mais libéré après l’exécution de Robespierre, contrairement à une idée très répandue mais totalement fausse selon laquelle il aurait été lui-même guillotiné. Après la Révolution, il quitte la politique et se consacre entièrement à la médecine. Devenu médecin chef à l’hôpital d’Arras, il est chargé sous le Consulat de mettre en œuvre le premier programme national cohérent de santé publique, dans le cadre duquel il cherchera notamment à propager la vaccination contre la variole. Certains lui ont prêté des regrets sur la création de la guillotine à la fin de sa vie, il semble bien que ce soit là encore une pure invention : jusqu’au bout, Guillotin fut persuadé d’avoir humanisé la peine de mort. La seule chose qu’il regretta vraiment, c’est qu’on ait baptisé la machine par son nom.


Lame oblique ou lame convexe ?

Pour arriver à la forme définitive (si je puis me permettre cet adjectif de mauvais goût) de la guillotine telle qu’elle allait rester au cours de ses presque 200 ans de sanglante carrière, il ne manque plus maintenant que la lame oblique.

L’anecdote qui conduisit au remplacement de la lame convexe par une lame oblique est assez célèbre car elle constitue une belle ironie du sort : c’est en effet Louis XVI lui-même qui eut cette idée, ne sachant pas encore que moins d’un an après il allait lui-même l’expérimenter à ses dépens.

Le 2 mars 1792, le docteur Guillotin et le bourreau Sanson sont convoqués au Château des Tuileries par le Docteur Louis, qui est aussi médecin personnel du Roi. En fait, c’est Louis XVI lui-même qui a demandé cette conférence : il se préoccupe de la jurisprudence criminelle de son Royaume, et surtout il est passionné par la serrurerie et le travail du fer ! Tous deux sont donc bien curieux d’examiner les plans de la « machine de Guillotin ».
Les visiteurs pénètrent dans le cabinet du Docteur Louis. Les deux confrères se saluent respectueusement. Guillotin tend à Louis le schéma dessiné par Schmidt et annoté par Sanson. Louis l’examine, assis à son bureau.
C’est alors que le Roi fait son apparition dans la pièce. Aussitôt, Louis se lève. Guillotin s’incline.
- Eh bien, docteur, qu’en pensez-vous ? dit le nouveau venu à Louis.
- Cela me paraît parfait, et justifie pleinement ce que Mr Guillotin m’en avait dit. Du reste, jugez par vous-même.
Et Louis tend le dessin au nouveau venu. Celui-ci le considère, puis secoue la tête :
- Ce fer en forme de croissant est-il bien là ce qu’il faut ? Croyez-vous qu’un fer ainsi découpé puisse s’adapter exactement à tous les cous ? Il en est qu’il ne ferait qu’entamer, et d’autres qu’il n’embrasserait même pas !
Le bourreau, très connaisseur, est frappé de la justesse de l’observation du visiteur, et en regardant le cou de ce dernier, il observe qu’il est musculeux et dépasse de beaucoup les proportions du croissant de Schmidt (!)
- Est-ce l’homme ? demande tout bas le Roi au docteur Louis en désignant du menton le bourreau qui jusqu’ici est resté en retrait.
Antoine Louis confirme d’un signe de tête.
- Demandez-lui son avis, reprend le Roi.
- Vous avez entendu l’observation de Monsieur[1] ? dit le médecin. Quelle est votre manière de voir sur la forme du couperet ?
- Monsieur a parfaitement raison, répond Sanson. La forme du couperet pourrait amener quelques difficultés.
Le roi sourit de voir sa théorie ainsi confirmée, prend une plume sur le bureau de son médecin et corrige le dessin d’un trait oblique.
- Du reste je puis me tromper, ajoute-t-il, et lorsqu’on fera des expériences, il faudra essayer des deux manières.
Puis le Roi se lève et se retire en saluant de la main.

C’est la seconde fois que Charles-Henri Sanson rencontre le Roi[2]. La troisième – et dernière – fois, ce sera pour l’exécuter avec la machine à laquelle il vient de contribuer !

Essai transformé

Le 17 avril 1792, le Docteur Louis assiste aux « expériences » qui ont lieu dans la cour de la prison de Bicêtre. On a fait rentrer les prisonniers dans leurs cellules, mais ceux-ci observent avec curiosité ce « spectacle » de leur fenêtre.
On décapite successivement trois cadavres, aimablement fournis par les hospices de Paris. Les deux premiers essais, effectués avec la lame oblique, réussissent parfaitement. Le dernier, avec la lame convexe, échoue. La cause est entendue : le couperet sera oblique.

Huit jours plus tard, le 25 avril 1792, en Place de Grève, la guillotine tranche parfaitement le cou de sa première victime vivante[3], le bandit Nicolas Pelletier. La foule, habituée à de grandes fêtes populaires à l’occasion des exécutions, est déçue par l’aspect expéditif de celle-ci et se met à huer le bourreau ! Ce brave populo est très loin alors de se douter qu’un an plus tard, il sera tellement écœuré par les pleines charrettes quotidiennes de condamnés à mort qu’il désertera quasiment les rues.

Après quelques hésitations entre « Louison » ou « Louisette », du nom du Docteur Louis, et « Guillotine », du nom du Docteur Guillotin, c’est finalement ce dernier vocable qui sera employé spontanément par le peuple pour qualifier la machine.
A ce surnom ordinaire s’ajouteront bientôt toutes sortes de sobriquets : la cravate à Capet, l’abbaye de Monte-à-Regret, la bascule, le glaive des lois, la lucarne, le vasistas, le rasoir national, la planche à assignats, le rasoir à Charlot, la petite chatière, la veuve, le raccourcissement patriotique…

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1. Louis XVI tenait à garder l’incognito durant cette conférence.

2. Charles-Henri Sanson avait rencontré Louis XVI pour la première fois à Versailles le 19 avril 1789, suite à un courrier qu’il lui avait écrit pour se plaindre de ne plus recevoir ses appointements de bourreau, et de ne plus pouvoir faire face à ses créanciers (il avait notamment hérité des importantes dettes de son père).
Louis XVI le reçut, l’écouta, et lui dit que les caisses de l’état étant vides, il ne pouvait rien faire pour le moment pour qu’il soit payé, mais il lui fit rédiger un « sauf-conduit » qui lui permettrait d’échapper à ses créanciers :
« De par le Roy
Sa Majesté voulant donner au sieur Charles-Henri Sanson le moyen de vaquer à ses affaires, lui a accordé sauf-conduit de sa personne pendant trois mois, pendant lesquels sa Majesté fait défense à ses créanciers d’exercer contre lui aucune contrainte ; à tous huissiers, sergents ou autres de l’arrêter ni inquiéter ; et à tous concierges et geôliers des prisons de l’y recevoir, à peine de désobéissance, d’interdiction de leur charge et de tous dépens, dommages et intérêts (…) »
En sortant, le bourreau croisa la reine Marie-Antoinette et la princesse, qu’il trouva magnifiques. Plus tard, il racontera avoir eu ce jour-là un triste pressentiment à la vue de toutes ces Royales Personnes qu’il admirait.


3. Il y en aura des milliers d’autres jusqu’en 1981…

draleuq, 22h37 :: :: :: [2 constatations éclairées]

4 Mai 2010 ::

« Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 1ère partie »

:: Histoire moderne, 1789

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte trois :
1. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 1ère partie
2. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 2ème partie
3. Genèse de la guillotine, un supplice humanitaire - 3ème partie






Le monstrueux éventail de l’Ancien Régime

Sous l’Ancien Régime, il existait de multiples types de supplices qui dépendaient à la fois du crime commis et de la condition du coupable.
Ainsi, les bandits de grand chemin (tels Mandrin ou Cartouche) étaient roués vifs, les parricides (assassins d’au moins un de leurs parents) devaient subir l’amende honorable avant le supplice, c’est-à-dire la mutilation du poing droit, les régicides (tels Ravaillac ou Damiens) étaient écartelés à quatre chevaux, les autres criminels de droit commun étaient généralement pendus. Toutes ces peines pouvaient s’accompagner de différentes tortures et mutilations avant leur exécution. Les nobles qui devaient mourir (notamment pour trahison) étaient décapités sur un billot, ce qui était considéré comme un privilège dû à leur rang car il s’agissait d’une mort rapide et « sans douleur ». Sous Richelieu, ce fut le cas par exemple du comte de Montmorency-Bouteville, qui provoqua le Cardinal en venant se battre en duel juste sous sa fenêtre, ou du comte de Chalais, un conspirateur. Ce dernier montra d’ailleurs, et il n’en fut pas le seul exemple, que la décapitation à l’épée était loin d’être une science exacte !


« Le supplice de la Roue », eau-forte de Jacques Callot
extraite des « misères et malheurs de la guerre » (1633)


Le 28 novembre 1789, le Docteur Guillotin, député du Tiers-Etat de Paris à l’Assemblée Nationale, dépose une motion demandant à ce que la peine de mort soit appliquée de façon uniforme, sans distinction de classe, et que ce soit la décapitation, qu’il considère comme le moyen le plus rapide, le plus sûr et le moins douloureux.
La première partie de la motion est adoptée le 1er décembre 1789 par des députés qui avaient, il faut le dire, presque tous reçu des doléances de leurs électeurs pour l’abolition des anciens supplices.

Sanson n’aime pas les épées

Pour la seconde partie de la motion, en revanche, sur la décapitation, il faudra encore attendre.
Ce n’est que le 5 juin 1791 que l’Assemblée Constituante décrète que tout condamné à mort aura la tête tranchée.
En apprenant cela, Charles-Henri Sanson, alors bourreau de Paris, remet un mémoire au ministre de la justice :

Mémoire d’observation sur l’exécution de la peine de la tête tranchée avec la nature des différents inconvénients qu’elle représente, et dont elle sera vraisemblablement susceptible.
Pour que l’exécution puisse se terminer selon l’intention de la loi, il faut que, sans obstacle de la part du condamné, l’exécuteur se trouve encore être très adroit, le condamné très ferme, sans quoi l’on ne parviendra jamais à terminer cette exécution avec l’épée sans qu’il arrive des scènes dangereuses. A chaque exécution, l’épée n’est plus en état d’en faire une autre : étant sujette à s’ébrécher, il faut absolument qu’elle soit repassée et affilée à nouveau ; s’il se trouve plusieurs condamnés à exécuter au même instant, il faudra donc un nombre d’épées suffisant et toutes prêtes. Cela prépare des difficultés très grandes et presque insurmontables.
Il est à remarquer encore que très souvent les épées ont été cassées en pareilles exécutions.
L’exécuteur de Paris n’en possède que deux, lesquelles lui ont été données par le ci-devant parlement de Paris. Elles ont coûté 600 livres pièce.
Il est à examiner que lorsqu’il y aura plusieurs condamnés qui seront exécutés au même instant, la terreur que présente cette exécution, par l’immensité du sang qu’elle produit, (…) portera l’effroi et la faiblesse dans l’âme du plus intrépide de ceux qui resteront à exécuter. Ces faiblesses produiront un spectacle invincible à l’exécution. Le sujet ne pouvant plus se soutenir, (…) l’exécution deviendra une lutte et un massacre.
A en juger par les exécutions d’un autre genre, qui n’apportent pas à beaucoup près les décisions que celle-ci demande, on a vu les condamnés se trouver mal à l’aspect de leurs complices suppliciés (…) : tout cela s’oppose à l’exécution de la tête tranchée avec l’épée. (…)
Il est donc indispensable, pour remplir les vues d’humanité que l’Assemblée Nationale s’est proposée, de trouver un moyen qui puisse fixer le condamné, au point que l’exécution ne puisse devenir douteuse, et par ces moyens éviter les longueurs (…) Par là, on remplira l’intention du législateur, et on se mettra à couvert de l’effervescence publique.


Peut-être peut-on aussi expliquer cette défiance de Charles-Henri Sanson pour les épées, sans vouloir nier la valeur des arguments qu’il décline, par le fiasco qu’il subit lui-même le 9 mai 1766 en Place de Grève en ratant la décapitation du Comte de Lally-Tollendal[1], un général condamné à mort pour trahison. Ce jour-là, c’est le père de Charles-Henri, Charles Jean-Baptiste (pourtant atteint de paralysie depuis qu’il a fait une attaque 12 ans auparavant !) qui doit se saisir de l’épée pour achever le pauvre comte de Lally, en sa qualité de chef-bourreau.


Thomas Arthur Comte de Lally Tollendal – François-Marie Arouet, dit Voltaire


Le rapport du Docteur Louis

En tous cas, le mémoire de Sanson produit son petit effet et ne tarde pas à remonter au législateur, qui commande aussitôt un rapport (eh oui, en ce temps-là, on commandait déjà des rapports !) au Docteur Louis[2], secrétaire perpétuel de l’académie de chirurgie. Ce dernier rend sa copie un peu plus tard :

M. le ministre de la Justice (…) juge qu’il est de nécessité instante de déterminer avec précision la manière de procéder à l’exécution de la loi, dans la crainte que si, par la défectuosité du moyen, ou faute d’expérience et par maladresse, le supplice devenait horrible pour le patient et pour les spectateurs, le peuple, par humanité, n’eût l’occasion d’être injuste et cruel envers l’exécuteur, ce qu’il est important de prévenir.[3]
J’estime que (…) les craintes sont bien fondées. L’expérience et la raison démontrent également que le mode en usage dans le passé pour trancher la tête à un criminel l’expose à un supplice plus affreux que la simple privation de la vie, qui est le vœu formel de la loi : pour y parvenir, il faut que l’exécution soit faite en un instant et d’un seul coup ; les exemples prouvent combien il est difficile d’y parvenir.
Personne n’ignore que les instruments tranchants n’ont que peu ou pas d’effet lorsqu’ils frappent perpendiculairement : en les examinant au microscope, on voit qu’ils ne sont que des scies plus ou moins fines qu’il faut faire agir en glissant sur le corps à diviser. On ne réussirait pas à décapiter d’un seul coup avec une hache ou un couperet dont le tranchant serait en ligne droite (…)
En considérant la structure du cou, dont la colonne vertébrale est le centre, (…) il n’est pas possible d’être assuré d’une prompte et parfaite séparation en la confiant à un agent susceptible de varier en adresse par des causes morales et physiques ; il faut nécessairement, pour la certitude du procédé, qu’il dépende de moyens mécaniques invariables, dont on puisse également déterminer la force et l’effet. C’est le parti qu’on a pris en Angleterre ; le corps du criminel est couché sur le ventre entre deux poteaux barrés par le haut par une traverse, d’où l’on fait tomber sur le cou la hache convexe au moyen d’un déclic. Le dos de l’instrument doit être assez fort et assez lourd pour agir efficacement (…) : on sait que sa force augmente en raison de la hauteur d’où il tombe.
Il est aisé de faire construire une pareille machine, dont l’effet est immanquable ; la décapitation sera faite en un instant, selon l’esprit et le vœu de la nouvelle loi ; il sera facile d’en faire l’épreuve sur des cadavres et même sur un mouton vivant. (…)


L’Assemblée est convaincue par cet exposé scientifique et mandate le Docteur Louis pour établir un devis. Celui-ci s’adresse à un certain Guidon, fournisseur habituel des bois de justice, en lui donnant toutes les caractéristiques d’une machine qui n’est alors qu’un précurseur de la guillotine, dépourvue de la fameuse « planche » et dotée d’une lame convexe « en forme de croissant ». Mais le devis de Guidon, d’un montant total de 5 660 livres, apparaît comme excessif au Ministre des Contributions Publiques, qui le refuse. Cette machine-là ne sera jamais construite.

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1. Né en 1702, Thomas Arthur de Lally Tollendal est envoyé en tant que gouverneur des établissements français de l’Inde. Il est battu à Madras en 1760 par les britanniques commandés par le Général Eyre Coote, qui le contraindra finalement à capituler à Pondichéry, deux ans plus tard. C’est cette reddition qui lui vaudra sa condamnation à mort lorsqu’il reviendra en France. Tout comme pour le Chevalier de la Barre, exécuté le 1er juillet de la même année (celui-là, Charles-Henri Sanson ne le ratera pas), Voltaire se battra pour la réhabilitation de Lally-Tollendal, avec le fils de ce dernier. Ils obtiendront la révision du jugement en 1778, mais celle-ci conclura à une confirmation de la condamnation. Ce sera le dernier combat de la vie du vieux philosophe, mort en 1778.

2. Antoine Louis, né en 1723, fut probablement, à l’instar d’Ambroise Paré, le chirurgien le plus doué de son temps. Il se forma dans les armées de Louis XV d’où il tira un remarquable « cours de chirurgie pratique sur les plaies par armes à feu ». Accoucheur doué, il étudia la césarienne et le forceps. Homme des Lumières, anatomiste prodige, il rédigea la plupart des articles de l’Encyclopédie liés à cette discipline et contribua largement à la réhabilitation de Jean Calas en publiant un mémoire permettant de différencier le suicide par pendaison et l’assassinat par strangulation. Il réduisit également les indications de la saignée et en stigmatisa les effets (rappelons que cette pratique rétrograde avait notamment coûté la vie de Mozart !) Il fut le maître d’autres grands chirurgiens, tels que Dominique Larrey, célèbre médecin de la Grande Armée de Napoléon, considéré comme le père de la médecine d’urgence. Antoine Louis mourut le 20 mai 1792, à peine un mois après la première exécution par la guillotine, à laquelle il avait contribué en réalité bien plus que Guillotin.

3. Le bourreau Sanson s’était d’ailleurs fait une belle frayeur quelques années plus tôt à Versailles, lors de l’exécution du parricide Louschart.

draleuq, 18h18 :: :: :: [5 assertions ineptes]